La formation initiale des professeurs de collège à l’INFP

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Enjeux entourant la notion de la professionnalisation

Centrer la formation sur la professionnalisation des enseignants suppose équiper les formés d’outils leur permettant de passer d’un rôle d’exécutants, rôle axé sur l’imitation et l’application et basé sur une pratique pédagogique intuitive, à un rôle d’acteurs capables de prendre des décisions réfléchies et informées. Pour y parvenir, la formation initiale doit se préoccuper d’au moins de deux principes de base à savoir, l’intégration de la théorie et de la pratique et les savoirs en jeu dans la formation, c’est-à-dire les savoirs théoriques et les savoirs d’action.

Intégration de la théorie et de la pratique

Jusqu’à maintenant, dans la conception de la formation, le cloisonnement théorie-pratique se traduit par l’idée que la « théorie » s’apprend dans les institutions de formation et que la « pratique » s’apprend sur le terrain. D’où le clivage entre une formation donnée/reçue sur les « principes » sur le lieu de formation d’une part, et leur application donnée/reçue sur le terrain dit des pratiques d’autre part. Comme mentionné auparavant, les soucis des jeunes enseignants résident dans l’utilisation des théories dans la pratique; utilisation qui ne va pas toujours de soi étant donné la diversité des contextes pédagogiques qui prévalent et qui résulte souvent par le lieu commun selon lequel « cela marche en théorie mais en pratique, cela ne vaut rien ». Pour remédier à de telles situations, la littérature suggère une articulation efficace entre théorie et pratique. C’est ainsi que Perrenoud (1994) recommande l’adoption d’une démarche clinique pour une bonne articulation entre théorie et pratique:

Démarche clinique de formation

En quoi la démarche clinique contribue-t-elle à l’articulation de la théorie et de la pratique ? En quoi consiste-t-elle ?
Le concept de ‘démarche clinique’ dit Robo (2003, p1), n’est apparu dans le milieu de l’éducation que vers le début des années 1990. Reprenant Cifali (1999, p981), il décrit la démarche clinique comme exigeant une posture particulière « qui permet à un professionnel de construire des connaissances à partir de situations particulières dans lesquelles il est impliqué ».
Perrenoud (2001a, p11) explique que ces situations singulières, autour desquelles s’organise la démarche clinique sont « des occasions à la fois de mobiliser des acquis antérieurs, de les différencier, de les contextualiser et de construire des savoirs nouveaux ou des besoins de formation »
Il semble donc que la démarche clinique consiste en une analyse des pratiques en vue d’une théorisation, d’une formalisation de sa pratique en faisant appel à son savoir antérieur pour éclairer ce qui est en train de se passer de façon à savoir comment réagir si une situation similaire se représente dans le futur. Par ailleurs, il s’agit selon encore les termes de Perrenoud (1994, p219) « d’amener une part importante des connaissances théoriques comme des réponses à des situations vécues, des éclairages, des grilles de lecture de l’expérience ».
C’est en d’autres termes un moyen sûr d’articuler théorie et pratique.
En fait, il s’agit de l’articulation de la pratique de classe et des éclairages théoriques qui la fondent et qui en émergent; basée sur la réflexion individuelle ou collective et sur la mobilisation d’apports théoriques multiples, la démarche clinique permet ainsi de comprendre la situation vécue, d’envisager différentes alternatives ou des stratégies d’action mais le plus important c’est qu’elle permet de se former une théorie de sa pratique. On doit admettre qu’une théorie issue d’une expérience vécue par le formé ne risque plus d’accuser d’écart entre ‘la formation théorique’ et ‘la formation pratique’, écart fortement décrié par les formés.

Il faut en outre noter qu’adopter une démarche clinique en formation initiale suppose un bon agencement des temps de formation intra muros et des temps de stages pratiques. En effet, pour permettre aux formés d’avoir des expériences d’agir professionnel, il faut les envoyer sur terrain, dans les salles de classe. Plusieurs travaux démontrent l’importance des stages pratiques dans le processus de professionnalisation et soulignent qu’il ne faut plus les considérer comme une discipline parmi les autres mais plutôt comme un moment crucial de la formation où le formé est confronté à la réalité, à sa singularité, à sa complexité. En ce qui concerne l’agencement des temps de formation en institution de formation et les temps de stages pratiques, la meilleure formule préconisée, qui d’ailleurs contribue à une bonne articulation de la théorie et de la pratique, est la démarche d’alternance.

