La formation TRAME et les risques psychosociaux

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Le mise en place de la formation « TRAME » pour accompagner les responsables industriels à la suite du déménagement

A mon entretien d’embauche, Yoan, le coordinateur sécurité m’avait confié que si mon profil les avait intéressés c’était parce que justement le Master que je suivais abordait largement les Risques Psychosociaux (RPS). Depuis 2018, l’entreprise Les Bouchées met en avant, pour tous les cadres, la formation TRAME : « Travailler mieux ensemble ». Une formation animée par un cabinet, dont le formateur se définit comme : « Consultant en relation Homme-Travail ». Ce cabinet est spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (RPS). En novembre 2020, les chefs d’équipe et responsables d’exploitation participent à cette formation. Les sujets tournaient autour de leur travail. J’ai eu l’opportunité d’y participer. Avec mon parcours universitaire cette formation m’intéresse beaucoup puisqu’elle se focalise sur la présentation des RPS et leur prévention.
Un groupe de 4 chefs d’équipe : Cyril, David, Alban et Hugo, les chefs d’équipes de production, accompagnés des 2 responsables d’exploitation : Edouard et Adrian, étaient présents à cette formation qui se déroula en 5 journées. La logique de ce cabinet, si l’on devait la résumer, est de montrer que les RPS et le développement des TMS sont liés et qu’il ne faut pas penser les problématiques rencontrées au travail (problèmes techniques, accidents…) dans un réflexe : Problème – solution. Il faut aussi se tourner vers le travail humain, ce que le travail fait à l’Homme et ce que l’Homme fait au travail. Ne plus considérer l’opératrice ou l’opérateur comme passif mais comme acteur dans son travail. Cinq formations de 7h ont eu lieu avec les chefs d’équipe.
Le 25 janvier, la formation se focalisait sur la présentation de la démarche par les chefs d’équipes au comité SAFETY (nom anonymisé)14. Y étaient présentés les avantages de cette technique de travail, ce que les chefs d’équipes et responsables d’exploitation avaient pu soulever comme problématiques et les éventuelles solutions. La question qui avait été posée par le consultant était : comment continuer d’utiliser cette posture au quotidien ?
Le 29 mars 2021, rien n’était encore fait, aucun responsable industriel ne me remontent avoir utilisé les techniques de travail fournit par le cabinet. On peut voir écrit dans mon journal de terrain :
« – Moi : Je ne sais pas si tu es d’accord avec moi Yoann mais pour le moment nous sommes encore sur des discours managériaux
– Yoann : Non…(ironie) Non si c’est vrai, en ce moment nous avons un peu la tête sous l’eau et moi le premier, on a du mal à avancer. Franchement on n’a pas le temps »15

