Un conflit internationalisรฉ
Le cessez-le-feu de 1991 sous lโรฉgide des Nations Unies entรฉrina la fin des combats militaires dans la rรฉgion, mais il a par ailleurs accentuรฉ la bataille diplomatique qui entourait le conflit ร lโinternational depuis les annรฉes 1970. Le Maroc et le Front Polisario se sont trรจs vite intรฉgrรฉs au nouveau contexte gรฉopolitique mondial multilatรฉral, en militant chacun de leur cรดtรฉ auprรจs de la communautรฉ internationale. Ce militantisme avait pour objectif de rallier un maximum de pays ร la dรฉfense de leur cause, et faire valoir leur propre vision de la rรฉsolution du conflit. Dโun cรดtรฉ, le Maroc voulait faire reconnaรฎtre la ยซ marocanitรฉ ยป du Sahara occidental et de lโautre, le Front Polisario bataillait pour la reconnaissance de la RASD. Cette bataille diplomatique sโest en premier lieu exprimรฉe auprรจs de lโOrganisation des Nations Unies qui encadrait le processus de rรฉsolution du conflit.
Lโinscription du Sahara occidental sur la liste des territoires non autonomes par lโONU dรจs 1963, et la reconnaissance de lโexistence dโun conflit ร la suite du dรฉpart de la puissance espagnole du territoire en 1976, a immรฉdiatement donnรฉ au conflit du Sahara occidental une dimension internationale dโampleur. De plus, cette bataille sโest รฉgalement rapidement jouรฉe ร lโรฉchelle africaine par un lobbying auprรจs de lโOrganisation de lโUnion Africaine (OUA) de la part des deux belligรฉrants. La question du Sahara occidental a dโailleurs provoquรฉ une importante crise dรจs 1980 au sein de la jeune organisation africaine. Cette annรฉe-lร , le Front Polisario demanda lโadmission de la RASD en tant quโEtat africain. Pour la premiรจre fois en 1981, la RASD fut admise ร siรฉger lors dโune confรฉrence de lโOUA en tant que 51 รจme membre de lโOrganisation. Pour signifier son dรฉsaccord, le Maroc quitta la confรฉrence, suivi de dix-neuf autres membres de lโOUA. La crise arriva ร son apogรฉe en 1984 lors du 20 รจme sommet de lโOrganisation ร Addis-Abeba, lorsque lโOUA se prononรงa en faveur de lโadmission de la RASD en son sein. Depuis ce jour, le Maroc a refusรฉ de siรฉger au sein de lโOUA.
Le Maroc et le Front Polisario ont dรจs la naissance du conflit cherchรฉ ร internationaliser la question du Sahara occidental, en exerรงant une forte activitรฉ de lobbying pour trouver des soutiens auprรจs des acteurs internationaux. Cette internationalisation du conflit sโest intรฉgrรฉe au contexte gรฉopolitique de lโรฉpoque. En effet, le conflit est nรฉ en plein milieu de la guerre froide. Il sโest parfaitement insรฉrรฉ dans la problรฉmatique de lโรฉpoque, ร savoir lโaffrontement de deux visions du monde ร travers la formation de deux blocs de pays distincts. Si le Front Polisario, soutenu par lโAlgรฉrie, sโest rapprochรฉ du bloc de lโEst menรฉ par lโURSS, le Maroc รฉtait quant ร lui proche des anciennes puissances coloniales prรฉsentes au sein du bloc de lโOuest.
Lโinsertion du conflit au sein de la guerre froide, son internationalisation via le rรดle jouรฉ par lโONU et lโOUA, et lโimplication dโacteurs internationaux qui ont affichรฉ leur soutien ร un des deux protagonistes, ont contribuรฉ ร complexifier ce conflit dรฉjร trรจs ancrรฉ rรฉgionalement. Le soutien de lโAlgรฉrie au Front Polisario contre le Maroc a fait du conflit une crise politique rรฉgionale qui immobilise tout dรฉsir dโintรฉgration rรฉgionale. Ce processus dโinternationalisation du conflit nโa pas eu les effets escomptรฉs. Lโimplication dโun grand nombre dโacteurs ajoutรฉe aux รฉchecs successifs de rรฉsolution du conflit sous lโรฉgide des Nations Unies a participรฉ au blocage de la situation au Sahara occidental, et ce jusquโร aujourdโhui.
