LA FONCTION DE CONSEILLER PÉDAGOGIQUE
Intérêts de la recherche
Dans une logique de professionnalisation de l’enseignement, il est judicieux de se demander ce que savent les professionnels qui possèdent depuis le rapport Parent une fonction de conseil, de soutien et qui sont mandatés pour soutenir les enseignants. De plus, dans un contexte où l’on tente de rapprocher du terrain la prise de décision, où les changements inhérents à la réforme entraînent de nouveaux besoins de formation et dans lequel la formation continue est un sujet de préoccupation des gouvernements, il est pertinent de se questionner au sujet de l’expertise des agents du système définis comme agents de changement et susceptibles de contribuer à la formation continue des enseignants.La pertinence du propos, jumelée au manque d’écrits au sujet des savoirs liés à la conseillance pédagogique, nous incite à effectuer cette recherche pour tenter de décrire le savoir professionnel des CPs québécois.
Par cette recherche, nous tentons de contribuer à la mise en lumière de la problématique des savoirs de conseillance. Cette étude, nous l’espérons, apportera des éléments inédits à l’état de la connaissance sur les savoirs des CPs. Les résultats sont susceptibles d’intéresser les CPs désireux de définir davantage leurs savoirs, ils peuvent également être utiles aux administrateurs scolaires désirant améliorer ou créer une formation pour les CPs. Finalement, ils pourraient également intéresser tous les acteurs scolaires soucieux de comprendre le travail effectif des CPs.
LE CADRE CONCEPTUEL
Ce chapitre, qui a pour but d’établir le cadre conceptuel de la recherche, comporte trois parties l’éclairage du terme conseiller, la définition du savoir professionnel et la présentation d’une première ébauche du savoir professionnel des conseillers pédagogiques.Il est à noter qu’aucun rôle équivalent à celui des CPs québécois n’a pu être recensé dans la littérature tant francophone qu’anglophone. Le modèle qui s’en rapproche le plus est celui des accompagnateurs pédagogiques que l’on retrouve dans le système éducatif belge. Nous reviendrons sur ce modèle dans les pages qui suivent. Les deux premières parties du chapitre s’apparentent à une revue de la littérature, mais étant donné le manque d’écrits spécifiques aux savoirs de CPs et afin d’obtenir un éclairage supplémentaire sur notre objet de recherche, nous puiserons dans l’expérience liée au monde de la formation des adultes, à celui de la consultation en entreprise, à celui de l’enseignement, à celui du changement ainsi que dans la littérature traitant des différents types de savoirs. La contribution de ces différentes sphères permet de mieux
cerner notre objectif qui est, rappelons-le, de décrire le savoir professionnel des CPs.
Afin d’atteindre cet objectif, la première partie de ce chapitre sert à mieux cerner en quoi consiste le rôle de conseiller. Nous croyons qu’afin d’être en mesure de dégager les savoirs des conseillers, il est essentiel de bien comprendre en quoi consiste leur rôle et leur travail. Dans ce dessein, nous traitons du rôle de conseiller pédagogique en effectuant des emprunts à la littérature portant sur des formateurs d’adultes, des conseillers en entreprise, des enseignants, ainsi que des agents de changement. Nous sommes conscients qu’aucune de ces quatre sphères, à elle seule, ne peut fournir un cadre complet, mais l’apport de chacune est important afin de cadrer les propos des
conseillers.
La deuxième partie du chapitre consiste à définir le concept de savoir professionnel.Encore ici, nous effectuons des emprunts, mais cette fois à la littérature concernant les enseignants. Les écrits de Barbier (1996) notamment, sont utiles afin d’éclairer la polysémie du terme «savoir ». Ceux de Tardif et al. (199$) aident aussi à éclairer et définir le concept de savoir professionnel.
Finalement, dans la dernière partie, nous présentons une première ébauche de conceptualisation utile à la description du savoir professionnel des CPs québécois. Notons que les écrits retenus couvrent les quarante dernières années et plus particulièrement la période du début des années 1990 à aujourd’hui.
Le rôle du conseiller pédagogique vu sous quatre angles
Pour sélectionner les éléments utiles afin de décrire efficacement le savoir professionnel des CPs québécois, nous cernerons davantage le rôle des CPs en l’abordant sous quatre angles différents celui du formateur d’adultes, celui du consultant interne en entreprise, celui d’agent de changement ainsi que celui des savoirs rattachés au rôle d’enseignant.
Les conseillers pédagogiques desformateurs d’adultes
Tel que nous l’avons vu dans le premier chapitre, les CPs soutiennent des adultes. La notion de formation d’adulte est vaste. Bien qu’à prime abord elle semble référer aux adultes sans formation qui désirent en obtenir une, elle fait de plus en plus référence à tout processus de formation dans lequel un adulte s’implique (Solar, 2002; Voyer, 2002). La Société québécoise de développement de la main d’oeuvre soutient que dans les établissements, la formation continue fait de plus en plus référence à la formation sur mesure et à la formation en entreprise (1997). C’est dans la logique suivante que nous nous inscrivons lorsque nous parlons de la formation des adultes ou de formation continue dans cette recherche «L’ensemble des processus organisés d’éducation, quels qu’en C soient le contenu, le niveau et la méthode, qu’ils soient formels ou non formels, qu’ils prolongent ou remplacent l’éducation initiale dispensée dans les établissements scolaires et universitaires et sous forme d’apprentissage professionnel, grâce auxquels des personnes considérées comme adultes par la société dont elles font partie développent leurs aptitudes, enrichissent leurs connaissances, améliorent leurs qualifications techniques ou professionnelles ou leur donnent une nouvelle orientation, et font évoluer leurs attitudes ou leur comportement dans la double perspective d’un épanouissement intégral de l’Homme et d’une participation à un développement socio-économique et culturel intégré et indépendant. (Société québécoise de développement de la main d’oeuvre,1997, p. vii)
Cette définition de la formation des adultes est fortement inspirée de l’Article 3 de la Déclaration de Hambourg de 1997 que l’on peut lire, notamment, dans Solar (2002).Mentionnons que nous préférons, à la manière de Voyer (2002), le terme «formation des adultes » à celui d’ «éducation des adultes ». En effet, cette auteure établit une nuance entre la formation qui elle s’adresse aux adultes par opposition à l’éducation qui elle concerne les enfants. La formation «s’adres se à des adultes, des individus qui, tout en étant toujours en développement, sont en grande partie «déjà socialisés ». L’adulte est déjà «dans le monde », il le connaît déjà, il y participe déjà. Selon elle, l’apprenant adulte est le point d’ancrage de la pratique du formateur et qu’ «indépendamment des contenus de formation et des modes d’appropriation des savoirs, la formation des adultes
consiste principalement à «assister» une personne en apprentissage, à « accompagner»
un individu qu’on suppose en «processus de développement » (p.l89).
Une autre particularité de la formation d’adultes, comme le rappellent Bourgeois et Nizet (1997), est que les adultes attendent de la formation certains bénéfices immédiats, ce que ces auteurs appellent des résultats escomptés, comme par exemple, des savoirs et des savoir-faire nouveaux, un diplôme ou un nouveau réseau de relations sociales. Il existe donc certaines nuances dans le type d’apprenant entre le travail d’un enseignant et celui d’un conseiller pédagogique selon les distinctions existantes entre l’apprenant adulte et l’apprenant jeune. Le formateur d’adultes doit prendre en considération:
– que «les adultes ont besoin de savoir pourquoi ils doivent apprendre quelque chose avant d’entreprendre une formation.- qu’ils éprouvent un «profond besoin psychologique d’être vus et traités par les autres comme des individus capables de s’autogérer. »
– que «les groupes d’adultes sont plus hétérogènes — que ce soit à propos du style d’apprentissage, de la motivation, des besoins, des centres d’intérêts et des objectifs. »
– que «les adultes assimilent d’autant mieux les connaissances, les compétences et les attitudes que celles-ci sont présentées dans le contexte de leur mise en application à des situations réelles. »
– qu’ «ils sont davantage sensibles aux facteurs de motivation intrinsèques qu’aux motivations extrinsèques. » (Knowles, 1990: 70-75).
Appelés à concevoir des séances de formation et à les animer, les CPs, en plus de posséder des connaissances sur les adultes, doivent certainement démontrer des compétences liées à la formation elle-même. Nous retenons à ce propos les travaux de Martin et Savary (2001) qui indiquent que les formateurs d’adultes en plus de posséder un savoir-faire et des savoirs liés à leur spécialité ou au contenu de la formation doivent posséder des compétences liées à la conception et la mise en oeuvre de la formation: l’ingénierie (élaborer une réponse de formation), de la pédagogie (construire une progression des séquences d’apprentissage), de la relation (communiquer avec les personnes) et de l’organisation (assurer la gestion et la régulation d’une action). Les compétences liées à tout accompagnement mentionnées par Lafortune et Deaudelin
(2001) retiennent également notre attention. Selon ces auteures, l’accompagnateur doit savoir animer et gérer un groupe en situation d’apprentissage et être capable de faire vivre des expériences d’apprentissage en fonction de perspectives théoriques.
Appliqués à notre recherche, ces éléments nous aident à identifier un certain nombre de connaissances liées au monde des adultes que devront posséder les CPs. lis nous
intéressent puisqu’ils aident à cerner les réalités dans lesquelles les savoirs des CPs sont
utilisés. Cette dimension, qu’est celle de la formation d’adultes, correspond à la formation continue des enseignants dont les CPs soutiennent le processus et elle n’estpas sans lien avec le développement de la formation que l’on peut observer enentreprise. Nous verrons dans la partie suivante, le lien existant entre la formation et le monde de la formation des adultes en nousattardant plus spécifiquement au rôle desconsultants internes.
Le consultant interize en entreprise
Plusieurs auteurs, français notamment, soutiennent qu’un parallèle existe entre la sphèredu travail et la sphère éducative : entre l’entreprise, le développement et la formation(Barbier, 1996; Bourdoncle et Demailly, 1998; Ropé et Tanguy, 1994; Sociétéquébécoise de développement de la main d’oeuvre, 1997). Cette problématique prend sesracines, selon Barbier (1996) dans les années 1980, suite à une mise en place de mesuresafin de faire face aux changements en cours dans le monde du travail. Lacomplexification des métiers et l’incertitude qui s’y rattache questionne la formation quitend à s’individualiser (Gauthier et Hafsï, 1992).
Au Québec, la formation continue est présente dans le discours lié au monde du travail.Les concepts d’apprentissage tout au long de la vie, d’adéquation entre la formation etl’emploi et de changement sont visibles dans les politiques gouvernementales et lestextes de loi (Loi favorisant le développement de la main d’oeuvre, 1997; Politiquegouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue, 2002). Lesentreprises se dotent de moyens divers pour soutenir cette formation en cours decarrière. Le conseiller pédagogique tout comme le consultant interne en entreprises’inscrit dans cette dynamique d’individualisation de la formation et de nécessité d’offrirde la formation continue en contexte de travail.
Un emprunt au monde des consultants internes en entreprise, agents de changement sur
lesquels les organisations s’appuient pour mettre en place une décision ou un processus
de changement (Gauthier et Hafsi, 1992; Oualid, 2000), fournit une définition
intéressante du rôle de conseiller. De nombreux rapprochements sont possibles entre ladéfinition d’un conseiller pédagogique québécois et la définition attribuée aux conseillers internes en entreprise. À ce propos, retenons la définition de Gauthier et Hafsi (1992) «(…) on peut parler de consultation interne chaque fois qu’un dirigeant donne comme mission à un employé interne de le conseiller, à temps plein, pendant unepériode de temps déterminée, généralement longue, sur un problème à résoudre, unepolitique à établir, un changement à implanter, etc. » (p.3).
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Table des matières
RÉSUMÉ
ABSTRACT
DÉDICACE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE I LA PROBLÉMATIQUE
1.1 LE CONTEXTE DANS LEQUEL ÉvOLuENT LES CONSEILLERS PÉDAGOGIQUES ACTUELS
1.1.1 La décentralisation et la proximité du terrain: un pouvoir accru aux acteurs de l’école et une transformation du rôle de conseiller pédagogique
1.2.2 La professionnalisation des enseignants
1.1.3 Le reforme du curriculum
1.1.4 La formation continue: se former tout au long de la carrière
1.2 LA FONCTION DE CONSEILLER PÉDAGOGIQUE
1.2.1 La nonne
1.2.2 La position des conseillers dans la structure scolaire
1.2.3 Les lieux de travail des CPs
1.3 L’ÉvoLUTIoN DE LA FONCTION DE CONSEILLER PÉDAGOGIQUE: DES ANNÉES 60 À AUJOURD’HUI
1.4 LA TRAJECTOIRE DES CONSEILLERS PÉDAGOGIQUES : FORMATION ET CARRIÈRE
1.4.1 Lafonnation des conseillers pédagogiques
1.4.2 La carrière: un second métier
1.5 DIVERSITÉ VS UNITÉ : UNE APPELLATION COMMUNE POUR UNE FONCTION QUI SEMBLE ÉCLATÉE
1.5.1 La diversité
1.5.2 Des caractéristiques communes
1.6 L’OBJECTIF GÉNÉRAL DE LA RECHERCHE ET LA QUESTION DE RECHERCHE
1.6.1 L ‘objecttjde ta recherche
1.6.2 La question de recherche
1.7 INTÉRÊTS DE LA RECHERCHE
CHAPITRE II LE CADRE CONCEPTUEL
2.1 LE RÔLE DU CONSEILLER PÉDAGOGIQUE VU SOUS QUATRE ANGLES
2.1.1 Les conseillers pédagogiques : desfonnateurs d’adultes
2.1.2 Le consultant interne en entreprise
2.1.3 L’ agent de changement
2.1.4 Les savoirs liés au rôle d’enseignant chevronné
2.1.5 L’apport de ces quatre angles à ta description du rôle de conseiller pédagogique
2.2LEsAvow
2.2.1 Le savoir professionnel : savoirs objectivés et savoirs détenus
2.3 LE SAVOIR PROFESSIONNEL DES CONSEILLERS PÉDAGOGIQUES QUÉBÉCOIS: PREMIÈRE ÉBAUCHE
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3.1 CONSIDERATIONS MÉTHODOLOGIQUES
3.1.1 Le recueil de donnée
3.1.2.1 L’enquête
3.1.2.2 L’entretien
3.1.2 Description de l’échantillon
3.2 LE TRAITEMENT DES DONNÉES
3.2.] La sélection des extraits liés aux savoirs
3.2.2 Les catégories d’analyse
3.2.2.1 Les savoirs qui circulent
3.2.2.2 Les savoirs de conseillance
3.2.3 L’analyse des résultats
CHAPITRE IV ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
4.1 L’ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1.1Le savoir professionnel des conseillers pédagogiques
4.1.1.1 Les savoirs sources qui circulent dans l’accompagnement : les savoirs en périphérie du noyau dur
4.1.1.1.1 Les savoirs liés à la norme prescrite (savoirs normatifs)
4.1.1.1.2 Les savoirs liés à la théorie (savoirs théoriques)
4.1.1.1.3 Les savoirs liés à l’expérience scolaire (savoirs de terrain)
4.1.1.2 Le savoir de conseillance: le noyau dur au coeur du savoir professionnel des conseillers pédagogiques
4.1.1.2.1 Un savoir d’accompagnement
4.1.1.2.1.1 Le savoir lié à l’accompagnement dans le changement (savoirs d’agent de changement)
4.1.1.2.1.2 Le savoir lié à l’accompagnement dans la formation d’adultes (savoirs de formateur d’adultes)
4.1.1.2.2 Le savoir lié aux relations interpersonnelles (savoirs relationnels)
4.1.1.2.3 Le rapport actif aux savoirs
4.1.1.3 Le savoir de consultant interne : une catégorie non retenue
4.1.2 La vision des enseignants et des directeurs d’écoles du savoir d’un CP compétent
4.1.3 Les variations
4.2 llTERPRÉTATIoN DES RÉSULTATS
4 4 2 1 Un savoir cache dans te discours sur le travatl
4.2.2 Un savoir nonfonnaÏïsé :faire pour apprendre
4.2.3 Le savoir professionnel des CPs
4.2.4 Diversité vs unité
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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