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Les professionnels de santé
Pluridisciplinaire, l’équipe est composée de médecins psychiatres, d’internes, d’infirmiers, d’aides soignants, de psychologues, d’éducateurs, de psychomotriciens, d’instituteurs, d’agents des services hospitaliers, de personnels administratifs et techniques.
Le corps médical est fortement investi dans la prise en charge des patients qui passent parfois d’une unité à une autre en fonction de l’évolution de leur problématique. Cela crée une continuité dans le soin et le sentiment pour chaque patient d’être perçu, reconnu de tous.
Communication et liens institutionnels
Parmi les enfants et adolescents que j’ai suivis, j’ai pu participer à quelques réunions de synthèse, n’étant présente que le vendredi. De plus, ma maître de stage, travaillant transversalement dans plusieurs unités, ne peut se rendre à toutes les réunions de synthèses qui ont lieu chaque semaine.
A la fin de l’année 2018, s’est tenue une réunion de synthèse pour Jade dans l’objectif de faire un point sur son orientation pour la rentrée 2019. Une seconde aura lieu début mai pour confirmer son orientation en ULIS TFC*. Une réunion portant sur Moussa s’est quant à elle tenue en septembre 2018, juste avant que je ne commence mon stage, je n’ai donc pu m’y rendre. C’est à cette occasion que l’indication thérapeutique du jeu de faire semblant avec Jade et Moussa a été mise en place.
Enormément d’échanges entre professionnels se font lors de temps informels, lorsque nous allons chercher les patients ou bien lorsque nous les ramenons. C’est un moment de discussion sur la manière dont s’est déroulée la matinée et la disponibilité du patient et s’il y a des événements importants à relater. C’est d’ailleurs lors de ces moments informels que j’ai pu le plus discuter avec les professionnels, leur poser des questions sur les patients, leurs rapports avec les pairs.
Définition de la déficience intellectuelle
Une déficience mentale se caractérise par une incapacité caractérisée par des limitations du fonctionnement intellectuel et du comportement adaptatif se manifestant dans les habiletés conceptuelles, pratiques et sociales. On retrouve trois critères :
– Déficit des fonctions intellectuelles confirmées par des évaluations standardisées.
– Déficit du fonctionnement adaptatif qui résulte d’un échec à rencontrer les normes développementales et socioculturelles concernant l’indépendance et la responsabilité sociale.
– Apparition pendant le développement de l’enfant.
Les déficiences légères sont les plus nombreuses. On retrouve une inadaptation scolaire nécessitant le recours à une pédagogie appropriée permettant l’apprentissage du langage, de la lecture et de l’écriture. Le niveau d’âge mental atteint est autour de 10-12 ans, ce qui correspond au stade des opérations concrètes selon Jean Piaget. La pensée abstraite est difficile, il y a des perturbations affectives, des réactions de prestance* (versant hypotonique) et de l’inhibition. L’insertion professionnelle est possible.
Il est important de souligner la nuance quant à la déficience intellectuelle comme trouble associé chez les enfants porteurs d’un TSA, les tests psychométriques n’étant pas forcément adaptés pour eux.
Au regard de leur pathologie et du soin oeuvrant pour que ces enfants aillent mieux, nous leur avons proposé le groupe de jeu partagé. En favorisant l’intersubjectivité, le jeu partagé est une médiation permettant à Jade et Moussa de renforcer leur sentiment d’unité corporelle et de subjectivation.
Le jeu comme une mise en mouvement d’une psycho-corporéité
«Le jeu est action, il doit être effectivement joué pour prendre sa pleine valeur expériencielle, mais il est aussi, et dans le même mouvement, travail de mise en représentation11». Pour René Roussillon (1947-….), psychologue et psychanalyste, le jeu et l’action son indissociables. Il est question d’un corps en mouvement dans un espace-temps référencé pour pouvoir, simultanément, atteindre la représentation. L’enfant, par le jeu, théâtralise les transferts relationnels entre lui et son environnement, permettant ainsi la mise en place de la subjectivation dont je parlerai dans ma troisième partie sur le développement relationnel de l’enfant.
Le jeu est présent chez le tout-petit avec déjà le « jeu de coucou » permettant à l’enfant de rejouer dans une compulsion de répétition, les boucles interactionnelles avec la mère : sa présence, son absence, etc. Ce premier jeu permet de mettre en place la symbolisation primaire. « Schématiquement, la symbolisation primaire concerne la production des représentations de chose, ou « symboles primaires », à partir d’une première inscription essentiellement perceptive12 ». Elle est la capacité à se représenter les choses mais de manière non élaborée.
Puis, à travers les « jeux de la spatule » et de « construction », l’enfant met en action et en représentation la question de la destructivité de l’objet et la différenciation soi-objet. L’enjeu de ces jeux est de pouvoir se détruire tel qu’on a été fait pour pouvoir se refaire par soi, le tout indéfiniment.
