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Situation actuelle de l’ETP poly-pathologique en Région Sud
La première partie de ce travail a été d’effectuer une photographie actuelle de l’ETP poly-pathologique en PACA de décembre 2018 à Septembre 2019. Aucune maison de santé ou Structure d’Exercice Coordonné (SEC) ne pratique de l’ETP poly-pathologique en début d’étude (59,60) d’après les données disponibles par le patient (internet, réseaux de soin). Après étude des articles de Crozet (59,71) sur la mise en pratique clinique créé par le LEPS (avec l’IPCEM) et la MSA, d’un programme poly-pathologique sur trois pathologies associées testées que sont le diabète, l’HTA et la BPCO, il a été effectué un entretien auprès des médecins référents nationaux et régionaux de la MSA qui ont confirmé qu’il n’y avait actuellement pas de programme de ce type en activité dans les SEC de la Région Sud. Il en existe cinq en France dont la plupart dans la partie Nord du pays (Normandie, Lorenne et Gand Est). L’organisme souhaite actuellement l’introduire à grande échelle en France et en Région Sud. La diffusion de leur programme poly-pathologique « ET3P » est en cours auprès des SEC. En Décembre 2019, huit MSP en Région Sud avaient signé l’accord de l’introduction de l’ET3P dans leur SEC (les noms des MSP n’ont pas été donné par la MSA pour raisons de secret professionnel).
Intérêt des professionnels pour l’ETP poly-pathologique, enquête sur le terrain.
Il y a cinquante-trois SEC déclarée à l’ARS en Région Sud comprenant au moins un médecin généraliste dans la structure.
L’intérêt de comprendre les enjeux dans l’introduction de cette nouvelle prise en charge en ETP s’est fait via trente neuf SEC actives sur le territoire Sud actuellement.
Des contacts téléphoniques avec des médecins de Volonne, Barcelonnette (04) Gattières, Breil sur Roya et Nice la Planas (06), Martigues (13), Barjols et Varage, Plan de la Tour (83), Beaumettes et Bédoin (84), ont informé que les structures étaient en cours de construction ou très récemment ouverte mais non encore véritablement effective. Les Structures de soins Camps la Source, Comps (83), la Trinité (06) et le Pontet (84) n’ont jamais donné de réponses téléphoniques.
Les réponses aux questionnaires ont été reçues du 11/12/2018 au 05/09/2019. Les entretiens, quant à eux, se sont déroulés du 09/01/2019 au 07/06/2019.
Enquête quantitative
Tous les questionnaires renseignés ont été correctement remplis et les réponses ont pu être analysées. Vingt-six parmi les trente-neuf SEC ouvertes ont répondu, soit 66,6% des SEC actives en Région Sud.
Parmi les coordinateurs ayant répondu, 23/26 SEC sont établis en SISA et une en phase de l’être. Une MSP possède un statut d’association et une autre est fondée en SCM (Société Civile de Moyens).
Les SEC pratiquant de l’ETP (Annexe 8.): Elles sont 15 SEC sur les 26 répondantes à effectuer de l’ETP dans leur structure (plus d’une sur deux).
Les profils de ces SEC sont exposés dans les graphiques 1, 2 et 3.
14/15 font de l’ETP mono-pathologique. Cependant 9 MSP/15 proposent plusieurs ateliers de maladies différentes avec des séances spécifiques pour chacune d’elle. Diabète, maladie cardio-vasculaire sont les plus représentées, l’oncologie est proposée par une structure en plus des programmes diabète et MCV (Maladies cardio-vasculaires) classiques. Toutes proposent de l’ETP pour le diabète qui est la pathologie la plus représentée dans les programmes de l’étude.
La SEC faisant de l’ETP poly-pathologique propose de la remise en conditions physiques dans son programme sans proposer de séances théoriques de pathologies.
Pour toutes les structures pratiquant déjà de l’ETP, toutes sont favorables à la mise en place de d’ETP poly-pathologique. En outre, trois structures ne sont pas à l’aise avec la notion d’ETP poly-pathologique.
