Du Club de Rome au rapport Brundtland
ย ย ย ย ย ย ย ย Le Club de Rome publie en 1972 le rapport Meadows, avec son titre รฉvocateur ยซ Halte ร la croissance ยป. Des scรฉnarios mondiaux, rรฉalisรฉs ร partir dโun modรจle couvrant ร la fois les champs ยซ รฉconomique, dรฉmographique et environnemental ยป, indiquent que la croissance de la production industrielle entraรฎnera ร terme un effondrement du revenu par habitant, de la ration alimentaire et, en consรฉquence, de la population mondiale. Cette production utilise en effet de plus en plus de matiรจres premiรจres et de ressources naturelles, et elle sโaccompagne dโune pollution croissante. La seule solution7, selon ce rapport, pour รฉviter une รฉvolution catastrophique serait de stabiliser la population, la production industrielle par habitant et la ration alimentaire. Il sโagit dโune solution issue de la thรฉorie de Malthus consistant ร limiter l’accroissement de la population et tendre vers une ยซ croissance zรฉro ยป. Dโoรน de nombreuses critiques se sont dรฉclenchรฉes et est lancรฉ le dรฉbat sur les liens entre ยซ dรฉveloppement รฉconomique ยป et ยซ protection de l’environnement ยป, lesquels รฉtaient considรฉrรฉs comme antinomiques. Les recommandations du rapport Meadows sont connues lorsque se tient la confรฉrence des Nations Unies sur lโEnvironnement humain ร Stockholm en 1972. Pour autant, le rapport Strong de la confรฉrence de Stockholm, organisรฉe par Maurice Strong, recommande aux pays en dรฉveloppement (PED) dโexplorer des modes de croissance et des structures sociales moins destructeurs du patrimoine naturel. Ce rapport spรฉcifie qu’il est nรฉcessaire mais aussi possible de concevoir et de mettre en ลuvre des stratรฉgies de dรฉveloppement socio-รฉconomique รฉquitable et respectueux de l’environnement, appelรฉes stratรฉgies d’ ยซ รฉcodรฉveloppement ยป. En 1972 encore, les Nations Unies lancent un plan dโaction et crรฉent un Programme pour lโenvironnement (PNUE9). A la notion dโ ยซ รฉcodรฉveloppement ยป est progressivement prรฉfรฉrรฉe celle de ยซ dรฉveloppement durable ยป, moins critique du marchรฉ. Le terme โ dรฉjร prรฉsent dans le Manifeste du parti รฉcologique de Grande-Bretagne, rรฉdigรฉ par Lester Brown en 1976 โ est proposรฉ en 1980 dans la Stratรฉgie mondiale de la conservation publiรฉe par lโUICN (Union internationale pour la conservation de la nature, crรฉรฉe en 1948), le WWF (Fonds mondial pour la nature, crรฉรฉ en 1961) et le PNUE, pour traduire lโobjectif de concilier le dรฉveloppement des sociรฉtรฉs humaines et la conservation de la nature. Cโest avec la Commission Brundtland10 que le dรฉveloppement durable a acquis une vรฉritable reconnaissance internationale. Cette commission travaille avec un profond souci de consensus et sโefforce, dans son rapport Notre avenir ร tous (1987), dโรฉnoncer de grands principes fรฉdรฉrateurs. On retient surtout que, pour รชtre durable, le dรฉveloppement ยซ doit rรฉpondre aux besoins du prรฉsent sans compromettre la capacitรฉ des gรฉnรฉrations futures de rรฉpondre aux leurs ยป. Cโest suite au rapport Brundtland que sera adoptรฉ le terme de ยซ sustainable development ยป, ou, en franรงais, de ยซ dรฉveloppement durable ou soutenable ยป.
