LA FORESTERlE ET LA FORÊT BORÉALE QUÉBÉCOISE
INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE
AMÉNAGEMENT DURABLE DES FORÊTS
Le concept de gestion durable aurait été énoncé dès le début du siècle dernier. En effet, en 1915 la Commission Canadienne de la Conservation citait: « Chaque génération a droit aux intérêts sur le capital naturel, mais devrait léguer tout le principal à la génération suivante ». Mais cette idée n’a été clairement définie et mondialement reconnue qu’en 1987 avec la Commission Mondiale de l’Environnement et du Développement (CMED). La CMED (1987) a ainsi défini le développement durable comme « [ … ] un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». C’est en ce sens qu’ont été développées les premières lignes directrices pour la conservation de la diversité biologique. L’Union Internationale pour la Conservation e la Nature et de ses ressources (UICN) a élaboré en 1980 une stratégie mondiale de la conservation en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le Fonds mondial pour la nature (WWF). Les objectifs de la stratégie sont le maintien des processus écologiques essentiels et des systèmes entretenant la vie, la préservation de la diversité génétique et l’utilisation durable des espèces et des écosystèmes pour que ceux-ci conservent leur intégrité, demeurent productifs et s’adaptent aux conditions changeantes. La nécessité de politiques de conservation vient d’un constat généralisé de la dégradation et de la perte des habitats et des espèces engendré par les activités anthropiques. Ainsi l’exploitation forestière actuelle est responsable de la disparition des vieilles forêts vierges (Whitney 1994), tout comme la colonisation fut responsable de la disparition de nombreuses espèces indigènes et du changement de la composition de communautés animales et végétales (Whitney 1994, Norton 1996). En conséquence, il est plus que nécessaire d’adopter actuellement des politiques responsables et durables relativement à l’aménagement des forêts.
LA FORESTERIE ET LA FORÊT BORÉALE QUÉBÉCOISE
La forêt boréale canadienne couvre une superficie de plus d’lm milliard d’ hectares, ce qui représente 25 % des dernières grandes forêts vierges de la planète. Au Québec, la forêt boréale recouvre plus de 55 millions d’hectares. Les forêts subissent actuellement une forte pression pour la récolte de sa matière ligneuse pour fournir à la demande régionale, nationale et internationale (Norton 1996). Le Québec est la plus importante province productrice de pâtes, papier et carton au Canada, il représente 42 % de la production totale du pays, soit 3 % de la production mondiale (MRNFP 2004). De plus, 50 % de la production canadienne de sciage en ce qui a trait aux feuillus vient du Québec (MRNFP 2005). Actuellement, l’exploitation forestière au Québec est régie par la Loi sur les Forêts (Gouvernement du Québec 2002) sur les terres du domaine public. La principale pratique forestière en forêt boréale est la Coupe avec Protection de la Régénération et des Sols (CPRS) et la taille maximale des parterres de coupe en pessières est limitée à 50 ha sur 20 % des superficies traitées en CPRS, à moins de 100 ha sur 70 % des sites d’interventions et à moins de 150 ha sur la totalité des superficies coupées (article 74 – Gouvernement du Québec 2004). Les séparateurs entre les parterres de coupe doivent être d’une largeur minimale de 60 m pour des coupes d’une superficie inférieure à 100 ha et de 100 m minimum pour des coupes de 100 à 50 ha (article 75 – Gouvernement du Québec 2004). Des alternatives à la dispersion des CPRS sont présentées dans le RNI, parmi celles-ci la coupe en mosaïque (articl e 79 – Gouvernement du Québec 2004) est la plus utilisée. Cette pratique de coupe en mosaïque consiste à effectuer une récolte en deux temps. Une première moitié de la parcelle est coupée par CPRS. La seconde moitié ne subit les interventions forestières que lorsque la régénération des superficies coupées adjacentes atteint une hauteur minimale de trois mètres. L’aire équivalente conservée doit être de superficie égale à la plus grande aire de coupe adj acente.
