La formation du drainage minier acide (DMA)
REVUE DE LITTÉRATURE SUR LA FLOTTATION DES SULFURES: PRINCIPE ET MÉTHODES
Cette revue de littérature décrit la technique de flottation permettant la séparation des différentes espèces minéralogiques. Les deux aspects fondamentaux, hydrodynamique et physico-chimique, de la technique sont dans un premier temps présentés. Les réactifs de flottation et leurs interactions avec les espèces minérales visées sont par la suite exposés, de manière générale pour les minéraux non-sulfureux et précisément pour les sulfures. Enfin, les problématiques environnementales et sécuritaires en lien avec les collecteurs sont discutées.
La flottation: un procédé de séparation minéralurgique
La flottation est un processus de concentration des minéraux qui, grâce à sa grande capacité de tonnage et à son large champs d’application (métaux dans les minerais sulfureux, silicates, carbonates, phosphates, etc.), a révolutionné le monde minier au début du XX ème siècle, en permettant l’exploitation de gisements de basses teneurs (Blazy and Jdid, 2000b; Wills and Napier-Munn, 20 15). Cette technique de séparation des solides se base sur les différences des propriétés physico-chimiques des surfaces minérales. Pour séparer les espèces minérales à valeur économique du reste de la gangue, le minerai, préalablement broyé, est mélangé avec de l’eau pour former une pulpe (allant 15 à 40% solide), qui est conditionnée avec divers réactifs chimiques, dont les agents modificateurs, les moussants et les collecteurs de flottation. Le conditionnement commence en général lors du broyage et se poursuit le long du circuit en amont de chaque étape de flottation. Le rôle des collecteurs, le plus souvent des molécules organiques, est de s’adsorber sur les espèces minérales visées et de former un film hydrophobe autour de leur surface. Cette « sélection »se fait tout d’abord grâce à la nature du collecteur mais également par des agents modificateurs de pH, des activants ou des déprimants de surface (Blazy and Jdid, 2000b) capable de préparer les surfaces minérales de valeur. Cette pulpe conditionnée est ensuite aérée par ajout de bulles d’air (la taille et la durée de vie des bulles sont contrôlés par les différents équipements ainsi que les moussants), permettant aux particules rendues hydrophobes de se fixer aux bulles et de remonter par la poussée d’Archimède à la surface pour former une couche de mousse (écume) concentrée en espèces minérales, pouvant être facilement récupérée (Wills and Napier-Munn, 2015). Le fonctionnement d’une flottation est régi par de nombreux paramètres, cependant, l’hydrodynamique et la physico-chimie de la pulpe et des surfaces minérales sont les deux disciplines permettant un bon contrôle de cette technique. L’hydrodynamique est indispensable à la compréhension des écoulements, des temps de résidence et des transferts de masse se déroulant dans la cellule de flottation alors que la physico-chimie de la pulpe et des surfaces minérales renseigne sur l’hydrophobicité des minéraux ainsi que sur le potentiel de sélectivité (Derycke, 2009).
Aspects hydrodynamiques
La flottation est une technique complexe mettant en jeu les interactions entre trois phases dont les mouvements sont critiques durant toutes les étapes du processus: les particules solides, l’eau et les bulles d’air. L’hydrodynamisme est en premier lieu caractéristique pour chaque type d’appareil de flottation utilisé. Les deux principaux étant les cellules mécaniques et les colonnes de flottation illustrés respectivement par la Figure 2-1 et la Figure 2-2. Le choix du ou des types de cellules installées dans une usine de concentration dépend de plusieurs paramètres comme la minéralogie, les caractéristiques du minerai, le tonnage, la distribution granulométrique cible ou encore la consommation énergétique visée.La phase de conditionnement, durant laquelle la pulpe est mélangée avec les différents réactifs de flottation, rend possible la diffusion des réactifs de façon homogène dans la cellule, tout en conservant les particules en suspension. Un temps optimal de conditionnement permet aux réactifs de flottation de s’adsorber aux surfaces minérales et de séparer d’éventuels agrégats de particules. Le type et l’intensité du mélange durant le conditionnement sont les deux éléments qui définissent les paramètres hydrodynamiques. Dans l’industrie, la phase de conditionnement ne se fait pas dans les cellules de flottation mais préalablement dans des cuves où la pulpe est agitée mécaniquement (Blazy and Jdid, 2000a).