Un personnel d’encadrement industriel soumis aux risques psychosociaux

Vers une problématique et des hypothèses de recherche

J’ai tout d’abord porté un intérêt particulier à cette formation RPS visant les chefs d’équipes et les responsables d’exploitation. Me centrer sur cette population de managers intermédiaires très actifs sur le terrain, aux côtés des opérateurs et opératrices et des intervenants des divers services me paraissait stimulant. Du fait de mon rôle professionnel, j’avais pu observer indirectement leur rôle et certaines de leurs difficultés (gestion des mails, téléphone, application des règles) et je me demandais les raisons pour lesquelles ils n’utilisaient pas la formation RPS qui avait pour but de les aider dans la gestion de leur travail au quotidien. Mon questionnement initial forgé lors de cette formation est alors : quelle vision ont les chefs d’équipe et responsable d’exploitation de cette formation ? Cependant, arrêter mon questionnement ici était un peu court voire réducteur : Certains vont la voir comme bénéfique et d’autres comme inutile.
Il est important de noter que les chefs d’équipes sont des managers de proximité, ils ont une position ambivalente entre la place de chef auprès des opérateurs en atelier et d’inférieur hiérarchique face aux responsables d’exploitation. Comme l’indique Lionel JACQUOT, il existe « deux rôles centraux assumés par le manager de proximité : celui d’intermédiaire d’un côté et celui d’encadrant de l’autre »16.
J’ai pu l’observer, leurs conditions de travail sont difficiles car ils interviennent dans un ensemble de contraintes complexes. Ils jonglent entre la gestion des mails, du téléphone, les problématiques techniques en atelier pour produire ou encore la gestion des congés du personnel. Si l’on prend les 6 facteurs de risques développés par Michel Gollac dans le rapport du collège d’expertise en 201117 (voir encadré n°1), nous pouvons penser que « l’intensité du travail et le temps de travail » peut-être un facteur de risque auquel les chefs d’équipe peuvent être confrontés. Cette supposition va dans le sens de l’état des lieux réalisé par le cabinet consultant qui souligne : « La régulation, l’anticipation et le sens du travail sont des piliers qui doivent attirer l’attention puisque les plus évalués entre 0 et 5 et/ou notés par quelques personnes avec une note < 3 ».
Encadré n°1 : L’état des lieux n’a pas été fait sur les responsables d’exploitation spécifiquement. Ces derniers ont été intégrés aux « managers ». Un groupe constitué de 8 représentants de la direction. Nous pouvons souligner que le facteur de risque appelé « Intensité du travail et le temps de travail » touche ces « managers ». Dans l’état des lieux nous pouvons lire : « L’anticipation et la régulation sont aujourd’hui des piliers fragilisés puisque majoritairement notés avec notes compris entre 1 et 5 ». De plus, mes observations indiquent une intensité du travail forte : lorsque je regarde les plannings des réunions sur les salles, la plupart du temps ce sont les deux responsables d’exploitation qui sont inscrits. Pour prendre un rendez-vous c’est extrêmement complexe puisqu’ils ne sont jamais disponibles. De plus, ils sont joignables même le weekend. D’après ces premières indications, les chefs d’équipes et les responsables d’exploitation semblent subir des risques psychosociaux (RPS).
Notre recherche questionne ce paradoxe : d’un côté, les personnels d’encadrement industriel paraissent subir des RPS, mais de l’autre, ils ne s’emparent pas nécessairement de la formation dédiée à ces problèmes. On peut donc se demander s’ils définissent ou pas leurs conditions de travail au prisme des RPS et s’interroger sur les facteurs qui peuvent expliquer une éventuelle représentation différenciée (entre les uns et les autres) de leurs conditions de travail. Nous pouvons nous demander si les personnels d’encadrement industriel définissent leurs conditions de travail par le prisme des risques psychosociaux. Qu’est ce qui peut expliquer une représentation différenciée par le personnel d’encadrement industriel de leurs conditions de travail ?
La première hypothèse que l’on peut poser est que les conditions de travail des managers de proximité sont difficiles et qu’ils subissent des RPS. Cependant, pris dans leur quotidien de travail, les aléas de la production ou encore la passion de leur métier, ces derniers ne perçoivent pas les risques psychosociaux auxquels ils seraient confrontés.
La deuxième hypothèse que l’on pose est que ce serait la réflexivité sur leur pratique qui favoriserait l’appréhension de leurs conditions de travail en termes de RPS. Cette réflexivité pourrait selon nous avoir deux sources. Soit, elle serait favorisée par l’ancienneté dans l’entreprise. Une ancienneté qui leur permettrait de prendre des distances face à leur rôle ou encore une expérience de nombreux changements dans leurs conditions de travail les ayant déjà confrontés aux Risques psychosociaux ou au contraire leur étant totalement inconnu. Soit, cette réflexivité serait favorisée par l’acquisition d’un capital culturel leur permettant d’expliciter leurs pratiques voire d’avoir déjà rencontré le vocabulaire et la littérature des risques psychosociaux.

