La société occidentale d’aujourd’hui est une société de consommation fortement touchée par des maladies métaboliques, telles que le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires. Ces maladies résultent de l’exposition au stress oxydant, au tabac, à la sédentarité, à la malnutrition. Pour réduire l’incidence de ces maladies, la consommation des fruits et légumes et des végétaux riches en antioxydants, est recommandée. Les végétaux constituent une part essentielle d’un régime alimentaire sain : ils sont riches en minéraux, vitamines, fibres, carbohydrates et surtout en antioxydants. Les antioxydants présents dans les végétaux ont la capacité de piéger les espèces réactives nocives pour les cellules humaines et qui sont présentes en trop grande quantité en condition de stress oxydant. Parmi les îles de l’Océan Indien, la Réunion est une des plus fortement touchées par le diabète et l’obésité. Le diabète est trois fois plus fréquent à la Réunion qu’en France métropolitaine. Réduire les complications liées au diabète et à l’obésité est un enjeu capital pour la société réunionnaise. Ainsi, l’innovation et la conception de nouveaux produits alimentaires riches en antioxydants est l’une des voies envisagées parmi les actions déployées pour lutter contre ces maladies.
Que ce soit à la Réunion ou partout dans le monde, la plupart des fruits et des légumes que nous mangeons sont transformés. En effet, après récolte ces derniers se décomposent rapidement, à cause des microorganismes et des enzymes, naturellement présents. Leur durée de conservation étant limitée et afin de limiter les pertes, les fruits et les légumes sont très souvent transformés, que ce soit sous forme de jus, de confiture, de découpes, de préparations, etc. Dans la plupart des cas, des traitements de stabilisation sont appliqués comme le blanchiment, la pasteurisation ou le séchage. Cependant, les procédés impliquant une forte montée en température provoquent dans la majorité des cas une diminution de la teneur en composés hydrosolubles, comme les vitamines et les composés phénoliques [4,5]. Une diminution des capacités antioxydantes accompagne ainsi très souvent l’utilisation de ces procédés. D’autres procédés de transformation n’ont pas cet effet : c’est le cas de la fermentation lactique. La fermentation lactique, est un procédé de conservation et de transformation des aliments utilisé depuis des millénaires [6]. Elle joue un rôle dans les propriétés nutritionnelles des aliments, plus particulièrement celles des fruits et des légumes. La fermentation lactique est un procédé au cours duquel les sucres de l’aliment sont transformés par les bactéries lactiques en acide(s) organique(s), avec production éventuelle d’alcool et de dioxyde de carbone. La production d’acides organiques crée un environnement stressant et inhibe la croissance d’autres microorganismes contaminants et pathogènes. Le produit fermenté obtenu est donc mieux conservé et moins riche en sucre gardant l’ensemble de ses bénéfices nutritionnels, et présenterait un intérêt certain dans la lutte contre le diabète et l’obésité. Plusieurs études réalisées sur des fruits et des légumes, ont montré que la fermentation préservait les propriétés antioxydantes voire les augmentait [7,8]. Ainsi, la fermentation des fruits et des légumes constitue une voie à considérer dans la lutte contre les maladies liées à un stress oxydatif .
