LA FRAUDE FISCALE AU NIVEAU DES MICRO ENTREPRISES

LA MODELISATION DU COMPORTEMENT DE FRAUDE FISCALE DES MICRO-ENTREPRISES

              Dans cette section, on développe un modèle de fraude fiscale inspiré du premier modèle d’Allingham et Sandmo (1972). Les relations entre l’Etat et les micro entrepreneurs sont décrites dans un cadre statique sous la forme d’un modèle « PrincipalAgent ». Le modèle présenté va permettre d’analyser de manière théorique les comportements de fraude fiscale des micro-entreprises pour diverses stratégies fiscales envisageables par l’Etat. Il s’inscrit dans la ligne des modèles présentant la fraude fiscale sous forme de jeu. Il permettra ainsi d’analyser selon les hypothèses forte de la politique fiscale le comportement d’informalisation et de fraude de ces unités de production. Il servira ensuite de base à un modèle empirique présenté et testé dans le deuxième chapitre de ce document.
 Les hypothèses du modèle : Koskela analyse l’impact d’une pénalité proportionnelle et d’une amende forfaitaire additionnelle sur la décision de fraude, Sandmo (1981) également. Une baisse de l’amende forfaitaire accompagnée d’une augmentation du taux de pénalité créent alors plus de progressivité dans la sanction portant sur le revenu non déclaré. Les hypothèses du modèle vont permettre de cerner la nature de la relation « principal-agent » dans le modèle. L’Etat est défini comme le « principal ». Son objectif est de faire appliquer le code général des impôts. Sa stratégie consiste à définir une politique de taxation et de contrôle qui inciterait les agents (microentreprises) à déclarer correctement leur chiffre d’affaires, étant donné qu’il détient une information incomplète sur le chiffres d’affaires réel de ces unités. A l’instar des modèles de Virmani (1989) et Wang (1990) nous allons supposer que l’administration dispose d’informations indépendantes des déclarations des agents. L’administration détient les informations telles que la taille des locaux par exemple qui peut le permettre d’estimer le chiffre d’affaires réel des entreprises. On notera « q » le chiffre d’affaires des entreprises. Disposant de cette information incomplète nous allons faire l’hypothèse que l’Etat contrôle principalement les entreprises de grande taille. Autrement dit, la probabilité de contrôle sera une fonction croissante de la taille de l’entreprise. On admettra aussi dans notre modèle que la probabilité de contrôle peut aussi être influencée par le fait que l’unité de production soit ou non enregistrée auprès des services fiscaux. L’enregistrement est par définition une source d’information importante pour l’Etat. On notera « µ » cette variable, avec µ =0 si l’entreprise est enregistrée et µ =1 si elle est informelle. A priori le signe de la dérivée de la probabilité de contrôle par rapport à µ est inconnu. Deux effets peuvent s’opposer : d’une part, l’information fournie par µ devrait accroître la probabilité de contrôle, mais d’autre part l’Etat pourrait aussi chercher à formaliser les entreprises. Dans ce deuxième cas, la probabilité de contrôle serait plus importante lorsque la variable µ est égale à 1. Enfin le taux de déclaration pourrait aussi être un argument de la fonction de contrôle. On notera « α » cette variable. Elle est calculée comme le rapport entre le chiffre d’affaires déclaré et le chiffre d’affaires réel. Si l’Etat détient une information sur la taille de l’entreprise et sur son activité, il dispose néanmoins d’une information incomplète sur son chiffre d’affaires potentiel. Une déclaration de l’agent trop faible par rapport à la réalité du chiffre d’affaires peut alors entraîner la suspicion de l’administration et déclencher de contrôle fiscal. On appellera « b » la fonction de la probabilité de contrôle. En résumé, les hypothèses sur la fonction de contrôle peuvent s’écrire : En France, par exemple, il existe des systèmes informatisés permettant de tester la cohérence interne des déclarations fiscales par rapport à une entreprise type. Une trop forte incohérence entre les capacités de production et les résultats déclarés par exemple déclencheront un contrôle fiscal.
