La GD-OES comme technique d’analyse

La spectroscopie à décharge luminescente est une technique d’analyse des matériaux solides, conducteurs ou isolants. Elle permet la détermination de la composition élémentaire d’un matériau en fonction de la profondeur, depuis les premières couches atomiques jusqu’à une profondeur de 150 µm. Son principe de fonctionnement est très simple. Le matériau à analyser est utilisé comme cathode d’une décharge électrique. Grâce à l’érosion cathodique, la matière – venant de l’échantillon – est transférée dans la partie lumineuse de la décharge, où elle sera excitée et ionisée. La détection de l’émission des photons caractéristiques – par spectroscopie d’émission optique (OES) – ou des ions formés – par spectroscopie de masse (MS) – permet la détermination de la composition élémentaire.

Si on devait mettre en avant le point fort principal de cette technique, ce serait certainement sa rapidité et sa facilité d’emploi, ce qui induit un faible coût d’analyse. En effet, la mesure ne nécessite pas de préparation de l’échantillon. Celui-ci est simplement « plaqué » sur la source sans qu’un vide poussé ne soit nécessaire (un vide primaire suffit). La durée d’une analyse est de l’ordre de quelque minutes l’érosion cathodique étant très rapide, de l’ordre de 100 nm·s-1 . La décharge luminescente a trouvé sa place dans un grand nombre de laboratoires industriels et de centres de recherche, tant pour le contrôle de qualité que pour l’étude des matériaux massifs ou en couches minces.

La GD-OES comme technique d’analyse 

Une décharge électrique est initiée dans la source par l’application d’une tension DC ou RF. La pulvérisation cathodique permet le transfert des atomes de la surface de l’échantillon vers le plasma où ils seront excités par collisions. Les photons caractéristiques émis lors de leur des-excitation seront détectés et analysés par un spectromètre symbolisé ici par un œil. Les principes physiques et les paramètres de fonctionnement seront décrits. Une présentation détaillée de la source dans les modes de fonctionnement DC (courant continu) et RF (radio fréquence) sera faite, ce qui permettra de rendre compte de l’utilisation de la technique aussi bien pour les conducteurs que pour les non-conducteurs. De plus nous indiquerons que la source à décharge luminescente peut être couplée soit avec des spectromètres optiques (OE) soit avec des spectromètres de masse (MS); la source étant à la fois une source de photons et une source d’ions.

Enfin, la GD-OES est une technique qui permet d’obtenir assez simplement la quantification des éléments. Le processus de quantification se base sur des concepts très simples, mais requiert cependant la prise en compte de l’influence de plusieurs paramètres liés entre eux comme la tension, le courant, la pression, la puissance et le taux d’émission secondaire. Nous montrerons qu’une optimisation de la quantification passe par une meilleure compréhension de ces interactions.

Présentation de la technique d’analyse

La GD-OES est une technique de spectrométrie d’émission multi-élémentaire permettant la caractérisation des surfaces et interfaces des matériaux solides conducteurs et nonconducteurs. La GD-OES donne la composition élémentaire des matériaux à cœur (analyse « bulk ») ou en fonction de la profondeur (profils de composition – « depth profiles ») .

La technique utilise une décharge luminescente à basse pression qui permet à la fois de pulvériser une zone représentative de l’échantillon à analyser (généralement plat) et de générer une lumière caractéristique. Le matériau pulvérisé diffuse dans la « lueur négative » où il sera excité par collision avec les espèces énergétiques présentes dans cette zone du plasma de décharge. La lumière émise par les atomes pulvérisés et excités est analysée en temps réel par des spectromètres optiques qui donnent donc une information temporelle liée aux couches traversées.

Cette technique est capable de répondre à de nombreuses questions analytiques telles que:
• Quels sont les éléments présents dans l’échantillon ? (analyse qualitative) ;
• Quelle est la concentration de chaque élément (en % massique ou atomique) en fonction de la profondeur (nm) ? (information fournie après étalonnage1 ) ;
• Est-ce-que la distribution des éléments est homogène en fonction de la profondeur?;
• Est ce que la surface sur l’échantillon a été modifiée par un traitement de surface ou par corrosion ? ;
• Quelle est l’épaisseur des couches traversées ? ;
• Est-ce-que l’interface entre deux couches successives présente une contamination? ;
• Est-ce-que l’échantillon est oxydé ? ;
• Y a-t-il une diffusion inter-couche, et quels éléments sont concernés ?

L’analyse des matériaux homogènes (analyse volumique ou « bulk ») est certainement possible par GD-OES mais d’autres techniques telle l’étincelle (« Spark Emission ») ou la Spectrométrie de Fluorescence X (« XRF ») sont souvent plus simples à utiliser pour cette application. De même la GD-OES n’est pas la seule technique d’analyse de surface et des profils en profondeur – on peut nommer SIMSI, XPSII, AES,III RBSIV – (voir Annexe A.I.: «Techniques concurrentes ») -, mais elle compte parmi les plus rapides et les moins coûteuses.

