Un souci de s’accorder aux impรฉratifs d’une sociรฉtรฉ moderne
Dans le cadre de la prรฉsente rรฉforme, le Ministรจre de l’รฉducation tente d’adapter son systรจme รฉducatif aux exigences du monde moderne. Selon Roegiers (2000), trois dรฉfis se posent : le renoncement ร une pรฉdagogie fondรฉe sur la transmission des savoirs compte tenu de la multiplication des connaissances et de leur accessibilitรฉ, la nรฉcessitรฉ de proposer aux รฉlรจves des apprentissages qui ont du sens et enfin, l’importance d’offrir ร tous les mรชmes chances de rรฉussite. Pour tenter de relever ces dรฉfis, le MEQ a choisi de formuler un programme du point de vue de ce que l’รฉlรจve est amenรฉ ร dรฉvelopper ร travers ses apprentissages. Dans cette optique, le MEQ a tentรฉ de prรฉsenter les principaux savoirs ร acquรฉrir au regard de l’usage que l’รฉlรจve devrait idรฉalement en faire, d’oรน le choix d’รนne approche par compรฉtences (Carbonneau et Legendre, 2002).
On peut dรฉfinir une compรฉtence comme รฉtantยซ un savoir-agir fondรฉ sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources ยป . Comme l’indique Carbonneau et Legendre, ยซune compรฉtence ne constitue pas un objet d’enseignement, mais l’expression d’une intention รฉducative: elle nes ‘enseigne pas ร proprement parler, mais ne peut qu’รชtre soutenue dans son dรฉveloppement par des situations รฉducatives appropriรฉes qui concourent ร son รฉvolution sans toutefois la dรฉterminer ร elles seules ยป .
Le choix et la planification des situations รฉducatives prend donc une importance cruciale pour le dรฉveloppement des compรฉtences. Ce passage ร un programme basรฉ sur le dรฉveloppement des compรฉtences dรฉnote รฉgalement un changement de paradigme qui a un impact certain sur la maniรจre de concevoir l’รฉvaluation et l’apprentissage (Legendre, 2001). D s’agit ici de penser diffรฉremment les relations entre l’apprentissage, l’enseignement et l’รฉvaluation. Dans les pratiques traditionnelles, l’enseignement, l’apprentissage et l’รฉvaluation correspondent ร trois moments distincts qui suivent une sรฉquence linรฉaire (Legendre, 2001). On mise sur les procรฉdรฉs d’enseignement et on recherche un produit ou une manifestation observable. Les programmes par objectifs influencรฉs par une conception behavioriste de l’apprentissage s’inscrivent dans cette perspective. Avec l’implantation d’une approche par compรฉtences, l’enseignement, l’apprentissage et l’รฉvalm1tion ne sont pas perรงus comme des moments distincts. Ils interagissent plutรดt de faรงon dynamique.
Ainsi, l’enseignement ne dรฉtermine pas l’apprentissage mais sert ร le soutenir. Comme l’รฉvaluation devient partie intรฉgrante de la dรฉmarche pรฉdagogique, on n’a plus ร concevoir des situations d’รฉvaluation distinctes des situations d’apprentissage (Legendre, 2001). La formulation du programme par compรฉtences propose une recentration sur l’ apprenant qui joue alors un rรดle majeur dans la construction de ses savoirs (Carbonneau et Legendre, 2002). Cette orientation questionne notre conception de l’apprentissage et de l’enseignement, mais aussi notre conception de l’รฉvaluation. Au chapitre des changements inhรฉrents ร l’implantation du renouveau pรฉdagogique en รฉducation, l’รฉvaluation des apprentissages est identifiรฉe comme l’un des aspects importants de la pratique enseignante ร reconsidรฉrer (MEQ, 2002). Comme le soulignent Carbonneau et Legendre (2002), l’adoption d’un programme axรฉ sur le dรฉveloppement des compรฉtences a une influence directe sur la faรงon de concevoir l’รฉvaluation. Notons que plusieurs auteurs (Bรฉlair, 1999; Hobbs, 1993; Valencia et al., 1994; Louis, 1999) reprochent aux pratiques รฉvaluatives traditionnelles de manquer d’authenticitรฉ.