Démarche d’alternance de formation

La démarche d’alternance est un dispositif qui consiste à alterner les temps de cours et les temps de stage.
« La démarche d’alternance fait interagir pratique et théorie» écrit Euzet ( in Bouvier et Obin, 1999). Il convient à ce stade de souligner que la littérature dénonce les formes d’alternance qui n’articulent pas mais ‘juxtaposent’ la théorie et la pratique.
En effet, on parle d’alternance déductive et d’alternance inductive. Mais en quoi ces deux démarches divergent-elles et quelle démarche adopter pour réussir à articuler théorie et pratique? L’alternance déductive consiste à faire succéder à des cours théoriques une mise en pratique sans retour réflexif vers la théorie tandis que l’alternance inductive consiste à s’appuyer sur des pratiques pour les formaliser dans des cours théoriques, sans opérer ensuite de retour vers les pratiques. Ce qu’il faut adopter, c’est une alternance intégrative qui permette d’établir des liens entre connaissances formalisées (théoriques, techniques, méthodologiques) et savoir pratique. Plus spécifiquement, l’idée n’est pas de mettre en application des savoirs théoriques et méthodologiques présentés pendant les temps de cours comme c’est le cas pour une alternance déductive, ni d’initier le futur enseignant au métier sans aucune référence théorique sur ses actes pédagogiques, ce qui caractérise l’alternance inductive. Il s’agit plutôt de donner aux stagiaires l’occasion d’entreprendre des échanges sur les succès et les difficultés rencontrés en stage; d’établir des liens entre la formation théorique reçue et leurs pratiques pédagogiques; et enfin, de trouver ensemble des éléments de solution et des pistes à explorer pour faire face aux problèmes rencontrés lors des tenues de classe. En fait, il s’agit de leur donner l’opportunité de s’adonner à un travail de théorisation de leur expérience car comme le dit si bien Schön cité par Coen (2000, p1), « L’étudiant [il s’agit du formé et non de l’apprenant] construit du sens dans ‘ un dialogue réflexif ‘ avec son expérience de terrain »

Ainsi, comme pour toute formation professionnelle, la formation des enseignants doit être conçue sur le principe d’alternance intégrative, basé sur un va-et-vient entre des périodes de pratique de classe, donc de responsabilité sur le terrain, et des périodes d’information, de théorisation, de réflexion en centre de formation, un aller-retour constant entre l’expérience et la réflexion sur l’expérience.
On peut alors dire que le dispositif d’alternance repose sur le principe selon lequel la formation est une, toujours à la fois pratique et théorique (Perrenoud 2001a, p12).
Il faut en effet noter que si tous les responsables de formation, que ce soit les formateurs à l’institut de formation ou les maîtres de stage, agissent en tenant compte de l’articulation de la théorie et de la pratique, la démarche d’alternance pourra permettre à l’étudiant de construire du savoir provenant de son expérience de classe, en réfléchissant sur ce qu’il voulait faire, sur ce qu’il a réellement fait, sur ce que cela a donné et surtout, il pourra réinvestir les connaissances acquises dans des actions futures. C’est ainsi que cette démarche, qui consiste donc en une alternance entre réflexion théorique et pratique de terrain, est souvent qualifiée de ‘démarche formatrice’
Qu’est-ce que cela implique au niveau des responsables de formation dans les institutions et ceux qui sont responsables de la formation dans les écoles de stage pratique ?
Il est souvent rappelé que pour être pertinente, la démarche d’alternance requiert la collaboration de toutes les entités concernées, entités qui ont chacune son rôle respectif mais en même temps son importance respective. Il en découle la nécessité de responsabiliser et d’intégrer toutes ces entités dans chaque prise de décision concernant la formation.