Points forts de la GD-OES

La GD-OES, comme toutes les techniques d’analyse a des spécificités qui, en fonction des applications, peuvent être considérées comme des points forts ou des limitations. Dans la suite de ce paragraphe, nous allons présenter les caractéristiques de la spectroscopie à décharge luminescente. La technique permet la détection simultanée de l’ensemble des éléments chimiques y compris les éléments gazeux (H, N, O, Cl, C). La sensibilité de mesure dépend des éléments et est généralement au mieux de l’ordre de la partie par million (ppm) et la résolution en profondeur au mieux de l’ordre du nanomètre, pour les couches minces (et typiquement de l’ordre de 5% de la profondeur analysée ). Elle permet l’analyse directe d’une large gamme de matériaux solides, conducteurs et nonconducteurs. Elle permet d’obtenir des résultats quantitatifs et présente peu d’effets de matrice par rapport aux techniques alternatives (étincelle en « bulk », SIMS en surface). La réponse fournie par les techniques (SIMS et étincelle) est en effet très sensible au matériau analysé. Le facteur de sensibilité, c’est à dire le lien entre nombre de ions (SIMS) ou photons (étincelle) et la concentration d’un élément dans la matrice (type de matériau), dépend fortement de celle ci  . Pour les conducteurs, la vitesse d’érosion est élevée (~ μm/min); en conséquence, la durée des analyses est courte – ce qui est un avantage pour le contrôle de qualité des matériaux durant leur élaboration. L’instrument donne un résultat complet avec un temps de réponse très court (de l’ordre de quelques minutes à quelques secondes en fonction de l’épaisseur totale du matériau).

L’échantillon à analyser ne nécessite pas de préparation particulière, il est tout simplement plaqué contre la chambre de mesure ce qui rend le montage facile et rapide (Figure.I. 3). L’instrument travaille dans des conditions de vide primaire (200 ÷ 1000 Pa) et ne requiert donc pas l’utilisation de technologies sophistiquées nécessaires pour atteindre l’ultra-vide. L’appareil a en outre un coût d’achat modeste par rapport à des techniques de surface classiques (SIMS ou XPS) et un coût d’entretien réduit (consommation d’argon très faible par rapport à la technique ICP par exemple).

Limitations de la GD-OES

Certains inconvénients sont inhérents à la technique de spectrométrie optique. Pendant l’analyse par GD-OES, les raies d’émission de l’argon peuvent par exemple interférer avec des raies d’analyse – nécessitant d’utiliser un système de haute résolution. D’autres limitations sont liées aux contraintes géométriques et mécaniques du montage. La résolution latérale est gouvernée par la taille du tube anodique. En effet le diamètre de celui-ci variant généralement entre 2 et 8 millimètres, la taille de l’échantillon doit donc être supérieure à 2 millimètres. La technique ne présente donc pas de vraie résolution latérale. La géométrie de l’échantillon peut être aussi une contrainte, dans le sens où seuls des échantillons plans peuvent facilement être analysés – l’échantillon étant une des électrodes de la source plasma et devant fermer la chambre de décharge, sa planéité est requise pour obtenir un vide satisfaisant et garantir une distance correcte entre l’échantillon/cathode et l’anode nécessaire à l’obtention d’une décharge luminescente.

Importance de la GD-OES

Le développement de nouveaux matériaux est un champ en évolution rapide; en particulier la compréhension et le contrôle de la relation entre structure, composition chimique et propriétés des surfaces solides est un sujet d’étude récurrent. Pour beaucoup d’applications, il est essentiel de connaitre la composition chimique d’un matériau, soit surfacique, soit volumique. Pendant l’élaboration d’un matériau, ce dernier peut subir différents traitements comme par exemple le laminage, la lubrification, l’application d’une couche de protection (phosphatation, passivation, nickelage, chromatage, zingage, galvanisation…), l’application de couches polymères (cataphorèse, vernis, peintures…), les traitements thermiques (cémentation, nitruration, recuit…) , qui doivent lui conférer ses propriétés. La technique GD-OES rentre parfaitement dans ce contexte et apparaît aujourd’hui absolument nécessaire en tant qu’outil de caractérisation des surfaces durant les phases d’élaboration et de mise en production.

Brève histoire de la GD-OES

Le développement et l’application de dispositifs utilisant la décharge luminescente pour des analyses chimiques a commencé dans les années 1940 . Depuis la fin des années ’60 et le début des ’70, la décharge luminescente devient une des principales sources d’intérêt dans de nombreux laboratoires de chimie analytique. Le travail de recherche a été dirigé à la fois vers le développement instrumental de la source à décharge luminescente et vers l’étude fondamentale des caractéristiques physiques de la décharge luminescente utilisée à des fins analytiques.