La zone de collision (et de récupération) entre les bulles et les minéraux hydrophobes doit permettre de maintenir les particules en suspension et disperser les bulles d’air dans la cellule pour favoriser les probabilités de rencontre. La zone de séparation entre la pulpe et les agrégats de minéraux permet d’assurer la solidité des groupements sans que les particules ne se détachent des bulles d’air. Enfin, la couche de mousse contenant les éléments de valeur doit rester stable et éviter que des particules de la gangue s’immiscent dans le concentré (Derycke, 2009). La distribution granulométrique des espèces minérales est déterminante pour obtenir une récupération optimale par flottation (soit pour des particules ni trop fines, ni trop grossières, entre 20 et 150 11m) (Jameson, 2010). Les particules trop grossières ont une force d’inertie et un poids trop important pour s’attacher aux bulles d’air et être récupérées (Derycke, 2012). Les particules trop fines se fixent difficilement aux bulles d’ air à cause d’une trop faible surface d’adhésion et de la rupture du film liquide entre la particule et la bulle (De Gontijo et al., 2007).
Les cellules à agitation mécanique assurent la phase de collision par un système de rotor-stator qui mélange la pulpe de façon intense (Figure 2-1). Ce système d ‘agitation pennet de garder en suspension la majorité des particules minérales dans la cellule sans créer de sédimentation. L’air rentre dans la cellule et se mélange à la pulpe au niveau du rotor/stator, dont le but est de disperser les bulles de façon homogène dans la cellule. La mousse minéralisée se fonne dans une zone calme, pour éviter le détachement des particules et leur retour dans la pulpe (Blazy and Jdid, 2000a; Wills and Napier-Munn, 2015).
À l’inverse des cellules à agitation mécanique, dont la phase de collision est caractérisée par des conditions turbulentes, la flottation par colonne se fait dans des régimes calmes. La pulpe conditionnée contenant le minerai broyé est injectée dans la partie supérieure d’un cylindre (au deux tiers) alors que les bulles d’air sont diffusées dans la partie inférieure de la colonne. Par écoulement gravitaire, les particules tombent dans le bas de la colonne alors que les bulles d’air remontent vers la surface. Cela crée un contre-courant qui va induire leur collision et la récupération des minéraux hydrophobes sur les bulles d’air (Newcombe, 2016). Dans le cas des colonnes de flottation, la couche de mousse est arrosée d’eau de lavage (Figure 2-2). Ce lavage permet d’augmenter la teneur du concentré en renvoyant dans la pulpe les particules de la gangue entrainées mécaniquement et de garder une stabilité de la mousse en alimentant en eau les films des bulles (Derycke, 2009).
Aspects physico-chimiques
L’étude des conditions hydrodynamiques permet de mettre en évidence le comportement des différentes phases impliquées (solide, liquide, gazeuse) durant le processus de flottation, selon les deux principaux types d’appareil utilisés. Les paramètres physico-chimiques apportent des connaissances sur les interactions entre les surfaces des différentes phases, suivant les diverses interfaces (solide-liquide, solide-gaz et système triple), sous contrôle des réactifs de flottation.
Interface solide -liquide
L’interface entre les particules solides (minéraux broyés) et le liquide (eau) est primordiale lors de la flottation. Les collecteurs, les activants et les déprimants vont notamment grandement 1’affecter. Un phénomène comme la double couche électronique a un contrôle sur les paramètres d’adsorption à cette interface (Fuerstenau and Raghavan, 2007).
