Traitement d’un corpus audiovisuel
L’ouvrage de Stockinger et al., que nous avons cité précédemment et qui s’inscrit dans le projet AAR, se penche aussi (et de manière plus approfondie) sur les étapes de traitement et d’analyse des corpus audiovisuels. Pour eux, « un texte audiovisuel publié sur un site n’est pas obligatoirement déjà en soi une ressource cognitive pour un public […]. Il le devient seulement une fois après avoir subi une transformation qualitative […]. » (Stockinger 2011b, p. 50). Ils ont élaboré plusieurs outils qui soutiennent les tâches de modélisation cognitive, d’identification et de segmentation, de production de métadescriptions, d’analyse paratextuelle, d’analyse audiovisuelle, d’analyse thématique et d’analyse pragmatique. Même si une grande partie de ces manipulations ne nous concernent pas, du fait que les événements que nous traitons sont moins complexes (peu de contenu sémantique par exemple), leur recherche sur la standardisation et l’ajout de métadonnées est primordiale pour nous. Dans ce même projet, la publication de Abdelkrim Beloued et al. se focalise sur la description des contenus vidéo.
Cette tâche est nécessaire « dans des domaines aussi divers que la diffusion TV, l’archivage de contenu audiovisuel et leur valorisation, le partage de vidéo, etc. Depuis quelques années, les technologies dites sémantiques font leur apparition dans le domaine de la gestion de contenu : tant au niveau annotation que gestion des métadonnées » (Beloued 2015, p. 39). Ils proposent un langage de description qui s’appuie sur les langages RDFS/OWL2. De nombreuses contributions donnent des informations sur les formats et les métadonnées. Même si ce sont souvent les questions liées à la conservation des contenus analogiques ainsi qu’à la numérisation qui sont traitées, les enjeux propres au numérique sont aussi couverts. C’est le cas du guide élaboré par Memoriav (Recommandations Memoriav 2015) qui expose les différents types de formats (d’archivage, d’utilisation, d’enregistrement, de post-production) et les différents types de métadonnées (techniques, descriptives, administratives), ainsi que du guide de l’Association for Recorded Sound Collections (ARSC). Ce dernier souligne l’importance des métadonnées : « preservation is a crucial part of the picture, but the ultimate goals of preservation are sustained discovery and use. For foreseeable future, though, metadata will continue to play the central role in audio discovery. » (Brylawski et al 2015, p. 77). Les contributions de Maria Mata Caravaca et al. et de Elizabeth Hill sont aussi intéressantes concernant les formats et les métadonnées.
Des entreprises ont élaboré une offre de services pour la prise en charge des contenus audiovisuels. C’est le cas de Vectracom, dont la publication, en donnant quelques conseils sur les formats, les métadonnées et l’indexation, fait la promotion de leurs prestations. À leur avis, l’utilisation d’un Media Asset Management (MAM) est primordiale. « Seule la gestion d’un fonds [audiovisuel] permet sa valorisation […] Gérer un fonds et en extraire la valeur sans utiliser un MAM relève de la gageure et de l’utopie » (Vectracom 2014, p. 39). La thèse de Maria Sokhn s’intéresse à la gestion et la visualisation des contenus audiovisuels ; elle prend l’exemple des ressources générées par des conférences scientifiques. Elle propose une approche sémantique pour gérer l’ensemble du cycle de vie de ces conférences. Dans son état de l’art, elle présente des outils pour l’annotation des vidéos (annotations manuelle, automatique ou semi-automatique), ainsi que des programmes pour la gestion de ces documents. Par exemple, le logiciel open source Matterhorn (maintenant appelé Opencast) semble intéressant pour notre cas : « Institutions can use Matterhorn to produce lecture recordings, to manage existing videos, to serve designated distribution cannels, and to provide user interfaces aim at engaging students with educational videos » (Sokhn 2011, p. 47). Les avances dans le domaine de la recherche d’informations multimédia sont présentées par Johan Oomen et al. « As audiovisual analysis and access technology reach levels of maturity that allows implementation in practical archival scenarios, archives are forced to re-evaluate their annotation strategies and access models with respect to their audiovisual content » (Oomen et al. 2013, p. 95). Ainsi, il est selon eux important de développer une expertise concernant les approches d’annotations semi-automatiques. Ils présentent des projets effectués en collaboration avec TRECVid1.
