Les systèmes d’assainissement tels que nous les connaissons aujourd’hui sont voisins de ceux qu’ont pu connaître les grandes cités antiques. Mais c’est au XIXe siècle que les techniciens ont commencé à concevoir et dimensionner les systèmes d’assainissement selon un modèle encore largement répandu : le « tout à l’égout ». Ce principe répond à un concept très simple selon lequel il faut « évacuer le plus loin et le plus vite possible les eaux de toute nature ». Les centres villes ont alors commencé à s’équiper de réseaux unitaires dans lesquels un seul collecteur assure le transport des eaux usées et des eaux pluviales. Ce système, efficace et suffisant pendant près d’un demi siècle, atteignit ses premières limites (engorgements, inondations sans cesse croissante,…) avec l’accélération de l’urbanisation à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’augmentation des flux polluants dus aux rejets d’eaux usées fut à l’origine d’une réflexion et d’un système plus environnementalistes : le réseau séparatif. Toutefois, le bilan réalisé dans les années 70 fait apparaître un écart important entre les résultats escomptés et ceux réellement obtenus tant dans les zones équipées de systèmes unitaires que dans celles disposant de réseaux séparatifs. C’est à cette période qu’apparaissent les prémisses d’un nouveau mode de gestion : la gestion alternative, accompagnée de techniques nouvelles pour certaines, d’inspiration plus ancienne, plus traditionnelle pour d’autres que l’on appelle techniques alternatives. A l’inverse des systèmes d’évacuations souterrains « classiques », les techniques alternatives privilégient la maîtrise des ruissellements et des écoulements au plus près du point d’impact des eaux de pluie.
PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUE
La problématique
L’enjeu de cette recherche consistera à tenter de définir les éléments, de natures variées, tendant à freiner le développement d’une gestion écologique des eaux pluviales. Il s’agira de mettre en évidence un certain nombre de facteurs limitant ou n’incitant pas les collectivités locales à recourir aux techniques, dites alternatives, de gestion des eaux de pluie. Cette recherche s’attachera à répondre à cette problématique dans un cadre particulier : l’espace urbain.
Les hypothèses
Hypothèse 1 : L’avis défavorable des DDASS concernant l’utilisation des eaux pluviales pour l’alimentation d’une partie des besoins domestiques.
Un certain nombre d’acteurs (associations écologistes, spécialistes de l’habitat passif,…) ont mis en évidence la possibilité, les techniques et les avantages que représentent l’utilisation des eaux de pluie afin d’alimenter une partie des besoins domestiques tels que les machines à laver ou les toilettes. Ces différents usages et techniques sont déjà employés dans d’autres pays et ont fait leurs avantages. Cependant, la réglementation française actuelle ne permet pas aux particuliers comme aux collectivités d’user des eaux pluviales tombées ou ruisselant sur leur terrain pour de tels usages. Cela est lié à l’avis défavorable émis par les DDASS concernant de tels usages. Toutefois, les particuliers ainsi que les collectivités ont la possibilité de faire une demande d’autorisation auprès de la DDASS pour de tels usages mais ces dernières ne sont que rarement délivrées. Tout cela ne participe donc pas à un développement significatif de la gestion dite « à la parcelle » des eaux pluviales.
Hypothèse 2 : L’absence de prise de conscience de la nécessité d’une stratégie de gestion spécifique des eaux pluviales .
Très peu de collectivités ont conscience de la nécessité de mettre en place, sur leur territoire, une stratégie de gestion spécifique des eaux pluviales et la plupart d’entre elles ont tendance à négliger ce domaine d’action. La gestion des eaux pluviales n’est pas jugée comme étant un domaine d’action majeur par les acteurs locaux, elle n’est donc pas une priorité pour ces derniers. Elle est souvent associer à l’assainissement et, plus particulièrement, à la gestion des eaux usées. La gestion écologique des eaux pluviales réclame indubitablement une prise de conscience de l’importance d’avoir, à l’échelle d’un territoire, une gestion différenciée des eaux pluviales.
Hypothèse 3 : La méconnaissance par un certain nombre d’acteurs (politiques, urbanistes,…) des techniques alternatives
Les techniques de gestion alternatives existent et sont utilisées dans d’autres pays, voire en France, depuis des dizaines d’années mais elles restent souvent méconnues par un certain nombre d’acteurs tels que les techniciens et les élus locaux. En effet, la gestion des eaux pluviales s’est longtemps limitée au « tout tuyau», c’est-à-dire que l’on a énormément développé les réseaux souterrains pour acheminer les eaux pluviales plus loin. Or les techniques alternatives consistent, pour la plupart, à prendre en charge ces eaux là où elles tombent en favorisant leurs infiltrations et en respectant au mieux leurs cheminements naturels. Bien que n’étant plus « nouvelles », les techniques alternatives sont toujours sources de nombreux a priori, notamment en ce qui concerne l’évolution de leur fonctionnement, dans le temps, leur conception, leur réalisation et leur entretien. A la méconnaissance, s’ajoute également la nécessité de changer les mentalités et les pratiques de ces acteurs, habitués à une unique réponse aux nécessités de gestion : le « tout tuyau ».
Hypothèse 4 : Le lobbying des sociétés en charge de la distribution d’eau potable et de l’assainissement des eaux usées.