La double couche électronique à l’interface solide- liquide
Lors de la préparation du minerai, les différents minéraux sont broyés pour libérer les éléments de valeur. Ce broyage entraine une fracturation du réseau cristallin des solides et une perte de la charge neutre de leur surface lorsqu’ils sont mis en solution. Cette charge nette positive ou négative de surface peut s’acquérir de différentes façons:
-Par dissolution préférentielle: lorsque le réseau cristallin est fracturé, des ions, attirés par la solution aqueuse, apparaitraient à la surface minérale. Le passage de ces ions dans la solution ferait pencher la charge électrique d’un côté, ce qui impliquerait l’obtention d’une charge nette. Les ions pouvant se retrouver dans la phase aqueuse sont appelés IDP, les Ions Déterminant le Potentiel. Les sulfures et les sels peuvent obtenir une charge nette de cette manière (Blazy and Jdid, 2000b; Bouchard, 200 1), -Par substitution: un élément présent dans la solution ayant une valence supérieure ou inférieure à un élément du système cristallin pourrait le remplacer, impliquant un déséquilibre de la charge total. Les argiles ou les micas, avec la substitution du Si4+ par Al 3+ ou d’ Al 3+ par Mg2+ peuvent ainsi obtenir une charge négative, -Par chimisoœtion: C’est le cas de certains oxydes, silicates et sels qui pourraient voir des acides se former sur leurs surfaces lors de la mise en solution du minéral. L’acide formé se dissocierait ensuite selon le pH de la solution, faisant obtenir une charge nette à la surface du minéral (Bouchard, 200 1).
Lorsqu’une surface minérale développe une charge électrique, une tension ou un potentiel électrique se forme de la surface du solide par rapport à la solution aqueuse. Ce potentiel électrique est maximal au niveau de la surface du solide et diminue en allant vers la solution (Figure 2-3). Cette tension est neutralisée lors de la traversée de la double couche électronique, dont le modèle a été présenté par Gouy-Chapman et ensuite modifié par Stern-Graham. L’équation 6 représente cette loi qui est illustrée par la Figure 2-3 (Fuerstenau and Raghavan, 2007):
avec ‘F, la tension (volt), !Jlola tension ou potentiel de surface (volt), K une constante et d la distance de la surface du solide.
Sur la courbe de la Figure 2-3, ‘Ps correspond au potentiel de la couche de Stern, caractérisé par la distance 8 (environ la moitié du diamètre des contre-ions ancrés, et donc de la couche de Stern) et Ç représente le potentiel Zéta.
Le potentiel Zéta aux surfaces minérales
Cette tension Zéta (Ç) correspond au plan de cisaillement entre la couche d’eau restant collée à la surface du solide lorsqu’il est mis en mouvement dans une solution et la phase aqueuse neutre. La distance correspondante à cette tension n’est pas quantifiable mais le potentiel associé l’est. Selon le pH de la solution, la valeur du potentiel Zéta peut être positive ou négative. Il y a un juste milieu, pour un pH donné, où cette tension est égale à O. Le pH correspondant à ce potentiel nul s’appelle le Point de Charge Nulle (PCN). Ce sont les ions H+ et OH » qui modifient la double couche électronique et qui permettent de telles variations de la tension Zéta. Le PCN indique pour quels pH la charge de surface des solides sera positive ou négative, ce qui revêt une importance certaine en flottation sachant que l’adsorption des ions sur les surfaces minérales peut dépendre de cette charge (Fuerstenau and Raghavan, 2007).
La valeur du potentiel Zéta ne dépend cependant pas que du pH. La formule chimique du minéral est également un facteur déterminant du PCN, ainsi que des éléments de substitution dans le réseau cristallin, d’autres ions (exemple de l’oxygène avec le PCN de la galène) et la température (Bouchard, 2001; Fuerstenau and Raghavan, 2007).
La surface de la pyrite présenterait un PCN pour un pH neutre d’environ ~6 (Jiang et al., 1998; Yang et al., 2018), ce qui correspond à un zone de pH où le minéral flotte difficilement. La récupération de la pyrite par flottation (avec un collecteur à base de xanthate) est directement liée
à ce potentiel. La dépression de la pyrite apparait notamment pour des pH inférieurs à 2, compris entre 5 et 7 et supérieur à 11. Plusieurs explications sont avancées pour comprendre ces zones de dépressions de la pyrite, notamment des phénomènes de surface variant selon le pH de conditionnement (formation d’hydroxyde ferriques à pH 7) ou encore l’instabilité ou la décomposition du collecteur pour des pH extrêmes (Cases et al., 1993; De Donato et al., 1993; Mermillod-Blondin, 2005; Fuerstenau et al., 2007).