Un conflit gelรฉ
Cela fait quarante et un ans que le conflit au Sahara occidental existe et nโa toujours pas รฉtรฉ rรฉsolu. Sโinscrivant dans la durรฉe, le conflit est un des plus vieux conflits territoriaux non rรฉsolus ร lโheure actuelle dans le monde. Depuis la crรฉation de la MINURSO en 1991 et sa prise de fonction dans la rรฉgion, aucune sortie de crise nโa pu รฉmerger. La tentative de rรฉfรฉrendum en 1992 avortรฉe, les plans de rรฉsolution du conflit qui ont รฉtรฉ proposรฉs par lโONU et les diffรฉrents envoyรฉs spรฉciaux du Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations Unies au Sahara occidental nโont pas pu faire avancer la situation. Les รฉchecs se sont succ รฉdรฉs et ont gelรฉ durablement le conflit. Ce blocage effectif depuis plusieurs dizaines dโannรฉes nโest toutefois pas exempt de tensions qui ne font que retarder la sortie de crise, et dessinent les contours dโune instrumentalisation politique effective de la part des diffรฉrents acteurs du conflit.
Les diffรฉrentes tentatives de rรฉsolution du conflit
La tentative dโorganisation dโun rรฉfรฉrendum dโautodรฉtermination par la MINURSO en janvier 1992 et lโรฉchec qui en a dรฉcoulรฉ fut la premiรจre expรฉrience avortรฉe de rรฉsolution du conflit par lโONU. Malgrรฉ la non-tenue de ce rรฉfรฉrendum en 1992, la MINURSO a pris ses fonctions en 1991 avec quatre missions initiales : la surveillance du cessez-le-feu, le contrรดle de la rรฉduction de la prรฉsence des forces marocaines sur le territoire, la supervision de lโรฉchange des prisonniers de guerre, lโidentification et lโinscription des รฉlecteurs habilitรฉs ร voter, ainsi que lโorganisation dโun rรฉfรฉrendum libre et รฉquitable au Sahara occidental. A travers le travail de la MINURSO toujours prรฉsente aujourdโhui dans la rรฉgion, et les diffรฉrents plans de rรฉsolution initiรฉs, le conflit est depuis 41 ans ร la charge de lโONU.
Les dรฉsaccords successifs du Maroc et du Front Polisario sur la constitution de lโรฉlectorat pour le rรฉfรฉrendum ont conduit lโONU ร mettre de cรดtรฉ cette solution dรจs la fin des annรฉes 1990, en privilรฉgiant la voie du rรจglement politique nรฉgociรฉ.
La nomination en 1997 de James Baker, ancien secrรฉtaire dโEtat amรฉricain, au poste dโenvoyรฉ spรฉcial du Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations Unies pour le Sahara occidental sโeffectue dans ce sens. En 1997, le nouveau Secrรฉtaire gรฉnรฉral M.Kofi Annan entendait par cette nomination relancer le processus de rรฉsolution du conflit dans la rรฉgion. En 2000, le Plan Baker est rendu public. Il proposait une ยซ large autonomie locale ยป dans le cadre de lโEtat marocain. Le Royaume serait en charge de mener ร bien la politique de dรฉfense et des affaires รฉtrangรจres du territoire autonome. Ce plan fut bien accueilli par Rabat, mais il a รฉtรฉ rejetรฉ par le Front Polisario et lโAlgรฉrie, qui souhaitaient fermement lโorganisation dโun rรฉfรฉrendum dโautodรฉtermination.
Cette proposition dโune troisiรจme voie fut directement battue en brรจche. En 2003, James Baker divulgua un deuxiรจme plan de rรฉsolution du conflit. Le Plan Baker II souhaitait รฉtablir une autoritรฉ au Sahara occidental pour une durรฉe de cinq annรฉes, dans le but dโorganiser ร terme un rรฉfรฉrendum auquel les Marocains non originaires de la rรฉgion mais y vivant pourraient y participer. Ce plan ajoutait รฉgalement une nouvelle option au rรฉfรฉrendum pour proposer ยซ une autonomie permanente ยป. Le Conseil de sรฉcuritรฉ de lโONU qualifia alors cette rรฉsolution de ยซ solution politique optimale ยป, mais cโรฉtait sans compter la non-approbation des deux protagonistes du conflit, qui refusรจrent lโexรฉcution dโun tel plan, campant respectivement sur leur solution. Ce nouvel รฉchec entรฉrina lโexercice de lโenvoyรฉ spรฉcial James Baker qui dรฉmissionna. Le blocage รฉtait alors consacrรฉ. Depuis, les parties nโont effectuรฉ aucun compromis dans lโoptique de trouver une solution au conflit. La bataille diplomatique entre les deux acteurs nโen a รฉtรฉ que davantage renforcรฉe, et ce notamment par lโintermรฉdiaire dโune activitรฉ intensive de lobbying ร lโinternational. Au cลur de la problรฉmatique, lโONU nโa quant ร elle jamais tranchรฉ sur la question , et chaque annรฉe, que ce soit les rรฉsolutions annuelles reconduisant les mandats de la MINURSO ou les dรฉclarations du Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations Unies soumis au Conseil de sรฉcuritรฉ, tous mettent en avant le blocage dans lequel se trouve le conflit, appelant les parties ร la nรฉgociation en vue dโune solution politique au conflit.