Ces sociétés sont de très importantes sociétés françaises, leaders du marché à l’échelle mondiale. Elles sont donc très puissantes et exercent un important lobbying pour limiter le développement des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales. En effet, ces techniques induisent une baisse de la consommation d’eau potable et une baisse des volumes d’eaux usées à traiter et donc une baisse du chiffre d’affaire des entreprises concernées. De plus, la baisse des volumes d’eaux pluviales mélangées aux eaux usées a pour effet d’augmenter la concentration des polluants dans les eaux arrivants dans les stations d’épuration pour qui il devient alors nécessaire d’accroître l’efficacité des systèmes de traitement pour respecter les normes de rejet imposées par la réglementation.
Hypothèse 5 : Les limites techniques des modes de gestion alternative et leurs difficultés de mise en place.
A l’instar de toutes techniques, les modes de gestion alternative connaissent certaines limites communes ou propres à chacune d’entre elles. Ces limites peuvent être considérées comme importantes aux yeux de certains acteurs. Par conséquent, on peut penser qu’il est possible que ces limites soient à l’origine de la réticence de ces acteurs quant à user ou voir se développer ces techniques sur leur territoire.
DEFINITION DES TERMES DE L’ETUDE
Avant d’entamer toute réflexion, il convient de définir un certain nombre de termes afin de clarifier le domaine, les concepts, les théories,… auxquels nous devront faire référence au cours de cette recherche. Cette première partie aura pour objet la définition de ces termes donc de déterminer les limites de cette recherche.
L’écologie urbaine
L’état d’esprit dans lequel sera menée cette recherche s’inscrivant non pas totalement mais au moins partiellement dans ce concept qu’est l’écologie urbaine, nous allons élaborer notre propre définition de ce concept. Dans sa définition la plus restrictive, l’écologie urbaine ne s’intéresse qu’à l’écologie des organismes vivant dans une zone urbaine, organismes essentiellement représentés par les espaces verts et les animaux sauvages. Toutefois, cette définition semble trop limitative en terme de champs d’action lorsque l’on s’intéresse à l’urbanisme puisque, à priori, cette discipline de s’intéresse que très peu, voire pas, aux animaux sauvages. Comme l’indique Serge Thibault dans Les réseaux techniques urbains face à l’écologie urbaine, « l’écologie urbaine en tant que domaine scientifique et ensemble de pratiques s’est développée à partir de l’application au milieu urbain des méthodes de l’écologie « naturelle », apparue au XIXème siècle ». Il définit l’objet de l’écologie comme étant « la compréhension de l’organisation et du fonctionnement des milieux naturels ». L’écologie urbaine n’est donc pas l’application de l’écologie « naturelle » au milieu urbain mais l’application de ses méthodes puisque « les seuls critères écologiques ne suffisent pas à guider les décisions et les alternatives, car en faisant abstraction de la médiation des rapports socio-économiques et de pouvoir, les recommandations de l’écologie tiendrait du discours idéologique et velléitaire ». L’application de ces méthodes au milieu urbain s’est développée au cours du XXème siècle et c’est dans les études sociologiques de l’Ecole de Chicago que l’on trouve la première expression de l’écologie urbaine. L’écologie urbaine postule alors une interdépendance entre le citadin et son environnement urbain. La ville est décrite sous forme d’aires naturelles. Il y règne un mode de relation spécifique entre citadins, et la communauté urbaine est à la fois un modèle spatial et un ordre moral (Robert Park). Néanmoins, les études menées par les membres de l’Ecole de Chicago se limitent à l’analyse de la dimension sociale de la ville. On peut parler de « sociologie urbaine ». Cette définition semble correspondre d’avantage aux préoccupations des sociologues qu’à celles des urbanistes qui, elles, semblent «balayer » un spectre d’activités plus large.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
Partie I – DEFINITION DE L’OBJET DE RECHERCHE
A. PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUE
1/ La problématique
2/ Les hypothèses
B. DEFINITION DES TERMES DE L’ETUDE
1/ L’écologie urbaine
2/ L’hydrologie urbaine
3/ Eau de pluie ou eau pluviale ?
4/ Gestion écologique/gestion durable
5/ Espace urbain
C. STATUT JURIDIQUE, LEGISLATION ET REGLEMENTATION CONCERNANT
LES EAUX PLUVIALES
1/ Statut juridique des eaux pluviales
2/ La gestion des eaux pluviales dans les documents réglementaires locaux
D. LES PROBLEMES LIES AUX EAUX PLUVIALES EN MILIEU URBAIN
ET A LEUR GESTION ACTUELLE
1/ Une croissance des risques potentiels d’inondation
2/ L’eau de pluie, un facteur de pollution du milieu naturel
3/ Augmentation du poste assainissement dans le budget des collectivités locale
4/ Une réduction de l’alimentation des nappes souterraines
E. PRESENTATION DES PRINCIPALES TECHNIQUES ALTERNATIVES
Partie II – ANALYSE DE 3 COMMUNAUTES D’AGGLOMERATION
A. METHODOLOGIE
1/ Choix de l’échelle d’analyse
2/ La sélection de l’échantillon des Communautés d’Agglomération
3/ Des entretiens semi directifs
4/ Contraintes d’ordre pratique
5/ L’échantillon retenu
6/ Les fiches contextuelles
7/ Les limites de cette méthodologie
B. PRESENTATION DES RESULTATS PAR COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION
1/ La Communauté d’Agglomération du Douaisis
2/ La Communauté d’Agglomération Perpignan Méditerranée
3/ La Communauté de l’Agglomération Havraise
C. INTERPRETATIONS
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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