(1) b = b (q,µ,α), avec b’q >0 b’µ<>0 b’α<0
D’autre part, l’Etat fixe aussi la fonction de taxation du chiffre d’affaires et les pénalités : la taxe est une fonction croissante du chiffre d’affaires. On nomme « t » le taux de taxation nominal. La taxe est concave si le système d’imposition est progressif car le taux de taxation marginal est borné, ou constante si le taux de taxation est proportionnel au chiffre d’affaires. Si l’entreprise est repérée, elle devra acquitter une amende au taux « e », dont le montant est proportionnel à celui du chiffre d’affaires dissimulé. Le montant de l’amende s’écrit donc : e(1-α)q5 , avec e>0. Celle ci s’ajoute au payement de l’impôt fraudé par l’entrepreneur. Au total le montant de la pénalité que devra acquitter l’entrepreneur si l’administration découvre la fraude est :
(2) p = (1-α) t.q + e (1-α).q
p = (1-α) q (t + e)
L’entrepreneur est défini comme « l’agent ». Compte tenu de la politique fiscale et de contrôle de l’Etat, l’entrepreneur va choisir son comportement de fraude fiscale de sorte à maximiser son profit anticipé après impôt. En toute logique, le profit devrait être maximisé par rapport au niveau de production (q) et par rapport au taux de fraude (α). Il existerait alors deux conditions de premier ordre pour l’entrepreneur. Nous allons faire ici l’hypothèse à priori forte, que la production d’une entreprise est exogène. A l’instar des hypothèses retenues par Rauch (1991) ou Fortin (1997), nous supposons que la taille de l’entreprise est déterminée de manière exogène par les talents de l’entrepreneur Lucas (1978). Autrement dit, l’hétérogénéité des entreprises ne provient que des capacités des entrepreneurs qui sont exogènes. Lorsque µ =1, l’entreprise est informelle. Nous supposons alors que cette entreprise subit un coût supplémentaire par rapport à une entreprise formelle. On note « a » ce coût. Il est positif et une fonction croissante de (q). Comme ce coût grève les profits, il intervient dans le choix de l’entrepreneur d’être formel ou informel. Les origines de ces surcoûts liés à l’informel ont été exposées par de Soto (1994). Elles proviennent premièrement des moyens que les entreprises informelles doivent mettre en œuvre pour échapper aux sanctions de l’Etat : la corruption,l’impossibilité de recourir à la publicité, la dispersion des activités ou encore le fait de ne pas être autorisé à opérer sur certains marchés. A titre d’exemple, les entreprises informelles ne peuvent pas s’approvisionner directement auprès des grossistes. Elles doivent passer par des intermédiaires qui prendront une commission qui augmentera le coût d’approvisionnement des entreprises. On peut encore citer le fait que les entreprises informelles ont moins facilement accès au marché du crédit bancaire. L’emprunt auprès de structures informelles (usuriers par exemple) est un facteur de hausse des coûts de production. On peut de plus supposer que ces facteurs deviennent de plus en plus importants à mesure que la taille de l’entreprise croît. Par exemple, nous notons plus haut que la part des intrants d’origine formelle dans les charges d’une entreprise informelle était croissante avec la taille. A l’instar des hypothèses généralement retenues dans la littérature, on admet aussi que ce coût est convexe. Pour résumer, on suppose donc qu’il existe un coût lié à l’informel tel que :
Pour µ=0 : l’entreprise est formelle (a = 0)
Pour µ=1 : l’entreprise est informelle, le surcoût est a(q)>0, a’(q)>0 , a’’(q)>0.