Confrontรฉe ร une situation de statu quo totale, lโONU, dans lโimpasse, a accueilli avec bienveillance le projet dโautonomie pour le Sahara occidental soumis par le Royaume chรฉrifien en avril 2007. Le projet consacre la souverainetรฉ marocaine et se veut une alternative au droit ร lโautodรฉtermination du peuple sahraoui, solution dรฉfinitivement รฉcartรฉe par Rabat. Sur la base dโune comparaison avec le modรจle des autonomies espagnoles en vigueur, la proposition du Maroc prรฉvoit un Parlement et un gouvernement autonome pour les habitants des provinces du Sahara occidental. Un partage de compรฉtences serait mis en place entre le gouvernement national ร Rabat et le gouvernement local au Sahara. La gestion des affaires sahariennes reviendrait au pouvoir autonome, quant aux affaires รฉtrangรจres, et la dรฉfense, elles resteraient aux mains de Rabat. Ce plan รฉlaborรฉ avec lโaide du conseil des tribus sahraouies (CORCAS) crรฉe en 1070 par Hassan II a รฉtรฉ examinรฉ par lโONU qui a mis en avant la crรฉdibilitรฉ de la solution marocaine, en rappelant toutefois que toute solution devrait รชtre mutuellement acceptable, et devrait faire rรฉfรฉrence aux rรฉsolutions du Conseil de sรฉcuritรฉ qui mentionnent le droit ร lโautodรฉtermination des populations locales. Le Front Polisario a immรฉdiatement rejetรฉ le plan marocain rรฉfutant la consรฉcration de la souverainetรฉ marocaine sur le territoire du Sahara occidental, et a rรฉitรฉrรฉ sa position favorable ร un projet alternatif qui prรฉserve le droit ร lโautodรฉtermination du peuple sahraoui. Les entretiens informels menรฉs depuis lโexamen de la proposition marocaine entre 2009 et 2012 avec notamment les nรฉgociations de Manhasset nโont abouti ร aucune รฉvolution dans la rรฉsolution du conflit. Les deux protagonistes ne se sont toujours pas rรฉsolus aux compromis, et nโont donc pas rรฉussi ร se mettre dโaccord sur une base de discussion dans le but dโentamer des nรฉgociations.
Le gel du conflit se veut durable en dรฉpit des tentatives de la communautรฉ internationale . Aujourdโhui, le conflit au Sahara occidental est bloquรฉ et lโONU ne peut que constater la situation de fait dans laquelle se trouve actuellement le territoire. Aucune autoritรฉ administratrice nโest reconnue par les Nations Unies, mais le Maroc est depuis 1976 prรฉsent sur 80% du territoire, administrant de fait la rรฉgion du Sahara occidental avec pour ambition de lโintรฉgrer au reste du territoire national.
Les Nations Unies ont par consรฉquence une trรจs faible marge de manลuvre pour rรฉsoudre ce conflit, dโautant plus que les missions initiales de la MINURSO ont รฉtรฉ rรฉduites ร la surveillance du cessez-le-feu et ร la rรฉduction des risques dโexplosion des mines datant de la guerre entre le Maroc et le Front Polisario. Le conflit est donc bloquรฉ durablement du fait de lโimpasse du processus politique, des tensions constantes entre le Maroc et lโAlgรฉrie qui soutient diplomatiquement et รฉconomiquement le Front Polisario depuis le dรฉbut de la crise, du fait dโune division de plus en plus accrue de la sociรฉtรฉ sahraouie lasse de ce conflit, et de lโaggravation de la situation humanitaire dans les camps de rรฉfugiรฉs sahraouis dirigรฉs par le Front Polisario au sud de lโAlgรฉrie. Ces diffรฉrents aspects aboutissant ร la non-rรฉsolution du conflit restent constants si ce nโest quโils sโaggravent chaque annรฉe qui sโรฉcoule.
On les retrouve dโailleurs tous conjuguรฉs en 2016 lors de la crise diplomatique sans prรฉcรฉdent entre le Maroc et le Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations unies, M. Ban Kimoon.
