La formation comme réponse au chômage structurel

La formation comme réponse au chômage structurel

D’un chômage conjoncturel apparu dans les années 1970, de nature économique et relatif à l’isuffisance de la demande, nous sommes passés à un chômage structurel, qui résulte de l’inadéquation entre les qualifications des individus et les emplois disponibles. Ce chômage, « que certains ont appelé d’exclusion » (Paugam, 2008, p.81) découle d’une sélection croissante des salariés par les entreprises, qui met en échec une partie d’entre eux, risquant une « disqualification sociale progressive dans l’entreprise et plus généralement sur le marché du travail» (Ibid., p.82).

Le système économique actuel génère un chômage d’hystérèse , persitant bien que les crises qui l’ont provoqué ont disparu. Le marché du travail écarte de facto les individus les moins bien dotés en capital humain, social et culturel, ce qui aboutit à un phénomène d’exclusion d’une frange importante de nos concitoyens : « Au fur et à mesure que le salariat devient une condition solide à laquelle sont rattachées un salaire relativement confortable et des protections fortes, il apparait qu’il peut être la matrice de base d’une intégration réelle dans la société moderne.» (Castel, 2007, p.103). En l’occurrence, ce phénomène se concentrent sur certaines catégories de personnes et les pertes d’emploi relatives à la crise économique et financière concernent principalement les publics peu diplômés et peu qualifiés.

Cinq millions d’emplois nets ont été perdus dans l’Europe des vingt-sept dans le contexte des années 2000-2010. En France métropolitaine, 400 000 emplois sont perdus sur cette même période. En 2009, une personne sur cent perd son travail ! L’exclusion des publics insuffisamment dotés en formation, victimes de discrimination ou rencontrant des difficultés matérielles et/ou géographiques (par exemple) d’accès à l’emploi, apparait comme une résultante peu surprenante d’un système de mise en concurrence des individus pour l’accès à l’emploi, qui lui-même découle d’une logique de marché encouragée par les Etats.

L’une des préoccupations sociétales croissante consiste à accompagner ces personnes exclues du travail et de la société à retrouver « une place grâce à une activité économique et un accompagnement adapté » (Gardin et al. 2012, p.199). Les entreprises sociales d’insertion ar le travail fournissent souvent des solutions aux gouvernements nationaux en adaptant progressivement les travailleurs longtemps exclus du marché du travail aux habitudes de travail en les dotant d’une expérience professionnelle récente voire d’une qualification.

Les entreprises sociales d’insertion par le travail 

Le chômage de masse, une problématique sociale majeure
L’inclusion dans la société serait tributaire de l’emploi et nous relions donc communément accès au marché du travail et intégration sociale. Le terme d’insertion désigne intrinsèquement « des mesures destinées à des publics particuliers alors que ces mesures semblent potentiellement concerner un nombre croissant d’individus » (Guichard et Huteau, 2007 p.257). Force est de constater que les frontières de l’exclusion professionnelle et sociale se font de plus en plus poreuses et que le champ de l’insertion en vient à toucher des publics qui à première vue n’étaient pas concernés. En effet, l’insertion posait au départ la question d’un ajustement, à la marge, entre des populations particulières, réputées inadaptées, et des organisations classiques de travail qui n’étaient pas disposées à les accueillir. Progressivement, le contexte de « montée du chômage et de la pauvreté depuis vingt ans a suscité l’apparition de nouvelles initiatives sociales » (Fourel et al., 2001, p.88) et a transformé la lutte contre l’exclusion en une problématique sociétale majeure, puisqu’elle s’est étendue à une frange croissante de la population incluant les seniors (personnes de plus de cinquante ans), les femmes, les jeunes (moins de vingt-six ans), les personnes insuffisamment qualifiées, les chômeurs de longue durée (plus d’un an) et les personnes issues de l’immigration.

