La fessée est une punition

Analyse et positionnement personnel

La définition du concept de punition (point 1.3.2), mentionne que celle-ci a pour but de répondre à une conduite inappropriée pour en éviter sa reproduction, ou de limiter les débordements de l’enfant. La fessée est une punition. Les spécialistes que j’ai interrogés à ce sujet rejoignent cette définition, car la majorité d’entre eux affirment que le recours à la fessée intervient lorsque l’enfant n’obéit pas ou transgresse une règle. La fessée, tout comme les autres châtiments corporels, a toujours eu une place dans les pratiques d’éducation familiale (point 2.2.1). Elle était préconisée dans le livre le plus lu au monde : la Bible. Ce n’est que dernièrement que cette pratique a été remise en question.Les enfants recevaient des fessées et, lorsqu’ils devenaient parents à leur tour, en administraient à leurs propres enfants. Cela peut encore être le cas. Les professionnels que j’ai interrogés appuient cette théorie, eux qui pensent en majorité que les parents qui donnent des fessées à leurs enfants en ont eux-mêmes reçues dans leur éducation. D’autre part, on a appris (point 1.3.2) qu’il existait deux sortes de fessées : la fessée réactionnelle et la fessée éducative.

Quand on demande aux professionnels pourquoi ils pensent que des parents usent de cette pratique, moins de la moitié d’entre eux évoquent l’idée que cela peut être une pratique éducative réfléchie. Comme on a pu le constater dans l’histoire de la fessée, celle-ci en a longtemps été une, reconnue, au milieu d’un attirail d’autres châtiments corporels, et les parents étaient persuadés de ses bienfaits. Aujourd’hui, d’après les réponses des professionnels, on pense plutôt que lorsque fessée il y a, elle est réactionnelle, située dans un contexte de vie difficile des parents et/ou administrée sous le coup d’une émotion. La fessée fait partie des punitions corporelles (point 1.3.2). Rejoignant l’avis des professionnels interrogés, la définition de ce concept mentionne que la punition corporelle peut être impulsive, lorsqu’elle est associée à une émotion telle que la surprise, la peur ou la colère. Lorsque la fessée est éducative, elle s’inscrit dans le style d’éducation parental autoritaire. Lorsqu’il s’agit de la fessée réactionnelle, elle peut apparaître dans chacun des styles d’éducation. En outre, toutes les personnes interrogées mentionnent que la fessée peut être administrée parce que les parents ne savent plus quoi faire d’autre. Sous le point 1.3.3, on a vu que la catégorie socioprofessionnelle des parents a une influence sur le style d’éducation parental. Il est mentionné que les parents ayant une CSP faible sont plus enclins que les autres utiliser la fessée, dans le cadre du style parental d’éducation autoritaire. Cependant, une multitude d’autres facteurs, eux aussi mentionnés dans l’articulation des concepts, peuvent intervenir et modifier les pratiques et méthodes des parents.

On ne peut donc pas déterminer une famille-type qui utiliserait la fessée dans l’éducation de ses enfants. On ne peut qu’essayer de comprendre pourquoi cela arrive, en mettant en relations les paramètres susmentionnés. Positionnement personnel Ce saut dans l’histoire (point 2.2.1) aide à comprendre pourquoi la fessée est toujours pratiquée par certains parents, dans l’idée que, finalement, une petite fessée n’a jamais fait de mal à personne. Cette façon de voir les choses, bien ancrée dans nos sociétés, est en fait un héritage culturel et historique. Je constate que les professionnels, pourtant clairement opposés à la fessée, la définissent rarement comme problématique lorsqu’elle intervient occasionnellement.

La notion de fréquence et d’intensité est présente dans la façon dont le professionnel va se positionner face à la fessée dans l’éducation. La fessée a une place à part parmi les châtiments corporels. Sur sept professionnels, seuls deux ont parlé de violence à son encontre. Ce sont plutôt les mots échecs et mauvaise habitude qui sont apparus. Je pense que nous sommes dans une période transitoire, entre bilan des effets de l’éducation nouvelle et un retour à des pratiques plus normatives.