Les derniers dรฉveloppements du conflit illustrent la situation de blocage de conflit
Les considรฉrations politiques des diffรฉrents acteurs du conflit empรชchent la tenue de nรฉgociations et rendent difficile une sortie de crise potentielle. Les protagonistes campent chacun sur leur position. Le Maroc est pour lโautonomie de la rรฉgion dans le cadre du respect de lโintรฉgritรฉ historique de son territoire, et le Front Polisario appuyรฉ par le voisin algรฉrien gardent lโautodรฉtermination du peuple sahraoui comme principe cardinal dans la rรฉsolution du conflit. Les deux parties sont elles-mรชmes bloquรฉes dans leur proposition de sortie de crise en liant directement la lรฉgitimitรฉ de leur systรจme politique ร leur succรจs dans ce conflit. En effet, la politique marocaine de peuplement et de dรฉveloppement socio-รฉconomique rend inรฉvitable la solution de lโautonomie pour le royaume qui ne cesse de surenchรฉrir sur lโargument de lโintรฉgritรฉ territoriale dans la dรฉfense de son point de vu. Du cรดtรฉ des Algรฉriens et des indรฉpendantistes du Front Polisario, lโautodรฉtermination ne peut รชtre รฉvincรฉe de la solution pour le Sahara occidental. Pour lโAlgรฉrie, soutien indรฉfectible du Front Polisario et adversaire constant du Maroc au sein de la rรฉgion, la dรฉfense du principe de lโautodรฉtermination est indiscutable, car cโest ce processus qui lโa conduit vers lโindรฉpendance en 1962. Aller ร son encontre ce serait dรฉlรฉgitimer son propre pouvoir politique . Les positions des acteurs sโexpliquent par des raisons idรฉologiques et sont au fondement de leur engagement, ce qui rend inconciliable les points de vue des diffรฉrentes parties. Une sortie de crise ne peut รชtre envisagรฉe si une des parties sort vaincue du conflit. Les protagonistes sont de fait enfermรฉs dans une logique du tout gagnant ou rien.
La crise diplomatique entre le Maroc et le Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations Unies, Ban Ki-moon en mars 2016 illustre la situation de lรฉthargie dans laquelle se trouve le conflit. Aucune sortie de crise ne ressort, mais les tensions sont belles et bien persistantes entre les acteurs. La visite du Secrรฉtaire gรฉnรฉral ร Alger du 5 au 7 mars 2016 avait pour objectif de relancer les nรฉgociations pour la rรฉs olution du conflit. Ban Ki-moon, alors en visite dans les camps de rรฉfugiรฉs prรจs de Tindouf et ร Bir-Lahlou (zone contestรฉe et sous contrรดle du Front Polisario), a provoquรฉ la rรฉaction du Maroc lorsque celui-ci a รฉvoquรฉ un ยซ rรฉfรฉrendum sur lโautodรฉtermination ยป et a utilisรฉ le terme ยซ occupรฉ ยป pour parler de la prรฉsence du Maroc au Sahara occidental. Les paroles du Secrรฉtaire gรฉnรฉral ont รฉtรฉ vรฉcues comme ยซ une insulte ยป envers le peuple marocain pour Rabat, et comme ยซ une ineptie juridique et une erreur politique grave ยป . Le Maroc a prรฉcisรฉ quโ ยซ aucune rรฉsolution du Conseil de sรฉcuritรฉ nโa utilisรฉ une telle terminologie ยป . Le 13 mars 2016, une marche rassemblant plusieurs milliers de Marocains a รฉtรฉ organisรฉe par lโEtat marocain pour dรฉnoncer la tenue des propos du Secrรฉtaire gรฉnรฉral. La polรฉmique nโa ensuite fait que prendre de lโampleur. Le 14 mars, Ban Ki moon sโest plaint du ยซ manque de respect ยป du Maroc envers sa personne et envers les Nations
Unies auprรจs du ministre des Affaires Etrangรจres marocain, M. Salaheddine Mezouar. Ce ร quoi le Maroc a rรฉpondu en menaรงant la stabilitรฉ du cessez-le-feu au Sahara occidental et en arrรชtant sa contribution volontaire versรฉe ร la MINURSO.