 Le programme de maximisation du profit de l’entreprise : Le marché est supposé en concurrence pure et parfaite, le prix au producteur sera normalisé à 1. Pour une entreprise représentative dont la production est q, l’objectif est de maximiser son profit anticipé après impôt (∏). L’entrepreneur est neutre au risque et connaît parfaitement la politique de l’Etat (modalité de calcul de l’impôt, fonction de probabilité de contrôle, pénalités encourues). La maximisation du profit anticipé après impôt se fait en deux étapes : dans un premier temps, il va choisir d’être informel ou formel. La variable µ sera donc soit égal à 1 (informel), soit à 0 (formel). Si, l’entrepreneur a choisi d’être informel, alors il pourra dans un second temps déterminer son niveau de fraude fiscale. Pour cela, il ne déclare qu’une partie α de son chiffre d’affaires (q). Le profit anticipé après impôt s’écrit :
Soit (∏) le profit après impôt de l’entreprise honnête :
(3) Π = (1-t) q –c.q
Π = (q – tq) – c.q
où : tq est l’impôt à payer par l’entreprise honnête et c.q est le coût total de l’entreprise, c est positif, peut être croissant ou constant.
En univers certain, c’est à dire sans contrôle fiscal, le profit avec fraude Πf de l’entreprise s’écrit :
(4) Πf = (1-αt) q – (1+ α) c.q
Πf = (1 – αt) q – (1+α)c.q
Πf =(q – qαt) – (cq + αcq)
où :
• qαt est l’impôt à payer sur le CA déclaré de l’entreprise
• αcq est le coût total de l’entreprise fraudeuse
En univers incertain, c’est à dire il existe une probabilité de contrôle, le profit anticipé après impôt (∏e) de l’entreprise fraudeuse s’écrit :
(5) Πe = (1 – b)Πf + b (Πf– p)Πe = Πf – b. Πf+ b. Πf- b.ΠΠe= Πf – bΠ
On rappelle que, par hypothèse, les choix de q et de α sont séparables. Le producteur choisit α et µ de sorte à maximiser son profit anticipé après impôts. Le programme de l’entreprise s’écrit :
(6) ⇒ Si Πeµ=1 > Πeµ=0 alors µ = 1 et α = 0
⇒ Sinon µ = 0 alors Max Πeµ=0 sous contrainte : 0= α =1 et q > 0
 Les résultats analytiques :
– Conditions pour un passage de l’informel au formel : en théorie, l’entrepreneur choisit dans un premier temps d’être formel ou informel. Puis dans un second temps, s’il choisit d’être formel, l’entrepreneur détermine la part de son CA qu’il déclarera à l’administration fiscale. L’entreprise choisit d’être informelle lorsque son profit anticipé est supérieur à celui du formel :
(7) Πeµ=1 > Πeµ=0
(8) q [ 1 – (1 – α) c – bµ=1 (t+e) ] > q [ (1 – αt) – c – (1 – α) . bµ=0]
(9) αt – αc > (t+e) [ bµ=1 – (1 – α) bµ=0 ]
Le terme de gauche de l’équation (9) représente le gain net certain pour une entreprise informelle, puisqu’il représente la différence entre la valeur de la taxe évadée (par rapport à une entreprise formelle) moins le surcoût de l’informel. Le terme de droite représente quant à lui la différence de pénalité anticipée entre une entreprise informelle et une entreprise formelle. Ainsi, l’équation (9) montre que tant que la différence de pénalité anticipée est inférieure au gain net certain du secteur informel, l’entreprise choisira d’évoluer dans l’informel. On déduit de l’équation (9) que le passage de l’informel au formel n’est possible que si la dérivée du gain net d’être informel par rapport à q est inférieur à celle du gain anticipé de l’état formel.
– Il est préférable pour une entreprise d’être honnête lorsque sa taille est grande, si la probabilité de contrôle croît plus vite que le taux de taxation du chiffre d’affaires.
– Relation entre fraude fiscale, taux de taxation et pénalité. Le taux de déclaration optimale (α*) est une fonction toujours décroissante du taux de taxation et toujours croissante du taux de pénalité, si la probabilité d’être contrôlé est une fonction convexe de α, autrement dit si toute augmentation de la fraude entraîne un accroissement supérieur du risque d’être contrôlé.