Diffusion De manière générale, la nécessité de la diffusion dans l’environnement numérique est soulignée par Bruno Bachimont. L’idée de base de son modèle conceptuel « est que la préservation ne repose pas sur la conservation passive des contenus qu’il faudrait garder intacts, mais qu’elle repose au contraire sur la pratique active de l’interprétation et de l’exploitation » (Bachimont 2011, p. 29). Cette idée est poursuivie quelques années plus tard, avec une réflexion sur la mémoire : « C’est l’usage qui permet la transmission et la préservation des ressources. […] Se souvenir, c’est se raconter des histoires. Préserver, c’est ne pas s’arrêter de se raconter des histoires » (Bachimont 2013, p. 24). Des réflexions sont menées par rapport aux questions qui se posent au moment de diffuser en ligne des documents audiovisuels. La démarche de Matteo Treleani consiste à questionner cet acte de diffusion, qui n’est pas si anodin. Même s’il traite plutôt de la rediffusion d’archives, son approche sémiotique de l’archive peut nourrir notre réflexion. Par exemple, la notion d’éditorialisation nous fait prendre conscience de l’influence qu’a le diffuseur sur le document. Elle peut être vue selon lui comme une recontextualisation intentionnelle, et permet de « donner un sens au document en construisant la relation entre le réseau intertextuel du passé et le réseau intertextuel du présent », même si elle ne doit pas biaiser l’« objectalité du document » (Treleani 2014, p. 95). Le web comme espace de diffusion, comme « métamédium » est étudié par Jean-Louis Missika et Jean-Michel Salaün. Ils s’intéressent à la manière dont il change les choses vis-à-vis des autres médias. Ils réfléchissent aussi autour de l’événement en ligne. En évoquant l’ « ici et maintenant » de Walter Benjamin, ils mettent en lumière la disparition de la dimension sacrée de la performance avec la dématérialisation de l’oeuvre. « Aujourd’hui, […] ce phénomène est à son comble, ce qui implique en réaction le retour au spectacle vivant, et à l’événement comme moment séparé de la routine de la vie quotidienne. » (Missika, Salaün 2013, p. 27). Pour les aspects plus techniques, dans le cadre du projet Campus AAR que nous avons déjà mentionné, Rania Soussi et al. présentent la plateforme logicielle Studio Campus AAR pour « analyser, exposer, republier, rechercher et rendre interopérables des ressources audiovisuelles » (Soussi et al 2015, p. 71). Plus précisément, l’article décrit l’environnement de publication dont le processus est basé sur les technologies du web sémantique. Cet environnement permet, grâce à des ontologies, de créer des portails spécifiques à une thématique.
Le point de vue de l’utilisateur est aussi parfois étudié. Dan Albertson et Boryung Ju cherchent à savoir quels sont les critères importants pour eux par rapport à une plateforme vidéo (Albertson 2015). Ils estiment que leur recherche peut apporter des éléments pertinents concernant l’accès, l’organisation, la recherche, la diffusion, la présentation et l’utilisation des vidéos. L’interface et les fonctionnalités de recherche sont apparues comme les aspects les plus importants pour les utilisateurs. Andrei Bursuc également, dans son état de l’art sur les plateformes de recherche de vidéos, pointe quelques critères importants pour les utilisateurs. Par exemple, « the interface should always indicate to the user where he/she can go ; […] should provide a balance between navigation and visualization ; […] the query formulation should be performed in a userfriendly and intuitive manner » (Bursuc 2012, p. 176-177). La problématique des droits est complexe. Jacques Guyot réfléchit à la définition historique des archives audiovisuelles et au rôle de l’archiviste dans la démocratie. Il se penche entre autres sur la gestion des droits, qui est, selon lui, l’un des problèmes majeurs lorsqu’on donne accès aux collections : « la raison [de cette difficulté] tient à la multiplicité des droits liés à la réalisation des oeuvres de l’esprit mais aussi des types de production ou encore des cadres professionnels dans lesquels elles ont été réalisées. Il importe donc d’identifier tous les protagonistes de la chaîne » (Guyot 2011, p. 158).
