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INFERIORITE SOCIALE DE LA FEMME
Si dans le premier chapitre nous avons discerné les caractéristiques de la femme et les rapports qu’elle noue avec l’homme. Ici, notre travail sera orienté vers les inégalités sociales et la ségrégation envers la femme. L’injustice de la société se place également dans le domaine de la religion et privilégie l’homme. L’étude qui va être établie dans cette division montrera la grande différence entre les faveurs accordées aux hommes et celles qui sont destinées aux femmes. Par conséquent, l’analyse se procèdera en deux étapes dont, l’inégalité entre hommel’ et la femme ainsi que la discrimination de la femme.
Inégalité entre l’homme et la femme
Quand il est question d’inégalité dans un univers social, il s’agit surtout d’une différence entre les valeurs sociales octroyées à chaque genre d’individu. Tout cela pour dire que dans une société où la domination de l’homme s’affirme, l’inégalité se présente tel qu’un fléau qui détruit toute une population féminine et cause le rabaissement radical de la femme.
Tout au long du roman, on assiste à la dévalorisation de la femme, une façon d’agir consentie par la société, de même par la religion. L’homme a tous les droits sur la femme, comme il a tous ses droits concernant les affaires de la société. Cette hypothèse pourrait être reliée au fait que l’œuvre est l’élaboration parfaite d’une société régentée par le mâle.
Il est nécessaire alors de voir en profondeur cette supériorité de l’homme dans la société phallocratique maghrebine. Pour expliquer l’inégalité sociale de la femme, nous avons choisi Hadj Ahmed Souleïmane et son filsAhmed, car ce sont deux personnages qui présentent la suprématie masculine à travers leurs agissements. La tyrannie de Hadj atteint toutes les femmes qui vivent sous son toit, que, dans n’importe quelle situation, aucune d’elles ne soit disposée à s’exprimer face à lui.
Le premier fait qui frappe est que nous sommes en présence d’un homme qui se charge de toute responsabilité conjugale. Il prend des décisions irréfutables sans consulter sa propre femme, l’un des narrateurs le note comme suit : « [… ] L’enfant à naître sera un mâle même si c’est une fille ! C’était cela sa décision, une détermination inébranlable, une fixation sans recours » (p.21). Sur ce point, il est certain que la femme soit impuissante vis-à-vis de l’homme. Son rabaissement va jusqu’à la parole, car elle ne peut imposer son opinion sur le déroulement des affaires domestiques touchant le foyer.
Si cette affirmation nous semble banaliser, voire, fouler la femme au pied, contrairement à la pensée maghrébo-islamique, il s’agit d’une attitude tout à fait normale. L’homme a autorité et prééminence dans la mesure où sa suprématie est fondée sur son aptitude et son expérience dans la vie quotidienne et que, c’est lui qui affronte les nombreux problèmes qui touchent sa famille aussi bien que sa société. D’autant plus que c’est même justifié par le Coran :
Les hommes ont autorité sur les femmes du fait que Dieu a préféré certains d’autres, et du fait que les hommes font dépense sur leurs biens en faveur de leurs femmes.1
Ainsi, l’analyse que nous venons de développer démontre que dans la société arabe, il n’y a pas d’inconvénient que l’homme, dans son rang d’époux soit supérieur à la femme.
Pourtant, d’une manière générale, la femme doit être un compagnon pour l’homme, il ne doit pas l’asservir. D’ailleurs c’est pour cela même qu’elle a été crée au commencement : « Votre Seigneur vous a crée à partir d’une personne unique, dont, pour elle, Il a crée une épouse1».
En outre, l’inégalité se manifeste également dans al manière dont Hadj distingue ses enfants. Il accorde un peu plus de poids à Ahmed, bien qu’il soit le dernier, parce que c’est un mâle d’après lui. Ainsi, les sept filles ne valent rien face à Ahmed. C’est la différence de sexe qui est ici mis en exergue. Ce qui témoigne la conception négative de la femme : « Fille sur fille […] chacune des naissances fut accueillie […] par des cris de colère […] Chaque ba ptême fut une cérémonie silencieuse et froide […] Mais pour le huitième il avait passé des mois à le préparer dans les moindres détails ». (p.19-20). Ce qui nous donne l’impression que, la femme est mal perçue et ignorée par l’homme.