Les Bouchées comme terrain d’enquête, les différents moyens d’investigation

Pour prendre pour objet d’enquête la perception des conditions de travail du personnel d’encadrement industriel et mettre à l’épreuve mes deux hypothèses, j’ai utilisé plusieurs méthodologies usuelles en sociologie.

Le journal de bord

Le journal de bord m’a permis de noter chaque jour les faits marquants et les réflexions spontanées. L’écriture de ce journal s’est faite soit pendant la journée, lors de mes pauses ou, lorsque sur mon bureau, je pouvais me poser un peu. Si je n’avais pas le temps j’écrivais le soir. La tenue de ce support a été complexe sur la durée. En effet, au tout début de mon alternance, et alors que mon objet de recherche n’était pas défini, tout m’étonnait. Je notais tout ce que je pouvais observer et qui pouvait nourrir mon futur mémoire. Au fur et à mesure de l’année mon sujet s’étant précisé, mes annotations concernaient les chefs d’équipes et responsables d’exploitation. Mais plus le temps passait plus la prise de note fut pour moi complexe. Mes temps de pause ainsi que mes moments au bureau se sont amenuisés. Montant en compétence à mon poste, mon tuteur m’a donné de plus en plus de responsabilité et le travail qui allait avec. J’étais souvent fatiguée le soir et il était dur pour moi de me mettre sur mes recherches à 19h. De plus, la routine prenant souvent le pas, plus je rentrais dans la vie de l’entreprise plus les choses me sont parues normales, l’étonnement s’estompait. C’est pourquoi vers les mois d’avril-mai j’ai perdu dans la tenue quotidienne de mon journal de bord.

