Des indicateurs pour remettre en cause des politiques publiques en vue de leur amélioration
L’évaluation des politiques mises en place est nécessaire afin de pointer les incohérences. Des indicateurs doivent permettre d’« apprécier la pertinence des politiques » (Le Dorlot, 1998), de rendre des comptes aux citoyens, mais surtout d’effectuer un retour sur expérience afin de réorienter et/ou optimiser la stratégie en place. Il faut noter que les politiques menées sont financées par de l’argent public. Le service rendu doit donc être optimal et effectué en toute transparence. A l’heure actuelle, l’analyse porte sur le rapport qualité-coût du service et « en ce qui concerne les coûts, le souci sera cependant de dépasser largement la procédure, la plus couramment utilisée par les médias, qui consiste à établir un palmarès des collectivités locales en fonction du seul critère du coût par habitant » (Bertolini, 2008). Il ne doit cependant pas être perçu comme une charge sur l’habitant mais un service dont il profite. La qualité de se service n’est pas toujours appréciable au travers de ce prix. « L’administration communale connaît ses coûts et pas ses résultats » (Piatier, 1986). Enfin, des enjeux de société complémentaires voient le jour comme la qualité de l’environnement et le développement durable, indispensables à toute politique confondue. Ceci est confirmé par Bertolini (2008) : «le cas des services publics locaux de gestion des déchets ménagers et assimilés se situe dans le champ de l’évaluation des politiques publiques et […] il focalise l’attention en raison, outre d’exigences croissantes de qualité de la part des usagers, d’une forte augmentation des tarifs et d’une montée des préoccupations environnementales ». Les nouveaux indices choisis doivent correspondre aux objectifs fixés pour une stratégie, dont l’évaluation s’effectue en fonction des attentes de celle-ci.
Les enjeux et objectifs sont différents pour chaque acteur mais un consensus se forme autour du développement durable et doit permettre de définir une base commune d’indicateurs.
Des acquis à consolider par une ouverture sur d’autres disciplines
La gestion des déchets a pendant longtemps été considérée comme une question technique. Cependant, cela ne permet pas de mettre en place des équipements adaptés au territoire. Il est alors indispensable de prendre en compte d’autres disciplines comme l’économie et le social.
D’une focalisation sur la technique…
Durant les vingt dernières années, a eu lieu une modernisation de la gestion des déchets accompagnée d’une diversification des modes de collecte et de traitement. Les normes ont elles même évolué et traduisent une observation plus poussée et un plus grand contrôle des déchets traités. Aux échelles nationales et départementales ont été fixés de grands objectifs au travers du Grenelle de l’Environnement et des PDEDMA. Ces derniers permettent de planifier et mettre en cohérence la gestion des déchets dans les départements. Les communes se sont quand à elles organisées au travers de syndicats ou de communautés de communes pour mutualiser les services et les moyens mis en œuvre. Des stratégies de service public se sont mises en place, et une offre de services s’est développée autour de la question de la gestion des déchets par des entreprises privées. Cependant, « alors que la technique ne doit être qu’un instrument parmi d’autres, elle est devenue une finalité politique sans toujours grand rapport avec et surtout impact sur le problème qu’elle doit solutionner » (Le Dorlot, 1998). Le Dorlot indique ici que la technique est mise en avant aux dépends des caractéristiques locales et du problème à traiter. Ceci peut être du à un manque de connaissances de l’activité par les élus et décideurs locaux qui copient les techniques du moment. Pour pallier cette lacune, des aides peuvent être apportées par des cabinets privés ou des organismes comme l’ADEME. Ce soutien évolue vers de la maitrise d’œuvre, de l’aide à la décision. La Commission Européenne avait, en 1994, lancé un atelier sur la gestion des déchets dans les îles afin de réaliser un constat sur les modes de gestion actuels et présenter des pistes d’amélioration. Des « Codes de bonne conduite pour la gestion des déchets dans les îles » ont été rédigés dans un ouvrage destiné à aider les décideurs à « mieux comprendre les problèmes liés à la gestion des déchets dans les îles, et enfin mettre en place les bonnes stratégies » . Ce document ne prend en compte que des considérations techniques. Le seul aspect socio-économique qui y est introduit est le chômage. La définition d’un outil plus large est cependant nécessaire Malgré une prise de conscience récente des acteurs et législateurs de la nécessité de mieux gérer le devenir des déchets ménagers, les études sur le sujet restent le domaine des techniciens. Les scientifiques d’autres disciplines se sont peu intéressés à la question, pourtant, comme tente de le démontrer Emmanuelle Le Dorlot, elles ont un rôle important à jouer. « Ceci est particulièrement vrai dans les sciences sociales qui ont peu investi ce domaine alors que leur place y était légitime. Les recherches menées sont principalement techniques et placent la solution technique en leur centre » (Le Dorlot, 2004). Dans l’étude réalisée, prônant la nécessité de se positionner dans d’autres disciplines telles que la géographie, l’économie et la sociologie, il est signalé que les préconisations faites par l’Ademe et le Ministère de l’Environnement dans leurs productions écrites confirment cette remarque.