En effet, l’utilisation de tests ou d’examens fait l’objet de nombreuses critiques. Tout d’abord, l’emploi de ces outils dans les classes crรฉe une situation artificielle; ร un moment prรฉcis, l’รฉlรจve doit produire une rรฉponse connue et acceptable par l’auteur de l’examen. Ensuite, les tests ou les examens ne permettent gรฉnรฉralement pas de s’assurer que l’รฉlรจve peut transfรฉrer ses apprentissages dans une situation concrรจte (Louis, 1999), but ultime de l’approche par compรฉtences. Aussi, certaines recherches montrent que les titulaires enseignent en fonction des contenus choisis pour les tests et que, consรฉquemment, les รฉlรจves apprennent uniquement ce qui est รฉvaluรฉ (Doyle, 1983, citรฉ par Louis, 1999). Rรฉsultat: le curriculum rรฉtrรฉcit considรฉrablement et l’enseignement autant que l’apprentissage deviennent fragmentรฉs (Linn, 1985, citรฉ par Valencia et al., 1994).
D’autre part, le rรดle de l’enseignant se modifie au moment oรน les tests sont administrรฉs: d’une personne qui venait en aide ร l’รฉlรจve, il devient un juge qui sanctionne l’acquisition des apprentissages (Louis, 1999). Bรฉlair (1999) souligne รฉgalement que l’administration d’examens peut provoquer du stress chez l’รฉlรจve, amenant celui-ci ร craindre toute situation d’รฉvaluation. Ainsi, le choix de privilรฉgier une approche par compรฉtences oblige ร reconsidรฉrer la maniรจre d’รฉvaluer les apprentissages.
L’รฉvaluation des compรฉtences
Devant la pluralitรฉ de termes qui dรฉfroissent actuellement l’รฉvaluation, il nous a รฉtรฉ difficile de faire un choix qui ne soit pas trop limitatif. Nous avons fmalement choisi le terme ยซ รฉvaluation des compรฉtences ยป pour prรฉsenter certains aspects des pratiques รฉvaluatives que le renouveau pรฉdagogique et la Politique d’รฉvaluation des apprentissages (MEQ, 2003) prescrivent. Dans cette politique, le MEQ prรฉsente une vision unifiรฉe de l’รฉvaluation des apprentissages tant ร la formation gรฉnรฉrale des jeunes qu’ร la formation des adultes et ร la formation professionnelle. La politique s’appuie d’abord sur trois valeurs fondamentales: la justice, l’รฉgalitรฉ et l’รฉquitรฉ.
En outre, le MEQ (2003) insiste aussi sur les trois valeurs instrumentales prรฉsentรฉes dans sa politique : cohรฉrence, rigueur et transparence. La cohรฉrence suppose que l’รฉvaluation est directement reliรฉe ร la mission de l’รฉcole (instruire, qualifier et socialiser) ainsi qu’aux objets d’apprentissage du programme de formation.
La rigueur se traduit par une รฉvaluation prรฉcise menรฉe au moyen d’instruments qui permettent de collecter une information pertinente et suffisante.
Enfin, la transparence sous-entend que les normes et modalitรฉs de l’รฉvaluation sont connues de tous. L’enseignant doit informer clairement l’รฉlรจve de ce sur quoi il sera รฉvaluรฉ et offrir une rรฉtroaction pertinente sur les apprentissages de ce dernier. Pour dรฉfinir l’รฉvaluation dans un contexte d’approche par compรฉtences, il faut d’abord tenter d’en saisir le sens, ce qui renvoie aux fonctions et ร la nature de la tรขche รฉvaluative .
Cette premiรจre tentative de dรฉfinition se prรฉcise ensuite sur le plan opรฉrationnel en termes de ยซquoi)) et de ยซcomment)). Ainsi, notre comprรฉhension s’articule-t-elle non seulement autour de la question du sens, mais aussi en fonction de considรฉrations d’ordre pratique. Afm de permettre une meilleure comprรฉhension, le concept d’รฉvaluation des compรฉtences est comparรฉ ร celui d’รฉvaluation dans une perspective traditionnelle. Le but n’est cependant pas de mettre ces deux termes en opposition. Cette mise en parallรจle se veut plutรดt une maniรจre de faire ressortir plus clairement les caractรฉristiques des intentions ministรฉrielles par rapport aux pratiques que l’ on veut changer.
La fonction sommative et la fonction certificative
La fonction sommative, associรฉe ร l’approche traditionnelle, et la fonction certificative, associรฉe ร l’approche par compรฉtences, ont en commun un caractรจre public. En effet, elles dรฉbouchent sur des prises de dรฉcisions qui sont consignรฉes sur un document spรฉcifique que l’on peut qualifier de public (Rey et al., 2003), le bulletin par exemple . .ยท De plus, la fonction sommative et la fonction certificative de l ‘รฉvaluation sont utilisรฉes toutes les deux lors de moments officiels oรน une prise de dรฉcision survient. Voyons maintenant leur dรฉfmition respective ainsi qu’en quoi elles diffรจrent. La fonction sommative est dรฉfinie par Rey et al. (2003) comme รฉtant la sommation d’un ensemble d’observations. Legendre (1993) prรฉcise que ces observations, souvent des examens, peuvent รชtre appuyรฉes par des critรจres ou des normes standardisรฉes. Hadji (1997) ajoute qu’il s’agit d’une รฉvaluation plutรดt globale.