Une bonne intégration de la théorie et de la pratique qui, rappelons-le est généralement considérée comme facteur de qualité dans les dispositifs de formation des enseignants, implique alors une collaboration entre les formateurs dans les institutions de formation et les maîtres de stage, qui sont donc les formateurs de terrain et sont ainsi fortement impliqués dans le dispositif de formation. Ce qui, avec le stagiaire lui-même forme une triade dont les interactions, les échanges, contribuent à la construction de la professionnalité du futur enseignant. Si cette articulation théorie – pratique constitue un enjeu majeur du processus de professionnalisation, c’est aussi le cas pour les savoirs en jeu lors de la formation initiale car comme l’avance Galvani (1999)3
« Parler d’alternance en formation, c’est d’abord reconnaître différents types de savoirs. Au minimum ceux de la  » théorie  » et ceux de la  » pratique « . »
Cela nous amène à étudier ce que dit la littérature à propos de ces deux types de savoirs qui sont au cœur de la professionnalisation et qui sont ‘les savoirs théoriques’ ou ‘savoirs de formation’ et ‘les savoirs pratiques’ ou ‘savoirs d’expérience’.

Savoirs de formation et savoirs d’expérience

Si traditionnellement, on se limitait dans le cadre de la formation initiale des enseignants à considérer comme savoirs ce qui s’acquiert dans les centres de formation ou ce qu’on appelait communément les savoirs théoriques, à l’heure actuelle on reconnaît l’existence et la valeur d’autres savoirs. Mialaret (1996) nous cite quatre 4 types de savoirs qui interagissent en éducation. La réflexion qui va suivre va porter sur l’importance des savoirs théoriques et des savoirs d’expérience dont il faut également tenir compte dans la formation initiale des enseignants. En fait, ce qu’il importe de souligner c’est le rapport que ces deux types de savoirs entretiennent entre eux; en d’autres termes, il faut comprendre quel rôle les savoirs théoriques acquis dans les centres de formation jouent dans la pratique enseignante et comment le formé se construit une théorie à partir de sa pratique:

Savoirs de formation

Les savoirs de formation ou savoirs théoriques recouvrent en principe ce qui s’acquiert dans les institutions de formation et que le futur enseignant devra parfaitement maîtriser de façon à pouvoir les mobiliser devant une situation pédagogique précise, que ce soit lors des différents stages ou lorsqu’il sera devant sa propre classe. Si nous nous en tenons à la terminologie de Tardif et al, (1991, p65), ces savoirs englobent les savoirs disciplinaires, didactiques et pédagogiques. Il faut noter que selon Lenoir (2000, p6), « les savoirs disciplinaires n’englobent pas seulement les disciplines d’enseignement auxquelles se rattachent les diverses didactiques, mais aussi les autres savoirs disciplinaires (psychologie, sociologie, histoire, épistémologie, éthique, etc.) qui procèdent du système des disciplines scientifiques, qui se retrouvent dans une formation à l’enseignement et que l’on ne peut ignorer dans la réflexion sur les rapports entre théorie et pratique dans un contexte de formation ».
Cet aspect des savoirs théoriques pousse Barbier (1998, p6) à conclure que « la notion de savoir théorique décline souvent les caractéristiques de toutes les ‘disciplines’ qui l’ordonnent et la régissent.»
En effet, la littérature montre que la notion de savoir de formation renvoie au:
– savoir disciplinaire, qui se situe dans le domaine des savoirs savants, et qui est considéré comme un élément essentiel de la compétence d’un enseignant dans la mesure où l’enseignant doit connaître d’abord et avant tout sa matière pour se sentir compétent; outre ce savoir à enseigner, il y a les savoirs issus des disciplines constituant les sciences de l’éducation et qui consistent en la connaissance des apprenants (notamment la psychologie des adolescents) ou la connaissance du système éducatif et des finalités de l’éducation. Cet ensemble renvoie à ce qu’on appelle communément les ‘savoirs académiques’, objet de la ‘formation académique’ et les ‘savoirs professionnels’, objet de la ‘formation professionnelle’.
– Savoir didactique qui consiste en une application de savoirs produits par la recherche concernant la didactique de la discipline à enseigner.
– Savoir pédagogique qui relève de la connaissance pédagogique de la matière ainsi que des savoirs développés par les sciences de l’éducation et qui renvoie aux stratégies didactiques et aux phases d’enseignement, par exemple.
Cependant, à la lumière de ce qui a été dit jusqu’ici quant aux théories que le formé construit à partir de l’analyse de sa pratique qui, soulignons-le, se passe durant sa formation, nous ne pouvons ignorer le savoir issu de cette analyse, un savoir qu’on peut qualifier d’une part de ‘théorique’ dans la mesure où il résulte de la théorisation de l’expérience pratique du formé et qui de ce fait même peut d’autre part être qualifié de ‘savoir d’expérience’