Cette menace sโest associรฉe du retrait de 83 membres dont 75 membres du personnel civil de la MINURSO prรฉsents au Sahara occidental. Ils ont รฉtรฉ expulsรฉs par le Maroc le 20 mars 2016. Cette situation de crise ouverte entre le Maroc et le Secrรฉtaire gรฉnรฉral des Nations Unies sโest dรฉroulรฉe peu de temps avant le renouvellement du mandat de la MINURSO en avril par le Conseil de sรฉcuritรฉ, et la remise du rapport annuel du Secrรฉtaire gรฉnรฉral sur la situation au Sahara occidental, ce qui prรฉsageait de nouveaux rebondissements au sein du conflit. Le 29 avril 2016, aprรจs la mรฉdiation de pays membres des Nations Unies au Conseil de sรฉcuritรฉ, les relations se sont apaisรฉes. Le mandat de la MINURSO a รฉtรฉ renouvelรฉ pour uneannรฉe supplรฉmentaire, tout en demandant activement que la mission onusienne retrouve rapidement ses pleines fonctions afin de pouvoir assurer son mandat. Dรจs juillet, le Maroc a autorisรฉ le retour de 25 membres de la composante civile de la MINURSO, et des nรฉgociations sont actuellement en cours pour le retour du reste du personnel expulsรฉ.
Cette crise diplomatique de grande ampleur est symptomatique des tensions qui entourent la rรฉsolution du conflit au Sahara occidental. Aucune avancรฉe nโa รฉtรฉ enregistrรฉe pour la rรฉsolution du conflit, en revanche la crise a occultรฉ le dรฉbat sur la nรฉcessitรฉ de trouver un rรจglement politique ร la question sahraouie en rendant encore plus difficile lโexercice de mรฉdiation de lโONU.
Lโenjeu politique du Sahara occidental nโest plus ร mettre en avant. Le blocage de la situation illustre la difficultรฉ de faire avancer des nรฉgociations pour la rรฉsolution du conflit. Le conflit est actuellement pris en รฉtaux entre une dynamique interne, car la question du Sahara occidental demeure une question de politique intรฉrieure pour les acteurs concernรฉs, et une dynamique internationale qui sโillustre au sein des organisations internationales. Cependant, la richesse de ce territoire ne rรฉside pas uniquement en termes de pouvoir politique pour les acteurs de la rรฉgion, elle est aussi de nature รฉconomique. Les ressources naturelles prรฉsentes au Sahara occidental reprรฉsentent un enjeu รฉconomique non nรฉgligeable pour les acteurs du conflit. Lโexploitation de ces ressources naturelles peut รชtre perรงue comme une source de revenus supplรฉmentaire pour le Maroc et le Front Polisario.
Un territoire stratรฉgique exploitรฉ pour ses ressources naturelles
Les 266 000 km qui composent le territoire du Sahara occidental sont riches en ressources naturelles. Malgrรฉ son aspect dรฉsertique , la rรฉgion a la chance dโรชtre bordรฉe ร lโouest par lโocรฉan Atlantique. Ces 1110 km de cรดtes lui assurent un accรจs maritime riche en ressources halieutiques. La sรฉparation du territoire disputรฉ en deux zones distinctes est issue de la guerre qui opposa le Maroc au Front Polisario dans les annรฉes 1970 et 1980. Elle donne lieu ร deux administrations du territoire diffรฉrentes, ce qui concerne รฉgalement les richesses du sous sol. Le Maroc dispose de 80% du territoire du Sahara occidental, tandis que la RASD gouvernรฉe par le Front Polisario contrรดle les 20% restants. La RASD ne bรฉnรฉficie dโaucun accรจs maritime ร lโouest du territoire. Dโimportantes ressources naturelles sont prรฉsentes sur ce territoire disputรฉ, et constituent un enjeu รฉconomique pour les deux acteurs du conflit qui exploitent ces richesses comme ils lโentendent, alors quโaucune souverainetรฉ nโest reconnue sur le Sahara occidental au niveau international. Ainsi, ร lโenjeu politique dโobtention de la souve rainetรฉ, sโajoute un enjeu รฉconomique qui participe ร lโaggravation de lโintensitรฉ conflictuelle au sein de la rรฉgion et ce malgrรฉ le cessez-le-feu de 1991. La bataille diplomatique se situe donc รฉgalement au niveau des richesses naturelles du Sahara occidental, celles-ci se caractรฉrisant par leur nature hautement stratรฉgique.
Le territoire du Sahara occidental, riche en ressources naturelles
Lโenjeu stratรฉgique de souverainetรฉ sur le territoire du Sahara occidental nโen est que plus grand du fait de la richesse de la rรฉgion en termes de ressources naturelles.
Lโadministration de fait du Sahara occidental, par le Maroc ร lโouest du mur de sable et de la RASD ร lโest, est issue dโun conflit essentiellement politique. Toutefois les richesses naturelles prรฉsentes sur le territoire constituent une source dโactivitรฉ hautement stratรฉgique pour ces acteurs, donnant au confit une dimension รฉconomique importante. Ce chapitre a pour objectif dโidentifier les ressources naturelles en prรฉsence sur le territoire du Sahara occidental. Deux ressources principales sont localisรฉes sur le territoire disputรฉ ; les ressources halieutiques et les ressources miniรจres. Enfin, la rรฉgion dispose รฉgalement de potentialitรฉs รฉnergรฉtiques en matiรจre dโhydrocarbures et dโรฉnergies renouvelables quโil convient de souligner รฉgalement dans ce chapitre.
Les richesses halieutiques
Avec ses 1110 km de cรดtes bordant lโocรฉan Atlantique, le territoire du Sahara occidental possรจde un espace de pรชche potentiellement stratรฉgique. Ces eaux sont dโailleurs reconnues pour รชtre parmi les plus poissonneuses du monde. Plusieurs espรจces sont prรฉsentes au sein de cet espace maritime. Les petits pรฉlagiques sont les espรจces les plus abondantes dans les eaux du Sahara occidental. Ce sont des espรจces de poissons vivants en surface ou en eaux peu profondes (sardines, maquereaux, anchoisโฆ). Les espรจces dรฉmersales qui vivent ร proximitรฉ des profondeurs de lโocรฉan sont รฉgalement prรฉsentes dans ces eaux. Ces espรจces souvent dรฉnommรฉes ยซ poissons blancs ยป ont une haute valeur marchande (cabillaud, lieu, merluโฆ). Egalement, les familles des thonidรฉs et des sparidรฉs (daurades) sont prรฉsentes dans les eaux bordant le territoire disputรฉ. Enfin, le poulpe, espรจce cรฉphalopodiรจre, est trรจs prรฉsent au sud du territoire du Sahara occidental, prรจs de Dakhla. La prรฉsence de ces diffรฉrentes espรจces au bord des cรดtes du Sahara occidental confรจre au territoire une attractivitรฉ รฉconomique certaine.
Les ressources halieutiques, cโest-ร -dire les ressources naturelles vivantes aquatiques (vรฉgรฉtales ou animales) constituent dโimportantes ressources รฉconomiques stratรฉgiques. Il faut considรฉrer les ressources halieutiques comme รฉtant des ressources naturelles aux fonctions essentielles pour lโhumanitรฉ, car elles contribuent ร la sรฉcuritรฉ alimentaire mondiale. Dans un contexte de hausse dรฉmographique mondiale, les ressources alimentaires sont perรงues comme des ressources stratรฉgiques pour lโavenir. De plus, le contrรดle de zones maritimes riches en ressources halieutiques reprรฉsente de plus en plus un enjeu รฉconomique pour les Etats du monde, car la forte hausse de lโactivitรฉ de la pรชche mondiale depuis les annรฉes 1970 a entraรฎnรฉ une diminution importante des stocks halieutiques mondiaux. Certains pays dรฉpendent de plus en plus des ressources de pรชche issues de pays รฉtrangers. Cโest le cas de lโEurope par exemple. La richesse halieutique des cรดtes Atlantique du Sahara occidental reprรฉsente donc un enjeu stratรฉgique ร lโรฉchelle mondiale.
Les ressources miniรจres
Les mines sont le deuxiรจme type de ressources naturelles localisรฉes sur le territoire du Sahara occidental. Une grande variรฉtรฉ de minerais est reprรฉsentรฉe sur lโensemble du territoire en question : fer, titane, manganรจse, or, argent, cuivre, uranium, et sel. Toutefois, ces minerais seraient prรฉsents en assez faible quantitรฉ au Sahara occidental. Un type de minerai est quant ร lui abondant et constitue la richesse du sous sol de la rรฉgion, le phosphate. Ce minerai est prรฉsent ร Boucraรข, ร environ 130 km de Laรขyoune, capitale marocaine des ยซ Provinces du Sud ยป situรฉe sur le territoire disputรฉ du Sahara occidental. La mine de ยซ PhosBoucraรข ยป dont lโexploitation est active depuis sa dรฉcouverte par les Espagnols en 1947 constitue un gisement important de phosphate. Le minerai extrait de la mine est รฉgalement reconnu pour sa qualitรฉ. Les rรฉserves de phosphate du Sahara occidental apportent une importante valeur ajoutรฉe au territoire, et notamment au Maroc qui administre de facto le territoire sur lequel se trouve la mine. Le Maroc est un des plus grands producteurs et exportateurs de phosphate ร lโรฉchelle mondiale. Selon lโUnited States Geological Survey (USGS), le Maroc est en 2015 le deuxiรจme producteur mondial de phosphate derriรจre la Chine en comptant la production issue du Sahara occidental.
Sa place au sein du marchรฉ de phosphate international est dโautant plus importante quโil dรฉtient les deuxiรจmes plus grandes rรฉserves mondiales prouvรฉes ร lโheure actuelle de phosphate, ainsi que les plus grandes rรฉserves potentielles toujours en tenant compte des rรฉserves localisรฉes au Sahara occidental. Le Sahara occidental sous administration marocaine renferme environ 1,6% des rรฉserves prouvรฉes de phosphate au Maroc. Elles sont estimรฉes ร 1,1 milliards de mรจtres cubes . La prรฉsence de phosphate au Sahara occidental relรจve donc รฉgalement dโun enjeu รฉconomique pour le Maroc qui consolide un peu plus sa position de principal producteur mondial de phosphate grรขce aux ressources prรฉsentes sur le territoire disputรฉ. Le Maroc associรฉ aux Etats-Unis et ร la Chine reprรฉsente 2/3 de la production mondiale de phosphate en 2015 selon lโUSGS. Dโautre part, disposer dโun gisement de phosphate comme celui de Boucraรข relรจve dโun intรฉrรชt stratรฉgique pour nโimporte quel acteur รฉconomique. En effet, les gisements de phosphate sont rares et sont mal rรฉpartis dans le monde, alors que lโutilisation du minerai est quant ร elle hautement rรฉpandue, et devrait lโรชtre encore plus dans les annรฉes ร venir . Le phosphate est principalement utilisรฉ dans lโagriculture. Il intervient dans la fabrication des engrais. Cโest une ressource naturelle hautement stratรฉgique car sa consommation est en augmentation dans le secteur agricole mondial du fait dโun
contexte de hausse dรฉmographique mondiale nรฉcessitant des besoins alimentaires croissants. Enfin, lโaugmentation dรฉjร effective de la consommation de phosphate dans le monde va rendre dโautant plus stratรฉgique les sites possรฉdant de grandes rรฉserves de ce minerai, comme lโest la mine de Boucraรข.
Des potentiels รฉnergรฉtiques en hydrocarbure et en รฉnergie renouvelable
Des travaux de recherche et dโanalyse gรฉophysique, ainsi que des รฉtudes sismologiques menรฉs par lโOffice national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) du cรดtรฉ marocain et par la SADR Petroleum and Mining Company du cรดtรฉ de la RASD ont รฉtรฉ rรฉalisรฉs au Sahara occidental qui ont mis en avant des potentiels pรฉtroliers sur le territoire disputรฉ. Ces potentiels se situent aussi bien sur terre (ยซ onshore ยป) quโen mer (ยซ offshore ยป).
Dโautre part, le Sahara occidental est un territoire qui offre dโimportantes potentialitรฉs pour le dรฉveloppement des รฉnergies renouvelables, en particulier lโรฉnergie solaire et lโรฉnergie รฉolienne. Dans un contexte mondial oรน le marchรฉ รฉnergรฉtique mondial est poussรฉ au dรฉveloppement des รฉnergies renouvelables, le territoire du Sahara occidental apparait dรจs lors comme un terrain attractif pour le dรฉveloppement de ce segment de lโindustrie de lโรฉnergie. Le territoire a lโavantage dโavoir de vastes espaces disponibles, et bรฉnรฉficie dโun ensoleillement direct fort et presque continu. Le soleil reprรฉsente un potentiel dโรฉnergie inรฉpuisable au Sahara occidental, ce qui confรจre ร ce territoire une attractivitรฉ certaine dans lโimplantation de centrales solaires, ainsi que pour le dรฉveloppement de projets en รฉnergie รฉolienne, notamment le long des cรดtes du Sahara occidental ou en offshore.
Ce potentiel ne peut laisser indiffรฉrent le Royaume du Maroc qui a dรฉveloppรฉ ces derniรจres annรฉes un vaste programme national en matiรจre dโรฉnergies renouvelables.
Le territoire du Sahara occidental regorge de ressources naturelles par la prรฉsence de ses eaux riches en poissons, ses minerais, ses potentialitรฉs en matiรจre รฉnergรฉtique grรขce ร la prรฉsence de pรฉtrole, ร la force de son soleil et de ses vents.
On peut รฉgalement rajouter les potentialitรฉs de son sol et de ses รฉtendues vides qui constituent un terrain propice pour lโagriculture. Ce potentiel a รฉtรฉ rapidement reconnu par le Maroc, pays administrant de fait 80% du territoire du Sahara occidental, ร travers lโimplantation de nombreuses serres visant au dรฉveloppement dโune agriculture intensive hors-sol de produits maraรฎchers.