L’รฉvaluation sommative a lieu aprรจs un ensemble de tรขches d’apprentissage constituant un tout : un chapitre du cours ou un cours complet รฉtalรฉ sur un semestre, par exemple. ร partir des rรฉsultats ร l’รฉvaluation sommative, l’enseignant dresse un classement des รฉlรจves entre eux. Elle sert donc essentiellement ร informer l’รฉlรจve et l’enseignant sur la maรฎtrise d’un ensemble d’objectifs (Legendre, 1993).
Par la suite, une dรฉcision d’ordre pรฉdagogique, l’emploi de mesures de remรฉdiation notamment, peut รชtre prise. L’รฉvaluation sommative permet รฉgalement la prise de dรฉcisions d’ordre administratif, c’est-ร -dire la note apparaissant au bulletin ou le fait que certains รฉlรจves soient promus ou non au niveau suivant. Dans l’ approche par compรฉtences, la fonction certificative permet de rendre compte du niveau de dรฉveloppement des compรฉtences. C’est notamment le cas ร la fin de chacun des cycles au primaire. Ce jugement sur le dรฉveloppement des compรฉtences n’est pas le fait de l’enseignant titulaire comme dans le cas de la fonction sommative. Ce sont les enseignants du cycle qui rรฉalisent un bilan des apprentissages de l’รฉlรจve en considรฉrant l’ensemble des informations pertinentes. Ce bilan s’effectue ร la lumiรจre des attentes de fin de cycle du Programme de formation (MEQ, 2001) et des รchelles de niveaux de compรฉtence (2002a). Le bilan de fin de cycle permet aussi aux enseignants de fournir des informations ร ceux du cycle suivant.
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Table des matiรจres
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
IN’TRODUCTION
CHAPITRE I PROBI.รMATIQUE
1.1 Un souci de s’accorder aux impรฉratifs d’une sociรฉtรฉ moderne
1.2 Questions de recherche
CHAPITRE II CADRE TJIรORIQUE
2.1 L’รฉvaluation des compรฉtences
2.1.1 Le sens
2 .1.1.1 Les fonctions de l’ รฉvaluation
2 ..1.1.2 La nature des tรขches รฉvaluatives
2.1.2 Le quoi :les objets d’รฉvaluation
2.1.3 Le comment
2.1.3.1 Les courants pรฉdagogiques
2.1.3 ~2 Les modalitรฉs d’รฉvaluation
2.1.3.2 Le rรดle de l’รฉlรจve dans l’รฉvaluation
2.1.3.3 Le rรดle de l’enseignant dans l’รฉvaluation
2.2 Le portfolio
2.2.1 Nature du portfolio
2.3 Le lien entre l’รฉvaluation des compรฉtences et le portfolio
2.4 Objectifs, limites et pertinence sociale de la recherche
2.4.1 Objectifs de la recherche
2.4.2 Limites de la recherche
2.4 .3 Pertinence sociale de la recherche
CHAPITRE IIMรTHODOLOGIE
3.1 Population ร l’รฉtude
3 02 Dรฉmarche mรฉthodologique et instrumentation
CHAPITRE IV PRรSENTATION DES RรSULTATS
4.1 Sens de l’รฉvaluation
4.1.1 Fonctions de l’รฉvaluation
4.102 Nature de la tรขche
4.2 Objets d’รฉvaluation
4.3 Le comment de l’รฉvaluation: modalitรฉs et rรดleso
4.3.1 Les modalitรฉs de l’รฉvaluation
4.302 Le rรดle de l’รฉlรจve en situation d’รฉvaluation
4.303 Le rรดle de l’enseignante
4.4 Le portfolio vu par les enseignantes
CHAPITRE V ANALYSE DES RรSULTATS
5.1 Analyse du sens
5. 1.1 Analyse des fonctions de l’รฉvaluation
5.1.2 Analyse de la nature de la tรขche
5.2 Analyse des objets d’รฉvaluation
5.3 Analyse des modalitรฉs de l’รฉvaluation
5.4 Analyse du rรดle jouรฉ par r รฉlรจve dans un contexte d, รฉvaluation
5.5 Analyse du rรดle jouรฉ par l’enseignante
CONCLUSION
APPENDICE A TABLEAU DES CONCEPTS, DIMENSIONS ET INDICATEURS
APPENDICE B QUESTIONNAIRE POUR LES ENTREVUES SEMI-DIRIGรES GRILLE D’ANALYSE DU CONTENU DES PORTFOLIOS
Bibliographie
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