Le paradigme รฉcologique : la durabilitรฉ ยซ forte ยป
ย ย ย ย ย ย ย ย Lโidรฉe centrale du concept de durabilitรฉ ยซ forte ยป ou รฉcologique est que le champ naturel est diffรฉrent du champ รฉconomique et social et le conditionne. Par ailleurs, les pressions anthropiques sur lโenvironnement dรฉpendent de lโรฉvolution des rapports sociaux : lโextension de lโappropriation privรฉe des ressources naturelles peut conduire ร leur รฉpuisement. Dans lโacception maximaliste du paradigme รฉcologique, il faut attribuer une valeur intrinsรจque aux รชtres naturels et ร la biosphรจre indรฉpendamment de leurs utilitรฉs รฉconomique et sociale. Dans une variante plus modรฉrรฉe, il suffit de prendre en compte les principales particularitรฉs19 des ressources environnementales : irrรฉversibilitรฉ de certains dommages, incertitude des phรฉnomรจnes de long terme (ce qui exige lโapplication du principe de prรฉcaution) et soumission aux lois de la thermodynamique .Ces caractรฉristiques impliquent que les ressources environnementales et le capital physique et humain ne sont pas parfaitement ยซ substituables ยป. Leur conservation exige le respect de certaines contraintes autres que la rente, la taxation ou lโattribution de droits de propriรฉtรฉ. La question des limites naturelles de la croissance รฉconomique se pose alors dans les termes suivants : (i) le taux dโรฉpuisement des ressources naturelles renouvelables ne doit pas dรฉpasser leur taux de rรฉgรฉnรฉration ; (ii) le taux dโรฉmission de polluants ne doit pas dรฉpasser les capacitรฉs dโassimilation naturelle et anthropique ; (iii) enfin, lโexploitation des ressources non renouvelables doit se faire ร un taux รฉgal ร celui de la substitution par des ressources renouvelables.
La notion dโexternalitรฉs ou dโeffets externes
ย ย ย ย ย ย ย ย ย Les activitรฉs habituellement considรฉrรฉes par la thรฉorie รฉconomique sont des activitรฉs marchandes qui aboutissent ร la fixation dโun prix monรฉtaire et ร la rรฉalisation dโun รฉchange volontaire. Certaines activitรฉs รฉconomiques dโun agent peuvent cependant affecter les ressources ou lโenvironnement des autres agents, cโest-ร -dire leur bien-รชtre. On dit quโelles exercent des effets externes ou des externalitรฉs sur les autres agents. Par ailleurs, lโenvironnement, et en particulier la forรชt entre dans la catรฉgorie des biens collectifs : il est non appropriable, non exclusif, souvent gratuit, et apporte dโemblรฉe un bien-รชtre ร la collectivitรฉ (y compris dans le cas oรน certains individus de la communautรฉ ne le consomment pas). En fait, sโagissant des externalitรฉs, ยซ ce sont les effets positifs ou nรฉgatifs quโentraรฎne lโactivitรฉ dโun agent รฉconomique ร lโextรฉrieur ou que subit cet agent en provenance de lโextรฉrieur. Ce sont des charges ou des produits extรฉrieurs au marchรฉ ยป. Autrement dit, il y a externalitรฉ lorsque lโaction de consommation ou de production dโun individu a une incidence sur le bien-รชtre dโun autre, sans que cette interaction ne fasse lโobjet dโune transaction รฉconomique. On dit qu’il y a externalitรฉ nรฉgative (ou effet externe nรฉgatif) quand un acteur engendre un coรปt chez un autre acteur, que ce dernier n’est pas en mesure de faire payer au premier. Le domaine environnemental est particuliรจrement frappรฉ par ces externalitรฉs nรฉgatives du fait que les ressources environnementales ne sont guรจre soumises ร un droit de propriรฉtรฉ ou une rรฉglementation particuliรจre. Chacun peut donc en disposer ร sa guise. Par contre, on dit qu’il y a externalitรฉ positive (ou effet externe positif) quand un acteur engendre un gain pour un autre qu’il n’est pas en mesure de lui faire payer. Alfred Marshall (1890) a mis en