Savoirs d’expérience

Le savoir d’expérience ou savoir d’action selon les termes de Barbier (1998), ou encore savoir caché dans l’agir professionnel selon Schön (1983), est assimilé aux habiletés acquises dans l’action et par l’action. En effet, la littérature s’accorde à définir le savoir d’expérience comme étant l’ensemble des savoirs acquis et requis dans le cadre de la pratique du métier enseignant, donc des savoirs qui ne proviennent pas des institutions de formation mais qui résultent de la pratique de classe et de l’analyse que formateurs et formés font de cette pratique car comme l’affirment Chalies, Bertone et Flavier (2004, p2), « c’est par la confrontation à un pair plus expérimenté que l’enseignant stagiaire apprend et acquiert les « ficelles » du métier, mais c’est par la confrontation aux situations de classe qu’il les fait sienne, les assimile et les opérationnalise. »

Barbier (1998, p6) complète sa définition de la notion de savoir d’action de la façon suivante: « La notion de savoir d’action est située comme prenant souvent les caractéristiques attribuées à la pratique: elle désigne le plus fréquemment les composantes identitaires qui expliqueraient la pratique ou qui seraient inférées à partir d’elle »
On peut de ce fait avancer que le savoir d’action ou savoir d’expérience se construit à partir d’une analyse réflexive sur des situations rencontrées lors de la pratique de classe. De telles analyses réflexives permettront au futur enseignant de se construire ce que Bourdieu (1972, p 209) appelle un habitus et qu’il définit comme:
«ce petit lot de schèmes permettant d’engendrer une infinité de pratiques adaptées à des situations toujours renouvelées, sans jamais se constituer en principes explicites »

Toutefois, il ne faut pas conclure que le formé fait fi de tous les savoirs de formation lors de l’expérience sur terrain; plusieurs études (Tardif et al, 1991, Malo, 2000…) démontrent qu’au contraire, il les incorpore à sa pratique après avoir apporté les transformations exigées par la réalité de sa pratique. Il retient ce qu’il juge pertinent et « rejette » ce qui lui semble moins utile tant et si bien que ce qui est intégré au savoir d’expérience ne relève plus vraiment des savoirs pédagogiques développés par les sciences de l’éducation mais de ce qui résulte du processus de transformations ou de sélection opéré lors de l’agir pédagogique et qui pousse les chercheurs à parler de savoir d’action ou de savoir dans l’action.
Ce qu’on vient de dire en ce qui concerne les savoirs de formation et les savoirs d’expérience nous conforte dans notre conclusion que former un enseignant professionnel exige l’adoption d’une approche interdisciplinaire qui intègre les savoirs d’expérience aux savoirs de formation, une approche qui le rende capable de réfléchir sur sa pratique et de ce fait de se construire une identité professionnelle. Aussi, dès lors qu’on s’en tient à l’hypothèse selon laquelle l’amorce du processus de professionnalisation se fait en formation initiale, alors il faudra habituer les formés à adopter une posture professionnelle dès ce niveau. En d’autres termes, il faudra mettre en place un dispositif de formation qui vise à les aider à construire leur professionnalité.
Tels sont donc les caractéristiques et les enjeux entourant le processus de professionnalisation; voyons maintenant quelles en sont les implications quant aux compétences à développer chez le futur enseignant d’anglais pour lui permettre d’exercer son métier de façon professionnelle.

La construction de la professionnalité en formation initiale

Rappelons tout d’abord qu’on entend par professionnalité l’ensemble des connaissances, des savoirs, des capacités et des compétences caractérisant une profession. Aussi, si comme le souligne Perrenoud (1994, p59), « … l’enseignement est un métier…qui passe de l’application stricte de méthodologies, voire de la mise en œuvre de recettes et de trucs, à la construction de démarches didactiques orientées globalement par les objectifs du cycle d’étude, adaptées à la diversité des élèves, à leur niveau, aux conditions matérielles et morales du travail … », alors, il faut que le futur enseignant soit dès la formation initiale équipé d’outils lui permettant de construire ces savoirs, ces capacités, ces compétences nécessaires à la pratique de la profession enseignante.