En effet, dès la fin des années 1970, début des années 1980, des travailleurs sociaux, syndicats et militants associatifs développent dans un contexte de chômage et d’exclusion sociale « des entreprises, visant l’insertion par l’activité de personnes et de groupes précarisés, en marge des cadres légaux et des politiques publiques traditionnelles, celles-ci ne fournissant pas une réponse jugée adéquate à ces problèmes » (Defourny et al., 1998, p.39). L’émergence de l’insertion par l’activité économique (IAE) relève donc d’initiatives de la société civile, qui a alors manifesté « une réaction légitime […] face aux carences de l’action publique et privée » (Le Diguou J-C, in Fourel et al., 2001, p.88). En France, « Les entreprises sociales d’insertion par le travail (Work integration social enterprises) qui se sont créées et développées en France depuis plus de 30 ans connaissent des formes variées » (Gardin, 2010.), qu’Eme et Gardin présentent dans leur typologie .

Dans leur typologie des entreprises sociales d’insertion par le travail, ou WISEs (Work Integration Social Enterprises), Eme et Gardin (2002) auraient également pu mentionner l’existence de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui relèvent de l’action sociale et médico-sociale : en effet, ces établissements « peuvent organiser des actions ayant pour objet l’adaptation à la vie active par l’apprentissage ou le réapprentissage des règles nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle. Ces actions s’adressent à des personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer un travail régulier » (article R345-1 du Code de l’action sociale et des familles).

Par ailleurs, les entreprises sociales d’insertion identifiées et regroupées par les auteurs souffrent d’ une disparité essentielle : d’un côté, les EI, AI et ETTI proposent un travail salarié et rémunéré, tout en réalisant une activité dans le secteur économique afin d’ accompagner et de former leurs salariés pour qu’ils cheminent vers l’emploi classique ; de l’autre, les CAVA, groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) et entreprises insérantes « vise[ent] la création d’emplois permanents » (Eme et Gardin, 2002, p.7), tandis que l’insertion professionnelle n’est pas la finalité première des régies de quartier. En effet, les EI, AI et ETTI jouent le rôle de passerelle vers l’emploi et envisagent l’« insertion par le travail comme période de transition formative » (Eme et al., 1991). Elles sont aujourd’hui reconnues comme des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE).

Néanmoins, la typologie d’Eme et Gardin ne permet pas d’aborder certaines différences essentielles existant entre les SIAE. Les auteurs dissocient l’existence des associations intermédiaires et des entreprises de travail temporaire d’insertion. Cependant, en regroupant les ateliers et chantiers d’insertion et les entreprises d’insertion sous le terme d’ « entreprise d’insertion », ils se privent d’aborder l’Histoire et les spécificités défendues par les ateliers et chantiers d’insertion qui nous intéressent ici dans le cadre de notre recherche au sein du réseau CHANTIER école. En France, « [l]es entreprises sociales d’insertion ont été progressivement reconnues […] depuis le milieu des années 80 » (Gardin, 2010), lorsque l’inadéquation « entre les filières de formation et les besoins de l’appareil productif » (Labbé, 2011, p.97-98) entrainent une pauvreté et un chômage de masse d’une telle ampleur qu’elle force les pouvoirs publics à leur prise en compte, alors que le que le triptyque formation-qualification-emploi ne semble plus aller de soi. L’Etat ne va pas innover en créant de nouveaux services publics de proximité dédiés à l’insertion des publics éloignés de l’emploi. Il va notamment s’appuyer sur les initiatives préexistantes d’insertion sociale et professionnelle par la remise en emploi, qu’il va reconnaître et financer pour encourager leur développement sur le territoire national. Malgré des fonctionnements et des réseaux différents, l’appellation « structure d’insertion par l’activité économique » est apparue et tente d’unifier sous une même appellation des pratiques diverses. » (Gardin, 2010). A la résultante, les acteurs de l’insertion, auparavant autonomes, vont non seulement devenir dépendants de dispositifs légaux, mais vont aussi devoir s’allier en se fédérant pour défendre leur identité et leurs actions. Il en résultera certaines stratégies de différenciation entre structures du secteur de l’Insertion par l’activité économique (IAE), amenant notamment le réseau CHANTIER école à préconiser à ses structures adhérentes le rejet de certaines pratiques jugées dépassées et inappropriées, au profit de nouvelles pratiques supposées plus professionnelles à privilégier. Afin de situer nos travaux de recherche dans leur contexte politique et social, nous nous attachons dans un premier temps à décrire les spécificités du secteur de l’Insertion par l’activité économique (IAE) auquel elles appartiennent.

