Les sites de l’hématopoïèse chez l’humain
Les sites de l’hématopoïèse ainsi que les niveaux de cellules produites changent plusieurs fois suivant la croissance d’un individu et les besoins liés au stade de croissance. Chez l’humain, l’hématopoïèse pré-natale commence tout d’abord au niveau de la vésicule ombilicale, environ 3 semaines après l’implantation de l’embryon, dans les îlots de Wolff et de Pander . Ces « ilots » sont en fait des amas de cellules mésenchymateuses composés plus spécifiquement de cellules endothéliales en périphérie et d’un lumen, dans lequel flottent dans du plasma, des cellules souches hématopoïétiques. L’hématopoïèse à ce stade est primitive et extra-embryonnaire, donnant pratiquement exclusivement des érythrocytes primitifs (érythropoïèse) qui ont toujours leur noyau cellulaire et sont plus grands que les érythrocytes définitifs, mais comportent tout de même de l’hémoglobine et part le fait même, sont capable de transporter l’oxygène vers les tissus de l’embryon, contribuant ainsi à son développement normal. Ces érythrocytes primitifs peuvent se diviser à nouveau et complètent leur maturation et leur énucléation une fois dans le système circulatoire nouvellement formé de l’embryon.
Leucémies lymphoïdes aiguës
Les LLA sont un groupe de leucémies débutant dans les CSH ou certaines cellules immatures de la lignée lymphoïde et touchant particulièrement les enfants entre 2 et 4 ans. Elles représentent plus de 75% des cas de leucémies infantiles diagnostiquées avec environ 3 à 4 cas par an pour 100 000 habitants dans les pays occidentaux. Le pronostic reste tout de même favorable pour les enfants avec un taux de survie après 5 ans d’environ 90% pour certains groupes génétiques favorables, alors que chez l’adulte où la LLA est moins fréquente, le taux de survie après 5 ans est d’environ 35 à 40%. Que ce soit chez l’enfant ou chez la personne âgée, les leucémies lymphoïdes aiguës sont causées par des mutations génétiques, et le plus souvent des translocations chromosomiques dont certaines sont néanmoins plus fréquentes chez un groupe d’âge que d’autre (par exemple la translocation t est beaucoup plus fréquente chez les adultes que chez les enfants). Les LLA se divisent en 2 sous-groupes selon le type de lymphocytes impliqués (lymphocytes B ou lymphocytesT).
Leucémies aiguës de phénotype mixte
Les leucémies aiguës de phénotype mixte (LAPM), ayant aussi connu d’autres appellations telles que « leucémies aiguës de lignée mixte/ambiguë » ou « leucémies aiguës bi-linéales » sont un type de leucémies aiguës rares, comprenant entre 2 et 5% de toutes les leucémies aiguës, dont les cellules leucémiques expriment différents marqueurs qui ne permettent pas de déterminer de façon non-ambigüe leur appartenance à une lignée hématopoïétique précise (LLA-B, LLA-T ou LMA) et qui sont généralement porteurs d’un mauvais pronostic . Ces leucémies ont toujours été difficiles à classer depuis qu’elles ont été rapportées pour la première fois dans les années 1980 et comprennent à la fois des leucémies ayant deux populations morphologiquement distinctes de blastes qui, par immunophénotypage, expriment des marqueurs de deux lignées différentes, mais aussi des leucémies dont les blastes co-expriment des marqueurs de lignée spécifiques pour deux lignées différentes . De meilleures définitions ont été établies depuis par plusieurs groupes via un système de pointage pour des marqueurs de lignées spécifiques différentes qui sont exprimés par les blastes d’un même patient pour distinguer les LAPM d’une leucémie aiguë classique qui exprime de manière aberrante un marqueur d’une autre lignée hématologique . En 2001 et 2008 l’OMS a de nouveau révisé les critères définissant les LAPM, les rendant plus simples, et différentie maintenant celles-ci selon les anomalies génétiques récurrentes pouvant être à l’origine des LAPM, notamment les translocations t (chromosome de Philadelphie) et celles impliquant le gène MLL .
Caractérisation du gène et de la protéine MLL
Le gène MLL se situe sur la bande chromosomique 11q23, compte 37 exons et exprime une protéine nucléaire de 3969 acides aminés (431 kDa). MLL fait partie d’une famille de 6 gènes comptant aussi MLL2, MLL3, MLL4, SET1A et SET1B. Toutes les protéines issues de cette famille ont pour principale caractéristique leur activité histone méthyltransférase spécifique pour la lysine 4 de l’histone 3 (H3K4), une modification épigénétique de la chromatine typiquement associée avec une transcription active des gènes de la chromatine , conférée par leur domaine catalytique SET. Le domaine SET, inactif par lui-même, nécessite 3 autres protéines activatrices dans le cas de MLL (WDR5, ASH2L et RbBP5) formant ainsi un complexe multi-protéique responsable de cette activité methyltransférase H3K4, le complexe MLL . L’association de ses sous-unités régule aussi les gènes ciblés par son activité methyltransférase, notamment les gènes HOX . La protéine MLL est aussi la cible d’un clivage protéolytique in vivo par l’endopeptidase taspase1 qui la sépare en deux sous-unités, MLL-C et MLL-N (respectivement 180 kDa et 320 kDa). Les deux sous-unités 21 reforment éventuellement un hétérodimère par l’interaction entre le domaine FYRC (MLL-C) et FYRN (MLL-N) pour ensuite former le complexe MLL, le stabiliser et permettent sa localisation nucléaire.