De son côté, Lang (1996, p24) met en exergue ce qui constitue le fondement des compétences professionnelles en avançant: «La construction de la professionnalité doit à la fois prendre en compte cette spécificité de la formation pratique [l’analyse réflexive] et, outre les savoirs disciplinaires, didactiques et pédagogiques, s’ouvre à de nouveaux champs de connaissance, développer un habitus réflexif, en s’appuyant sur des dispositifs d’analyse des pratiques, permettre le contrôle de son implication personnelle dans une relation, prendre en compte la dimension collective de l’exercice professionnel, mais aussi faire place à une formation éthique dans la réflexion. »
Si tel est le fondement des compétences professionnelles de l’enseignant, en général, qu’en est-il en ce qui concerne plus précisément l’enseignant de langue qu’est le professeur d’anglais ?
En tant qu’enseignant de langue, et de langue étrangère de surcroît, le futur professeur d’anglais doit être formé pour un système éducatif qui n’est plus monolingue mais qui tend plutôt à promouvoir le multilinguisme. Nul n’est en effet censé ignorer que par opposition aux autres matières d’enseignement, les langues représentent un outil efficace pour développer chez l’apprenant une attitude positive vis-à-vis de l’altérité, ce qui fait de la diversité linguistique un objectif incontournable de la politique linguistique de tout système éducatif. De ce fait, la gestion d’une situation multilingue doit faire partie de la professionnalité du futur enseignant d’anglais.
Alors que dire des capacités que le futur enseignant d’anglais doit savoir mobiliser dans l’agir professionnel ? Citons parmi celles-ci l’aptitude à intégrer les savoirs, l’aptitude à réfléchir sur l’action et en action, l’aptitude à travailler en équipe, l’aptitude à promouvoir le multilinguisme.

L’aptitude à intégrer les savoirs

Etant donné les différents types de savoirs dispensés au futur enseignant lors de sa formation, il est indispensable qu’il soit capable d’intégrer l’ensemble de ces connaissances de façon à pouvoir mobiliser celles dont il aura à se servir lors des situations de classe. Rappelons cependant qu’en dépit d’une solide formation théorique et d’une formation professionnelle de qualité, le futur enseignant aura à faire face à des situations pédagogiques changeantes, voire inédites, il doit donc être en mesure d’évaluer la pertinence des connaissances à mobiliser.
En effet, la notion d’intégration des savoirs est généralement considérée comme désignant la capacité de mettre en œuvre des connaissances, des habiletés, ainsi que des attitudes qui permettent de maîtriser les nouvelles situations de la vie quotidienne.

Fonctionnement coopératif au sein de l’établissement

Il est clair que le travail d’équipe qui permet à chacun de rompre son isolement et de partager ses préoccupations avec d’autres peut être source de soulagement et de plus de confiance en soi mais il peut être également source de conflits et de tension dans la mesure où les membres de la communauté sont constitués d’individus ayant leur propre culture, leur propre histoire. Cependant, il ne faut pas oublier que conformément à l’adage qui dit l’union fait la force, le travail en équipe assure aux enseignants une prise de responsabilité (empowerment) accrue.