La note médiane et moyenne à la question « que pensez-vous de l’introduction de l’ETP poly-pathologique en MSP sans considérer le financement du projet (pas du tout d’accord = 0 et tout a fait d’accord = 10) est de 8/10 et un écart-type de 1,69. En moyenne, il y a 4,5 professionnels de santé investis dans chaque structure pour intervenir dans les programmes d’ETP. Ces professionnels sont essentiellement des médecins, IDE, diététiciennes, kinésithérapeutes, professeur activité physique adapté, podologue. On retrouve parfois les pharmaciens, ergothérapeutes et psychomotriciens impliqués dans la prise en charge ETP. Ils effectuent en moyenne 6,5 séances d’ETP d’une durée moyenne d’une heure et demie par programme proposé. Les SEC proposant de l’ETP ont toutes plus de 10 professionnels sauf deux dans lesquelles ils sont entre 5 et 10 professionnels. L’organisation des séances demande en moyenne une heure et demie de travail administratif.
Les SEC ne pratiquant pas d’ETP (Annexe 9.): 11/26 SEC ne pratiquent pas d’ETP.
Leurs profils sont légèrement différents des SEC pratiquant de l’ETP, elles comportent parfois moins de 5 professionnels (graphiques 4,5,6).
Les raisons principales de l’absence de pratique d’ETP dans ces structures sont le manque de professionnels formés (5/11), la rémunération insuffisante (3/11) et une charge trop conséquente (3/11).
La plupart des SEC (10/11) sont favorables à l’introduction de l’ETP poly-pathologique comme on peut le constater avec la note de 8,9/10, une médiane à 9/10 et écart-type de 0,94. Parmi les coordinateurs interrogés, deux d’entre eux ne font pas la différence entre l’ETP mono et poly-pathologique.
Cinq d’entre elles vont mettre en place l’ETP dans l’année à venir dont quatre seront des programmes d’ETP poly-pathologiques. Une seule SEC n’est pas intéressée par l’introduction de l’ETP poly-pathologique (ou mono-pathologique) pour sa rémunération insuffisante du temps alloué et le manque de temps pour la mettre en place et la pratiquer.
Tests de significativité de comparaison de données entre les deux groupes :
Si on compare les moyennes et écarts types de deux groupes précédemment analysés, on constate que l’intérêt porté à l’introduction de l’ETP poly-pathologique est significativement plus importante dans le groupe ne pratiquant pas l’ETP actuellement (test de student p= 0,03 et Test F p= 0,07) que celui en pratiquant déjà.
Enquête qualitative
26 questionnaires / 39 SEC ont fait l’objet d’une étude qualitative. 7 entretiens téléphoniques semi dirigés ont été menés à la suite des réponses aux questionnaires laissant en suspend des interrogations intéressantes quant à la situation spécifique de chacune des 7 structures disponibles pour ce temps de parole. La durée moyenne est de 14 Minutes. Le plus court a duré dix minutes et le plus long de vingt-deux minutes. Grâce aux réponses écrites et aux entretiens, la saturation des données a été atteinte concernant les arguments en faveur de l’introduction de tels programmes, les enjeux et barrières actuelles. Questionnaires : Les difficultés rencontrées pour la mise en place des programmes mono-pathologiques déjà existants, d’après les commentaires, sont principalement:
– des « patients peu intéressés et difficiles à recruter » pour huit d’entre elles – il est « déploré un manque de rémunération suffisante par rapport à la charge de travail qui est très conséquente » pour sept des quinze SEC. Une SEC souligne la « complexité de la mise en place et le retard à la dotation des actes ». – cinq d’entre elles relatent le « manque de formation des professionnels » – enfin, deux SEC soulignent l’idée d’une « difficulté de travail en réseau de soin ». La seule SEC non intéressée par l’introduction de l’ETP poly-pathologique dans sa structure exprime l’idée que les professionnels ont « un manque de temps nécessaire en plus d’une rémunération insuffisante pour ce type de pratique ». Les SEC intéressées relatent par écrit « un meilleur recrutement de patients (qui est parfois restreint dans le bassin de population), augmenter la file active et optimiser le temps d’ETP pour élargir les possibilités aux professionnels d’être plus libres sur les interactions soignants-soignés ».
Une structure souligne que « l’introduction de la pratique de l’ETP poly-pathologique permettrait une cohésion par l’équipe des différentes pathologies proposées en ETP. » « Le principe d’éducation thérapeutique est, me semble-t-il, transversal et pour moi repose sur les mêmes bases selon les différentes pathologies. Cela me parait faire partie pleinement du métier de médecin généraliste.», décrit une autre personne interrogée.
