La fusion thermonucléaire contrôlée
Réaction de fusion d’atomes légers
La réaction de fusion thermonucléaire est une réaction où deux noyaux légers vont s’assembler pour former un noyau plus lourd. La réorganisation du noyau ayant lieu pendant la réaction aboutit à un dégagement important d’énergie lié à un défaut de masse dans le bilan de la réaction. Ce défaut est donné par la relation d’Einstein :
ΔE = Δmc² (I.1)
Cette réaction dégage de l’énergie pour les noyaux légers dont le numéro atomique va de celui de l’hydrogène à celui du fer (noyau le plus stable) et en consomme pour les noyaux plus lourds (courbe d’Aston Fig.(I.1)). Pour réaliser la fusion thermonucléaire sur Terre, plusieurs réactions sont disponibles. Ces réactions doivent permettre de satisfaire certains critères physiques (taux de réaction, énergie dégagée) aussi bien que pratiques (quantité de combustible disponible).
De façon schématique, lors d’une réaction de fusion nucléaire, deux forces entrent en compétition :
• la force électrostatique : force à longue portée faisant que les noyaux de charge électrique positive vont se repousser .
• la force d’attraction forte : force nucléaire liant les protons et les neutrons pour former le noyau à l’origine du défaut de masse dans le bilan de la réaction de fusion.
Comme la force électrostatique agit à plus longue portée que la force d’attraction forte, il faut apporter de l’énergie au système afin de franchir la barrière de Coulomb et permettre aux noyaux de s’approcher suffisamment pour fusionner. Le milieu va devoir être chauffé à des températures extrêmement élevées (T ∼ 10⁸ − 10⁹K). À ces températures, le milieu change d’état pour devenir un gaz ionisé constitué de particules chargées positivement baignant dans un nuage d’électron : un plasma.
La réaction de fusion nécessite donc un apport d’énergie externe avant de pouvoir se déclencher. Dans le cadre d’une exploitation industrielle de la fusion comme source d’énergie, il faut ainsi avoir une énergie dégagée par les réactions de fusion supérieure aux pertes engendrées par la réaction elle-même et à la puissance injectée pour chauffer le plasma.
Confinement Magnétique : la géométrie tokamak
Principe du confinement magnétique dans les tokamaks
Comme expliqué précédemment, les températures élevées nécessaires pour vaincre la force de répulsion coulombienne font passer le gaz à l’intérieur des machines de fusion à l’état de plasma. Il s’agit donc d’un gaz ionisé constitué de particules chargées positivement et négativement. Le plasma étant très chaud et afin d’augmenter le nombre de réactions de fusion, il est nécessaire de le confiner dans un espace restreint. Le plasma étant constitué de particules chargées, il est possible de le confiner à l’aide d’un intense champ magnétique.
La somme de ces deux contributions du champ magnétique aboutit à des lignes de champ magnétique hélicoidales enroulées autour de surfaces fermées assurant ainsi la qualité du confinement Fig.(I.5). Le système de coordonnées de notre tokamak peut ainsi être défini sous la forme d’un système de coordonnées cylindriques (R, Z, ϕ) avec R le grand rayon, Z l’axe de symétrie et ϕ l’angle toroidale. A partir des surfaces magnétiques, on peut passer au sytème de coordonnées (r, θ, ϕ) avec r le petit rayon et θ l’angle poloidal. Un paramètre caractéristique des machines de fusion est introduit : le rapport d’aspect A = R0/a où R0 est le grand rayon de référence et a le petit rayon caractéristique de la dernière surface magnétique en contact avec la paroi du tokamak.
Equilibre magnétique dans les tokamaks
L’équilibre magnétique d’un plasma de tokamak est cependant plus complexe. En effet, de nombreux phénomènes de “rétro-action” du plasma sur le champ électro-magnétique peuvent s’opérer. Ces phénomènes peuvent être étudiés dans le cadre de la Magnéto-Hydrodynamique (MHD) qui consiste à considérer le plasma comme un fluide conducteur caractérisé par sa densité ρ, sa vitesse v, sa pression p et sa densité de charge j.
Cependant, la force de pression dans l’équilibre des forces en géométrie torique engendre un décalage des surfaces magnétiques vers l’extérieur du tore (décalage de Grad-Shafranov, [27]) et ainsi, les surfaces magnétiques ne sont plus concentriques et donc plus labélisables par le rayon r. De plus, comme cela sera expliqué dans la section (I. 1. 2. 3), certaines machines de fusion utilisent des configurations magnétiques plus complexes où les surfaces magnétiques ne sont pas circulaires. On va alors chercher une variable générale permettant de labéliser les surfaces magnétiques quelle que soit la géométrie considérée. Ainsi, une variable naturelle constante sur les surfaces magnétiques est souvent utilisée comme variable radiale pour localiser les surfaces magnétiques.
Interaction plasma paroi : Géométrie limiteur/divertor
Le plasma aux conditions de fusion thermonucléaire est un gaz ionisé extrêmement chaud ce qui pose un problème majeur dans la façon de le confiner. Dans le cadre d’une exploitation prolongée d’un tokamak, il est impératif de maintenir le plasma chaud loin de la paroi. Pour cela, on place dans le champ magnétique du tokamak un obstacle qui va intercepter les lignes de champ magnétique. On n’empêchera pas le contact entre le plasma et le mur mais on pourra contrôler la zone de la paroi exposée au plasma. La présence d’un obstacle plongé dans le champ magnétique du tokamak est à l’origine d’une séparation du milieu en deux zones distinctes :
• le plasma confiné de coeur caractérisé par des surfaces magnétiques fermées.