La fessée est une réminiscence des pratiques d’autrefois, mais une réminiscence « douce », contrairement à l’usage du fouet par exemple. Dans la représentation qu’elle suscite, elle n’est pas considérée comme de la maltraitance, du moment qu’elle n’est ni régulière ni appliquée avec force.La difficulté principale est de définir les notions de régularité et de force. Il est en outre important que l’EDE situe la fessée dans un contexte plus global : est-elle accompagnée d’autres châtiments corporels, d’insultes, de privations, d’humiliations ? L’EDE, dans sa pratique, ne peut pas considérer uniquement une fessée, administrée un jour donné. Elle doit comprendre ce que vit l’enfant dans son milieu familial. Je pense que la fessée, en tant qu’acte isolé, est considérée comme un faux pas dans l’éducation familiale, un acte qu’il faudrait éviter mais qui, s’il survient occasionnellement, n’est pas considéré comme grave.

Que dit la loi ?

Dans ce chapitre, je vais d’abord détailler ce que dit la loi au sujet de la fessée administrée aux enfants dans le cadre de leur éducation, avant de me pencher sur le devoir de signalement de l’EDE. Dans son livre concernant la fessée24, Christine Barras a détaillé les lois existant dans plusieurs pays d’Europe et concernant la fessée. Dans le Code Civil Suisse, l’article 301 al. 1 précise que : »Les père et mère déterminent les soins à donner à l’enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité ».25 Les parents doivent favoriser le développement physique, psychique et moral de leur enfant. Ce sont donc eux qui définissent ce qu’est le bien pour l’enfant et ce qui favorisera sa croissance intellectuelle et morale. Partant de là, les parents adeptes de l’éducation à la dure sont persuadés d’être en adéquation avec la loi. Dans le Code Pénal, l’article 126, concernant les voies de faits n’est pas plus précis. Il précise que : « Celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende. » et que « La poursuite aura lieu d’office si l’auteur a agi à réitérées reprises contre une personne, notamment un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veille.

 » La Suisse a ratifié en 1997 la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, dont l’article 19 contient les mesures suivantes de protection pour les enfants : »Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.27 En clair, les châtiments corporels ne sont pas autorisés par la loi mais ils sont néanmoins souvent tolérés par la jurisprudence. Les autorités pénales prennent les décisions au cas par cas. Il est à noter que les enfants sont moins bien protégés que les adultes pour lesquels ces actes sont toujours illicites. En 2008, une initiative parlementaire a été proposée, dans le but d’interdire et de sanctionner les châtiments corporels envers les enfants. Elle a échoué, tant devant le Conseil des Etats que devant le Conseil National.

Les EDE sont dans certains cas obligées d’effectuer un signalement. Voici ce que dit l’article 54 de la Loi en faveur de la Jeunesse du Canton du Valais28, du 11 mai 2000, qui définit ces cas: « 1Toute personne qui, dans le cadre de l’exercice d’une profession, d’une charge ou d’une fonction en relation avec des enfants, qu’elle soit exercée à titre principal, accessoire ou auxiliaire, a connaissance d’une situation de mise en danger du développement d’un enfant, et qui ne peut y remédier par son action, doit aviser son supérieur ou, à défaut, l’autorité tutélaire.

Qu’en disent les professionnels ?

Il m’a paru intéressant de connaître l’avis de professionnels concernant leur réaction face à l’enfant et aux parents dans une telle situation. J’ai aussi sollicité leurs conseils pour travailler de manière adéquate avec des parents dont les méthodes éducatives diffèrent des miennes, et de celles de l’institution.29 Sur la question de la réaction de l’EDE face à un enfant qui affirme avoir reçu une fessée, la plupart des professionnels interrogés préconisent de discuter avec l’enfant (6 sur 7), afin d’en savoir plus sur ce qui s’est passé et la façon dont lui le ressent, l’interprète, le vit. Certains nuancent en parlant d’écouter l’enfant (3 sur 7). Un élément intéressant (2 sur 7) est le fait qu’il faut observer une certaine prudence lorsqu’on recueille le récit d’un enfant. En effet, lorsqu’un adulte pose des questions à un enfant, celui-ci risque d’être orienté dans ses propos afin de répondre aux attentes de l’adulte. Il faut donc encourager le récit spontané, ou poser des questions ouvertes. Cela évite de poser un jugement hâtif et faussé. Seul René Knüsel, qui précise ne pas être un professionnel de l’enfance mais un observateur attentif de ces situations, prend le parti de ne surtout pas intervenir immédiatement.