C’est ainsi que dans le cadre de la professionnalisation, l’enseignant ne se contente plus de jouer le rôle de livreur de savoirs, c’est-à-dire celui qui ne fait qu’appliquer ce que d’autres instances ont conçu pour lui; plutôt, il intervient dans la vie de l’établissement en collaboration avec tous les membres de la communauté éducative de son établissement. L’enseignant voit son champ d’action s’élargir; il a plus de responsabilité, donc plus d’engagement vis-à-vis de sa communauté éducative. Il a quitté son rôle de simple exécutant pour rejoindre le groupe de décideurs. Le travail en équipe favorise donc une plus grande prise de responsabilité de la part de l’enseignant et en même temps il contribue à son développement personnel et professionnel. En effet, comme Boutet (2004, p11) l’affirme à juste titre,
« A partir d’intentions communes enracinées dans les exigences de leur pratique, des groupes d’enseignants peuvent mieux développer leur expertise lorsque les occasions d’échanger sur les situations vécues sont nombreuses. »
Plus loin, mettant l’accent sur l’aspect psychosociologique du travail en équipe, il précise: « Les jours où nous nous sentons isolés, face à nos limites, cette image de n’être qu’un parmi d’autres et surtout d’être un avec d’autres peut nous redonner courage et nous permettre de trouver des façons de nous échapper de situations où, sans le vouloir, nous nous sommes enfermés. »
Plusieurs études portant sur les bonnes écoles et les bons enseignants ont d’ailleurs confirmé que la collaboration qui détermine le travail en équipe assure la réussite de l’intervention éducative.
Avant de poursuivre la réflexion, soulignons que la construction de la professionnalité est une opération fondée sur une pratique réflexive. Rappelons que dans cette opération, tout part de l’analyse de situations professionnelles vécues ou observées qui sont ensuite discutées et explicitées en collaboration avec d’autres. Qu’il s’agisse de la décision concernant l’intégration et le transfert des acquis ou des méthodes à utiliser pour construire de nouvelles connaissances ou qu’il s’agisse de déterminer les lignes d’action à adopter pour résoudre un problème pédagogique, on ne peut se passer de relier action et réflexion. Nous pouvons alors avancer que la réalisation de cet objectif qu’est la construction des compétences professionnelles des enseignants nécessite un dispositif de formation qui repose sur les principes de formation-action car comme l’indique Le Boterf (1998, p144)
« La formation-action est une modalité de formation permettant de s’approcher le plus possible de la construction des compétences. Par sa finalisation sur le traitement de problèmes ou de projets réels, elle constitue une remarquable opportunité pour entraîner à la combinaison et à la mobilisation de ressources pertinentes (savoirs, savoir-faire, …), pour créer et mettre en œuvre des compétences. »
La formation-action permet en effet la réflexion, la formalisation, l’analyse de la pratique de façon à prendre des décisions éclairées dans les actions futures. C’est une démarche basée sur l’apprentissage à partir de la réflexion sur l’action et dans l’action (action learning).

Est-ce qu’une telle démarche contribue également au développement de l’aptitude à gérer une situation multilingue? En effet, comme mentionné auparavant, le futur professeur d’anglais se doit aussi de développer l’aptitude à promouvoir le multilinguisme. La question à laquelle la réflexion va essayer de répondre porte précisément sur les nouvelles perspectives que cette situation va inéluctablement entraîner quant à la formation initiale des enseignants de langue.

L’aptitude à promouvoir le multilinguisme

Signalons que dans son document cadre de 2003, l’UNESCO déclare l’éducation multilingue comme essentielle à la préservation des identités culturelles et de la promotion de la mobilité et du dialogue (p17). C’est ainsi qu’un des principes de base sur lequel reposent les orientations de l’UNESCO face à la problématique des langues et de l’éducation au XXIème siècle consiste à encourager l’éducation bilingue et/ou multilingue à tous les niveaux de l’éducation, en tant que moyen de promouvoir l’égalité sociale et entre les sexes, et en tant qu’élément essentiel de sociétés linguistiquement diverses. (p28) Quelles nouvelles perspectives une telle orientation entraîne-t-elle au niveau de l’objectif de l’enseignement des langues et au niveau du rôle des enseignants de langue ? La réflexion qui va suivre nous apportera des éléments de réponse:

Objectif de l’enseignement des langues

L’éducation multilingue est actuellement internationalement reconnue comme nécessaire pour le développement de la communication mais aussi et surtout pour le développement du respect et de la compréhension entre les peuples. En fait, dans la mesure où les langues ne constituent pas seulement un mode de communication ni de promotion de mobilité mais qu’elles véhiculent également des cultures et des valeurs, il faut en tirer profit et les utiliser comme vecteurs de valeurs culturelles et sociales. Dupuis (2003, p36) souligne à ce propos : « En effet, en apprenant la langue de l’Autre, l’apprenant s’ouvre à sa culture, il peut mettre en perspective sa propre culture; l’objectif de l’apprentissage linguistique doit alors «développer au-delà des compétences linguistiques, des compétences de communication, d’écoute et de respect, une prise de conscience de la diversité des réalités culturelles.»
Il paraît alors fondamental de reconnaître que l’enseignement des langues n’a plus simplement des visées fonctionnelles, c’est-à-dire communicatives, ou professionnelles, il a une place de choix dans l’éducation à la tolérance linguistique.
Les questions qui en découlent portent sur les approches pédagogiques qui permettent de promouvoir le multilinguisme et le type d’enseignement linguistique adapté à une situation multilingue. Aborder ces questions permet de bien déterminer le type de dispositif de formation initiale dont le futur enseignant d’anglais a besoin.