Concernant le bénéfice pour les patients, un coordinateur soulève l’idée de « mieux faire comprendre l’importance de l’action des patients sur l’impact de leurs pathologies et prendre en charge les facteurs de risque. » Cette idée est reprise par un autre interrogé qui souligne l’idée de « prise en charge globale» de l’ETP poly-pathologique. « Les usagers des structures de soins primaires ne sont pas les mêmes que dans un centre hospitalier par exemple. L’ETP dans ces structures permet donc une amélioration de l’accès à l’ETP.» De plus, il est noté par une équipe que « ce type d’ETP répond logiquement à la prise en charge actuelle d’un nombre de patients poly-pathologiques qui ne fait que croitre. Elle est plus proche de la réalité».
« Les échanges patients » seraient eux aussi « meilleurs de par leurs vécus de pathologies représentées qui sont alors variées».
« Il y a aussi des points négatifs » soulevés par un coordinateur : « perte appartenance groupe, difficulté d’animation, dispersion des discussions, … »
Définition de l’éducation thérapeutique multi-pathologique ou poly-pathologique et conditions pratiques de création d’un programme
La définition de la poly-pathologie relevant d’une prise en charge en éducation thérapeutique est décrite selon l’ARS comme étant (80,81) « une personne âgée de 70 ans et plus à risque de perte d’autonomie et présentant : -une poly-médication : supérieure ou égale à 10 médicaments par jour, -ou 5 médicaments dont un diurétique ou un anticoagulant oral (AVK ou ACO), -ou un accident iatrogénique grave ayant conduit à leur hospitalisation ou à leur passage dans un Service d’Accueil d’Urgences dans les 6 mois. La notion d’hospitalisation non programmée récente/en urgence (inférieure à 1 mois) est un des premiers facteurs de risque de ré-hospitalisation chez la personne âgée fragile et doit être prise en compte. -ou une ou des affections longues durée.» Selon les indicateurs spécifiques d’un programme d’ETP codifiés par l’ARS, les patients sont sélectionnés pour une meilleure personnalisation des soins (78).
L’ETP s’inscrit dans un grand nombre de catégories décrites par la HAS pour répondre à des objectifs nationaux de santé publique précis fixés dans le schéma 1. ci-dessous (82).
Chaque acte du domaine médical doit ensuite être justifié auprès de l’ARS, l’ETP mono ou poly-pathologique ne fait pas exception à la règle.
L’Education Thérapeutique poly-pathologique tout comme l’ETP classique a des objectifs multiples permettant au patient d’améliorer sa qualité de vie (25):
– Processus cognitif et réflexif de la pathologie. Apprentissage de la physiopathologie des maladies ainsi que leurs complications. Maitriser des stratégies d’adaptation à la maladie, aux traitements et techniques médicales, et leurs répercussions. Avoir une approche de prise en charge globale, coordonnée et partagée: le patient devient expert de sa maladie
– Gestion de phase aigue de la maladie, observation de soi et de l’environnement, raisonnement logique, autodétermination et prise de décision, capacité d’action thérapeutique autonome. S’auto évaluer et se renforcer : le patient devient ainsi son propre soignant.
– Sur le plan psycho-social : se connaitre soi même et avoir confiance en soi. Savoir mobiliser de l’aide extérieure. Acquérir des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles afin de trouver un accomplissement personnel dans son existence.
– Acceptation et résilience au long court des maladies et de leurs difficultés. Persévérance dans le suivi des mesures nécessaires à la stabilisation de ces dernières voire à leur amélioration : Le patient doit trouver une certaine sérénité avec ses différentes maladies, les adopter et ne plus les voir comme un fardeau mais comme un vecteur de prise de conscience de la valeur de la vie et de la santé.
– Retrouver le calme intérieur, la foi en ses capacités, son estime de soi dans les moments de doutes, de désespoir : Le patient devient un sage et un prophète pour lui-même.
– Réduire les hospitalisations et séjour aux urgences, visites médicales non programmées, l’absentéisme professionnel et scolaire.
– Avoir un impact positif significatif sur le métabolisme et le contrôle de la maladie.
– Grâce à ces techniques apprises au cours des séances « le patient n’a plus peur de… mais se tourne vers son désir à… » Ce qui lui apporte une meilleure estime de lui-même et la possibilité de réussir ses objectifs de vie, la gestion de sa santé avec sa maladie.
Les réalités de la situation, un enjeu difficile
Les réalités identifiées ci-après sont similaires à d’autres études (42,88).
Répartition des soins en ETP poly-pathologique sur le territoire français
L’accès à l’éducation thérapeutique, très hétérogène sur le territoire, est peu coordonné et peu encadré sur le plan du financement des programmes libéraux actuels (14).
Le constat aujourd’hui est que la plupart des programmes proposés aux patients se font dans des services hospitaliers dont les dépenses sont compensées par l’activité intrinsèque du service hors éducation thérapeutique (89).
Dans les 4 régions (Sud, Occitanie, Nouvelle Aquitaine, Bourgogne-France Comté) où le « module d’observatoire des programmes d’éducation thérapeutique » a été lancé par OSCARSanté et l’ARS, on peut compter plus de 2150 programmes d’ETP depuis 2014 (60). Plus précisément, sur le territoire PACA, il est frappant d’observer qu’il existe de nombreux programmes en hospitalisation complète ou en Hôpital de Jour (128 programmes recensés), beaucoup moins sont proposés par des associations (n= 23) et seulement 6 sont développés en médecine générale par des professionnels de santé essentiellement au sein d’un centre pluridisciplinaire de ville (souvent Maison de Santé Pluriprofessionnelle) selon les données de l’observatoire. Les raisons potentielles à un tel constat sont déclinées dans les paragraphes suivants.
En médecine de ville, les programmes ambulatoires sont quasiment tous entièrement financés via une association d’action publique. En effet seul 3,9% des programmes d’ETP sont proposés en ville, dans des structures de proximité (6,62).
Il existe un seul service d’ETP poly-pathologique en France, celui du CHU de Montpellier, car cette pratique se prête beaucoup plus à la pratique libérale par les médecins généralistes. L’évaluation à 12 mois de la pratique de ce service hospitalier est très encourageante avec un programme très vaste (Annexe 12.), qui donne une place prépondérante aux médecines intégratives alternatives et complémentaires de qualités pour répondre à des problématiques plus holistiques.
D’après notre étude, sur l’ensemble des SEC de la Région Sud, soit 39 établissements, 15 SEC répondantes pratiquent l’ETP dont une seule pratique l’ETP poly-pathologique actuellement.
Neuf structures ont contractualisé pour la mise en place du programme ET3P (poly-pathologique) de la MSA au cours de l’étude en 2019 (plus de la moitié introduisant l’ETP dans leur structure pour la première fois).
Le manque de temps dans l’intégration de l’ETP poly-pathologique dans la prise en charge patients
La charge de travail supplémentaire est un frein majeur connu pour l’ETP classique mono-pathologique et poly-pathologique comme le soulignent 50% des coordinateurs. Dans d’autres études, environ 70-80% des médecins généralistes pointent du doigt la relation délicate de l’implication temporelle que représente l’ETP dans la prise en charge (38,39,41).
Un programme d’ETP au sein d’une structure de soins primaires avec coordonnateur, permet au médecin de se libérer du temps d’administratif pour le déplacer vers du temps de soins partagés (42) qui lui confère aussi « l’occasion d’élargir ses compétences et d’avoir une position de soins différente de celle pratiquée en consultation », comme le décrit une coordinatrice interrogée.
Les coordinateurs ayant répondu considèrent leur temps passé à l’ETP dans leur emploi du temps professionnel à 1h30 environ par semaine, en plus des séances avec les patients. Ce qui représente une charge non négligeable qui s’ajoute à leur emploi du temps déjà souvent chargé si le coordinateur est un professionnel de santé libéral.
Une solution supplémentaire pour pallier à ce problème fut l’introduction d’IDE ASALEE (90) depuis 2004 dans le parcours de soins des patients atteints de pathologies chroniques. Leurs compétences sont spécialisées dans la prévention, le dépistage (actes médicaux dérogatoires) et l’accompagnement de patients atteints de maladies chroniques ou de facteurs de risque, comme relais entre le patient atteint de pathologie chronique et le médecin permettant une offre collaborative pluri- ou interprofessionnelle. Ces professionnel(le)s sont formé(e)s à l’entretien motivationnel et au coaching auprès du patient (care management) (91). Ces IDE locaux sont recrutés après candidature avec une volonté de diversifier leurs compétences et formé(e)s par l’association nationale ASALEE. Elle est elle-même porteuse du salariat des IDE ASALEE. Une IDE ASALEE peut travailler avec 4 ou 5 médecins libéraux, dans leurs cabinets médicaux ou à domicile du patient. Le service est proposé de façon gratuite par convention entre l’association et les médecins (92).