… à une approche systémique
Les logiques étaient à la base centrées autour du coût et de la localisation des centres de stockage des déchets. Il fallait éloigner le déchet des habitations mais que cela ne coûte pas trop cher à la société. Aujourd’hui, la gestion des déchets est cernée par les questions environnementales et nous recherchons davantage à mette en place des techniques adaptées, moins nocives pour l’environnement, et à des coûts acceptables. Nous devons aussi noter que les évolutions techniques ont très vite été rattrapées par une société de consommation changeante et toujours plus vigoureuse, mettant au rebut nouvelles matières et substances. C’est pourquoi des scientifiques de nature diverse défendent l’importance de leur discipline pour la gestion des déchets. « Beaucoup de sciences sont à même de s’impliquer dans la recherche sur les déchets ménagers : le droit, l’économie, l’écologie, les sciences médicales, la sociologie… » (Le Dorlot, 1998). L’interdisciplinarité des politiques a bien été comprise dans certains domaines comme l’urbanisme par exemple, avec notamment la démocratisation d’une phase de consultation dans l’établissement des stratégies. Cependant, les entreprises et les citoyens ne sont pas assez souvent pris en compte dans l’établissement des plans de gestion des déchets comme jouant un rôle dans la production (quantité et qualité) et l’utilisation des déchets. Les techniciens se focalisent sur la technique alors que, la population a été au cœur de l’évolution de la production de déchets. Les innovations ne suffisent alors pas, il faut qu’elles soient acceptées par les habitants. Dans le futur, les principales missions des gestionnaires seront d’intégrer ces acteurs dans leurs choix. Il est important de responsabiliser acteurs et gestionnaires pour une plus grande implication de chacun, car nombre d’entre eux ne sont pas conscients de leur rôle puisqu’ils sont actuellement exclus des réflexions. De plus, « protéger l’environnement et gérer de manière écologique les déchets ménagers ont un coût élevé à court terme, un coût mal perçu et mal compris car le long terme n’est pas ancré dans les politiques, les comportements et la culture de tout un chacun» (Le Dorlot, 2004). Même si ces considérations sont difficiles à mettre en œuvre car elles ne correspondent pas à une politique habituelle, il faut aujourd’hui dépasser ce cap. L’environnement est la préoccupation majeure de notre siècle et nécessite des changements dans la manière d’appréhender les politiques sectorielles. Toutes ces raisons mènent à réfléchir sur un nouveau cadre d’accompagnement des gestionnaires, une approche plus territorialisée et associant d’autres disciplines et préoccupations que la technique pure.