Observations

Pour éviter de perdre le fils de mon enquête, j’ai décidé d’assumer un peu plus ma place d’étudiante. Alors que je me montrais très discrète face à mes notes et le sujet de mon mémoire, au mois d’avril, j’ai décidé de demander des observations auprès des différents chefs d’équipes visés par mon enquête. Je suis donc passée d’une posture d’observation participante, en tant qu’alternante au service sécurité, à une posture d’étudiante qui enquête ouvertement.
Pour cette recherche il a été nécessaire d’observer les conditions de travail des chefs d’équipes. J’avais pu prendre quelques notes dans mon journal de bord sur leur manière de travailler lorsque je venais en atelier. Ma mission de mise à jour des fiches de sécurité m’a permis d’aller dans leur bureau quand j’avais des questions ou lorsque j’avais rendez-vous avec eux. C’était un moyen pour moi de pouvoir observer leur travail. Cependant mes visites étaient souvent courtes et parfois trop focalisées sur la sécurité. C’est pourquoi, j’ai demandé à chacun d’entre eux s’il était possible de les suivre une matinée pour découvrir leur métier et comprendre leur travail. L’objectif de ces observations étaient de voir comment ils me présenteraient leur travail et s’ils étaient susceptibles de vivre des risques psychosociaux.
J’ai pu effectuer des observations avec trois chefs d’équipe de production sur quatre : Cyril dans l’atelier « Découpe-Ingrédients », David dans l’atelier « Cuisson » et Alban dans l’atelier « Dosage-Palettisation ». Avec Hugo la négociation a été plus complexe, nous n’avons tout d’abord jamais trouvé de temps pour se retrouver : moi prise par mes missions et lui par les aléas de la production. Cependant je l’ai également ressenti très retissant face à cet exercice. Je n’ai donc pas insisté.
La première observation s’est déroulée le 26 avril 2021 de 7h à 10h45 avec David en Cuisson. La seconde fut avec Cyril, le 4 mai 2021 de 7 à 10h15 dans l’atelier découpe-Ingrédients. Alors que David m’avait expliqué son métier surtout dans le local de supervision de l’atelier, Cyril lui m’avait expliqué ce qu’il faisait en même temps d’agir. La troisième observation s’est déroulée avec Alban le 17 mai de 5 à 10h30. A l’inverse des deux premiers, Alban m’a très peu parlé pendant ma venue. Formant déjà une autre cheffe d’équipe, Chloé, je n’ai pas posé de question, écoutant plutôt les explications qu’il donnait à cette dernière fraichement recrutée.
Soulignons que toutes ces observations ont débuté au moment de la prise de poste des chefs d’équipe, ces derniers me donnaient rendez-vous à l’heure théorique de leur début de journée. A chaque fois, arrivant pile à l’heure, j’étais en réalité en retard. Ces derniers arrivaient 10 à 15 minutes avant l’heure officielle. De plus, à partir de 10h30 mes observations se sont toutes arrêtées. Chacun d’entre eux ayant des réunions auxquelles ils ne m’ont pas conviée. Sur le moment je n’ai pas insisté ayant déjà été très reconnaissante qu’ils m’offrent de leur temps. Cependant, avec du recul, il aurait fallu que j’insiste un peu plus car ces réunions font partie de leur quotidien. Nous pouvons supposer que pour décrire leur poste, les chefs d’équipes soulignent plus le travail sur le terrain que dans les bureaux.
Ces observations m’ont permis de me faire une première idée de ce que c’était d’être chef d’équipe.
En ce qui concerne les responsables d’exploitation je n’ai pas fait ce genre de demande d’observation car j’ai préjugé que leur agenda ne leur permettrait pas. En effet, il était déjà complexe pour moi de poser des réunions professionnelles avec eux. De plus, la plupart des réunions auxquelles ils participent sont confidentielles. Le bureau de Adrian, responsable du pôle « Dosage-Palettisation », se trouvant juste à côté du mien j’ai pu l’observer sans lui dire. Pour Edouard, responsable du pôle « zone cru-cuit », je me suis basée sur nos échanges lors du travail. De plus, j’ai pu participer à de nombreuses réunions avec eux me permettant de prendre des notes.
Enfin, comme j’ai pu le préciser, j’ai participé à la formation TRAME. C’est par la concordance entre mon cursus scolaire et cette formation que mon tuteur y voyait une opportunité pour moi, à but pédagogique, de m’impliquer dans cette formation. J’ai alors pris le rôle de secrétaire de séance lors des réunions et c’était à moi de réaliser les comptes rendus. Ma prise de notes était donc légitime. Le fait que les chefs d’équipe ne se sentent pas observés pendant ces réunions a permis de limiter l’éventuel impact de ma présence dans le groupe. Pour moi, ces prises de notes restaient un exercice complexe. Je dû jongler entre les prises de notes officielles de la réunion, qui étaient affichées sur l’écran vidéoprojeté en temps réel, et mes notes manuscrites pour mon mémoire.
J’ai, à la suite, souhaité confronter ce que j’avais pu observer avec ce que ce personnel d’encadrement exprimait sur leurs conditions de travail.

