Pour cette première année dans le monde de l’enseignement dans le premier degré, un poste de professeur des écoles m’a été confié dans une classe de CM1-CM2. La gestion du double niveau m’a d’abord effrayée puis l’acceptation de la situation m’a permis de penser à l’organisation spécifique de cette classe. Je me suis donc posée plusieurs questions et j’ai ensuite dû faire des essais et des choix pour trouver une gestion de classe qui correspondait à mes élèves et à ma personnalité.
Vers la constitution des classes et des écoles
« Le mode de regroupement des élèves par niveau d’étude unique est apparu au cours du XIXe siècle en Allemagne, puis aux États-Unis et ailleurs pour constituer, après la révolution industrielle et l’urbanisation concomitante, une norme largement acceptée (Gayfer, 1991 ; Goodlad et Anderson, 1987 ; Kasten et Clark, 1993). Ce mode de regroupement des élèves serait issu du modèle industriel à l’intérieur duquel, à l’image de la chaîne de production, plus d’enfants seraient scolarisés à moindres coûts. Certes, devant l’augmentation importante du nombre d’enfants fréquentant l’école, un tel mode de regroupement facilitait la tâche des administrateurs scolaires. » .
La loi de 1886 a permis l’ouverture de nombreuses petites écoles dans lesquelles se retrouvaient des élèves ayant des niveaux et des âges très différents. Ces petites écoles demeurent : certaines sont regroupées en RPI (Regroupement Pédagogique Intercommunal), d’autres ont été fermées et les élèves sont alors acheminés dans des écoles de tailles plus importantes grâce à un réseau de bus de ramassage scolaire.
Les classes multi niveaux sont une réalité sur le territoire français. En effet, suite à une question écrite au Sénat, le ministère de l’Education Nationale indiquait en décembre 2013 que « l’enquête DECIBEL réalisée en juin 2012 par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, a recensé un pourcentage de 44,9 % d’élèves dans les classes à multi-niveaux. […] Ces classes se limitent souvent à deux niveaux d’enseignement. ». On apprenait ainsi que près de la moitié des élèves scolarisés en école primaire étaient dans une classe multi niveaux à la rentrée 2012-2013.
Définition
Une classe
Il existe plusieurs définitions permettant de nuancer la définition de classe. Excepté la définition relative à la pièce où les cours sont dispensés, les définitions font toutes ressortir une idée d’uniformité suivant un ou plusieurs critères.
Une classe est par définition (extrait du Larousse) : « Classe : latin classis, groupement de citoyens : Groupe, ensemble de choses, de personnes, etc., obtenu en réunissant celles qui ont des traits communs ; Ensemble d’individus défini en fonction d’un critère historique, sociologique, politique. » .
En théorie, une classe est donc un ensemble d’élèves ayant des caractéristiques similaires ou communes : un groupe homogène.
L’IFE (Institut Français de l’Education) et l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique, entité dissoute et remplacée par l’IFE) donnent une définition du mot classe : « Il désigne une section de l’école, une réunion d’élèves formant un groupe distinct sous la conduite d’un maître, correspondant à un certain degré d’enseignement au-dessus et audessous duquel se trouvent d’autres classes. » .
En réalité, et la nécessaire différenciation pédagogique le démontre, la classe est un lieu dans lequel se côtoient des élèves qui n’ont pas le même âge (redoublement ou année d’avance) et qui ne sont pas tous aux mêmes niveaux dans leurs apprentissages (niveaux hétérogènes : difficultés ou facilités d’apprentissages).
Une classe multi niveaux
Lors de mes recherches bibliographiques, j’ai trouvé plusieurs termes désignant ce que j’ai appelé ici une classe multi niveaux : classe multi niveaux (ou multiniveaux), classes multiprogrammes, multi cours, à cours double, multi grades, combinées, jumelées, à années multiples ou encore à niveaux multiples.
Une classe multi niveaux est une classe qui réunit plusieurs cours (moyens ou élémentaires par exemple) dans laquelle se côtoient des élèves qui n’ont pas le même âge et qui ne sont pas aux mêmes niveaux dans leurs apprentissages.
Il faut également noter que « le recours aux classes à cours multiples » n’est « jamais un choix pédagogique mais une contrainte liée à la répartition des effectifs d’élèves par niveau. ». En effet, il ne s’agit pas ici de classe dite multi âges où les élèves sont volontairement mis dans des classes de manière très hétérogène (échantillon aléatoire d’élèves) dans le but de développer d’autres compétences auprès des élèves. Ce type de classes se retrouve dans des écoles alternatives (Cf. Annexe 1 : Mode de regroupement des élèves).
Les différents types de classes multi niveaux
Une étude algérienne de 2015 reprend les conclusions de Simon Veenman concernant une étude sur les classes multi niveaux en 1995 . Les travaux de M Veenman indiquent qu’il existerait trois types de classes multi niveaux qui sont liés directement au contexte socioéconomique de la zone concernée :
Extrait du document de l’INRE (Institut National de Recherche en Education) :
● « Le premier : est constitué des régions urbaines à forte densité de population qui connaissent un déclin des taux d’inscription comme dans les pays : les Etats Unis, le Canada et la Grande Bretagne.
● Le deuxième : comprend des régions rurales à très faible densité de population comme dans les pays : la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Portugal, l’Autriche, la Finlande et l’Ecosse.