Le programme SOFIA mis en place par l’assurance maladie en 2008, permettrait, lui, aux médecins traitants un soutien aux patients ayant une maladie chronique par leurs conseils et coaching téléphonique, un suivi des données numérique concernant leur maladie et des réflexions d’améliorations dans leur prise en charge individuelle afin de réduire les dépenses de santé. Ce dispositif est incité par la sécurité sociale auprès des médecins généralistes et l’inclusion des patients est comprise dans le calcul des ROSP (Rémunération sur les Objectifs de Santé Publique). Pour participer à ce programme, le médecin traitant inscrit le patient après son accord oral. Ce dernier sera alors contacté par téléphone ou mail par un agent conseil de l’assurance maladie (93). Ce programme est un moyen de « rattrapage » pour les patients qui ne sont pas observants aux soins, non intéressés par l’ETP de groupe ou perdus de vu par leur médecin traitant. De plus, les personnes à mobilité réduite ou encore géographiquement isolées reçoivent un soutient médical personnalisé comme peuvent le faire les IDE ASALEE.
Le programme SOFIA montre une amélioration du suivi des patients diabétiques pour le dosage de l’hémoglobine glyquée et pour la réalisation des examens de dépistage des complications comme le fond d’oeil ou le bilan rénal annuel. Il est intéressant de noter aussi que le programme permet une diminution significative des hospitalisations des patients pris en charge pour le suivi du diabète ou de l’asthme (94). Cependant ces résultats sont très limités et incertains, avec des biais méthologiques. Ce service ne peut cependant pas être considéré comme de l’ETP et sa fonction fait doublon avec les IDE ASALEE dans les zones où elles sont bien déployées et organisées. D’autant qu’une étude comparative des médecins généralistes qui intègrent ou non les IDE ASALEE montre aussi une amélioration des performances d’observance du patient (hémoglobines glyquées significativement meilleures), une augmentation des files actives de patients et de déclaration de médecin traitant grâce à l’intervention d’un professionnel spécialiste de la prévention et de l’ETP individuel que sont les ASALEE (95).
L’ETP individuelle est aussi une source d’amélioration de la santé des patients avec des maladies chroniques tout comme l’ETP de groupe. Les deux ne sont pas opposées mais se complètent et peuvent être utilisées conjointement ou a des moments différents de la vie des patients pour un bénéfice encore meilleur.
Il est à souligner que le dispositif ASALEE et le programme SOFIA seront d’autant plus bénéfique aux patients si les médecins traitants sont présents et impliqués.
Ils contribuent en partie à l’amélioration du suivi des patients et par conséquent de leur santé lorsque le médecin traitant n’a pas le temps de pratiquer son rôle de conseiller pour cause de charges administratives démesurées.
La désertification médicale de certaines zones du territoire et son remplacement par des permanences de soins d’urgences pourrait créer de nouvelles problématiques dans le suivi sérieux des patients souffrants de maladies chroniques dont le nombre ne cesse d’augmenter chaque année et qui ne pourront bénéficier d’ETP de la part de leur praticien.
Une rémunération des actes encore désuète
L’ensemble des actes (médicaux et paramédicaux) pratiqués en éducation thérapeutique, n’est pas notifié auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie. En effet, seule la cotation de la Nomenclature Générale des actes professionnels (NGAP) existe pour les Infirmières Diplômées d’Etat (IDE) dans le cadre du suivi des patients atteints d’insuffisance cardiaque ou BPCO en sortie d’hospitalisation coté par la lettre clé AMI 5,8 (soit 18,27 euros). Il s’agit de séances à domicile pendant 2 mois, de surveillance clinique, de prévention et éducation du patient et/ou de son entourage avec la vérification de l’observance des traitements médicamenteux et des mesures hygiéno-diététiques dans la vie quotidienne, ainsi que l’adhésion du patient aux traitements ; la surveillance des effets des traitements, de leur tolérance et de leurs effets indésirables ; la vérification de la bonne utilisation des dispositifs médicaux éventuels et la participation au dépistage des complications de la maladie et des traitements afin d’éviter les récidives. Cet acte ne peut être coté que dans les suites d’une hospitalisation depuis 2017 (96). La rémunération des professionnels de santé étant alors très variable, les médecins n’ont pas de cotation individuelle leur permettant de rémunérer la pratique d’une séance en ETP individuelle ou de groupe (97). Certains reconvoquent donc les patients pour une consultation de médécine générale coté G (25 euros).