– Relation entre fraude fiscale et taille de l’entreprise : le signe de la relation entre taux de déclaration et taille de l’entreprise est a priori indéterminé. La taille de l’entreprise provoque deux effets antagonistes sur les incitations à frauder : d’une part, la taille de l’entreprise accroît le taux de taxation marginal, si le système est progressif et donc incite l’entreprise à frauder davantage. Mais d’autre part, la taille de l’entreprise augmente la probabilité d’être contrôlé incitant ainsi celle-ci, à suivre un comportement honnête. Le taux de déclaration croit avec le CA de l’entreprise, si la probabilité d’être contrôlé croit plus vite avec la taille de l’entreprise que le taux de taxation et si la probabilité est une fonction décroissante et convexe de α.
– Existence d’un équilibre entre entreprise formelle et informelle : si la probabilité d’être contrôlé est supérieure pour les entreprises formelles que pour les entreprises informelles et en supposant que cet écart est constant quelque soit q, alors le surcoût lié à l’informel permet d’assurer un équilibre entre les deux types d’entreprise. Dans ce cas, l’économie sera divisée entre des petites entreprises informelles et des entreprises formelles de plus grande taille. En résumé, il ressort de notre modèle que lorsque les trois hypothèses suivantes sont vérifiées :
1) la probabilité de contrôle est une fonction croissante et convexe du volume de production, elle est supérieure pour les entreprises formelles par rapport aux entreprises informelles.
2) le taux de taxation est une fonction croissante, concave ou proportionnelle du volume de production.
3) les surcoûts pour le secteur informel est une fonction croissante et convexe du volume de production.
Alors, le modèle permet de formaliser une économie où les entreprises les plus petites sont informelles et où les plus importantes sont formelles. Autrement dit, les micro entreprises choisissent d’évoluer dans le secteur informel jusqu’à atteindre un volume de production où les bénéfices anticipés sont supérieurs dans le secteur formel. Une fois dans le secteur formel, les entreprises deviennent de plus en plus honnêtes à mesure que leur taille s’accroît. En outre, on rappelle que sous les deux premières hypothèses ci-dessus et sous une hypothèse supplémentaire de contrôle concentré sur le taux de fraude extrême, le modèle permet de décrire des comportements intuitifs des fraudes par rapport au taux de taxation et de pénalité. La fraude fiscale s’accroît lorsque le taux de taxation augmente et, inversement, diminue lorsque le taux de pénalité est augmenté.

METHODE D’ESTIMATION ET DESCRIPTION DES VARIABLES

 Méthode d’estimation : le modèle empirique : Les données issues de l’enquête MADIO sur les unités de production informelles menée au second trimestre 1995 dans l’agglomération d’Antananarivo permettent de tester le modèle théorique. Suivant Maddala (1983), la méthode retenue pour l’estimation de la décision d’enregistrement est un modèle « PROBIT d’équations simultanées ». Le modèle d’enregistrement fiscal est représenté par un système (I) de deux équations structurelles dont les inconnues sont dichotomiques.