Les aliments fermentés peuvent être obtenus de deux façons différentes, soit de façon spontanée, soit par l’utilisation de ferments (ou « starters ») [9]. La fermentation spontanée est une fermentation qui met en jeu plusieurs microorganismes initialement présents à la surface du végétal. C’est une fermentation naturelle, non contrôlée et non prévisible. Le produit fermenté spontanément résulte de l’action combinée de plusieurs activités métaboliques de différents microorganismes [10,11]. Les caractéristiques et les propriétés sensorielles du produit peuvent être obtenues par « hasard » mais très souvent par les savoir faire du préparateur. Au contraire, l’utilisation de ferments conduit à une fermentation contrôlée. La matière première est inoculée avec un ou plusieurs microorganismes dans le but d’accélérer le processus de fermentation et d’apporter des caractéristiques et des propriétés volontairement désirées [11,12]. Ce type de fermentation est plus sûr, la fermentation est suivie aisément, et les propriétés du produit obtenu sont intéressantes tant pour l’industriel que pour le consommateur. En contrepartie, la sélection préalable de ferments doit être menée. Les bactéries lactiques possèdent plusieurs actions bénéfiques que ce soit au niveau du produit obtenu ou au niveau des bénéfices pour le consommateur en améliorant les propriétés sensorielles et les propriétés nutritionnelles. Pendant la fermentation lactique, les bactéries lactiques synthétisent plusieurs molécules, telles que les acides organiques, les exopolysaccharides, les bactériocines. Par leur action enzymatique, elles libèrent également des composés phénoliques et améliorent ainsi leur biodisponibilité. Certaines bactéries lactiques sont reconnues en tant que probiotique, c’est-à-dire qu’elles possèdent plusieurs effets bénéfiques pour la santé de l’hôte. C’est pourquoi, ces dernières années, la recherche de starters de bactérie lactique s’est intensifiée, notamment pour la fermentation de fruits et de légumes, déjà riches en antioxydants. Ces dernières années ont vu également l’émergence de divers produits à base de fruits et de légumes fermentés : jus de tomate, carotte, haricots verts, poivrons, ananas, purée de cerise [13]. Dans ce contexte, la recherche et la sélection de ferments fonctionnels et adaptés à la niche écologique ont guidé ces travaux.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : La fermentation lactique des produits végétaux
I.1. Les aliments végétaux, sources de nutriments
I.1.1. L’eau
I.1.2. Nutriments essentiels : glucides, lipides et protéines
I.1.3. Les minéraux
I.1.4. Les fibres alimentaires
I.1.5. Les vitamines
I.1.6. Les caroténoïdes
I.1.7. Les composés phénoliques
I.1.8. Lutte contre les maladies métaboliques liées à un stress oxydant
I.2. La fermentation lactique des aliments végétaux
I.2.1. La fermentation lactique à travers le temps et l’espace
I.2.2. Intérêt de la fermentation lactique
I.2.3. Quelques produits végétaux fermentés à travers le monde
La choucroute
Le kimchi
Le kombucha
I.3. Les bactéries lactiques
I.3.1. Principales caractéristiques
La voie homo-fermentaire
La voie hétéro-fermentaire
I.3.2. Taxonomie
I.3.3. Les molécules d’intérêt
I.3.3.1. L’acide lactique
I.3.3.2. Les exo-polysaccharides
I.3.3.3. Les bactériocines
I.3.3.4. Autres substances antimicrobiennes
I.4. Bénéfices nutritionnels et effets santé des aliments végétaux fermentés
I.4.1. La préservation et la durée de conservation
I.4.2. L’élimination des composés antinutritionnels
I.4.3. L’amélioration des propriétés sensorielles
I.4.4. La préservation des minéraux et des vitamines
I.4.5. L’amélioration de la digestibilité
I.4.6. Les probiotiques
I.4.7. Augmentation des capacités antioxydantes
CHAPITRE II : Ecosystèmes microbiens des fruits et légumes fermentés
II.1. Pilotage de la fermentation lactique des fruits et des légumes
II.1.1. Effet du pH
II.1.2. Effet de la température
II.1.3. Effet de la teneur en sucre et en sels
II.1.4. La composition de l’aliment
II.1.5. Le type de fermentation choisi
II.2. Les fermentations spontanées
II.2.1. Définition
II.2.2. Microorganismes impliqués
II.2.3. Exemple de fermentation lactique spontanée de fruits et légumes
Le kimchi
La choucroute
Les olives
II.2.4. Limitation des fermentations spontanées
II.2.4.1. Risque de contamination
II.2.4.2. La production d’amines biogènes
II.3. Les fermentations contrôlées
II.3.1. Définition
II.3.2. Les ferments ou starters
II.3.2.1. Les starters allochtones
II.3.2.2. Les starters autochtones
II.3.2.3. Les critères de sélection
II.3.3. Intérêt des fermentations contrôlées
II.4. Émergence des starters autochtones
II.4.1. Émergence des jus de fruits et légumes fermentés
II.4.2. Propriétés fonctionnelles des starters
II.4.3. Exemples d’application et souche de bactéries lactiques utilisées
II.4.4. Du starter autochtone vers les starters commerciaux
CONCLUSION GENERALE
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