L’Accord conventionnel Interprofessionnels (ACI) (46) dans la partie complémentaire est en partie calculé sur ce type de prise en charge hors nomenclature (couteuse en temps et en implication personnelle) (47) est attribué encore essentiellement aux structures répondant à des critères spécifiques validées par l’ARS. Il s’agit de Maisons de Santé Pluri professionnelles (MSP) au statut de Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA) (49). C’est un statut juridique créé en 2011 et proposé au même titre qu’une SCM. Ces accords permettent une rémunération de la coordination des soins et de l’ETP qui n’étaient pas jusque là indemnisés. Il s’agit d’une rémunération pérenne de la SISA dont la somme minimale est calculée sur des trois critères « socles » respectant un cahier des charge national. La rémunération complémentaire se fait par un forfait calculé selon le nombre de patients par an, le pourcentage de patients pris en charge souscrivant la CMU, la validation des ROSP, la diversité des professionnels ainsi que l’établissement de missions de santé publique dont fait partie intégrante l’ETP. Cela équivaut à un montant compris entre 20 000 à 90 000€ dont la part de l’ETP est cependant faible (46). En effet, la subvention maximale versée à cette option est de 4 900 euros par an pour l’ETP. S’ajoute à cela une subvention variable proposée par le Conseil Régional en fonction des projets de santé publique mis en place par la SEC. Ce qui représente avec des calculs complexes une moyenne de 170 euros par patient par an pour l’ensemble des séances pratiquées au cours du parcours d’ETP. Ce qui est insuffisant d’après les commentaires des coordinateurs interrogés dans l’étude, si nous considérons le nombre d’heures de coordination et de travail auprès du patient, pour la mise en pratique d’un programme d’ETP. Lors d’un entretien, une coordinatrice a évoqué « une dépense de 16 000euros par an consacrée uniquement à l’ETP dans la structure, tout juste compensée par les financements de l’ARS, du CoDES (CNES) et de l’ACI de la structure de soins en SISA». « La durée dans le temps de la prise en charge par patient se doit malheureusement d’être limité à 60 heures par an d’un point de vue économique ». Le patient doit alors trouver une association lui permettant de continuer cette ou ces activité(s) bénéfique(s) à sa santé, à la suite des séances d’ETP.
Dans une autre étude, il est constaté que plus de 40% des médecins généralistes estiment la rémunération trop faible par rapport à l’investissement en temps passé en ETP et au manque de flexibilité, inventivité et autonomie des professionnels devant suivre des normes précises issues des cahiers des charges des programmes autorisés par les autorités sanitaires (98).
En complément des ACI, les ARS financent les appels à projet via les Fonds d’investissement Régionaux (FIR) qui représente 200 euros par patient et par an, pouvant être complétés par le financement de l’innovant programme d’ETP poly-pathologique de la MSA à hauteur de 1800 euros par cycle d’ETP pour 8 à 12 patients par groupe (soit 250 euros par patient par cycle).
Ce dernier contrat finance aussi la formation des 40h d’ETP et la formation complémentaire d’ETP poly-pathologique. Le financement peut aussi être complété par des plateformes associatives (comme Santé Croisée PACA).
Cependant, aujourd’hui encore, la majorité des professionnels de santé ne fonctionne pas sur ce mode de revenus complémentaires et ne peut donc pas se permettre de proposer ces soins de prévention et d’éducation.
La formation en ETP poly-pathologique des médecins et professionnels de la santé
La formation des médecins et professionnels de santé en ETP est encadrée par l’Arrêté du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient, repris en 2013 (99,100).