Aider les élus à dépasser certains comportements pour mieux définir leur politique en matière de déchets
La manière dont sont définies les politiques de gestion des déchets ne sont pas durables actuellement. Pour qu’elles le deviennent, il faut que s’effectue un inversement dans la façon de penser l’aménagement des équipements, c’est-à-dire favoriser la valorisation, réfléchir sur le long terme,…
Un mode de réflexion politisé et non durable
Suivant les études de Le Dorlot, les principes énoncés dans la loi ne correspondent pas nécessairement à une réalité sur le terrain. Ils sont de plus en plus précis et les techniques de plus en plus complexes. Les élus sont abondés de principes, de restriction et de normes à respecter. Cependant, ce ne sont pas des professionnels de l’environnement et ils sont bien souvent désarmés face au rôle qui leur incombe. Les compétences techniques dans de petites communes, qu’elles soient organisées en syndicats ou en communautés de commune sont limitées car elles n’ont pas les techniciens spécialistes de la gestion des déchets, ni entièrement dévoués aux déchets. De plus, les acteurs de la gestion des déchets se focalisent le plus souvent sur des considérations techniques alors que d’autres semblent aussi pertinentes et participent à une gestion durable. Enfin, les élus agissent souvent en suivant une réflexion à court terme, à l’échelle d’un mandat. Il ne faut pas que les opérations coûtent trop cher au départ et ils ne pensent pas aux retombées sur le long terme. Pourtant, la mise en place d’un équipement adapté peut, au bout de quelques années, avoir un coût bien inférieur à celui de départ. Malgré le fait qu’il y a bien souvent une urgence technique, écologique et financière, les décisions sont retardées et limitées à la gestion au coup par coup. C‘est ce que nous appelons un comportement NIMEY (« Not In My Election Year »). Pourtant, « les problèmes existants […] doivent être considérés dans une perspective à long terme, au moins 10 à 15 ans. […]Il est très important de décider d’une stratégie générale à long terme qui pourrait constituer la base des investissements à long terme et de la prise de décision. Les décisions concernant des secteurs spécifiques peuvent ensuite être coordonnées avec cette stratégie à long terme » (Almeida-Teixeira, 1996). Un second comportement similaire émanant des habitants est l’argument NIMBY (« Not In My Back Yard ») prenant en considération le risque écologique, la dépréciation foncière, un transfert des problèmes sur des territoires extérieurs, ou encore une absence de transparence notamment dans le choix des sites d’implantation d’équipements pour empêcher les projets de se réaliser proche de chez eux. Ceci introduit ce que nous pouvons nommer une bataille des clochers entre populations, population et élus ou encore entre communes. Les politiques en matière de déchets ménagers qui sont alors mises en place ne peuvent pas être adaptées ni cohérentes. Le développement durable nécessite une réflexion sur le long terme, engageant tous les acteurs d’un même territoire dans un même but.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 La gestion des déchets dans le développement local
1. Une nécessité de mettre en place une méthodologie et des indicateurs axés sur le contexte local
11. Des politiques publiques à évaluer pour une meilleure prise en compte du local
12. Des acquis à consolider par une ouverture sur d’autres disciplines
13. Aider les élus à dépasser certains comportements pour mieux définir leur politique en matière de déchets
2. Vers une recherche d’autonomie
21. La proximité comme atout
22. Pour un projet de « développement par en bas » à une échelle cohérente
3. Résoudre les problématiques spécifiques liées à l’insularité
31. Les enjeux de l’autonomie environnementale dans la résolution des problématiques insulaires
32. Les impacts potentiels d’une augmentation de la Capacité de Charge en Déchets insulaire
Partie 2 Pour une organisation durable de la gestion des déchets
1. Une approche mathématique
11. Un premier pas pour le positionnement de la stratégie
12. Un second pas pour une analyse plus complète
2. Approche socio-économique
21. Service public VS Economie locale en territoire insulaire
22. Un besoin d’action de la part de tous
23. Une équité de tous
3. Approche gestionnaire
31. Du diagnostic aux propositions de scénarios
32. Du choix du scénario au suivi de la politique
Partie 3 Evocation de l’autonomie et du développement local à Belle-Île-en-Mer
1. L’urgence d’une action collective pour résoudre les problèmes de la gestion des déchets
11. Une gestion en perpétuelle évolution mais face à des obstacles
12. Des difficultés à trouver les bons partenaires
2. La motivation au rendez-vous pour un projet d’autonomie environnementale et de développement local autour des déchets
21. Une forte présence du développement durable et de la gestion des déchets dans les esprits
22. Une motivation globale pour l’autonomie malgré quelques obstacles
23. Une conclusion optimiste à l’égard de l’engagement des acteurs insulaires
Conclusion
Lexique Bibliographie
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