รฉvidence lโexistence dโeffets externes positifs sur lโรฉconomie (ou รฉconomie externe) dont lโexemple le plus รฉvident est celui de la promotion des ยซ รฉnergies renouvelables ยป qui peut รชtre considรฉrรฉe comme une faรงon de faire bรฉnรฉficier la collectivitรฉ dโexternalitรฉs positives puisquโil sโagit dโรฉnergies qui ne gรฉnรจrent ni augmentation de lโeffet de serre ni nรฉcessitรฉ de stocker des dรฉchets ร long terme. Il peut donc รชtre collectivement optimal de favoriser de telles รฉnergies a priori plus coรปteuses que les รฉnergies traditionnelles polluantes. Il en est de mรชme pour lโapiculteur et le verger. Alors que les abeilles fรฉcondent les fleurs des arbres fruitiers et permettent aussi au propriรฉtaire du verger de disposer de fruits, ce dernier permet aux abeilles dโobtenir du suc. Dans ce cas, les รฉconomies externes sont rรฉciproques. Pourtant, il existe aussi des externalitรฉs nรฉgatives (fumรฉe dโusine, nuisance des transports, pollution des eauxโฆ). Arthur Pigou (1920) a objectรฉ la thรจse de Marshall et a affirmรฉ que les effets externes peuvent aussi รชtre nรฉgatifs. Il dรฉcrit la pollution, par exemple, comme รฉtant une ยซ dรฉsรฉconomie externe ยป (coรปts ou dรฉsavantages causรฉs aux tiers) dans la mesure oรน les dommages quโelle provoque ne sont pas directement pris en compte par le marchรฉ. Le cas le plus parlant est celui des cours dโeau dans lesquels lโagent qui rejette des effluents affecte les conditions dโutilisation de lโeau en aval (alimentation en eau potable, baignade, pรชche), sans avoir ร en payer les coรปts induits (baignade interdite, usine de traitement des eaux, etc.). De la mรชme faรงon, lโencombrement routier est une externalitรฉ nรฉgative rรฉciproque pour laquelle le gรชneur est aussi gรชnรฉ.
La dรฉfaillance des marchรฉs en prรฉsence dโexternalitรฉs
ย ย ย ย ย ย ย ย Adam Smith comme Franรงois Quesnay ainsi que leurs prรฉdรฉcesseurs, dont les pensรฉs ont รฉtรฉ marquรฉes par la rรฉvolution scientifique qui avait impressionnรฉ le monde avec ses rรฉsultats plus convainquant dans le domaine de la physique, de la chimie et de la biologie, prรฉconisaient quโil existe un ยซ ordre naturel ยป de lโunivers. Cโest cette force naturelle propice (ou loi naturelle) que Smith appelait ยซ la main invisible ยป par le biais de laquelle lโรฉquilibre sโautorรฉgule spontanรฉment qui assure lโajustement automatiquement entre lโoffre et la demande dโun bien ou dโun service sur le marchรฉ. Franรงois Quesnay, lui aussi รฉtait convaincu quโil y a une force naturelle qui harmonise lโagriculture, la seule activitรฉ productive capable de produire le ยซ Produit Net ยป, une dรฉnomination quโil a donnรฉ a cette forme de surplus agricole. Dans le postulat classique, la recherche de lโintรฉrรชt individuel coordonnรฉe par cette force spontanรฉe aboutie ร lโintรฉrรชt gรฉnรฉral : lโรฉgoรฏsme de chacun et la recherche de son propre intรฉrรชt dรฉbouche sur le bien-รชtre collectif comme si chaque individu dans son action รฉtait guidรฉ par une main invisible. Cette main invisible constitue aussi un pilier de la thรฉorie รฉconomique nรฉo-classique. Le marchรฉ et la libre concurrence permettent dโallouer les ressources de maniรจre optimale. La somme des dรฉcisions individuelles mรจne ร un รฉquilibre de marchรฉ qui correspond ร la ยซ meilleure ยป situation possible au niveau global. Cette vision a รฉtรฉ mise en รฉquations dans un modรจle oรน tous les marchรฉs sont en รฉquilibre, par Lรฉon Walras (modรจle dโรฉquilibre gรฉnรฉral). Pareto, autre auteur nรฉo-classique, a montrรฉ que lโรฉquilibre de concurrence pure et parfaite coรฏncidait avec lโoptimum social ; c’est-ร -dire ร la situation prรฉfรฉrable dโun point de vue social