● Le troisième : Les CMN [Classe Multi Niveaux] sont plus que présentes dans les pays en voies de développement dans le but d’améliorer l’accès à l’enseignement primaire comme en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. » .
La classe multi niveaux, aujourd’hui
Les chiffres
Dans le monde
Les chiffres ci-dessous donnent la proportion de classes multi niveaux dans différents pays du monde :
❖ En Angleterre, en 2000, 25,4% des classes sont multi niveaux.
❖ En Australie occidentale, les classes multi niveaux représentent plus de 85% des écoles.
❖ Au Burkina Faso, 36% de l’ensemble des écoles contiennent des classes multi niveaux.
❖ Au Canada, en 1991, 16% des élèves étaient dans une classe multi niveaux.
❖ En Chine, en 1995, 51 % des écoles contiennent des classes multi niveaux ce qui représentent des proportions comprises en 12 et 36 % de classes multi niveaux suivant les provinces.
❖ Aux Pays-Bas, 53% des enseignants pratiquent dans une classe multi niveaux.
❖ Au Pérou, en 1998, 78% des écoles étaient multi niveaux (dont 89% en zones rurales).
❖ En Suisse, 23% des classes sont des classes multi niveaux.
Les classes multi niveaux sont répandues à travers le monde.
En France
Comme vu précédemment, à la rentrée 2012, la moitié des élèves scolarisés en France l’était dans une classe multi-niveaux et la plupart du temps dans une classe à double niveaux. Le tableau suivant est issu d’une étude de la DEPP (Direction de l’Evaluation de la Prospective et de la Performance). Il indique qu’en 2014, 63,4% des élèves du préélémentaire (maternelle) et 39 % des élèves d’élémentaire sont scolarisés dans des classes multi niveaux. On remarque que les zones rurales sont les zones qui regroupent le plus d’élèves bénéficiant de classe multi niveaux.
En France, la répartition des élèves par classe est du ressort du directeur de l’école où sont scolarisés les enfants et aura un impact sur les élèves et les enseignants. Ainsi, lorsqu’une école se retrouve avec un très fort effectif de CP et de CM2, la question se pose par exemple de créer une classe de CP-CM2 ou bien de répartir les élèves en plusieurs niveaux (CP / CPCE1 / CE1-CE2 / CE2-CM1 / CM1-CM2 / CM2).
En Mayenne
Le département de la Mayenne est composé de nombreuses zones rurales et sa population est répartie sur l’ensemble de son territoire. Dans le département, il y a actuellement 43 écoles maternelles publiques et 149 écoles élémentaires publiques pour 22 072 élèves . Les écoles comptent plusieurs niveaux TPS / PS / MS / GS (école maternelle), CP / CE1 / CE2 / CM1 / CM2 (école élémentaire) et l’ensemble des niveaux (9 niveaux) dans les écoles primaires.
La DSDEN (Direction des Services Départementaux de l’Education Nationale) de la Mayenne indique que : « La Mayenne se caractérise par des écoles comportant un faible nombre de classes puisque, sur 235 écoles publiques que compte le département de la Mayenne, 80,42% ont 5 classes ou moins. » .
Les classes à multiples niveaux sont donc une réalité du département de la Mayenne.
Le point de vue institutionnel
L’académie de Nantes
Le journal du Courrier de l’Ouest demandait lors d’une interview en 2012, à Madame Deloustal qui était alors Directrice Académique des Services de l’Education Nationale pour le département de la Mayenne si le fait d’avoir plusieurs niveaux dans une même classe était négatif ou positif pour la réussite des élèves. Elle indiquait alors que le fait d’avoir plusieurs niveaux dans une même classe ne serait pas négatif, au contraire « Bien sûr que oui, il y a des résultats satisfaisants quand on travaille à plusieurs niveaux. ». C’est donc à l’enseignant de connaître ses élèves et de permettre à chacun d’entre eux de progresser au mieux dans ses apprentissages.
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Table des matières
Introduction
A. Vers la constitution des classes et des écoles
I. Historique
II. Définition
i. Une classe
ii. Une classe multi niveaux
iii. Les différents types de classes multi niveaux
B. La classe multi niveaux, aujourd’hui
I. Les chiffres
i. Dans le monde
ii. En France
iii. En Mayenne
II. Le point de vue institutionnel
i. L’académie de Nantes
ii. La revue française de pédagogie
iii. L’UNESCO
III. Points de vue des enseignants et des usagers
i. Les enseignants
ii. Les élèves et les parents
IV. Questionnaire
i. Présentation du questionnaire
ii. Résultats et synthèse
iii. Eléments de critique du questionnaire
C. Enseigner dans une classe multi niveaux : mise en œuvre
I. Outils et organisation
i. L’emploi du temps
ii. Le cahier journal
iii. Les fiches de préparation
iv. Les affichages
v. La différenciation pédagogique
vi. Le numérique
vii. L’organisation spatiale de la classe
II. Organisation des enseignements
i. Organisation par niveau
ii. Organisation par cycle
iii. Décloisonnement
iv. Conduire les élèves vers l’autonomie
D. Pistes de recherche
I. Travailler en classe entière
II. Travailler en classe découpée
III. Les ateliers au cycle 3
IV. Le travail en projet
V. L’évaluation diagnostique
VI. Les évaluations formatives et sommatives
E. Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Annexes