De tout temps l’Homme a utilisé les plantes pour son habitat, son alimentation et en guise de remèdes. La Pharmacie est étroitement liée aux plantes jusqu’à ce jour avec 40 à 70% des médicaments qui en sont issus (1). On parle depuis une trentaine d’années d’un regain d’intérêt pour les produits naturels, qui s’observe notamment à travers les consommations à l’officine des différents produits de soin annexes aux médicaments : compléments alimentaires, huiles essentielles, cosmétiques, homéopathie, etc. La consommation de produits à base de plantes, qui a toujours existée, bénéficie aujourd’hui d’une mise en lumière par les forces marketing de grandes industries. De plus, il existe de nouvelles voies de valorisation des plantes par transformation et une augmentation des échanges internationaux. Les plantes à parfums, médicinales et aromatiques (PPAM) sont également utilisées dans les secteurs de la parfumerie, des détergents, des produits vétérinaires, de l’agro alimentaire (arômes, aromates), de l’alimentation animale, des extraits végétaux, des spiritueux, et des produits phytosanitaires (2). La production de PPAM est un secteur compétitif, soumis à la demande des industriels qui standardisent leurs produits en composés d’intérêt. Cependant les plantes sont des organismes complexes exposées aux variations de l’environnement : leurs conditions de cultures, des stress biotiques et abiotiques, les pratiques agricoles et enfin aux modes opératoires de traitement des plantes récoltées. De ce fait les compositions en métabolites sont susceptibles de varier dans la plante comme dans les produits de transformation
La filière PPAM en France
La France comporte plusieurs bassins de production de PPAM. Des plantes médicinales sont produites depuis le XIXème dans le Maine et Loire, tandis que les plantes aromatiques sont principalement cultivées en région parisienne et en Provence. La cueillette se fait essentiellement dans les zones montagneuses telles que l’Auvergne, le Morvan ou les Cévennes. La région PACA produit de nombreuses les plantes à parfums. Les acteurs de la filière sont les agriculteurs, indépendants ou réunis en coopératives, ainsi que des entreprises de transformation (surgélation, séchage) et de distribution (2).
En 2014, un total de 42 000 hectares de PPAM a été déclaré avec un peu moins de la moitié constituée par les lavandes et lavandins (2). Leur utilisation croissante se traduit par une augmentation des surfaces de production de 2% par an. La surface de culture des plantes médicinales était estimée à 20 000 hectares en 2014, avec des productions pour l’industrie pharmaceutique (Ginkgo et pavot) et des productions beaucoup plus variées pour les secteurs de santé et bien-être. Les producteurs français commercialisent environ 260 plantes médicinales sur les 562 inscrites à la Pharmacopée. Pour se distinguer de la concurrence étrangère la production française affiche des labels de qualité (AOC, bio, IGP) et structure sa filière pour consolider son savoir-faire.
Activités de l’organisme d’accueil
L’iteipmai œuvre au service de tous les corps de métiers de la filière PPAM. Sa mission est initialement de valoriser le travail des agriculteurs et de sécuriser leurs revenus en leur apportant des données techniques, un appui scientifique et une validation règlementaire. La station de Chemillé-Melay (49) regroupe le siège social, des locaux équipés pour l’expérimentation, les analyses phytochimiques, la collecte et le traitement de l’information ainsi que 12 hectares de terrains d’expérimentation. La seconde station de l’iteipmai, située dans le Sud-Est est spécialisée dans les plantes aromatiques et à parfum et en agriculture biologique. Les deux pôles d’expérimentation agronomique offrent un appui technique pour la sélection variétale, la mise en place et l’optimisation d’itinéraires techniques, la mise en conformité des systèmes de production et de transformation. Le pôle documentaire du service valorisation de l’institut réalise des synthèses bibliographiques sur des sujets particuliers d’ordres techniques, scientifiques et/ou règlementaires relatifs à la filière, à la demande des adhérents ou pour répondre aux besoins de programmes internes. Le service réalise de l’archivage documentaire et des travaux de veille. L’institut possède un service d’études avec un pôle dédié à la protection des cultures. Enfin, le service Phytochimie-Normalisation, effectue des analyses de phytochimie pour les programmes d’agronomie et pour des clients externes, des PME et industries citées précédemment.
Spécificité du laboratoire
Le laboratoire réalise des analyses de contrôle qualité d’après les méthodes officielles (Pharmacopées française, européenne, ISO) et les méthodes développées par le service à la demande des clients. Il participe à la mise en place des normes et à leur diffusion. Les analyses permettent de valoriser les matières premières ou les produits finis, et de répondre aux règlementations françaises et communautaires des grandes industries. La mise au point de méthodes analytiques est ainsi réalisée sur différentes formes d’échantillons à analyser : plantes fraiches, sèches, poudre de plantes, extraits liquides, huiles essentielles, dans des médicaments, des compléments alimentaires, des additifs pour alimentation animale et quelques produits cosmétiques à bases de plantes. L’autre volet des prestations concerne les programmes d’agronomie annuels dont les échantillons sont analysés par centaines au laboratoire chaque saison. Le traitement des résultats d’analyses bénéficie de l’expertise des membres du service dans la phytochimie des PPAM et de l’expérience acquise par le cumul des données d’analyses au laboratoire.