En ce qui concerne la question de la responsabilité des collections audiovisuelles, Terrance Cottrel, après avoir souligné le pouvoir de l’audiovisuel et le besoin grandissant en vidéos, encourage les bibliothèques à prendre une place dans la gestion de ces documents. Selon lui, « the management of streaming video for students, faculty and general information seekers should fall under the same philosophy as the management of electronic journal databases, e-books and print. Libraries are the best area within a school, college, university or community at-large for this responsability » (Cottrel 2012, p. 47). La médiathèque de la Cité de la musique à Paris, elle, s’est investie dans la gestion des collections audiovisuelles. Son portail est présenté à travers deux articles. Même si la situation est un peu différente que dans notre cas, car la Philharmonie est une salle de concert, cette base de données apporte des éléments intéressants sur la manière dont les enregistrements sont proposés : c’est un « système construit autour de la notion d’oeuvre musicale : à partir d’un titre on retrouve tous les documents qui lui sont liés ». (Equipe de la Médiathèque de la Cité de la Musique 2014, p. 96)
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Table des matières
1.Introduction
2.État de l’art
2.1Enregistrer un événement éphémère
2.2Traitement d’un corpus audiovisuel
2.3Diffusion
2.4Institutions pédagogiques
2.5Bases de données, logiciels
3.Contexte
3.1La HEMU-CL
3.2L’EJMA
3.3Les enregistrements audiovisuels institutionnels
4.Etude pour systématiser la gestion des enregistrements audiovisuels institutionnels
4.1Méthodologie
4.2Analyse interne : état de la gestion des enregistrements audiovisuels
institutionnels
4.2.1La HEMU-CL
4.2.1.1Les acteurs et leurs rôles
4.2.1.2Les projets
4.2.1.3Les ressources
4.2.1.4Circuit des enregistrements
4.2.2L’EJMA
4.2.2.1Les acteurs et leurs rôles
4.2.2.2Le système mis en place
4.2.2.3Les ressources
4.2.2.4Circuit des enregistrements
4.2.3Synthèse
4.3Analyse externe : situation dans les autres écoles de musique
4.3.1Les écoles analysées et contactées
4.3.2Population et segmentation du public
4.3.3Résultats du questionnaire
4.3.4Niveau de visibilité en ligne des écoles
4.3.5Synthèse et discussion
4.4Analyse des besoins : opinions des étudiants et des professeurs de la HEMU
vis-à-vis des enregistrements
4.4.1Les publics
4.4.2Entretiens
4.4.3Résultat du questionnaire
4.4.4Synthèse
4.5Bilan critique des analyses
5.Propositions
5.1Recommandations
5.2Systématisation et améliorations
6.Conclusion
Bibliographie
Annexe 1: Arborescences des serveurs de la HEMU-CL et de l’EJMA
Annexe 2: Schéma du circuit des enregistrements à l’EJMA
Annexe 3: Liste des institutions analysées et contactées
Annexe 4: Résultats du questionnaire de l’analyse externe
Annexe 5: Tableau pour l’analyse du niveau de visibilité des écoles
Annexe 6: Grilles de questions pour l’analyse des besoins
Annexe 7: Résultats du questionnaire de l’analyse des besoins
Annexe 8: Proposition pour la systématisation des enregistrements à la
HEMU-CL
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