En 2005, la coupe en mosaïque représente 60 % des coupes planifiées (article 79.8 – Gouvernement du Québec 2004). Ce système de sylviculture par coupe à blanc appliqué à grande échelle est actuellement reconnu comme étant en conflit avec le maintien des processus écologiques et de la conservation de la diversité biologique associée aux forêts matures et anciennes (Hunter 1999). En effet, de nombreuses études au Québec ont démontré les impacts le plus souvent négatifs de la coupe à blanc sur la faune associée à ce type de couvert (Courtois et Potvin 1994; Bérubé et Lévesque 1998; Dussault et al. 1998; Ferron et al. 1998; Potvin et al. 1999; Bélanger 2000; Drapeau et al. 2000; Potvin et al. 2000; Sansregret 2000; Turcotte et al. 2000; Bellefeuille et al. 2001; Imbeau et al. 2001 ; Bujold el al. 2002). Selon Hanski (1995), la forêt boréale n’est pas assez reconnue dans les directives de conservation actuelles. La reconnaissance des problèmes de maintien de l’intégrité écologique a conduit au cours de la dernière décennie à une nouvelle approche en foresterie, à savoir la gestion écosystémique des forêts ou foresterie écologique (Hunter 1999), où l’accent est mis sur le maintien des processus naturels. Selon ce paradigme, l’aménagement des écosystèmes forestiers doit se baser sur les limites historiques établies par les régimes de perturbations naturelles (Attiwill 1994; Bergeron et Harvey 1997; Hunter 1999; Mûnkkûnen 1999) pour fournir un mélange comparable de conditions d’ habitats naturels. Le principal argument de ce concept est que les espèces natives des écosystèmes que l’on souhaite préserver, ont évoluées sous la contrainte des régimes de perturbations naturelles et s’ y sont adaptées pour leur survie à long terme (Lorimer 2001). Ainsi la diversité biologique serait due à la variabilité d’habitats (Franklin 1993; Hunter 1999) qui découle de la diversité des perturbations qui génèrent des peuplements de diverses cohortes. Si l’on veut permettre une gestion écosystémique de nos forêts, il semble alors nécessaire d’utiliser un aménagement mixte, basé sur la diversification des pratiques sylvicoles dans le paysage (Bergeron et Harvey 1997; Bergeron et al. 1999; Bergeron et Drapeau 2001; Bergeron et al. 2001). Ces pratiques sylvicoles, ayant pour modèle les perturbations naturelles de la forêt, doivent permettre de conserver la composition et la structure des forêts naturelles à tous les stades de développement (Hunter 1999; Harvey et al. 2002). En effet en forêt boréale, les vieilles forêts et la biodiversité qui leur est associée se font de plus en plus rares (Hanski 1995). L’aménagement mixte se justifie par le fait qu’il existe de forts liens entre la structure forestière, les processus écologiques et la diversité biologique trouvée dans les écosystèmes forestiers naturels (Franklin et al. 1981). Le Ministère des Ressources Naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec prévoit adopter l’utilisation de pratiques adaptées dans les plans généraux d’ aménagement forestier de 2008-2013 (MRNFP 2003). Il considère que certaines pratiques sylvicoles (e.g. coupe progressive d’ ensemencement, coupe de jardinage, etc.) sont adaptées au maintien d’ attributs essentiels des forêts mûres et surmmées et permettent un retour plus rapide à ces stades de développement (MRNFP 2003). Les proportions préconisées sont de l’ordre de 5 à Il % du territoire selon des sous-domaines bioclimatiques (MRNFP 2003). Ainsi nous observons une prise de conscience des autorités en matière de gestion des forêts et la mise en place de nouveaux objectifs dans la foresterie québécoise (MRNFP 2003, Commission d’ étude sur la gestion de la forêt publique québécoise 2004). Cependant, Frurnhoff (1998) fait état du fait qu’il est encore difficile de motiver les compagnies forestières à adopter des méthodes d’exploitation durable.