Enfin, vient le « jeu de la bobine » qui reprend à lui tout seul les précédents mais cette fois-ci la représentation s’affranchit de la perception visuelle. C’est le principe de la symbolisation secondaire qui « relie la représentation de chose et de mot13 ». Ici, le cadre est muet, l’enfant est capable de jouer seul en présence de l’autre, ce qui rejoint la théorie de Donald Winicott sur la capacité d’être seul. « Cette attitude constitue l’un des signes les plus importants de la maturité du développement affectif14».
A ce stade, l’enfant assimile l’objet de la mère. Intériorisant cet objet d’amour, il s’assure une sécurité de base solide. « La relation au moi décrit cette relation entre deux personnes dont l’une, en tout cas est seule ; peut-être les deux sont-elles seules, pourtant la présence de chacune importe à l’autre15».
La symbolisation secondaire s’apparente ainsi à l’introjection de l’autre en soi pour pouvoir devenir « je ». Le langage fait partie de la symbolisation secondaire permettant une distance entre le mot et l’objet : ainsi lorsque le bébé dit le mot
« maman » pour se rassurer, il évoque la présence de la mère simplement par le langage.
Dans le jeu partagé, il s’agit d’apprendre à jouer ensemble en faisant des allers-retours entre soi et l’autre pour pouvoir laisser sa chance à la rencontre.
La fonction du groupe dans l’intégration psychique de l’enfant
Dérivé du latin groppo25 signifiant « noeud », on retrouve dès l’origine l’idée du lien, de la circularité et de la contenance. Repris dans les beaux-arts, il s’agit d’un « ensemble de figures rapprochées formant un tout26». Un groupe rassemble plusieurs personnes partageant entre elles au moins une chose commune. Cette chose commune peut être dans le domaine conscient, inconscient, désirée ou non.
Le groupe comme enveloppe physique et psychique
Selon Claire Bertin, psychomotricienne, « le groupe est comme une enveloppe qui tient ensemble les individus27». Il fait office de seconde peau liant ensemble patients et soignants dans une dynamique groupale.
Par la ritualisation du cercle en début de séance, nous distinguons un dedans d’un dehors et contenons un espace intérieur. C’est une manière de provoquer chez Jade et Moussa la sensation d’une enveloppe par la formation d’un cercle clos.
La présence du thérapeute, sa posture constituent une enveloppe sécure favorisant le sentiment de soi, indispensable pour la rencontre.
Un cercle est une « figure ou objet affectant la forme d’une ligne courbe, ou surface délimitée par une ligne courbe dont tous les points sont à égale distance d’un même point fixe qui est le centre28». Constamment retrouvé durant ma formation et durant mes stages lors de prises en charges collectives, le cercle permet une première rencontre entre les individus et la clôture de la séance. Il ancre les personnes dans le sol tout en les exposant aux autres et en leur permettant d’observer les autres. Délimitant un dedans d’un dehors, tout en étant vu aux yeux de tous, l’espace circulaire donne à vivre une première interaction. Ce temps est une manière d’être présent à soi et aux autres, d’intégrer la présence d’autrui et d’entrer en interaction.
Les dispositions circulaires constituent une métaphore de ce qui se joue intrapsychiquement : en même temps que nous délimitons un dedans d’un dehors se forme une ceinture de sécurité psychique permettant aux patients de pouvoir déposer du matériel psychique au sein du groupe.
Les allers-retours entre Soi et le groupe
Les thérapies groupales prennent en compte l’individu dans une dynamique collective, permettant ainsi de travailler sur les fonctionnements individuels et les systèmes inter-relationnels. Dans le groupe de Jade et Moussa, ma maître de stage, Elsa et moi nous adressons à chacun des enfants pour nous mettre d’accord sur ce que nous allons faire durant la séance. Se mettre d’accord ou en désaccord consiste déjà en une première rencontre : il s’agit de pouvoir exprimer son désir, entendre celui de l’autre et pouvoir créer ensemble. Ainsi, à travers le groupe, Jade et Moussa sont amenés à mouler leur désir à celui de l’autre, construisant à deux un nouveau moulage. En introjectant de l’autre en soi, ils développent leur capacité à se transformer.
Un espace d’émotions partagées et symbolisées
Vendredi 22 février : Jade raconte l’histoire d’une petite fille qui fabrique un petit bateau en plastique. Fragile, ce bateau tombe dans un trou et disparaît. Un monstre se réveille de ce trou, s’en extirpe et essaie de dévorer les enfants en vain. Le monstre meurt et retourne dans le trou. Je joue le monstre et vais vers les enfants en poussant des cris : Jade et Moussa crient et rient, se rapprochent l’un de l’autre et se réfugient dans un coin de la pièce. Ils me regardent dans les yeux et maintiennent ce regard. Ils sont debout. Lorsque je suis retournée dans le trou et ai joué la mort du monstre, Jade et Moussa se sont arrêtés, ils me regardaient un peu comme tétanisés, ils sont restés quelques temps dans un état d’hypervigilance.
Cette journée, Jade a pu déposer du matériel angoissant au sein du groupe. Ces émotions, elle a pu les partager avec nous et nous les avons vécues, exorcisées ensemble. Depuis plusieurs semaines, elle refuse de jouer des histoires car je crois que cela est source d’angoisse pour elle. Le groupe peut donc à la fois s’avérer être porteur, salvateur mais il peut aussi susciter de l’appréhension car il y est question d’une mise à nu de ses pensées. Le fait que Jade verbalise ne pas vouloir jouer aux histoires me montre qu’elle est capable de gérer ses émotions ou bien qu’elle ne souhaite pas s’y confronter.
Au sein de cette histoire, comme d’autres, Jade et Moussa ont pu entrer en relation grâce à leurs rôles et à la présence d’un mauvais objet qui a pu les fédérer. Cela n’aurait pas pu être possible sans le groupe.
« Le groupe est un espace où naissent des émotions et des pensées communes29». Ces émotions prennent corps dans le jeu, au sein de l’histoire. Chacun a des rôles définis avec des états d’âme singuliers, un espace transitionnel à soi, mais chacun entre dans l’espace transitionnel des autres et ces émotions partagées sont canalisées par le jeu. En dehors de cet espace de jeu, les agrippements non contrôlés de Jade, la rigidité au changement de Moussa constituent des pulsions anarchiques, non symbolisées ne permettant pas de mettre en place une rencontre entre eux deux. De par ce groupe thérapeutique et les rôles qu’ils se sont attribués, Jade et Moussa apprennent à satisfaire avec tempérance leurs pulsions anarchiques, à les transformer en sens au profit du rôle sans heurter autrui.
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Table des matières
I- Présentation de l’institution d’accueil
A- Présentation générale
1. Aménagement des locaux
2. Les professionnels de santé
3. Communication et liens institutionnels
B- La place de la psychomotricité
1. Les indications thérapeutiques
2. La journée du vendredi
3. Les thérapeutes
II- Présentation de Jade et Moussa
A- Jade
1. Anamnèse
2. Lecture psychomotrice
B- Moussa
1. Anamnèse
2. Lecture psychomotrice
C- Définition de l’autisme
D- Définition de la déficience intellectuelle
III- Le groupe de « jeu partagé »
A- Le cadre thérapeutique
1. Ses objectifs
2. Ses outils
B- L’apport du jeu dans le développement de l’enfant
1. Le jeu comme espace projectif
2. Le jeu comme support créatif
3. Le jeu comme processus d’assimilation
4. Le jeu comme la mise en mouvement d’une psychocorporéité
C- Qu’est ce que la rencontre ?
1. Le regard étymologique
2. La perception comme soubassement de la rencontre
3. La rencontre laisse-t-elle une trace ?
4. L’approche anthropologique et philosophique
a) La rencontre comme transformation de soi
b) La distance comme unique possibilité du lien ?
c) La réciprocité est-elle garante de la rencontre ?
d) L’impossible rencontre entre deux sujets ?
D- Le jeu partagé : Soi, l’autre et la rencontre
1. La fonction du groupe dans l’intégration psychique de l’enfant
a) Le groupe comme enveloppe physique et psychique
b) Les allers-retours entre Soi et le groupe
c) Un espace d’émotions partagées et symbolisées
2. La place de thérapeute au sein du groupe
3. Ma place de thérapeute stagiaire
IV- Le développement relationnel de l’enfant
A- Accès à l’intersubjectivité : de l’inné à l’acquis
1. Les compétences du nouveau né sous le prisme de la psychanalyse
2. L’apport des neurosciences
3. La position contemporaine de Bernard Golse
a) La subjectivation
b) L’intersubjectivité
4. La perspective instrumentale d’André Bullinger
5. De l’empathie à la théorie de l’esprit
B- Les étayages du processus de subjectivation et d’intersubjectivation
1. L’imitation
2. Tonus et dialogue tonico émotionnel
3. La contenance
4. La naissance de l’axe corporel
5. Un espace à soi, un espace à l’autre
V – Espace de discussion
A- Comment j’ai dû faire évoluer la représentation de mon rôle de psychomotricienne au cours des séances
B- La méthode choisie permet-elle d’aller à la rencontre des enfants et facilite-t-elle leur rencontre réciproque ?
C- En quoi l’approche phénoménologique que j’ai du adopter pour m’ajuster m’a-t-elle permise de trouver ma juste proximité dans le processus thérapeutique ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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