En 1967, Walter Grimm a annoncé dans la revue allemande Naturwissenschaften la conception et les premiers résultats de sa nouvelle source analytique . Il a proposé une configuration particulière des électrodes d’une décharge luminescente et il a connecté sa « lampe » à un spectromètre d’émission optique (OES) obtenant ainsi une autre source lumineuse à comparer avec la source standard à étincelles utilisée alors – notamment pour l’analyse élémentaire « bulk » des alliages de cuivre.

Plus tard, en 1981 Raoul Berneron, avec son groupe de chercheurs à l’IRSID en France, a utilisé ce nouveaux couplage (source–spectromètre) pour l’examen de plaques en acier galvanisé et de couches « passivées » sur acier et il a montré la possibilité d’analyse élémentaire en profondeur de couches minces et épaisses par GD-OES. Les méthodes de quantification ont été mise au point par Takadoum  et Bengtson  vers la fin des années 80. À la même époque R. Passetemps  a proposé d’alimenter la GDOES par une excitation RF permettant l’analyse des non conducteurs. C’est depuis cette époque que la Spectrométrie à Décharge Luminescente a vraiment trouvé une place reconnue. Divers acronymes sont employés pour la caractériser, mélangeant les langues GDOES, GDOS, GDS, GDAES, GDL, SDL, etc. ce qui rend parfois complexe la recherche bibliographique.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I. La GD-OES comme technique d’analyse
Introduction
I.1.Présentation de la technique d’analyse
I.1.1.Points forts de la GD-OES
I.1.2.Limitations de la GD-OES
I.1.3.Importance de la GD-OES
I.1.4.Brève histoire de la GD-OES
I.1.5.Marché de la GD-OES et domaines d’applications
I.2.Principe de fonctionnement de la GD-OES
I.2.1.Régime de fonctionnement de la décharge en GD-OES
I.2.2.La source
I.2.2.1.Sources DC et RF
I.2.3.Pulvérisation cathodique
I.2.4.Grandeurs externes
I.3.Couplage source/spectromètres
I.3.1.Couplage avec le(s) Spectromètre(s) Optique(s)
I.3.2.Couplage avec le Spectromètre de Masse (MS)
I.4.Quantification des Résultats
I.4.1.Influence de la Tension, du Courant et de la Pression sur la quantification
I.4.2.Le taux d’émission d’électrons secondaires
Conclusion
Références
Chapitre II. Impédance de la source
Introduction
II.1.Méthodologie de la mesure
II.1.1.Procédure en mode DC
II.1.2.Procédure en mode RF
II.1.2.1.Mesure de la tension
II.1.2.2.Mesure de la puissance perdue
II.1.2.3.Mesure de la puissance injectée dans le plasma
II.2.Lien entre gamma et le couplage de la puissance
II.2.1.Couplage en mode DC
II.2.2.Couplage en mode RF
II.3.Variation de l’impédance avec la pression
Conclusion
Références
Chapitre III. Le taux d’émission d’électrons secondaires à la cathode
Introduction
III.1.Définition de « gamma »
III.1.1.Gamma ionique
III.1.2.Gamma atomique
III.1.3.Gamma photonique
III.1.4.Gamma électronique
III.1.5.Gamma effectif
III.1.5.1.Étude paramétrique : influence des paramètres alpha et gamma sur la courbe de Paschen
III.1.6.Discussion des résultats
III.2.Dispositif expérimental
III.2.1.Mécanique
III.2.2.Vide
III.2.3.Électronique
III.2.4.Automatisation
III.2.5.Détermination de gamma
III.3.Résultats
III.3.1.Résultats préliminaires
III.3.2.Résultats avec dispositif automatisé permettant un grand nombre de claquages
III.3.2.1.Dérives
III.3.2.2.Influence de alpha
III.3.2.3.Influence du nettoyage par plasma
Conclusion / Discussion
Références
Chapitre IV. Validation et application :étude d’un matériau complexe en couche mince
Introduction
IV.1.Caractéristiques et fabrication du LiPON
IV.1.1.Méthode de dépôt du LiPON
IV.1.1.1.Précurseurs utilisés
IV.1.2.Problématiques induites par le procédé
IV.1.3.Réponse à la problématique
IV.2.Mise au point de la méthodologie d’analyse
IV.2.1.Optimisation des paramètres analytiques
IV.2.1.1.Choix des paramètres pour l’analyse des couches LiPON
IV.2.2.Optimisation avec un dépôt de composition chimique connue
IV.2.2.1.Mesures à basse température
IV.2.2.2.Impédance du LiPON
IV.3.Analyse du LiPON déposées par PECVD
IV.4.Quantification des mesures GD-OES
IV.4.1.Étalonnage
IV.4.1.1.Échantillons choisis pour l’étalonnage
IV.4.2.Résultats de quantification
Conclusions

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