µ* = g1.b + g’1 X1 + u1
(I) b* = g2. µ* + g’2 X2 + u1
avec :
µ = 1 si µ* > o
µ = 0 si µ* = 0
b = 1 si b* > 0
b = 0 si b* > 0
ui sont les erreurs , gi et g’i sont les paramètres à estimer, Xi est un vecteur de variables exogènes, b sont les variables observés tandis que µ* et b* sont les variables latentes. Les variables latentes représentent alors la propension d’un entrepreneur pour enregistrer son activité et la probabilité de l’occurrence d’un contrôle des agents de l’Etat. b* doit être considéré comme la probabilité subjective ressentie par l’entrepreneur. Contrairement au modèle théorique, la variable µ prend la valeur 1 lorsque l’entreprise est enrgistrée, et la valeur 0 lorsqu’elle est informelle. Le modèle empirique teste donc Pr(µ = 1), soit la probabilité pour que l’entreprise soit enregistrée. Les formes réduites des équations structurelles du système (I) s’écrit :
µ* = G1 .X + v1(I’)
b* = G2 .X + v2
La méthode d’estimation procède en deux étapes. Elle consiste à estimer tout d’abord les variables endogènes à partir des équations réduites. Puis, on substitue ces valeurs estimées dans les équations structurelles, qui sont à nouveau testées (de même, les formes structurelles (I’’) ci-dessous sont estimées par un Probit-Maximum de Vraisemblance). Puisque pour les variables dichotomiques, les coefficients pouvant être estimés sur la forme réduite sont gi / σi , avec σ2 = var (vi). La forme estimable des équations structurelles (deuxième étape) s’écrit alors de la manière suivante :
(I’’) µ* = g1/σ1 .b + g’1/σ1 .X1 + u1/σ1
b* = g2/σ2 .µ* + g’2/σ2 .X2 + u1/σ2
Les paramètres estimables du modèle sont donc : g1/σ1 , g’1/σ1 , g2/σ2 , g’2/σ2. On notera également que les conditions nécessaires d’identification des deux modèles sont remplies. La paire de vecteurs (X1, X2) comportent des variables qui sont mutuellement exclusives. Ainsi, le nombre de variables exclues par équations est toujours supérieur ou égal à 1. Le modèle testé est donc soit juste identifié, soit sur-identifié.
 Description des variables : Les données utilisées pour tester notre modèle sont issues de l’enquête du Projet MADIO (1998) sur le secteur informel à Antananarivo. La méthodologie est de type enquête mixte. La phase portant sur le secteur informel est précédée par une première phase emploi qui sert de filtre. Cette enquête a été menée au second trimestre 1998 dans l’agglomération d’Antananarivo. Elle a permis de recueillir les questionnaires provenant de 1018 unités de productions informelles non agricoles, exerçant une activité industrielle, commerciale ou de service. Rappelons que la définition du secteur informel dans cette enquête est basée sur le critère d’enregistrement statistique et sur l’existence ou non d’une comptabilité écrite standard, alors que dans cette étude, on considère que l’informel consiste à ne pas être enregistré auprès des services fiscaux. Les variables utilisées pour tester le modèle sont présentés de manière synthétique dans le tableau 1. Le modèle théorique est enrichi par d’autres variables explicatives permettant de l’estimer. Présentons ces variables explicatives :
 « TAUX » représente le taux nominal de taxation théorique de la patente. Le choix de ne retenir que la patente dans le modèle est par le fait que cet impôt est le seul qui soit automatiquement lié avec l’acte d’enregistrement fiscal. Ainsi, l’entrepreneur sait qu’il sera obligé d’acquitter cet impôt lorsqu’il procédera à l’enregistrement fiscal de son entreprise. Le paiement des autres impôts suite à l’enregistrement est par contre beaucoup plus aléatoire. Par conséquent, « ALPHA » représente donc la proportion de la patente théorique qui a été effectivement acquitté par l’entreprise.
 « EMPLOI », « CAPITAL » : représentent la taille de l’entreprise , ce qui doit influencer positivement la probabilité d’être contrôlé et donc le choix de formaliser son entreprise. Mais, elles accroissent aussi les motivations de frauder, car la patente est assise sur ces variables.
 Le taux de taxation étant basé sur les facteurs de production, la rentabilité de ceux-ci peut affecter la fraude. Les entreprises dont la rentabilité est faible auront une plus forte motivation pour frauder car le poids de l’impôt sur leur revenu y est plus important. Ces effets sont représentés par les variables « VA_L », « VA_K » et « RENT » qui représentent respectivement la rentabilité du travail, du capital et la rentabilité globale de l’entreprise.
 « SCO », « PROPRI », « NMEN » : représentent des caractéristiques propres au chef d’unité de production qui sont susceptibles d’influencer son comportement de fraude fiscale.