puisquโon ne peut accroรฎtre le bien-รชtre dโun individu sans dรฉtรฉriorer celui dโau moins un autre (optimum de Pareto). Le grand rรฉsultat de la reprรฉsentation thรฉorique de rรฉfรฉrence (aboutissement thรฉorique des รฉcoles classique et nรฉoclassique) est donc la coรฏncidence entre รฉquilibre de concurrence parfaite et optimum social (premier thรฉorรจme du bien-รชtre). Dโores et dรฉjร , selon ces auteurs louant la vertu de la philosophie de lโordre, ยซ le systรจme de libertรฉ naturel fut considรฉrรฉ [โฆ] comme un ordre essentiellement bรฉnรฉfique qui, si lโon ne le perturbe pas, tend ร porter au maximum le bienรชtre de la sociรฉtรฉ dans son ensemble. Il incombait ร lโรฉconomie politique de maรฎtre en รฉvidence les relations systรฉmiques qui existent entre les phรฉnomรจnes caractรฉristiques du processus รฉconomique, tel que prix, coรปt, profit, salaire, rente et ยซ accumulation ยป, dans le cadre dโun systรจme cohรฉrent, et de faire ressortir lโordre naturel et bรฉnรฉfique de la vie รฉconomique ยป. Pourtant, le cas semble se prรฉsenter diffรฉremment dans certaines situations, le laisser-faire nโentraรฎne pas automatiquement une situation efficace. Par consรฉquent, lโintervention des pouvoirs publics est rendue nรฉcessaire en raison de lโexistence des dรฉfaillances de marchรฉ qui vont perturber lโรฉquilibre naturel du marchรฉ et rendre lโรฉquilibre concurrentiel non optimal. Pour autant, la microรฉconomie nรฉo-classique traditionnelle montre que les รฉchanges marchands et le libre jeu du marchรฉ, nโaboutissent ร une allocation efficace des ressources que dans la mesure oรน les hypothรจses du modรจle de concurrence pure et parfaite sont respectรฉes.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE I. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DU DEVELOPPEMENT DURABLE
ChapitreI. Le concept du dรฉveloppement durable
I. Historique du dรฉveloppement durable : du concept ร la mesure
1. La genรจse du dรฉveloppement durable
2. Les mesures et les dimensions du dรฉveloppement durable
3. Les deux paradigmes sur la durabilitรฉ
II. Economie des ressources naturelles
1. Les problรจmes de lโenvironnement
2. La rรจgle dโHotelling
ChapitreII. Les principales thรฉories et les diffรฉrents instruments ร la base de la gestion des ressources naturelles
I. La thรฉorie des externalitรฉs en รฉconomie de lโenvironnement
1. Les externalitรฉs et la dรฉfaillance du marchรฉ
II. La politique dโinternalisation des externalitรฉs
1. Les instruments รฉconomiques de correction des externalitรฉs
2. Les instruments rรฉglementaires de correction des externalitรฉs
PATIE II. LE TRANSFERT DE GESTION DES RESSOURCES FORESTIERES A MADAGASCAR
ChapitreIII. La situation forestiรจre ร Madagascar
I. Les problรจmes forestiers ร Madagascar
1. Contexte national et problรฉmatique
2. Les causes de la dรฉforestation et la dรฉgradation de la forรชt
II. Constat de la rรฉalitรฉ forestiรจre ร Madagascar
1. La sylviculture
2. Lโexploitation forestiรจre
III. Les avancรฉes en matiรจre de la prรฉservation de la forรชt malagasy
1. Les aires protรฉgรฉes
2. Les parties prenantes dans la gestion des aires protรฉgรฉes ร Madagascar
ChapitreV. Les politiques de gestion des ressources forestiรจres mise en ลuvre ร Madagascar
I. La Gestion Administrative des ressources forestiรจres ร Madagascar
1. Adoption de la nouvelle politique forestiรจre nationale
2. Le Plan National dโAction Environnementale (PNAE)
II. La gestion communautaire et locale des ressources forestiรจres ร Madagascar
1. La Loi GELOSE et le Dรฉcret GCF
2. La gestion forestiรจre par le VOI
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ANNEXES
ANNEXES
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