Adsorption à / »interface solide- liquide
L’adsorption de divers éléments sur les surfaces minérales est déterminant lors de la flottation. Les composés pouvant être adsorbés sont de plusieurs natures: des ions (H+, OH », métalliques ou des ions complexes), des molécules (d’eau et organiques) ou encore des particules solides. L’adsorption, d’origine électrostatique, des collecteurs (molécules organiques ionisées) sur les surfaces minérales fait partie des paramètres clefs de ce processus. Cette attraction se fait grâce aux charges de signes contraires et est facilement réversible et non-spécifique (Bouchard, 2001; Somasundaran et al., 2007).Il est possible de caractériser l’adsorption d’un collecteur sur une surface minérale, en déterminant la quantité de collecteur adsorbée et en analysant les espèces présentent sur les surfaces après cette adsorption. La partie 2.2.2 traite plus en détailles mécanismes d’adsorption des collecteurs sur les surfaces minérales.
|
Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Contexte de l’étude
1.2 Problématique environnementale
1.2.1 La formation du drainage minier acide (DMA)
1.2.2 La formation du drainage neutre contaminé (DNC)
1.2.3 Les méthodes de prévention du DMA et du DNC
1.2.4 La désulfuration environnementale
1.3 Objectifs de l’étude
1.4 Structure du mémoire
CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE SUR LA FLOTTATION DES SULFURES: PRINCIPE ET MÉTHODES
2.1 La flottation: un procédé de séparation minéralurgique
2.1.1 Aspects hydrodynamiques
2.1.2 Aspects physico-chimiques
2.1.3 Les différents réactifs de flottation
2.2 Les propriétés des collecteurs de sulfures
2. 2.1 Chimie et utilisation
2.2.2 Caractérisation de la pyrite et mécanismes d’adsorption des collecteurs
2.2.3 Contrainte environnementale et sanitaire: toxicité et écotoxicité des collecteurs de sulfures
2.3 Conclusion et besoin en recherche
CHAPITRE 3 MATÉRIEL ET MÉTHODE
3.1 Matériaux utilisés
3.1.1 Pyrite pure: Origine, préparation, conditionnement et caractérisations
3.1.2 Minerai d’une mine en activité (Goldex, Val d’Or, Québec): Origine, flottation et caractérisations
3.1.3 Collecteurs de flottation
3.2 Méthodes utilisées
3.2.1 Caractérisation physique
3.2.2 Caractérisation chimique
3.2.3 Caractérisations minéralogiques
3.2.4 Purification du Potassium Amy! Xanthate (PAX)
3.2.5 Quantification des collecteurs résiduels par UV-Visible
3.2.6 Analyse des surfaces de la pyrite par Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier en mode Réflexion Diffuse (DRIFTS)
3.2.7 Modèle de cinétique de flottation
CHAPITRE 4 ARTICLE 1: ALTERNATIVES TO XANTHATE COLLECTORS FOR THE DESULPHURIZATION OF ORES AND TAILINGS: PYRITE SURFACE CHEMISTRY AND INDUS TRIAL APPLICATION
4.1 Abstract
4.2 Introduction
4.3 Materials and methods
4.3.1 Sample preparation
4.3.2 Flotation collectors
4.3.3 Material characterization
4.3.4 Quantification ofresidual collector using UV-visible spectroscopy
4.3.5 Surface characterization: diffuse reflectance infrared Fourier transform spectroscopy (DRIFTS)
4.3.6 Flotation tests
4.4 Results and discussion
4. 4.1 Material characterizations
4.4.2 Pyrite surface characterization
4.4.3 Collectors adsorption on the pyrite surface
4.4.4 DRIFTS spectroscopy characterization of the collectors adsorption on the pyrite ~ce
4.4.5 DRIFT spectroscopy characterization of the adsorption ofDTC-MBT and DTP-MBT based collectors on the pyrite surface
4.4.6 Desulphurization of the Goldex ore
4.5 Conclusions
CHAPITRE 5 DISCUSSION GÉNÉRALE
5.1 Résultats de flottation du minerai Goldex
5.1.1 Récupération massique
5.1.2 Rendement et cinétique de désulfuration
5.1.3 Récupération aurifère
5.2 Potentiel de génération d’acidité des rejets désulfurés
5.3 Analyse des sulfures résiduels dans les rejets de flottation par QemScan
5.4 Comparaison des coûts associés à l’utilisation des collecteurs PAX, DTC-MBT et DTPMBT
CHAPITRE 6 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
6.1 Conclusion
6.2 Recommandations
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES .
Télécharger le rapport complet