La forêt et son impact sur le climat
L’influence biophysique et biochimique des forêts
La forêt influence le climat via différents processus : d’une part de manière locale par la réflexion du rayonnement solaire (albedo), et d’autre part de manière locale et régionale par son action sur le cycle de l’eau (évapotranspiration) et le cycle du carbone. La forêt est aussi émettrice de méthane et de composés organiques volatiles, eux aussi pouvant impacter sur l’effet de serre (Fig.1.1). L’albedo résulte du type de couvert, de l’humidité du sol, de la couverture neigeuse et de l’incidence et du type des rayonnement reçus. Il s’agit donc d’un processus sensible à l’usage des sols et au type de couvert. Les milieux forestiers possèdent généralement un albedo plus faible que les autres milieux et par conséquent absorbent plus de rayonnement (Anderson et al., 2010), ce qui se traduit par un réchauffement local plus fort que dans les autres écosystèmes. En région tempérée, l’impact de l’albedo sur le climat reste incertain comparé aux milieux boréaux et enneigés (Bonan, 2008). Bright et al. (2012) ainsi que (Haberl et al., 2013) soulignent que le bénéfice lié au stockage de carbone dans les forêts boréales pour de nouvelles plantations peut être contre-balancé par un effet de réchauffement local lié à l’absorption des rayonnement par la canopée qui est plus sombre que la neige. Ce constat se fait aussi pour les zones montagneuses où Schwaab et al. (2015) montrent que l’effet de séquestration de carbone en haute altitude dans les Alpes Suisses et dans des zones longuement enneigées est contrebalancé par l’albedo. Ainsi Sjølie et al. (2013) concluent que la prise en compte des effets d’albedo, sensible au choix des espèces et de l’intensité de gestion (Anderson et al., 2010; Otto et al., 2014), modifie significativement l’impact de la gestion, mettant alors en évidence l’impossibilité d’instaurer des politiques optimales si cet aspect n’est pas pris en compte.
Les forêts jouent un rôle central dans le cycle du carbone. En effet, elles absorbent du CO2 par le processus de photosynthèse et permettent la séquestration de carbone dans la biomasse et dans les sols ce qui aura un effet refroidissant sur le climat. Cependant elle relarguent aussi du CO2 par les processus de respiration, ce qui augmente l’effet de serre. Ainsi, une forêt peux absorber plus de carbone qu’elle n’en relâche. On parle alors de “puits” de carbone. Dans le cas contraire, certaines forêts périssantes vont relarguer plus de carbone qu’elles n’en absorbent, on parle alors de “source” de carbone. Ces différents processus sont dépendant des conditions environnementales et de la santé des peuplements.
D’autres facteurs biophysiques tels que l’évapotranspiration et la formation d’aérosols peuvent contre-balancer les effets de l’albedo et de la séquestration de carbone. L’évaporation ainsi que la formation d’aérosols jouent un rôle dans la formation des nuages et par conséquent possèdent un effet refroidissant local (Spracklen et al., 2008; Anderson et al., 2010). L’effet refroidissant exercé par l’évaporation est surtout perceptible en milieu tropical (Bonan, 2008). Une réduction des ressources en eau, liée par exemple à une hausse des évènements de sécheresse dans le futur, se traduit donc par une réduction de l’évapotranspiration et par un réchauffement local.
Le rôle des forêts dans le cycle du carbone
Selon Pan et al. (2011) les stocks de carbone des forêts à l’échelle mondiale sont estimés à hauteur de 861(±66) GtC en 2010, dont 363(±28)GtC concernent la biomasse aérienne (42%), 73(±6)GtC le bois mort (8%), 383(±30)GtC pour le carbone du sol jusqu’à un mètre de profondeur (44%) et 43(±3)GtC pour la litière (5%). Les forêts tempérées stockent moins de carbone (119±6GtC, 14%) que les forêts tropicales (471±93 GtC) et les forêts boréales (272±23 GtC) (Fig.1.2). La répartition des stocks est différente selon le biome considéré : en milieu tropical la majorité du carbone provient de la biomasse aérienne (56%) tandis qu’en milieu boréal le carbone se trouve principalement dans les sols (60%). Rapporté à la surface de forêts, cela représente en moyenne respectivement 242 et 239 tC ha−1pour les milieux tropicaux et boréaux et seulement 155 tC ha−1pour les milieux tempérés.
Toujours d’après Pan et al. (2011), une augmentation globale des stocks de carbone forestiers (tous compartiments compris) de 1.11(±0.82) GtC an−1 est notable de 1990 à 2007. Dans les forêts établies ce puits s’élève à 2.4 ±0.4 GtC an−1 ce qui représente environ 25% des émissions fossiles. En milieu tempéré (767Mha) le puits de carbone des forêts est estimé à 0.72 GtC an−1 sur cette même période. En Europe le puits est estimé à 0.23GtC an−1 (Table 1.1). Ce puits s’explique principalement par une politique d’afforestation importante couplée à des prélèvements en dessous de l’accroissement annuel dans de nombreux pays d’Europe, ce qui se traduit par des forêts jeunes et un puits de carbone important. Selon Nabuurs et al. (2013) l’incrément des forêts en Europe excède les prélèvements d’environ 260 Mm3 an−1 . Cependant l’auteur souligne que le puits de carbone européen montre ses premiers signes de saturation.