• la Scrape Off Layer (SOL) allant de la dernière surface magnétique fermée à la paroi du tokamak caractérisé par des surfaces magnétiques “ouvertes”, c’est-à-dire impactant l’objet solide.
L’obstacle interceptant les lignes de champ va donc être soumis à d’importantes contraintes et devra respecter certains critères :
• résister à d’important flux de chaleurs (10MW.m−2 étant la limite technologique actuelle) et de particules.
• évacuer efficacement la chaleur de la SOL.
La physique de l’interaction entre le plasma et l’objet est complexe et de nombreux phénomènes atomiques peuvent se produirent. On présente les trois principaux soit :
• recombinaison des ions en particules neutres : lors du choc avec la paroi, les ions peuvent se neutraliser puis diffuser librement vers le plasma confiné et ainsi réalimenter le plasma en se ionisant lorsque la température le permet.
• si les particules du plasma ont suffisamment d’affinités avec les composants face au plasma, ces dernières peuvent se retrouver piégées dans le solide (rétention) ou réagir chimiquement afin de former d’autre composé (érosion chimique).
• érosion physique : si l’énergie des particules incidentes est suffisante, ces dernières peuvent “arracher” des particules de l’objet solide. Les particules ainsi produites (impuretés) peuvent alors aller polluer le plasma de coeur et le refroidir.
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Table des matières
Introduction
I Concepts généraux
I. 1 La fusion thermonucléaire contrôlée
I. 1. 1 Réaction de fusion d’atomes légers
I. 1. 2 Confinement Magnétique : la géométrie tokamak
I. 1. 3 Transport dans les tokamaks
I. 2 Modélisation fluide des plasmas de tokamak
I. 2. 1 De l’Equation de Boltzmann aux équations fluides de Braginskii
I. 2. 2 Vitesse de dérive perpendiculaire
I. 2. 3 Physique des lignes de champ ouvertes – conditions limites
II Modélisation du transport perpendiculaire dans le plasma de bord : code SOLEDGE2D
II. 1 Equations fluides dans SOLEDGE2D
II. 1. 1 Vitesse et courant
II. 1. 2 Conservation de la masse
II. 1. 3 Conservation de la quantité de mouvement
II. 1. 4 Conservation de l’énergie totale
II. 2 Equation de vorticité : potentiel auto-consistant
II. 2. 1 Courant de polarisation
II. 2. 2 Conservation de la charge
II. 2. 3 Loi d’Ohm généralisée
II. 3 Gémométrie du code
II. 3. 1 Construction du maillage structuré
II. 3. 2 Topologie magnétique
II. 3. 3 Décomposition multi-domaine
II. 4 Conditions limites
II. 4. 1 Conditions limites classiques
II. 4. 2 Méthode de pénalisation
II. 5 Exemple de simulations avec le code SOLEDGE2D
II. 5. 1 Comparaison aux mesures expérimentales sur le tokamak Tore Supra
II. 5. 2 Comparaison aux mesures expérimentales sur le tokamak ASDEX-Upgrade
III Etude numérique 2D de l’effet des vitesses de dérive fluides avec le code SOLEDGE2D-DRIFT
III. 1Validation du modèle de dérive fluide : Etudes de l’effet d’un champ électrique radial imposé
III. 1. 1Effet de la vitesse de dérive électrique dans la SOL
III. 1. 2Effet de la vitesse de dérive électrique dans le bord : écoulement de Pfirsch-Schlüter et rotation parallèle
III. 1. 3Effet sur les flux de chaleurs impactant le limiteur : asymétrie du flux de chaleur dans la SOL
III. 2Etudes de l’effet des vitesses de dérive auto-consistantes en géométrie limiteur
III. 2. 1Effet des vitesses de dérive perpendiculaires : équilibre du champ électrique en géométrie limiteur
III. 2. 2Effet des vitesses de dérive perpendiculaires : écoulement de PfirschSchlüter et asymétries dans la SOL
III. 3Comparaison simulation/expérience : Effet de la position du limiteur sur le champ électrique
III. 3. 1Contexte expérimental : effet sur l’amplitude de la vitesse perpendiculaire et sur son cisaillement
III. 3. 2Modélisation numérique : effet sur le champ électrique
III. 3. 3Modélisation numérique : conséquences sur les écoulements
III. 4Conclusion
IV Mesures expérimentales de la vitesse perpendiculaire : rétrodiffusion Doppler
IV. 1Principe de la rétro-diffusion Doppler
IV. 1. 1Principe de la diffusion collective
IV. 1. 2Propagation d’onde dans les plasmas
IV. 2Expérience de rétro-diffusion Doppler
IV. 2. 1Caractéristique du réflectométre Doppler
IV. 2. 2Détection hétérodyne du champ rétro-diffusé
IV. 2. 3Définition de la localisation radiale et du nombre d’onde de mesure
IV. 2. 4Interprétation des signaux expérimentaux
Conclusion
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