Entretiens

Ma problématique questionnant la manière dont les chefs d’équipes et responsables d’exploitations définissent leurs conditions de travail, il m’a paru impératif de les faire parler sur ce sujet. C’est pourquoi, j’ai négocié avec eux des entretiens. J’ai beaucoup appréhendé cette négociation ne sachant pas comment ils allaient réagir face à un exercice qu’ils ne connaissaient pas. Vis-à-vis des chefs d’équipe, je ne ressentais aucune supériorité hiérarchique. Devant travailler en collaboration avec eux je me sentais comme leur collègue de travail : nous échangions parfois sur leur vie privée, nous essayions de trouver des solutions ensemble, ils venaient me voir lors de problématique sécurité.
Avec les responsables d’exploitation, la distance était plus palpable et le rapport de hiérarchie également : J’avais pu observer lors de mon premier TOP atelier18 le mardi 9 février 2021 : « Il est 9h25 quand nous croisons Adrien, le responsable d’exploitation côté Dosage-Palettisation. Je dis à la responsable des ressources humaines que je dois y aller aussi. Je ne veux pas être en retard pour ce premier TOP. C’est la première fois où je serais seule, sans mon tuteur, pour suivre ces TOP.
Nous commençons par le TOP Atelier Dosage-Palettisation. Nous commençons toujours les TOP par la sécurité. Le chef d’équipe me dit alors que des gants de manutention en Palettisation ne sont pas adaptés, ils se déchirent facilement. Je note que je dois aller les vérifier. Je dis alors au chef d’équipe que je vais aller voir ça après les TOP. Adrien me donne alors l’ordre de voir avec Florine, la responsable supply-chain, s’il n’y a pas eu des changements dans les références. […]
A 10h15 c’est le TOP Usine. M.Michel, le directeur de l’usine est là. Je panique un peu car il a souvent tendance à donner des directives mais là il ne dit rien. Nous commençons donc par la sécurité. Je fais pars du problème des gants en Palettisation, le sujet est lancé. Ensuite, je vois qu’en Découpe (zone cru-cuit), il a été ajouté sur le tableau de présentation qu’un nouveau test de support des fusils (pour affuter les couteaux) était en cours. Alors je fais remonter l’information, d’autant que j’étais déjà au courant puisque j’avais participé à la réunion de présentation de cette nouvelle action. Alors que je commence à parler du sujet, Edouard (nom anonymisé), le responsable d’exploitation de la zone me coupe la parole. Il commence la présentation et finira lui-même la partie sécurité sans que j’ai pu ajouter un mot. Ce phénomène n’était jamais arrivé à mon tuteur pendant mes observations des TOP Ateliers ».
Les responsables d’exploitation sont directifs avec moi. Nous pouvons supposer que ma place d’alternante joue dans la relation que j’ai avec eux. Sans doute suis-je vue comme celle qui apprend et donc qui doit plus exécuter que prendre des initiatives. Leur poser des questions est plus compliqué pour moi. Si je puis dire, ce sont eux qui dirigent la danse. C’est un peu moins vrai pour la suite de mon apprentissage, au moment où j’écris ses lignes entre les mois de juillet et août 2021, je participe aux TOP tous les jours et j’ai pu prouver mes capacités pour prendre ma place même s’ils me donnent encore des ordres.
Que ce soit avec les quatre chefs d’équipe de production ou les deux responsables d’exploitation, je me suis toujours arrangée pour me retrouver seule avec eux lors de ma demande d’entretien. L’introduction à la demande fut, pour tous, pratiquement la même : devant réaliser un mémoire je devais faire une enquête sociologique. Comme j’avais participé à la formation TRAME avec eux tous étaient au courant que mon cursus universitaire avait largement appréhender les risques psychosociaux. Je leur ai alors indiqué vouloir comprendre ce qu’eux disaient de leur travail et que je souhaitais faire des entretiens avec eux. A ma grande surprise tous ont été très réceptifs et ont accepté immédiatement en justifiant leur accord par l’aide qu’ils m’accordaient ainsi pour réaliser mon mémoire. Alors que je pensais que ma place d’alternante subalterne allait jouer en ma défaveur, ma place d’alternante étudiante me permet d’avoir une approbation de la part de ces personnels d’encadrement.