approches pédagogiques pour promouvoir le multilinguisme

Une perspective qui place la diversité linguistique comme objectif principal de la politique linguistique du système éducatif révèle une volonté d’adhérer à une éducation centrée sur la différence et la pluralité. Plusieurs travaux de recherche soutiennent que la découverte des différences entre les langues sert d’approche pour sensibiliser au concept de la différence qui, à son tour permet de dépasser les idées erronées comme celles que Beacco et al (2003, p24) appellent « idéologie linguistique ». L’exemple rapporté renvoie à l’idéologie selon laquelle «les langues sont intrinsèquement d’inégale valeur »; une idéologie qui, expliquent les auteurs, « provient le plus souvent de préjugés ethnocentriques, qui rendent comme nécessaire la dévalorisation des langues parlées par d’autres, pour établir la supériorité de sa propre langue et de son groupe. »
C’est dans le but de dépasser de tels préjugés que Petrovici et Purtuc (2000, p1) préconisent l’adoption d’approches pédagogiques qui traitent correctement la différence entre les langues et les cultures et qui permettent de développer « des attitudes de tolérance, de respect et de solidarité parmi les sujets de cultures diverses.»
Ceci nous amène à nous interroger sur le type d’enseignement linguistique à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.

Type d’enseignement linguistique pour la promotion du multilinguisme

Il est dorénavant admis que l’enseignement des langues a un rôle primordial dans la préparation de l’individu à la vie dans une société multilingue. Pour y parvenir de manière efficace, il est préconisé de délivrer un type d’enseignement qui «englobe davantage que l’enseignement du vocabulaire et de la grammaire», comme le précise Tinsley (2003, p56).
En fait, citant Mitchell (2002), elle avance que nous devons élargir notre champ d’activité et considérer les langues « en tant que vecteur de la «grande» culture, de la littérature, de la philosophie (sur la base du modèle des lettres classiques);……… dans un but instrumental, comme outil de communication pratique;……… pour l’épanouissement personnel sur le plan de l’expression, de la créativité et de la constitution d’identité; comme moyen d’explorer différentes cultures et de développer une compétence interculturelle.»
En somme, on préconise, entre autres, l’intégration des différences culturelles et la notion d’altérité à l’enseignement de la langue. Quelles sont alors les implications d’une telle vision sur le rôle de l’enseignant de langues et sur la formation des futurs enseignants de langue?

Rôle élargi de l’enseignant de langues

Ce qui vient d’être dit en ce qui concerne la nouvelle orientation donnée à l’enseignement linguistique nous édifie quant au rôle de l’enseignant de langues. Dupuis (2003, p36) adhère tout à fait à cette vision en explicitant le rôle «élargi» de l’enseignant de langues comme suit: « Les enseignants en langues sont en prise directe avec les langues et les cultures, leurs richesses et leurs diversités. Leur tâche sera donc d’aider les apprenants à construire leur regard sur l’Altérité, la «décentration» par opposition à «l’ethnocentrisme», toutes les étapes de l’école de la tolérance.»

Ainsi, l’enseignant de langues ne devrait plus se contenter de n’être qu’un spécialiste de sa matière, mais se considérer comme un éducateur qui a aussi pour rôle de développer chez l’apprenant des aptitudes sociales et culturelles car, comme le conclut Dupuis (2003, p36), « La classe de langues est le lieu où peut se développer une telle «conscientisation» et ce sera bel et bien le rôle spécifique de l’enseignant en langues que d’aider l’apprenant à construire compétences linguistiques et culturelles.»
On doit donc admettre que pour être un professionnel de l’enseignement des langues, il faut savoir intégrer ces éléments dans sa pratique et comme une telle entreprise ne va pas de soi, il revient à la formation initiale de préparer les futurs enseignants de langue à ce nouveau rôle.