Le laboratoire est équipé du matériel pour réaliser les différentes méthodes de chromatographie sur couche mince, en phase liquide et gazeuse. L’équipement de chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, permet d’étendre l’offre de service pour les adhérents et les programmes. C’est au sein de ce laboratoire qu’ont été réalisés les essais qui seront décrits.
Objet de l’étude
Caractérisation totale d’extraits polaires
L’analyse phytochimique des plantes et produits dérivés de la filière PPAM est indispensable pour assurer une qualité de la matière par le dosage des principes actifs, des marqueurs de qualité ou des substances à surveiller. L’homogénéité des échantillons sous forme de liquides polaires se prête à de bonnes qualités d’analyses et représentativités de populations. En effet, les teneurs en eau des plantes pouvant aller jusqu’à plus de 80%, une forte proportion de leurs constituants est soluble dans l’eau. La caractérisation totale d’extraits polaires permettrait de discriminer de nombreux métabolites primaires et secondaires polaires. L’étude de ces composés est réalisée avec différentes techniques chromatographiques (HPLC, CCM, CPG) et leur identification par comparaison à des témoins. D’autres méthodes permettent une analyse plus étendue à l’exemple de la LC-MSn et de la RMN. Cependant, ces méthodes présentent des limites de reproductibilité inter-laboratoire et de manque de sensibilité, respectivement. À l’instar des analyses métabolomiques en microbiologie, la GC-MS semble être une méthode de choix pour identifier et quantifier un grand nombre de composés simultanément (3,4). Le développement d’une méthode d’analyse des composés polaires de PPAM, sensible et fiable avec des possibilités d’identification facilitées, a des applications prometteuses pour leurs filières d’exploitation.
Un outil industriel
La connaissance de la composition de la plante à un instant t donné est un outil agronomique qui trouve différentes applications de R&D. A l’exemple de l’analyse de routine de la composition des huiles essentielles par GC-FID l’outil analytique de composés polaires permettrait de définir le déclenchement de récolte pour améliorer la richesse en principes actifs, et également d’aider à la comparaison et à la sélection variétale, et d’étudier les effets des conditions culturales sur les PPAM (5,6). La métabolomique des plantes offre la possibilité de définir de nouveaux marqueurs de prédictions des performances des plantes (7) et dans un second temps de caractériser les composés sur la matière première récoltée. La méthode a déjà été éprouvée pour déterminer l’origine géographique, le terroir et les variétés de denrées alimentaires comme le vin, le thé vert, également pour établir les profils sensoriels de denrées alimentaires. Par ailleurs l’évolution des règlementations communautaires concernant les grandes industries induit de nouvelles exigences de caractérisation des produits, allant parfois jusqu’à plus de 90% de la composition des mélanges. Le règlement REACH, entré en vigueur en 2007, concernant l’utilisation des produits chimiques, établit l’obligation de définir chimiquement un produit fabriqué en quantité supérieure à 1 tonne par an. D’autres secteurs règlementés comme ceux des médicaments à usage humain et vétérinaires, des cosmétiques et des compléments alimentaires (produits finis) font déjà usage de la méthode dans le cadre de suivi de pharmacovigilance ou d’études de pharmacocinétique (8–10). Par exemple la caractérisation d’échantillons de ginseng a permis de détecter des cas d’adultération par des espèces moins couteuses ou moins actives du point de vue pharmacologique .
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Table des matières
Introduction
I. Contexte
1. La filière PPAM en France
2. Activités de l’organisme d’accueil
3. Spécificité du laboratoire
II. Objet de l’étude
1. Caractérisation totale d’extraits polaires
2. Un outil industriel
3. La chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse
4. La dérivatisation
5. Dérivatisation par oximation puis triméthylsilylation
6. Analyses de composés variés en GC-MS
6.1. Les sucres
6.2. Les acides organiques et aminés
6.3. Les composés phénoliques
III. La mélisse officinale
1. Place dans la systématique
2. Description botanique
2.1. Caractéristiques macroscopiques
2.2 Caractères microscopiques
3. Culture et habitat
4. Composition chimique
4.1. Composés phénoliques
4.2 Composés terpéniques
4.3 Autres composés
5. Biosynthèse des composés phénoliques majeurs
6. Méthodes d’analyse classiques de M. officinalis
IV. Matériel et méthode
1. Matières premières
1.1. Solvants et réactifs
1.2. Standards analytiques
1.3. Étalon interne
1.4. Échantillons
2. Préparation de la matière à examiner
3. Préparation des dérivés oximes-TMS
3.1. Prises d’essai
3.2. Dérivatisation par oximation et silylation
3.3. Étalonnage interne
4. Analyses en GC-MS
4.1. Appareillage de GC-MS
4.2. Méthode d’analyse
5. Optimisation de la méthode de séparation des dérivés ester/éther tms-oxime
6. Identification spectrales
V. Résultats
1. Profils chromatographiques et identification des analytes
2. Étude de spectres de composés complexes
3. Analyses quantitatives
3.1. Résultats de l’essai 1
3.2. Résultats de l’essai 2
4. Robustesse de la méthode appliquée à M. officinalis
VI. Discussion et perspectives
VII. Conclusion
Références bibliographiques
Annexe I
Annexe II : Conditions chromatographiques méthode TMS4acc2
Annexe III. Chromatogramme des dérivés oximes-TMS de composés polaires de la mélisse