Actuellement, l’exploitation forestière au Québec tend à faire disparaître les forêts dépassant l’ âge de récolte, c’ est à dire les forêts mûres et surannées. Or, selon la dynamique naturelle de la forêt boréale, ces forêts devraient représenter entre 50 et 70 % du territoire (MRNFP 2003). Depuis quelques aImées, la remise en question de la gestion de la forêt au Québec a encouragé les scientifiques à chercher de meilleures stratégies de récolte qui permettraient de mieux maintenir la biodiversité. Cependant, tout comme la conservation se doit d’ être basée sur des évidences (Sutherland et al. 2004), les décisions prises pour gérer les forêts doivent reposer sur des faits. «We cannot predict the outcome of every human action, but we can use our knowledge of environmental change in the past to create a better future – a future that respects the land and its ecological constraints» (Whitney 1994). Ainsi le présent projet a été initié en vue d’ évaluer la validité de nouvelles méthodes sylvicoles en terme de maintien d’ une partie de l’intégrité écologique.
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Table des matières
LISTE D ES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
CHAPITRE 1
I~INTRODUCTIO~ ET PItOBLltrvlATIQUE
1.1. AMÉNAGEMENT DURABLE DES FORÊTS
1.2. LA FORESTERlE ET LA FORÊT BORÉALE QUÉBÉCOISE
1.3. CADRE DU PROJET DE RECHERCHE: IMPACTS À COURT TERME DES COUPES PARTIELLES SUR LA MÉSO-F AUNE
1.3.1 Mise en contexte
1.3.2. Secteur d ‘ étude
1.4. OBJECTIFS DE L ‘ÉTUDE
CHAPITRE 2
EFFETS À COUItT TEItME DE LA COUPE PROGRESSIVE
D’ENSEMENCEMENT SUR DES MAMMIFÈRES EN FORÊT BOFtltALE, QUItBEC
RÉSUMÉ
2. 1. INTRODUCTION
2.2. MA TÉRlEL ET MÉTHODES
2.2.1. A ire d’ étude
2.2.2. Méthodes d ‘ échantillonnage
2.2.3. Analyses statistiques
2.3 . RÉSULTATS
2.3.1. Caractéristiques végétales
2.3.2. Abondance relative de lièvre et utilisation de l ‘habitat par le lièvre
2.3.3. Indice d’abondance d’écureuil roux
2.3.4. Pistage hivernal
2.4. D ISCUS SION
2.4. 1. Coupes partielles et utilisation de l ‘habitat par le lièvre
2.4.2. Utilisation des coupes partielles par les autres mammifères
2.4.3. Implications pour la gestion
CHAPITRE 3
EFFETS À COURT TERME DE LA COUPE PARTIELLE APPLIQUÉE EN MOSAÏQUES SUR DES MAMMIFÈRES DE LA FORÊT BORÉALE
3.1. INTRODlJCTION
3.2. A T~RlEL ET ~TH 0 D ES
3.2.1. Aire d ‘étude
3.2.2. Méthodes d’ échantillonnage
3.2.3. Analyses statistiques
3.3. ~SULTATS
3.3.1. Caractéristiques végétales
3.3.2. Indices d ‘abondance de lièvre
3.3.3. Indice d ‘abondance d ‘écureuil roux
3.3.4. Pistage hivernal
3.4. DIS ClJS SI ON
3.4.1. Les mammifères dans les coupes partielles et la forêt résiduelle
3.4.2. Implications pour la gestion
CHAPITRE 4 CONCLUSI ON
ANNEXE
ESTIMATION DE L’ABONDANCE RELATIVE DU LIÈVRE D’AMÉRIQUE: UN BIAIS ENGENDRÉ PAR LA DÉGRADATION DES CROTTINS
INTRODlJCTION
~A TELRlEL ET METHODES
Aire d ‘étude
Méthodes d ‘ échantillonnage
Analyses statistiques
~RESULTATS
DISCUSSION
RÉlfÉRENCES
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