Cette saturation est essentiellement due à un vieillissement des forêts, à une augmentation des perturbations naturelles mais aussi à une intensification récente de la gestion forestière.
Des pressions environnementales et anthropiques de plus en plus fortes
La forêt face aux changements globaux
Par son impact sur le climat et sur le cycle du carbone, les forêts ont un pouvoir d’atténuation important sur les changements climatiques actuels. Cependant elles sont aussi de plus en plus soumises à des pressions anthropiques et naturelles qui rendent incertaine leur évolution face aux changements environnementaux.
Les modèles climatiques récents anticipent une augmentation globale des températures ainsi qu’une augmentation de la variabilité des précipitations à l’échelle régionale. Ainsi en Europe, la hausse des températures devrait atteindre 2 à 4°C en été pour les différents scénarios RCP4.5 (modérés) avec des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et longues (Jacob et al., 2014). De plus, les différentes projections montrent une diminution moyenne des précipitations en été avec une hausse de fréquence des fortes précipitations. A l’inverse, une hausse des précipitations sur toute l’Europe est prévue lors des périodes hivernales, couplée à une hausse de la fréquence des tempêtes. Les forêts vont donc faire face à des modifications environnementales graduelles sur le courtmoyen terme mais aussi à une augmentation de la fréquence des évènements extrêmes.
Plusieurs études font état à la fois d’effets positifs et négatifs des changements globaux sur la productivité forestière. Par exemple pour l’Europe, les différents modèles estiment que l’augmentation des concentrations en CO2 et des températures aura un effet bénéfique sur la croissance des arbres sur le court et moyen terme (Bonan, 2008; Peñuelas and Filella, 2009).
En revanche cet effet bénéfique sera vite contre-balancé par une augmentation des tempêtes, des sécheresses et des dommages causés par les ravageurs (Allen et al., 2010; Seidl et al., 2014; Bussotti et al., 2015). Dans des écosystèmes déjà soumis à des conditions hydriques particulières, tels que dans le bassin Méditerranéen, une baisse de productivité et une hausse des mortalités importantes sont prévues (Lindner et al., 2010). Ainsi, on observe déjà une hausse de la mortalité dans les peuplement forestiers à des échelles régionales comme par exemple dans l’ouest des Etats-Unis où Van Mantgem et al. (2009) ont mis en évidence un doublement du taux de mortalité naturelle dans les forêts non gérées, accompagné d’une baisse de la densité et de la surface terrière des peuplements. De même Nabuurs et al. (2013) ont mis en évidence une saturation du puits de carbone en Europe liée au viellissement des forêts et aux perturbations.
Il y a de nombreux intérêts sociétaux à maintenir les écosystèmes forestiers : séquestration de carbone et atténuation du climat, protection des sols, purification de l’eau, controle des ravageurs, etc… (Millennium Ecosystem Assessment, 2005). Le maintient des forêts passe essentiellement par leur capacité d’adaptation aux changements. L’acclimatation des arbres est principalement liée aux différents ajustements génétiques, de composition et de structure des populations. Par exemple, plusieurs études ont montré qu’une biodiversité élevée a un effet tampon sur l’impact des changements climatiques et des évènements extrêmes (Thompson et al., 2009; Isbell et al., 2015) du fait d’une meilleure exploitation des ressources écologiques (Bussotti et al., 2015). Ainsi on peut distinguer plusieurs réponses adaptatives des forêts face aux changements climatiques (Bussotti et al., 2015) :
— la plasticité phénotypique, inter et intra-spécifique des traits fonctionnels qui permet un ajustement rapide des processus face aux changements environnementaux
— l’adaptation locale qui permet un ajustement sur le long terme des populations
— la migration des essences
— l’extinction .
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Contexte général de l’étude et problématique
1.1 La forêt et son impact sur le climat
1.2 Des pressions environnementales et anthropiques de plus en plus fortes
1.3 Répondre aux enjeux actuels par la modélisation
1.4 Vers une représentation de la végétation axée sur les traits fonctionnels
1.5 Le modèle biosphérique ORCHIDEE
1.6 Objectifs et étapes de cette étude
2 Approche 1 : Discrétisation optimale en plusieurs PFTs
2.1 Introduction
2.2 Method
2.3 Results
2.4 Discussion
2.5 Conclusion
2.6 Supplementary material
3 Validation de l’approche 1 : modélisation des peuplements de conifères français
3.1 Introduction
3.2 Method
3.3 Results
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
3.6 Supplementary material
4 Amélioration de la simulation des processus phénologiques pour les conifères tempérés
4.1 Introduction
4.2 Method
4.3 Results
4.4 Discussion
4.5 Conclusions and perspectives
4.6 Supplementary material
4.7 Etudes complémentaires
5 Approche 2 : Acclimatation des traits aux conditions climatiques
5.1 Introduction
5.2 Méthode
5.3 Résultats
5.4 Discussion
5.5 Conclusion et perspectives
5.6 Informations supplémentaires
6 Approche 3 : Les traits du point de vue de la modélisation
6.1 Introduction
6.2 Méthode
6.3 Résultats
6.4 Discussion
6.5 Conclusions
6.6 Informations Supplémentaires
7 Conclusions et perspectives
7.1 Résumé des principaux résultats
7.2 L’objectif initial de thèse est-il atteint ?
7.3 Perspectives
CONCLUSION
Bibliographie