Rôle de la protéine MLL dans la régulation de la transcription
Les domaines aux fonctions parfois inverses de la protéine MLL amènent nécessairement plusieurs rôles pour celle-ci, dont certains restent encore méconnus. Les principales fonctions de MLL semblent néanmoins être liées au développement embryogénique ainsi qu’au bon fonctionnement de l’hématopoïèse via la régulation des gènes HOX [109]. La régulation des gènes cibles de MLL n’est toutefois pas soumise à l’action de MLL seul, mais plutôt au complexe protéique que forme MLL avec différentes protéines nucléaires qui contrôlent au final son activité methyltransférase .
Les gènes HOX sont un groupe de gènes hautement préservés dans l’évolution codant pour des facteurs de transcription régulant d’autres gènes notamment durant le développement axial de l’embryon et doivent eux-mêmes être rigoureusement régulé pour mener à bien leurs fonctions .
De par son homologie avec les gènes du groupe trithorax chez la drosophile, il est raisonnable de croire que les fonctions de MLL sont aussi semblables à ceux-ci chez les mammifères et font de MLL, le principal activateur des gènes HOX. Des souris knock-out pour le gène MLL (MLL -/-) ont ainsi été générées et ont effectivement montré dans plusieurs expériences qu’elles ne peuvent pas survivre sans MLL.
Translocations chromosomiques de MLL dans les leucémies
Avec les techniques d’analyse génétique modernes, plusieurs mutations récurrentes ont pu être identifiées chez les patients leucémiques et semblent être derrière le processus leucémogénique.
Bon nombre de celles-ci impliquent des réarrangements chromosomiques et touchent régulièrement les mêmes gènes . Les translocations chromosomiques sont des événements génétiques qui surviennent lorsque deux chromosomes s’échangent des fragments chromosomiques. L’échange peut être déséquilibré s’il y a perte de matériel génétique ou équilibré si celui-ci est préservé à travers l’échange. Les translocations à l’origine de plusieurs leucémies, notamment celles impliquant le gène MLL, font partie de cette deuxième catégorie et sont vraisemblablement causées par une erreur lors de la réparation de brisures double-brins de l’ADN par la jonction d’extrémités non-homologues (NHEJ) . MLL contient une région BCR (Breakpoint Cluster Region) de 8.3 Kb située sur la partie N-terminal, entre les domaines CXXC et PHD de la protéine résultante. Cette région comporte des sites de clivage de la topoisomérase II, influençant probablement l’apparition de brisures double-brins dans cette région . Il suffit ensuite qu’une deuxième brisure double-25 Zone de cassure brins survienne dans un autre chromosome, ce qui peut se produire de façon endogène comme lors de la recombinaison V(D)J propre au développement lymphoïde ou exogène comme par des inhibiteurs de la topoisomérase II (chimiothérapie) , pour augmenter significativement le risque de réparation aberrante et de translocation chromosomique .
|
Table des matières
Chapitre I – Introduction
1. L’hématopoïèse
1.1 Les sites de l’hématopoïèse chez l’humain
1.2 Les cellules souches hématopoïétiques
1.2.1 Autorenouvellement
1.2.2 Différenciation cellulaire
1.3 Régulation
2. Les leucémies
2.1 Définition et classification des leucémies
2.2 Les leucémies aiguës
2.2.1 Leucémies lymphoïdes aiguës
2.2.1.1 Les leucémies lymphoïdes aiguës de type B
2.2.1.2 Les leucémies lymphoïdes aiguës de type T
2.2.2 Leucémies myéloïdes aiguës
2.2.3 Leucémies aiguës de phénotype mixte
3. Le gène MLL
3.1 Caractérisation du gène et de la protéine MLL
3.2 Rôle de la protéine MLL dans la régulation de la transcription
3.3 Translocations chromosomiques de MLL dans les leucémies
3.3.1 Partenaires de fusion communs de MLL
3.4 La fusion MLL-ENL
3.5 Modélisation in vivo de leucémies aiguës humaines MLL
4. Hypothèses et objectifs
4.1 Problématique
4.2 Hypothèse et objectifs
Chapitre II – Matériel et méthodes
1. Purification de cellules souches/progénitrices hématopoïétiques de sang de cordon ombilical humain par sélection négative
2. Technique de clonage
2.1 Les plasmides
2.2 Production d’ADN
3. Production de virus par transfection au phosphate de calcium
3.1 Titration de virus
4. Infection de cellules souches/progénitrices hématopoïétiques par les rétrovirus
5. Xénogreffe des cellules infectées dans un modèle in vivo
5.1 Souris NSG
5.2 Irradiation des souris
5.3 Injection intra-fémorale
5.4 Euthanasie et prélèvement des cellules pour analyse
6. La cytométrie en flux
6.1 Analyse des leucémies primaires
6.2 Analyse des leucémies secondaires
7. Infection des cellules leucémiques primaires par les lentivirus
8. Triage des cellules marquées en eGFP/BFP et injection des souris secondaires
Chapitre III – Résultats
1. Leucémies primaires MLL-ENL LoxP eGFP
1.1 Expression du marqueur eGFP dans les cellules transduites par les rétrovirus
1.2 Analyse et caractérisation des xénogreffes dans les souris primaires
1.2.1 Analyse de cellules de la moelle osseuse par cytométrie en flux
1.2.2 Analyse de cellules de la rate par cytométrie en flux
2. Leucémies secondaires MLL-ENL LoxP eGFP avec cre recombinase
2.1 Expression du marqueur BFP dans les cellules transduites par les lentivirus et tri cellulaire
2.1.1 Survie et prolifération in vitro suivant le tri cellulaire
2.2 Analyse et caractérisation des xénogreffes dans les souris secondaires
Chapitre IV – Discussion et Conclusion
1. Discussion
1.1 Les leucémies primaires MLL-ENL-LoxP eGFP
1.2 Les leucémies secondaires MLL-ENL LoxP avec cre recombinase
2. Perspectives et conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet