La fonction du « Grand mariage » dans la politique comorienne

GENERALITES

Composée en majorité de migrants venus d’Afrique de l’Est et d’Arabie, le peuple comorien a hérité et est caractérisé principalement des institutions est-africaines et arabomusulmanes dès ses débuts. C’est ainsi que l’on retrouve entre autres institutions celle des classes d’âge, quoique différemment représentée et modérément modifiée. De cette culture plus ou moins commune des pays de la région découle une hiérarchisation de la société à partir de l’accomplissement ou non d’un certain nombre de rites traditionnels ou Anda na mila (coutume et tradition) dont le Grand mariage. Celui-ci reste la manifestation la plus connue sur tout un processus rituel et culturel qui va de la naissance à la mort. Le Grand mariage, opposé au petit mariage ou mariage simple, consiste à officialiser et rendre public le mariage au sein de la communauté à travers l’organisation de fêtes, de cérémonies et le partage de festins, d’argent, de danses etc. Il prend ainsi souvent l’appellation de Anda même pour l’initié ; or à proprement parler, il n’est qu’une étape parmi tant d’autres.

L’origine de ce phénomène du Grand mariage Ndola nkuwu se situe aux temps des premiers peuplements des Comores vers le début du premier millénaire ap. J.-C. d’après Iain Walker (2006). De ce fait, à partir de ce peuplement et de la classification par les âges de la société qui en a résulté, le Anda a puisé ses sources. Dans ce sens, l’individu est considéré « enfant du village » lorsqu’il n’a pas encore accompli cet acte et inversement une fois ce devoir social réalisé. Ainsi, le Grand mariage offre à celui qui l’a accompli le statut de doyen, ray-aman-dreny ou sage dans la société. Cela lui donne par conséquent des avantages aussi bien sociaux qu’économiques, mais surtout une forte influence et un grand pouvoir dans la sphère politique nationale, en général et au sein de la communauté villageoise, en particulier.

Le Grand mariage ainsi défini, constitue un rite de passage nécessaire de la classe inférieure à la classe supérieure dans la hiérarchie communautaire aux Comores. Il devient donc une coutume importante dans l’archipel des Comores, et plus particulièrement dans l’île de la Grande-Comore où il dirige même l’action et le projet de toute une vie de l’individu.

Durkheim (E.) (1894) considère qu’ « est fait social (ou institutions) toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure; ou bien encore, qui est générale dans l’étendue d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles. Quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux ou de citoyen, quand j’exécute les engagements que j’ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu’ils sont en accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne cesse pas d’être objective, car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l’éducation. Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles ».

Par ailleurs, il est à signaler que ce phénomène a toujours eu des impacts directs et/ou indirects sur tous les domaines de la société dont l’économique, le religieux et le politique, avec évidemment des avantages et des inconvénients. Raison pour laquelle il est utile de préciser que le Grand mariage constitue un phénomène social total dans la mesure où il influe plus ou moins sur l’ensemble des activités et entreprises du Comorien. Sur le plan politique, le fait de passer d’une classe inférieure à une autre supérieure n’est pas négligeable comme cela confère le droit de participation aux grandes décisions de la communauté. Au village où il a rempli cette exigence sociale et en dehors du fait qu’il est supposé être un modèle envers les jeunes, le notable doit jouir d’une double autorité : l’une envers la communauté villageoise et l’autre en représentant le village partout où besoin est. De cette double autorité nait une influence politique considérable, non seulement au niveau local mais aussi au-delà.

LES MOTIFS DU CHOIX DU THEME ET DU TERRAIN

Certes, le Grand mariage a fait l’objet de quelques études dont la plupart n’ont jamais été publiées mais son caractère et sa fonction dans la politique n’ont pas encore été explorés suffisamment à notre connaissance. Or dans la nouvelle configuration institutionnelle des Comores, en général et de la Grande-Comore, en particulier, deux faits majeurs nous ont interpellé : en premier lieu, la plupart des mairies et communes des différentes villes et régions de la Grande-Comore récemment installées ont à leur tête des notables de sang noble de surcroit. Ainsi, depuis le début des années deux mille et l’instauration de ces communes, chaque localité (ville ou village) se prépare d’une manière ou d’une autre à cette nouvelle exigence avec une phase expérimentale. De ce fait, déjà influents sur la politique nationale, ces notables ont accaparé ou se voient octroyer la direction de ces institutions locales en tant que Maire et/ou adjoint au maire. En GrandeComore, plus de 8 Maires sur 10 sont des notables. D’où le choix de cette étude portant sur « La fonction du Grand mariage dans la politique comorienne ». Mais plus précisément sur le « Cas des Maires-notables des communes en Grande-Comore».

De plus, il existe au niveau de la Grande-Comore un « Conseil des Notables » informel, composé auparavant des anciennes bourgeoisies des sept divisions traditionnelles ou Ngazidja mfoukare et actuellement par des notables tradi-charismatiques. Ce conseil peut influencer jusqu’aux décisions des plus hautes autorités de l’Etat et parfois bouleverser l’ordre politique et institutionnel établi.

Contrairement au cas des autres îles, ce dernier constat est très spécifique et caractéristique de la Grande-Comore. D’ailleurs, lorsque l’on parle de notabilité, il ne s’agit jamais de notabilité comorienne mais de notabilité grand-comorienne. Un certain lexique y est par exemple rattaché : lorsqu’on dit Ndé ngazidja qui signifierait littéralement « cette Grande-Comore », on fait allusion à la notabilité grand-comorienne. C’est pourquoi l’on a choisi la Grande-Comore comme terrain d’études.

Quelques éléments de définition et de compréhension

Généralités sur la culture

Etymologiquement le mot culture, du mot latin colere (« habiter », « cultiver », ou « honorer ») suggère que la culture se réfère, en général, à l’activité humaine. En sociologie, la culture est définie, comme ce qui est commun à un groupe d’individus et qui le soude. Pour l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. ». La notion de culture ainsi considérée renvoi à l’évolution globale de l’humanité ou d’une communauté donnée et est, de ce point de vue, confondue avec la notion de civilisation. Ainsi, elle prend le sens de l’ensemble de l’héritage social qui est transmis de génération en génération. Dans ce sens Tylor (E.B.) (1871) définit dans son ouvrage Primitive Culture, « Le mot culture ou civilisation, pris dans son sens ethnographique le plus étendu, désigne ce tout complexe comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et les autres facultés et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société ». Vu sous cette définition, la culture requiert quatre (4) caractéristiques : elle est un ensemble cohérent dont les éléments sont interdépendants ; elle imprègne l’ensemble des activités humaines ; elle est commune à un groupe d’homme, que ce groupe soit important (les habitants d’un pays) ou très faible (une bande de jeunes) ; la plupart du temps cette transmission se fait d’une génération à l’autre par l’intermédiaire des agents de socialisation que sont la famille et l’école pour ne citer que les plus importants. Seulement pour ne considérer qu’un aspect beaucoup plus restrictif du terme, il est utile de considérer que la culture constitue en quelque sorte l’ensemble des pratiques, valeurs et symboles d’une société traduits par les coutumes et caractérisés par la tradition. Sur ce point, force est d’expliciter le sens de ces deux derniers termes. En effet, la coutume est considérée comme l’étendu de l’habitude en ce sens que la coutume est pour la société ce que l’habitude est pour l’individu. De ce fait, la coutume peut être comprise comme l’habitude socialement apprise, socialement accomplie et socialement transmise. Tandis que la tradition est porteuse de valeurs notamment symboliques au fil des générations passées, présentes et futures.

Dans Tradition et continuité BALANDIER (G.) (1968) souligne que l’on peut envisager la tradition « comme appliqué à un système : à l’ensemble des valeurs, des symboles, des idées et des contraintes qui détermine l’adhésion à un ordre social et culturel justifié par référence au passé, et qui assure la défense de cet ordre contre l’œuvre des forces de contestation radicale et de changement ». Et toujours d’après lui, dans le même article, « la tradition peut être vue comme pratique sociale et régulatrice des conduites. Sous cet aspect vécu, elle devient traditionalisme ; sa fonction est de susciter la conformité, d’entretenir au mieux la «répétition » des formes sociales et culturelles. Enfin, la tradition peut être envisagée en tant que déterminant soit un type de société globale, soit certains systèmes de relations au sein de la société globale ».

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Première partie : CADRE THEORIQUE, METHODOLOGIQUE ET GENERALITES SUR LA GRANDE-COMORE
Chapitre I : Cadre théorique
Chapitre II : Cadre méthodologique
Chapitre III : Généralité sur la Grande-Comore
Deuxième partie : PRESENTATION DES RESULTATS DE L’ENQUETE
Chapitre IV : La représentation du Grand mariage pour le Grand-Comorien
Chapitre V : La relation Grand mariage-politique
Troisième partie : DISCUSSION, BILAN ET PERSPECTIVES
Chapitre VI : La dichotomie culture-politique
Chapitre VII : Bilan et perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
GLOSSAIRE
ANNEXES
RESUME

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