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Table des matières

Introduction générale
Partie I- Contextualisation des travaux et revue de littérature
Plan de la première partie
Chapitre 1- Contexte de la recherche : le secteur de l’Insertion par l’activité économique (IAE) et le réseau des « entreprises sociales apprenantes » CHANTIER école
1- La formation comme réponse au chômage structurel
2- Les entreprises sociales d’insertion par le travail
3- Le réseau d’acteurs CHANTIER école : du regroupement d’initiatives issues de la société civile au réseau des « entreprises sociales apprenantes »
4- Une stratégie réticulaire de professionnalisation par la formation de 1995 à nos jours
5- L’adoption de la dénomination d’« entreprise sociale apprenante » : l’apprentissage organisationnel au cœur de la stratégie du réseau … et le désapprentissage organisationnel ?
Chapitre 2- Cadres théoriques : Désapprendre pour apprendre ? Apports et manquements des théories du désapprentissage organisationnel
1- La dimension synchronique du désapprentissage organisationnel privilégiée : un intérêt marqué pour ses effets supposés sur l’apprentissage organisationnel
2- Le processus de désapprentissage organisationnel méconnu
3- L’apport des théories constructivistes de l’apprentissage pour repenser le désapprentissage organisationnel
4- Revisiter les théories utilitaristes du désapprentissage en mobilisant le concept de conflit sociocognitif
5- De l’influence des représentations sur les routines
Chapitre 3 : Epistémologie et question centrale de notre recherche
1- La connaissance en organisation en tant que construit social
2- Question centrale et principales pistes de recherche
Conclusion de la première partie
Partie 2 : Méthodologie et analyse des données sur les dispositifs d’apprentissage et de désapprentissage en entreprise sociale apprenante
Plan de la deuxième partie
Chapitre 1 : Méthodologie de la recherche exploratoire : une étude de cas multisite « pilote » réalisée auprès de trois structures
1- Formalisation de nos pistes de recherche
Conclusion du premier chapitre
Chapitre 2 : Analyse des données recueillies en phase exploratoire
1- Présentation de notre terrain de recherche exploratoire
2- Rappel de notre objet de recherche
3- Le choix de la méthode de l’analyse thématique des données
4- L’évolution des routines à la suite de la formation des professionnels
5- Analyse des effets de la formation à la démarche pédagogique sur l’évolution des pratiques de formation en situation de travail
6- Les obstacles à l’apprentissage et au désapprentissage, vecteurs de reproduction des routines non-formelles et non-professionnelles de formation
7- Enseignements de cette phase exploratoire et typologie de cas d’apprentissage et de désapprentissage organisationnels à approfondir
Chapitre 3. Phase confirmatoire de recherche
1- L’étude de cas multiple comme méthodologie de recherche
2- Protocole de recherche confirmatoire
3- Design de recherche : une étude de cas multiples encastrés
Conclusion de la deuxième partie
Partie 3- Discussion des résultats de recherche et enseignements
Plan de la dernière partie
Chapitre 1- Discussion des résultats de notre étude de cas
1- Présentation des différents cas dégagés d’après l’apprentissage et le désapprentissage organisationnels réalisés dans les structures
2- Les facteurs interactionnels et managériaux déterminants dans les différents résultats observés
Chapitre 2- Enseignements et propositions explicatives
1- Implications théoriques de notre travail de recherche
2- Implications managériales de nos résultats
3- La stratégie réticulaire en question : quelques préconisations au réseau CHANTIER école
Conclusion de la dernière partie
Conclusion générale
1- Apports théoriques
2- Limites et perspectives de recherche
Bibliographie

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