Cependant, la négociation des conditions de réalisation de l’entretien fut plus complexe : aucun téléphone et hors travail. Je me suis alors rendu compte qu’ils acceptaient, certes des entretiens mais que cela ne devait pas déborder sur leur vie privée. Tous ont souhaité faire l’entretien dans l’usine, pendant les heures de travail. Sauf Alban19, le plus jeune, qui a pris du temps hors travail mais toujours dans l’enceinte de l’usine. J’ai alors dû négocier à minima deux heures avec eux pour être sûr d’avoir du temps pour échanger et ne pas être pressés. Pour tous, je me suis arrangée pour trouver une salle de réunion le plus à l’écart possible, le plus confidentiel possible, pour qu’ils se sentent le plus libres possible de parler sans voir d’autres collègues. Malgré tout, pendant tous les entretiens certaines personnes sont passées devant la salle de réunion pour voir si elle était libre ou pour simplement passer d’un endroit de l’open-space à l’autre. A chaque fois les enquêtés regardaient à la porte. De plus, 5 des 6 entretiens se sont terminés dans les alentours de 16h30 – 17h, le moment de la pause dans l’open-space. Dès que nous sortions beaucoup de nos collègues nous faisaient la réflexion que nous parlions beaucoup pour rester plus de deux heures ensemble. Au bout du 3ème entretien, le responsable des achats ou encore la responsable qualité ont même fini par me demander combien d’entretien j’allais faire. Je savais que cette manière de faire intriguait car personne ne connait le principe des entretiens. Même si je soulignais avant l’entretien que personne de l’entreprise n’aurait accès au mémoire, nous ne pouvons pas omettre le fait que les enquêtés pouvaient s’inquiéter du regard des autres à partir du moment où ces derniers ont eu connaisse de nos échanges.
Les six entretiens se sont répartis entre les mois de juin et juillet. Ayant dû jongler avec les emplois du temps, tous les enquêtés ont accepté de les faire en après-midi. En ce qui concerne les chefs d’équipe, le premier s’est déroulé avec Alban, le 14 Juin, alors qu’il était du matin (5h-13h) il a accepté de poursuivre avec moi. Le second fut avec David le 7 juillet, ensuite avec Hugo le 12 Juillet et enfin Cyril le 19 juillet. Pour les chefs d’équipe, tous les entretiens ont commencé à 14h mais à partir de 16h tous commençaient à regarder l’heure pour savoir où nous en étions. Il faut savoir que pour Cyril et David, la fin de poste est théoriquement à 16h donc l’entretien mordait sur leurs heures hors travail. Même s’ils restaient volontaires pour cet entretien avec une alternante, ma demande était perçue comme une réunion avec eux qui se déroulait dans le cadre du travail. Cependant, même s’ils disaient vouloir partir, ils avaient chacun toujours quelque chose à ajouter à leur propos, des sujets sur lesquels revenir. Les entretiens ont donc duré entre 2h et 2h45 chacun. De plus, tous ont ajouté être heureux de partager avec moi, leurs impressions sur leur travail et que cela changeait des rencontres qu’ils connaissaient.
Pour Hugo (chef d’équipe de l’atelier « Dosage – Palettisation), la fin de l’entretien a été déclenchée par un appel urgent de son atelier de production à la suite d’un problème technique. Je peux également souligner une limite dans le déroulement des entretiens. Alors que j’avais demandé à ces derniers de ne pas avoir de téléphone, tous (sauf Alban qui a réalisé l’entretien hors temps de travail) ont pris avec eux leur téléphone de travail. Cela confirme qu’il s’agissait pour eux d’une période de travail. Pour chacun d’entre eux, l’entretien a été coupé par au minimum deux coups de téléphone. Il est très contraignant pour eux de se rendre disponible aussi longtemps lors de leur travail. Néanmoins, la présence du téléphone m’a permis de voir sur quels sujets ils pouvaient être sollicités. De même, j’ai pu voir qu’ils trillaient leurs appels. En fonction du nom de la personne affiché sur le téléphone ces derniers répondaient ou non.