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Table des matières

0. Introduction
0.1 Objectif de la recherche
0.2 Problématique
0.3 Hypothèse
0.4 Cadre théorique
0.5 Cadre méthodologique
0.6 Structure du travail
1. Problématique de la professionnalisation des enseignants
1.1 La professionnalisation du métier d’enseignant: Signification et enjeux
1.1.1 Définitions
1.1.1.1 Qu’est-ce qu’une profession?
1.1.1.2 Qu’est-ce que le processus de professionnalisation?
1.1.2 Enjeux entourant la notion de professionnalisation
1.1.2.1 Intégration de la théorie et de la pratique
1.1.2.2 Savoirs de formation et savoirs d’expérience
1.2 La construction de la professionnalité en formation initiale
1.2.1 L’aptitude à intégrer les savoirs
1.2.2 L’aptitude à réfléchir sur l’action et en action
1.2.2.1 Le praticien réfléchi
1.2.2.2 Les caractéristiques de la démarche réflexive
1.2.3 L’aptitude à travailler en équipe
1.2.3.1 Construction d’une identité professionnelle collective
1.2.3.2 Fonctionnement coopératif au sein de l’établissement
1.2.4 L’aptitude à promouvoir le multilinguisme
1.2.4.1 Objectif de l’enseignement des langues
1.2.4.2 Rôle élargi de l’enseignant de langues
2. La formation initiale des professeurs de collège à l’INFP
2.1 La formation des professeurs de collège à l’INFP
2.1.1 Le dispositif de formation
2.1.1.1 Mode de recrutement
2.1.1.2 Système de bivalence
2.1.1.3 Formation académique et formation professionnelle
2.1.1.4 Formation au processus d’acquisition des langues
2.1.1.5 Formation en alternance
2.1.2 Analyse du dispositif de formation
2.1.2.1 La ‘formation théorique’ et la ‘formation pratique’
2.1.2.2 Formateurs de l’INFP et formateurs de ‘terrains’
2.1.2.3 Une alternance sans articulation
2.1.2.4 Approche ‘juxtapositive’ des enseignements langagiers
2.2 La pratique des professeurs d’anglais de collège formés à l’INFP
2.2.1 Recueil de données
2.2.1.1 Les questionnaires
2.2.1.2 L’observation de classe
2.2.1.3 L’entretien
2.2.2 Analyse des données recueillies
2.2.2.1 Questionnaires
2.2.2.2 Observations de classe
2.2.2.3 Entretiens
3. Vers la professionnalisation des professeurs d’anglais de collège à Madagasc
3.1 Conditions préalables à la mise en place du dispositif de formation
3.1.1 Mode de recrutement
3.1.1.1 Recrutement basé sur la compétence
3.1.1.2 Recrutement au niveau DUEL II
3.1.1.3 Recrutement axé sur le principe de monovalence
3.1.2 Modalité de formation
3.1.2.1 Durée de formation
3.1.2.2 Programme de formation
3.1.2.3 Modules de formation
3.1.3 Système d’évaluation
3.1.3.1 Evaluation formative
3.1.3.2 Auto-évaluation
3.1.3.3 Evaluation sommative
3.1.3.4 Outils d’évaluation
3.2. Conditions nécessaires à la mise en œuvre du dispositif de formation
3.2.1 Les stages
3.2.1.1 Le stage d’imprégnation
3.2.1.2 Le stage sous tutelle
3.2.1.3 Le stage en responsabilité
3.2.2 Le partenariat entre formateurs
3.2.2.1 Partenariat dans la préparation des stages
3.2.2.2 Partenariat dans l’exploitation des stages
3.2.2.3 Partenariat élargi aux conseillers pédagogiques
3.2.3 Promotion de la dimension ‘multilinguisme’
3.2.3.1 Insertion de la dimension culturelle dans l’apprentissage de l’anglais
3.2.3.2 Mise en place d’un atelier de réflexions sur les langues
3.2.3.3 Introduction d’activités de conscientisation interculturelle
Conclusion générale

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