La plupart des personnes interrogées (5 sur 7) n’interviennent pas systématiquement auprès des parents lorsqu’un enfant leur dit avoir reçu une ou des fessées. Cela dépend de plusieurs facteurs : s’il y a nécessité de vérifier les dires de l’enfant et de mettre des mots sur la situation (Myriam Luisier), si cela arrive dans l’enceinte du lieu d’accueil (Cynthia Perret), si le parent a une bonne relation avec le professionnel et est disposé au dialogue (Philippe Beck).

Quand on demande aux professionnels interrogés comment ils interviennent auprès des parents et comment ils travaillent avec eux, alors même que leurs méthodes éducatives diffèrent, plusieurs éléments sont récurrents. Les avis suivants sont unanimes : l’intervention doit se faire dans le tact, le respect, le non-jugement; le but étant d’établir un lien avec le parent afin de le comprendre. Une majorité des personnes interrogées (5 sur 7) pensent que l’intervention doit ou peut, sur demande des parents, contenir un soutien, une aide dans leurs pratiques éducatives et relationnelles avec leur enfant. J’ai demandé aux professionnels quand ils pensaient nécessaire que l’EDE effectue un signalement. La notion qui est le plus revenue dans les réponses est celle de danger pour l’enfant (4 sur 7). Myriam Luisier est même d’avis qu’un signalement ne doit jamais être effectué dans l’urgence, sauf s’il y a « danger de mort ». Une partie des personnes interrogées (3 sur 7) précisent que ce n’est pas à l’EDE d’effectuer un signalement mais que celle-ci doit faire part de la situation à sa hiérarchie, et que ce sera cette dernière qui décidera d’une éventuelle intervention. Plusieurs professionnels (2 sur 7), indiquent qu’il est délicat d’évaluer la gravité d’une situation et qu’il faut donc faire preuve de prudence avant d’effectuer un signalement.

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Table des matières

1.INTRODUCTION
1.1 CADRE DE RECHERCHE
1.1.1 Illustration
1.1.2 Thématique traitée
1.1.3 Intérêt présenté par la recherche
1.2 PROBLÉMATIQUE
1.2.1 Question de départ
1.2.2 Précisions, limites posées à la recherche
1.2.3 Objectifs de la recherche
1.3 CADRE THÉORIQUE ET/OU CONTEXTE PROFESSIONNEL
1.3.1 Préambule
1.3.2 Concepts théoriques
1.3.3 Articulation entre les concepts et synthèse
1.4 CADRE D’ANALYSE
1.4.1 Terrain de recherche et échantillon
1.4.2 Méthodes de recherche
1.4.3 Méthodes de recueil des données et résultats de l’investigation
2. DÉVELOPPEMENT(S)
2.1 INTRODUCTION ET ANNONCE DES CHAPITRES DÉVELOPPÉS
2.2 LA FESSÉE, HIER ET AUJOURD’HUI
2.2.1 La fessée dans l’histoire
2.2.2 La fessée aujourd’hui, qui et quand ?
2.2.3 Analyse et positionnement personnel
2.3 LE RÔLE DE L’ÉDUCATEUR DE L’ENFANCE
2.3.1 Que dit le PEC ?
2.3.2 Que dit le concept pédagogique de l’institution ?
2.3.3 Que dit la loi ?
2.3.4 Qu’en disent les professionnels
2.3.5 Analyse et positionnement personnel
2.4 POUR ALLER PLUS LOIN : DES MÉTHODES D’ÉDUCATION RÉPUTÉES EFFICACES
2.4.1 Le manuel de la parentalité
2.4.2 Eduquer sans punition. La sanction éducative en pratique
2.4.3 Ce qui fait grandir l’enfant. Affectif et normatif : les deux axes de l’éducation
2.4.5 Qu’en disent les professionnels
2.4.6 Analyse et positionnement personnel
3. CONCLUSION
3.1 RÉSUMÉ ET SYNTHÈSE DE LA RECHERCHE
3.2 LIMITES DU TRAVAIL
3.3 PERSPECTIVES ET PISTES D’ACTION PROFESSIONNELLE
3.4 REMARQUES FINALES
4. BIBLIOGRAPHIE
5. ANNEXES

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