 « LOCAL » représente les conditions d’activité de l’entreprise et peut donc jouer sur la probabilité de contrôle. De même pour la variable « AGE » qui accroît les chances d’avoir été repéré. Ces variables indiquent aussi le niveau de maturité de l’entreprise. Si on suppose que le passage du formel à l’informel résulte également d’un processus historique, ces variables doivent alors influencer la propension pour une entreprise à être formelle ou informelle.

CONCLUSION

                   Au terme de cette analyse, on peut avancer que ce travail de recherche a contribué à faire le point sur la problématique de la fraude fiscale des micro-entreprises à Madagascar. Partant d’une vision théorique du phénomène, cette étude a essayé dans un premier temps de fournir formalisation du comportement de fraude des micro-entreprises à l’aide d’un modèle élaboré à partir du modèle fondateur d’Allingham et Sandmo (1972). L’étude théorique a montré que le passage d’une micro-entreprise du secteur informel au secteur formel correspond à des motifs de maximisation du profit. Parmi ces motifs apparaissent les variables fiscales. En procédant par la suite à une étude empirique sur le sujet, celle-ci a permis de tester le modèle et ses fondements théoriques tout en faisant ressortir l’influence positive ou négative des différentes variables sur la décision de fraude de ces micro-unités de production. Entre autres variables, on peut citer : la probabilité de contrôle ; le taux de taxation ; la taille de l’entreprise ; l’amende à payer en cas de détection par le fisc… Cette analyse empirique a permis de faire ressortir que ces micro-entreprises cherchent à se soustraire totalement de l’impôt tant que cette situation est économiquement favorable. Ainsi, une entreprise dont le taux de taxation théorique est important sera plus enclin à être informel et inversement, celle dont la part des intrants formels est importante choisira avec une plus forte probabilité d’enregistrer son activité. En outre, la taux de pénalité ou taux d’amende à payer diminue la fraude fiscale et donc accroît la probabilité pour une entreprise d’être enregistrée. En terme de taille, les entreprises les plus petites sont informelles et celles plus importantes sont formelles. Autrement dit, les microentreprises choisissent d’évoluer dans le secteur informel jusqu’à atteindre un volume de production où les bénéfices anticipés sont supérieurs dans le secteur informel. Et une fois dans le secteur formel ces entreprises deviennent de plus en plus honnêtes car à partir du moment où elles sont connues des services fiscaux, elles seront dorénavant suivies de près par l’administration fiscale et la probabilité est plus forte. Globalement, les résultats fournis par le modèle empirique semblent confirmer la pertinence des résultats théoriques évoqués en premier chapitre. Au vu de ces résultats dégagés par l’étude empirique, et en tenant compte du fait que le pays connaît actuellement une grave crise de ses finances publiques, avec une érosion constante du taux de pression fiscale, un certain nombre de stratégies seront à instaurer dont la finalité essentielle est de résoudre ou du moins d’atténuer le problème de fraude fiscale et les effets néfastes qu’elle entraîne. A Madagascar, la fraude fiscale est généralisée. Si elle touche naturellement le secteur informel qui échappe largement à l’enrôlement, le secteur formel est loin d’être exempté. Mais les causes de la sous fiscalisation sont sans doute moins la sous déclaration de la base imposable que le non enregistrement ou l’informalisation. Certes le secteur informel s’acquitte de certains impôts, notamment locaux, néanmoins, il est très largement sous fiscalisé. Le manque à gagner pour l’Etat est abyssal. En 1998, la législation en vigueur sur le secteur informel (TST, IRNS, Patente) aurait dû générer 1 080 Milliards de FMG. Seul un montant dérisoire est entré dans les caisses de l’Etat. A titre de comparaison, l’ensemble de toutes les recettes fiscales du pays se monte à 1 688 Milliards. Le manque à gagner sur le secteur informel atteint donc à 64% de »s impôts effectivement collectés. Si ces recettes avaient été récupérées, la pression fiscale serait passée de 9,3% du PIB à 15,3%. Ainsi, une première stratégie consistera alors en une fiscalisation