Lโexploitation des richesses au Sahara occidental
Les diverses ressources naturelles prรฉsentes au Sahara occidental constituent un enjeu รฉconomique au sein du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario. Les deux acteurs souhaitent tous les deux bรฉnรฉficier des richesses que leur apporterait une souverainetรฉ entiรจre sur le territoire du Sahara occidental.
Aucun des deux acteurs nโexerce lรฉgalement ร lโheure dโaujourdโhui une souverainetรฉ sur ce territoire reconnu comme non-autonome par les Nations Unies. Toutefois, les ressources naturelles du territoire du Sahara occidental font actuellement lโobjet dโune exploitation par le Maroc dโun cรดtรฉ, et par la RASD dirigรฉe par le Front Polisario de lโautre. Rappelons que le Maroc, en tant quโEtat administrant de fait 80% du territoire du Sahara occidental, est le principal acteur de lโexploitation des ressources naturelles au Sahara. Le Front Polisario par lโintermรฉdiaire de la RASD, prรฉsent sur les 20% restants du territoire, manque de moyens pour exploiter le territoire sous son contrรดle, et communique peu sur le sujet. Dans ce chapitre, il sโagit de montrer comment sont gรฉrรฉes les ressources naturelles du Sahara occidental ร travers les diffรฉrents acteurs intervenant sur son sol dans le but dโexploiter et de commercialiser ces richesses.
Lโimplantation des entreprises marocaines
Le Maroc est le principal acteur de lโexploitation des ressources naturelles au Sahara occidental. Il administre 80% du territoire, et plus particuliรจrement les 1110 km de cรดtes qui composent le territoire ร lโouest. Aprรจs sโรชtre installรฉ dans la rรฉgion dans les annรฉes 1980, le Maroc a favorisรฉ lโimplantation des entreprises marocaines sur ce territoire.
La premiรจre entreprise marocaine sur le territoire du Sahara occidental est celle de Phosboucraรข, filiale ร 100% de lโOffice Chรฉrifien des Phosphates (OCP). Phosboucraรข est lโentreprise qui exploite la mine de phosphate prรจs de la ville de Boucraรข. Lโentreprise a รฉtรฉ crรฉe par les Espagnols en 1962 lorsquโils รฉtaient les administrateurs de ce territoire. Lorsque lโEspagne a quittรฉ le territoire en 1976, elle a lรฉguรฉ au Maroc 65% des titres de lโentreprise. Elle lโa associรฉ ร lโexploitation de la mine de Boucraรข en partenariat avec lโEntreprise Publique Espagnole (INI) qui exploitait jusque-lร seule la mine de phosphate. A partir de 2002, lโOCP acquiert la totalitรฉ des parts de Phosboucraรข, soit les 35% restants. Dรจs lors, elle est lโunique entreprise qui exploite les ressources en phosphate du Sahara occidental. Phosboucraรข extrait entre 2,5 et 3 millions de m 3 par an . A ce rythme lร , la rรฉgion bรฉnรฉficie encore dโenviron 300 ans de rรฉserves exploitables en phosphate. Malgrรฉ des rรฉserves importantes, il faut prรฉciser que lโexploitation de la mine nโa pas toujours รฉtรฉ bรฉnรฉfique au Maroc. En effet, en 2002 lorsque le Maroc obtient lโensemble des parts dans lโentreprise de Phosboucraรข, celle -ci engrangeait depuis plusieurs annรฉes des pertes financiรจres. Le Royaume via lโOCP a lancรฉ un important plan dโinvestissements ร long terme afin de renforcer la viabilitรฉ et la compรฉtitivitรฉ de lโentreprise. Ce nโest seulement que depuis quelques annรฉes que la mine est devenue rentable financiรจrement. Enfin, Phosboucraรข associe son activitรฉ extractive au dรฉveloppement de la rรฉgion par lโintermรฉdiaire de plans socio-รฉconomiques diversifiรฉs via les actions de sa fondation crรฉe en 2014.
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Table des matiรจres
INTRODUCTIONย
PARTIE 1. LE CONFLIT AU SAHARA OCCIDENTAL, UN DES PLUS VIEUX CONFLITS TERRITORIAUX NON RESOLUS DANS LE MONDE
PARTIE 2. UN TERRITOIRE STRATEGIQUE EXPLOITE POUR SES RESSOURCES NATURELLES
PARTIE 3. LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES AU SAHARA OCCIDENTAL, UN ENJEU ECONOMIQUE AU SERVICE DU POLITIQUE
CONCLUSIONย
BIBLIOGRAPHIEย
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