Seuls 40% des médecins généralistes sont formés ou ont acquis des connaissances sur la pratique de l’ETP d’après des études précédentes (39,41).
Dans notre étude, 3/13 SEC pratiquant de l’ETP et 6/11 des SEC n’en pratiquant pas connaissent la difficulté dans la formation spécifique des professionnels.
Concernant les formations actuelles, certaines facultés de Médecine proposent le DU d’ETP de 150 heures (101) en complément de la formation initiale universitaire qui n’est pas très fournie en heures de cours et de pratique d’ETP actuellement (2h de cours théorique en Première Année Commune des Etudes de Santé (PACES) suivies de 8h au cours des 2e et 3e cycle des études médicales). Le DU-MG (diplôme Universitaire de Médecine Générale) de Marseille propose à tous ces internes un module de 8h intitulé « Education Thérapeutique, Situation autour du patient souffrant de pathologies chroniques, poly-morbidité à forte prévalence ».
On trouve aujourd’hui des organismes publics (Assurance maladie, MSA), association d’intérêt publique (CRES) et privés (IPCEM, Santé Croisée et autres Plateforme Territoriale d’Appui -PTA-) proposant des formations en ETP de 40h obligatoires pour dispenser des séances d’ETP (67) en plus de celles proposées par les facultés (Diplôme Universitaire), comme c’est le cas à la faculté de Médecine de Montpellier ou Paris depuis 2016 (7).
Pour les infirmières, l’information se fait aussi dans les journaux hospitaliers (102).
Les patients experts sont aussi formés dans les universités de médecines comme celle d’Aix-Marseille (103). Il s’agit d’un Diplôme Universitaire d’un an avec un stage hospitalier de 5 jours validant. Ils sont représentés dans moins de 20% des programmes d’après un rapport d’analyse des programmes de la région Grand-Est (63).
Cependant, toutes ces formations ne permettront jamais d’acquérir l’empathie et la capacité d’écoute à celui qui n’y adhère pas philosophiquement (104). Au-delà du savoir-faire, le savoir être indispensable dans la relation du thérapeute avec le patient (105) s’acquière avec la pratique.
En outre, l’ETP poly-pathologique étant une pratique différente de l’ETP mono-pathologique, une formation complémentaire indispensable n’est actuellement enseignée que par la MSA via la mise en place de son programme. Les formateurs des programmes d’ETP poly-pathologique donnent des enseignements sur le programme lui-même et sa mise en place en pratique, et non pas sur la démarche de soins de l’éducation du patient poly-pathologique qui est très spécifique car très individualisée.
Les axes à prioriser quant à cette formation sont (80): – la spécificité de la poly-pathologie gériatrique, – l’optimisation de la prescription médicamenteuse, – la prévention de la iatrogénie, la dépendance, la dépression et les chutes – la concertation pluri-professionnelle et – le dépistage de la souffrance des aidants.
Il y a une vraie place à prendre concernant la formation d’ETP poly-pathologique pour laquelle il n’y a que peu d’appels à projet actuellement (106).
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Table des matières
1 Abréviations
2. Matériels et Méthodes
3. Résultats
a) Situation actuelle de l’ETP poly-pathologique en Région Sud
b) Intérêt des professionnels pour l’ETP poly-pathologique, enquête sur le terrain.
i) Enquête quantitative
ii) Enquête qualitative
4. Discussion
a) Définition de l’éducation thérapeutique multi-pathologique ou poly-pathologique et conditions pratiques de création d’un programme
b) Les réalités de la situation, un enjeu difficile
i) Répartition des soins en ETP poly-pathologique sur le territoire français
ii) Le manque de temps dans l’intégration de l’ETP poly-pathologique dans la prise en charge patients
iii) Une rémunération des actes encore désuète
iv) La formation en ETP poly-pathologique des médecins et professionnels de la santé
v) Le manque de sensibilisation des patients
vi) La complexité de la démarche d’autorisation ou de renouvellement auprès des ARS
c) Les arguments en faveur de l’introduction d’ETP poly-pathologique en médecine générale : Vers une démocratisation de l’ETP poly-pathologique dans les structures de soins d’Exercices coordonnées en Région Sud
d) La médecine de demain intégrative de l’ETP poly-pathologique.
e) Les points forts de l’étude
f) Les biais de cette étude
5. Conclusion
6. Références
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