des unités de production informelles, la seconde en une instauration de fiscalité de proximité et la dernière, et non la moins importante, en une formalisation de ces mêmes unités de production. La fiscalisation des unités de production informelles représente un défi pour Madagascar. Il convient donc de s’interroger sur l’objectif et le bien-fondé d’une telle politique. L’impôt constitue de très loin la première ressource financière de l’Etat, gage de sa souveraineté. Or la pression fiscale à Madagascar se situe parmi les plus faibles du monde, et qui plus est en baisse depuis le milieu des années 80, malgré un léger redressement observé récemment. De l’ordre de 9% du PIB depuis quelques années, elle se situe très en deçà du taux moyen observé dans des économies de niveau de développement comparable, où le taux de pression fiscale atteint 15%. En Europe, les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) se montent même à près de 50%. Non seulement, le taux de pression fiscale est notoirement insuffisant, mais en plus, Madagascar est engagé dans un processus de transition fiscale qui a pour effet de réduire la base imposable actuelle. Aujourd’hui, celle-ci repose avant tout sur les transactions internationales, et dans une moindre mesure sur la partie formelle de l’économie intérieure. Or, pour des raisons d’efficacité économique et pour favoriser l’insertion du pays dans l’économie mondiale, l’Etat cherche à transférer une partie des ressources générées par le commerce extérieur vers des ressources assises sur l’activité intérieure. D’ores et déjà, les taxes sur les exportations ont été supprimées, et les droits sur les importations sensiblement réduits. De plus, depuis le début de la décennie, les autorités promeuvent l’investissement direct étranger par des mesures de défiscalisation des entreprises franches, qui pèsent de plus en plus lourd dans l’économie nationale. Transférer le surcroît de charge fiscale sur le seul secteur formel orienté sur le marché intérieur risque d’en compromettre la compétitivité, et donc à terme de réduire encore l’assiette de l’impôt, déjà trop étroite. La marge de manœuvre est donc particulièrement faible. Dans ces conditions, la fiscalisation du secteur informel est une nécessité. Mais en contrepartie, quels avantages pourraient en retirer les  opérateurs informels, en dehors de leur aspect d’obligation ? Ces avantages sont de deux ordres. D’une part, les recettes publiques sont supposées bénéficier à l’ensemble de la Nation en permettant à l’Etat d’administrer le pays (police, justice, cadre réglementaire, etc) et de fournir un certain nombre de biens publics nécessaires au développement (infrastructure, santé, éducation, etc). D’autre part, la légalisation des activités informelles, dont le respect de la législation fiscale est un élément essentiel, est censée réduire leurs coûts de transaction. Etre en règle avec l’Etat réduit la probabilité de contrôle et de harcèlement de la part des agents publics (amendes, corruption, fermeture). Mais c’est aussi une condition préalable pour bénéficier d’un certain nombre de services aux entreprises (publics et privés) comme l’accès aux marchés publics, aux grossistes, aux importations, aux institutions de crédit, aux programmes de promotion, etc. La deuxième stratégie qui consiste à mettre en place une fiscalité de proximité tient essentiellement au fait que le système d’imposition des petites entreprises est inadapté à Madagascar. Les calculs de recettes potentielles sur le secteur informel montre clairement l’existence d’un gisement fiscal réel. Cependant, l’application de la loi fiscale en vigueur pose de véritables problèmes de redistribution. Les taux théoriques semblent bien trop élevés. A titre d’information, Les PME dont le chiffres d’affaires (CA) est inférieur à 250 millions de FMG sont obligées de payer plusieurs impôts d’Etat et locaux. Parmi ces impôts, trois sont particulièrement importants ; il s’agit, d’une part, de la taxe professionnelle et de l’impôt sur les revenus non salariaux (IRNS) qui sont des impôts directs, et, d’autre part, de la taxe sur les transactions (TST), impôt indirect. En considérant seulement le calcul de ces trois principaux impôts dont doivent s’acquitter les PME, on comprend pourquoi peu d’entrepreneurs se