Pour les responsables d’exploitation les contraintes étaient autres lors du déroulement des entretiens. Le 15 Juillet, j’ai pu réaliser un entretien avec Edouard (responsable production pôle « zone cru-cuit). Ce dernier avait également pris son téléphone mais n’a répondu qu’une seule fois, sinon il raccrochait systématiquement. Il n’avait aucune contrainte de temps me disant que ça ne le dérangeait pas de continuer même tard. Nous avons commencé l’entretien à 14h. Selon lui, l’après-midi il est plus tranquille car l’atelier Découpe-Ingrédients ne tourne pas.
Nous avons dû terminer à 16h20. En effet, à contrario de ce qu’il m’avait dit, il avait un rendez-vous avec le directeur de l’usine juste après, dans la même salle de réunion. La tête du directeur s’est montrée à 16h10 à la porte de la salle de réunion et Philippe a alors mis fin à notre entretien. En ce qui concerne Adrian, je n’ai trouvé aucune possibilité de rendez-vous dans les après-midis. Ce dernier avait toujours des réunions. C’est lui, spontanément qui m’a proposé de le faire à 18h mais toujours au bureau. J’ai accepté. Cependant, nous avons repoussé deux fois l’entretien, une première fois car il était en vacances, la seconde fois parce que j’étais « cas contact covid-19 ». Pour la deuxième fois, lorsque je lui ai dit que nous devions annuler notre entretien, ce dernier s’est empressé de me dire « oh dommage je ne finis pas à 20h cette fois ci » d’un ton ironique. Ma demande est là encore associée au travail. Nous réaliserons finalement l’entretien avec Adrian le lundi 9 Août de 15h à 17h30.
L’épidémie du COVID 19 a aussi eu un impact sur mon enquête. Par deux fois j’ai dû m’absenter du travail car j’étais « cas contact », les deux fois j’ai dû rater des réunions avec les chefs d’équipes et responsables d’exploitation. De plus, les entretiens se sont tous déroulés avec un masque, il était très difficile de cerner les réactions des enquêtés. L’envie me brulait de leur demander d’enlève le masque. Mais étant dans un lieu professionnel nous n’avions pas d’autre choix que de le garder.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : L’entreprise Les Bouchées comme terrain d’enquête
1- Décrypter le fonctionnement d’une organisation complexe
A – Les Bouchées : Une entreprise séculaire à la production industrielle
B – Le passage d’une usine à l’autre : quelles conséquences pour les salariés ?
C – Le mise en place de la formation « TRAME » pour accompagner les responsables industriels à la suite du déménagement
2. Un personnel d’encadrement industriel soumis aux risques psychosociaux
A – Vers une problématique et des hypothèses de recherche
B – Les Bouchées comme terrain d’enquête, les différents moyens d’investigation
C – La « food-defense », une difficulté pour enquêter
Chapitre 2 : Les conditions de travail du personnel d’encadrement
1- La formation TRAME et les risques psychosociaux
A – Présentation de la formation TRAME
B – Les facteurs de risques psychosociaux selon Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail dirigé par Michel Gollac
C – Les 5 piliers essentiels du travail humain.
2- La spécificité du travail d’un manager de proximité dans l’entreprise Les Bouchées
A- Qui sont ces chefs d’équipe et responsables de production ?
B – Qu’est-ce que le management de proximité ?
C – Entre chef d’équipe et subordonné hiérarchique : la position ambivalente des managers de proximité
3 – Le personnel d’encadrement touché par les risques psychosociaux
A – Leurs conditions de travail selon mes observations
B – L’Etat des lieux liés à la formation TRAME
B – 1 : La construction de « l’état des lieux » :
B – 2 : Les résultats des états des lieux pour ces deux groupes
Chapitre 3 : La perception par le personnel d’encadrement de leurs conditions de travail
1- La confrontation aux RPS dans le travail du personnel d’encadrement : entre acceptation et naturalisation
A – Une description des difficultés en lien avec les RPS
B- Une naturalisation et une individualisation des risques psychosociaux rencontrés
C- La motivation au travail : entre la peur du quotidien et l’envie de « challenge »
2 – Une confrontation aux RPS auparavant menant à une relativisation des conditions de travail actuelles
A – Le déménagement et son impact sur les conditions de travail des personnels d’encadrements
B – La connaissance des RPS dans leur vie professionnelle précédent Les Bouchées
Conclusion
Annexe
Références bibliographiques
Glossaire

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *