LA FLORE BACTÉRIENNE D’UN BALLOT DE CARTON
La récupération
Historique
La conscientisation collective face aux enjeux environnementaux s’ est grandement améliorée depuis la publication en 1987 du rapport intitulé « Notre avenir à tous », aussi connu sous le nom de rapport Brundtland (Commission mondiale sur l’ environnement et le développement, 1988). C ‘ est grâce à ce document que l’ expression « développement durable » s’ est répandue. C ‘ est dans cette optique que le Québec met de l’ avant divers projets et lois, notamment dans le domaine des collectes sélectives de matières résiduelles, telles les papiers et cartons, le verre, le métal et le plastique. C ‘ est en 1989 que sont apparues les premières collectes à Montréal. Peu après, en 1990, le gouvernement québécois a instauré la « Loi sur la société québécoise de récupération et de recyclage », maintenant désignée Recyc-Québec. Cette société a pour objet de favoriser la récupération et le recyclage des matières résiduelles ainsi que leur valorisation dans une perspective de conservation des ressources (Gouvernement du Québec, 1990). En 2010, le Québec a récupéré plus d’un million de tonnes de matières résiduelles, à l’ aide des 38 centres de tri actifs dont il disposait. Ces matières récupérées provenaient de trois grands secteurs: les municipalités, les industries, commerces et institutions ainsi que l’industrie de la construction, rénovation et démolition (Gouvernement du Québec, 2013). La sensibilisation au développement durable et à la protection de l’ environnement est à l’origine de la valorisation des matières résiduelles. Cela a un effet positif sur la préservation de nos ressources naturelles ainsi que sur la diminution des gaz à effet de serre. Ces derniers sont principalement issus de l’ élimination des matières résiduelles, qui se fait par enfouissement ou par incinération. Ainsi, un des objectifs de la province de Québec est de recycler plus de 70% de toutes les matières résiduelles et ce, d’ici 2015 .
La récupération des papiers et cartons
Les papiers et cartons font partie des matériaux les plus récupérés par les collectes sélectives municipales, avec 71 % des parts en 2010. Entre les années 2000 et 2010, les quantités de ces matières récupérées du secteur municipal ont plus que doublé, passant de 258 000 tonnes à 525 000 tonnes (Vermette, 2010). La Figure 1.1 représente le cycle de recyclage que les produits papetiers effectuent au niveau résidentiel. Dans le secteur résidentiel , les papiers et cartons sont mis à la récupération une fois leur utilisation terminée. Via les collectes sélectives municipales, ces produits papetiers sont acheminés aux centres de tri québécois, où ils sont séparés selon leur catégorie et assemblés en ballots. Ils sont ensuite éliminés, exportés ou vendus. Le rejet des papiers et cartons se situe autour de 10 à 20%, taux qui varie d’ un centre de tri à l’ autre. L’ exportation de produits papetiers récupérés se fait majoritairement vers les marchés asiatiques. La vente de matières récupérées est dominée par celle des papiers et cartons, avec 778 000 tonnes en ventes, ce qui représentait 82% de toutes les ventes effectuées par les centres de tri québécois en 2010. La plupart des papiers et cartons sont vendus à des clients de la province de Québec, principalement des recycleurs, dont les papetières. Ces dernières transforment les papiers et cartons récupérés en produits papetiers recyclés. Ils sont ensuite envoyés à diverses entreprises de transformation ou directement aux commerces, où ils sont achetés par les clients. Les produits papetiers retournent dans le cycle du recyclage en étant à nouveau récupérés.
Les biofilms
Une des problématiques les plus fréquemment rencontrées dans le processus de fabrication industrielle du papier est le développement de biofilms, qui sont des agrégats de microorganismes (Figure 1.3). Ces microorganismes sont regroupés dans une matrice d’ origine microbienne qui consiste en substances polymériques extracellulaires,majoritairement des polysaccharides et des protéines. Cette matrice est constituée d’ environ 95% d’ eau (Flemming et al. , 2013).Les biofilms sont très résistants aux divers biocides chimiques qui peuvent être appliqués dans le domaine des pâtes et papiers, tels le chlorométhylisothiazolinone, le bromonitropropanediol et le méthylisothiazolinone (Klahre et Flemming, 2000) . Des traitements enzymatiques à la levanase peuvent également être employés pour contrer les biofilms (Chaudhary et al. , 1998). Malgré l’ utilisation d’ agents antimicrobiens, les biofilms résistent, en partie grâce à leur organisation structurelle puisque les biocides peuvent ne pas pénétrer la matrice extracellulaire uniformément. Une autre forme de tolérance bactérienne aux biocides est intrinsèque: les bactéries acquièrent des facteurs génétiques de résistance.
Utilisation de matières récupérées
Une source importante de microorganismes dans les papetières provient des papiers et cartons récupérés. Quelques études ont démontré qu ‘ utiliser des fibres récupérées au lieu de fIbres vierges augmente la concentration de microorganismes dans le processus de fabrication et dans les produits fInis (Granhall et al. , 2010; McCusky Gendron et al. , 2012; Namjoshi et al. , 2010). Les matières premières, achetées par les papetières sous forme de ballots, sont contaminées par divers composés, particulièrement des résidus alimentaires, des adhésifs, des colles ainsi que d’ autres matières organiques. La présence de ces composés, en plus des fibres lignocellulosiques, est susceptible de favoriser le développement microbien dans les ballots. De plus, après l’arrivée des ballots de papiers et cartons à la papetière, ils sont entreposés avant leur utilisation. L’ entreposage se fait généralement à l’extérieur (Figure 1.4), durant une période qui peut s’ étendre jusqu’ à un an. Les ballots sont donc dans un milieu propice à la prolifération et au développement de contaminants microbiens en raison des facteurs météorologiques, tels les vents, la pluie et la température, et des facteurs environnementaux comme la présence d’oiseaux et de rongeurs.
La flore bactérienne
De nombreuses études ont été effectuées afin de déterminer la flore bactérienne présente dans les papetières, puisque les bactéries sont les microorganismes majoritaires dans le procédé de fabrication des produits papetiers. Les composantes ciblées étaient la pâte, les additifs, l’ eau blanche, les biofilms et les produits finis.
Pâte
Une étude effectuée par Desjardins et Beaulieu (2003) a démontré que la pâte d’ une papetière canadienne comportait majoritairement des bactéries du genre Pseudoxanthomonas. Les autres genres bactériens identifiés étaient des Pseudomonas, des Leptothrix et des Bacillus. D ‘ autres travaux ont ciblé les bactéries aérobies nonsporulantes dans la pâte fabriquée avec des matières récupérées (Suihko et Skytta, 2009). Les bactéries majoritaires appartenaient au groupe des Gammaprotéobactéries, Il avec comme pnnclpaux genres Enterobacter, Klebsiella, Pseudoxanthomonas, Pseudomonas et Acinetobacter. Les Actinobactéries étaient aussi représentées avec le genre Microbacterium.
Additifs
Certains additifs, notamment le kaolin et la bentonite ont été étudiés afin de déterminer les bactéries qui y sont présentes (Viiisiinen et al., 1998). Les genres Aureobacterium, Bordetella, Methylobacterium, Microbulbifer et Pseudomonas ont été caractérisés dans le kaolin et les genres Bacillus, Hydrogenophaga, Paenibacillus et Staphylococcus ont été identifiés dans la bentonite.
Eau blanche
Des bactéries ont été caractérisées dans l’ eau blanche de deux papetières utilisant des papiers et cartons récupérés comme matière première (Oqvist et al. , 2008). L’ une des papetières avait des circuits complètement fermés alors que l’ autre avait des circuits semi-fermés. Dans les deux cas, des Enterococcus ont été identifiés. La papetière dont l’ eau blanche était recirculée à 100% comportait également des Clostridia, alors que celle dont les circuits étaient semi-fermés était principalement composée de Bacillus.
Biofilms
Comme les biofilms sont le problème majeur des papetières, ils sont les composantes des usines les plus étudiées. Riitto et al. (2005) ont identifié plusieurs genres bactériens ayant la capacité de produire des polysaccharides dans des biofilms : Bacillus, Brevundimonas, Cytophaga, Enterobacter, Klebsiella, Paenibacillus et Starkeya. D ‘ autres études ont démontré des genres bactériens différents présents dans des biofilms provenant d’ usines de pâtes et papiers: Rhizobium, Sphingomonas et Pseudomonas (Lahtinen et al., 2006), Rhodobacter, Tepidimonas et Cloacibacterium (Tiirola et al. , 2009) ainsi que Chryseobacterium et Rhodococcus (Granhall et al. , 2010). Plus récemment, une étude a été effectuée afin d’identifier les populations bactériennes dans des biofilms récoltés dans deux papetières canadiennes (Disnard et al., 2011). La flore bactérienne des biofilms était composée des genres Agrobacterium, Rhizobium, Paenibacillus, Exiguobacterium, Bacillus, Microbacterium, Pseudomonas et Pseudoxanthomonas.
Produits finis
Les produits papetiers ont été soumis à des identifications microbiologiques, car ils peuvent poser problème au niveau de la santé et de l’ hygiène. Certains cartons servent d’ emballages alimentaires; il est donc nécessaire de s’ assurer qu ‘ aucune bactérie nuisible à la santé n’y est présente. Les genres bactériens identifiés sont des Bacillus et des Paenibacillus (Raaska et al. , 2002; Suihko et Stackebrandt, 2003; Namjoshi et al. , 2010) . Raaska et al. (2002) ont identifié en plus les genres Enterobacter et Citrobacter. Les papiers essuie-mains sont eux aussi ciblés par des études de la flore bactérienne (McCusky Gendron et al. , 2012). Cette fois encore, des Bacillus et des Paenibacillus dominaient, en plus des genres Exiguobacterium et Clostridium
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
LISTE DES FIGU.RES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1 . 1 La récupération
1 . 1.1 Historique
1.1.2 La récupération des papiers et cartons
1.2 Les papetières
1 .3 Les problèmes d’o rigine microbiologique dans les papetières
1.3.1 Les biofilms
1 .3.2 Les odeurs
1.4 Facteurs favorisant la croissance microbienne
1.4.1 Utilisation de matières récupérées
1.4.2 Recirculation de l’eau blanche
1.4.3 Conditions de température et de pH
1.5 La flore bactérienne
1.5.1 Pâte
1.5.2 Additifs
1.5.3 Eau blanche
1.5.4 Biofilms
1.5.5 Produits finis
1.6 Les techniques d’ identification bactérienne
1.6.1 Méthodes classiques
1.6.1.1 Culture bactérienne
1.6.1.2 Caractérisation morphologique
1.6.1.3 Tests biochimiques
1 .6.1.4 Caractérisation des acides gras
1.6.2 Méthodes moléculaires
1.6.2.1 Le gène de l’ ARN ribosomique 16S
1.6.2.2 L’ analyse de banques de clones
1.6.2.3 Le pyroséquençage
1.6.2.4 La bio-infonnatique
1.7 Problématique
CHAPITRE II COMPARAISON DE LA FLORE BACTÉRIENNE D’UN BALLOT DE CARTON RÉCUPÉRÉ ANALYSÉE PAR PYROSÉQUENÇAGE ET PAR BANQUE DE CLONES.
2.1 Contribution des auteurs
2.2 Résumé de l’ article
2.3 Article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and methods
Sampling
Total genomic DNA extraction
PCR amplification of the 16S rRNA gene V6-V8 region and 454 pyrosequencing
PCR amplification of the 16S rRNA gene V6-V8 region, cloning and
sequencing
Sequence analysis, taxonomic identification and statistics
Results and discussion
PCR amplification of the 16S rRNA gene V6-V8 region and 454 pyrosequencing
PCR amplification of the 16S rRNA gene V6-V8 region, cloning and sequencing
Comparison of the bacterial commumtles obtained using 454 pyrosequencing and clone library
Conclusion
Acknowledgments
References
CHAPITRE III CONCLUSION.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.
ANNEXE A
ÉTAPES D’OPTIMISATION DES SÉQUENCES, DE GÉNÉRATION DE STATISTIQUES ET DE CLASSIFICATION EN UNITÉS
TAXONOMIQUES OPÉRATIONNELLES AVEC LE LOGICIEL MOTHUR
ANNEXEB
RÉSULTATS SUPPLÉMENTAIRES D’ IDENTIFICATION DE FLORES
BACTÉRIENNES DE BALLOTS DE PAPIER ET DE CARTON
ANALYSÉES PAR PYROSÉQUENÇAG
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