soumettent à leur devoir fiscal, entraînant un manque à gagner énorme pour l’Etat. Pour la taxe professionnelle, l’inadaptation tient au fait que dans la majorité des cas, il est très difficile aux petits entrepreneurs de calculer la valeur locative de leur local et de leur matériel. Le calcul du droit proportionnel se base donc, soit sur des chiffres non fiables, soit uniquement sur le droit fixe, ce qui conduit à d’énormes biais. De plus, en raison du système de calcul (au cas par cas) et des moyens matériels et humains dont dispose l’administration fiscale, il est évident que la base d’imposition calculée est erronée. En ce qui concerne l’impôt sur les revenus non salariaux, tout le système est basé sur la déclaration de revenus. Or, d’une part, la plupart des entrepreneurs informels sont incapables de la remplir, et, d’autre part, les moyens de contrôle de l’administration fiscale sont quasi inexistants. Pour les taxes sur les transactions, il y a toujours le problème de la fiabilité de la déclaration de revenus. Les inadaptations de ces trois types d’impôts au niveau des micro entreprises amène à proposer la mise en place de l’impôt sur les facteurs de production ou l’impôt synthétique. Cette réforme a été déjà introduite dans la loi de finances 1998 et censé entrer en vigueur dès l’exercice 1999. Elle consiste en une simplification radicale du système d’imposition. Autrement dit, son principe est basé sur le regroupement de toutes les taxes sur l’activité (taxe sur la valeur ajoutée, impôt sur les bénéfices, taxe professionnelle, etc.) en un impôt unique, dont les modalités de calcul doivent être aisément mises en œuvre, du fait de l’absence de document comptable de la plupart des entreprises individuelles. La troisième et dernière stratégie est inhérente à la formalisation du secteur informel. Pour le bon fonctionnement d’un Etat de droit, il est nécessaire que les lois soient effectivement respectées (enregistrement des micro-unités auprès de l’administration : registre de commerce, numéro statistique…) et que le secteur informel puisse s’insérer à part entière dans le cadre de la régulation officielle, et de bénéficier de ces éventuels bienfaits. L’Etat devrait alors pousser les activités des micro-entreprises informelles dans la légalité et par une action répressive si cela est nécessaire mais devrait en contrepartie résoudre le problème de complexité des procédures de législation, calquées sur celles en vigueur dans les pays développés au moment des indépendances, améliorer la concertation, la transparence et l’efficacité. La résolution de la problématique de fraude fiscale développée dans ce document a été axée en grande partie sur un schéma d’incitation des micro entreprises à accomplir leur devoir. Certes, cette stratégie se révèle être d’un grand secours pour régulariser le problème des rentrées fiscales de l’Etat en essayant de combler le manque à gagner énorme. Mais ne serait-il pas aussi grand temps de repenser au changement de l’Etat luimême ? En effet, force est de constater que l’impôt soit disant émanant du consentement des contribuables se voit de plus en plus fraudé par ces mêmes contribuables. Autrement dit, le contribuable refuse d’acquitter une dette ou un engagement qu’il aurait réellement accepté. Se posent alors les questions : L’Etat pourquoi ? Au bénéfice de qui ? Bref, c’est la finalité même de l’Etat qui serait remise en cause. Certains diront alors qu’ils ne paieront pas l’impôt ou ne le paieront en partie que s’ils recevraient une contrepartie de l’Etat ; ou encore que lorsqu’ils sont face à un programme public qu’ils ont sélectionné eux-mêmes et qu’ils sont sûrs d’en bénéficier intégralement. De ce point de vue, la fraude fiscale serait assimilée à la revendication d’un droit : celui de s’opposer à l’abus étatique.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE MODELE THEORIQUE DE FRAUDE FISCALE
Section I : Le modèle fondateur
Section II : La modélisation du comportement de fraude fiscale des microentreprises
CHAPITRE II : L’ANALYSE DU PHENOMENE DE FRAUDE DES MICRO ENTREPRISES DE L’AGGLOMERATION D’ANTANANARIVO
Section I : Le modèle empirique
Section II : Les résultats du modèle empirique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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