On pourrait caractériser de la façon suivante cette tendance à déprécier la femme : d’abord, l’égoïsme de l’homme, qui, davantage profite du respect de la femme envers lui. Ensuite, les traditions sociales et religieuses qui exercent une pression sur la femme en se servant des lois coraniques, comme quoi l’homme soit supérieur à la femme et que cette dernière lui doit obéissance.
Donc, si Hadj Ahmed ne traite pas ses filles de la même façon qu’il traite Ahmed, c’est que dans la société, les enfants mâles ont une grande importance par rapports aux filles, même un nouveau né. Nous pouvo ns certifier cela à travers le roman : « Le bébé était montré de loin […] Les sept filles étaient tenues à l’écart. Le père leur dit qu’à partir de maintenant le respect qu’elles lui devraient était identique à celui qu’elles devraient à leur frère Ahmed ». (p.30). Et encore faut-il préciser qu’un enfant mâle est une fierté des parents, en particul ier le père.
Etant donné qu’Ahmed soit un homme vis-à-vis de la société, alors il est aussi en mesure de manifester son pouvoir d’autorité sur les femmes. Là encore, on peut voir les signes de l’inégalité entre l’homme et lafemme. Avant toute analyse, force est-il de constater qu’Ahmed se sent complètement différent des femmes, du fait qu’il reçoit tous les privilèges accordés aux hommes. De ce fait, nous avons pu voir à travers ses paroles, que son identité masculine, lui procure une sensation de bien-être.
« Pour toutes ces femmes, la vie était plutôt réduite, c’était peu de chose : la cuisine, le ménage, l’attente et une fois par semaine le repos dans le hammam. J’étais secrètement content de ne pas faire partie de cet univers si limité » dit-il (p.34).
Sa distinction dans le cadre social, met en évidence le favoritisme vis-à-vis de ses sœurs et de sa mère, selon lui, la femme est la seule qui cause son propre malheur. Une pareille affirmation est rigoureusement accusatrice de part d’Ahmed, car il souligne que la femme consent le rabaissement de l’homme. Cependant, il n’est pas question d’aversion pour les femmes, mais plutôt d’une prise de conscience à propos du sort de la femme. Ahmed a donc recours à l’autoritarisme pour conscientiser les femmes dans son entourage, ce qui implique une idée qui soutient la loi de la société maghrébine, dans la mesure où il agit tel qu’un vrai homme musulman en imposant son opinion.
En quelque sorte, Ahmed se plaît d’être un mâle, car les femmes, c’est-à-dire sa mère et ses sœurs, lui doivent un grand respect. Sa brutalité s’acharne sur elles, parce qu’étant successeur du père, il doit agir comme un homme puissant et fort. Un passage du livre indique ce pouvoir : « A partir de ce jour, je ne suis plus votre frère, je ne suis pas votre père non plus, mais votre tuteur […] Vous me devez obéissance et respect » (p.65). Nous pouvons comprendre donc l’inégalité par le fait que le mâle, quel que soit l’âge, est permis d’étendre sa domination sur la femme.
Le problème n’est pas de savoir si la femme est un être humain ou non, mais plus exactement si elle est considérée comme un être libre. Effectivement, même un esclave est un être humain, ainsi le fait de ne pas traiter la femme tel qu’un être libre, c’est la placer au même rang que l’esclave car, ell e est toujours inférieure à l’homme dans tous les domaines. Par conséquent, sa différence par rapport à l’homme aboutit fatalement à sa discrimination.
Discrimination de la femme
La discrimination se présente dans la manière d’exclure la femme de tous les droits et les privilèges qui, selon la tradition et la religion, sont réservés uniquement aux hommes. Cela reflète parfaitement la société conçue par les hommes et pour les hommes. Nous avons déterminé dans le roman que, la distinction de la femme se dévoile du point de vu sexuel et matériel, c’est-à-dire à propos de l’héritage.
Dans la société maghrébine, on ne peut pas parler de tradition sans mentionner des versets coraniques. En effet, c’est à partir du Coran qu’ont été puisées les recommandations sur la femme et sa place dans la société, par rapport à l’homme. A propos de la discrimination sexuelle de la femme, en lisant le roman, nous avons pu voir que les maghrébins ont une façon étrange de raiter la femme. Il est même noté à la page 111 que c’est un peuple affamé de sexe.
Donc, ici la discrimination se manifeste dans la manière de considérer la femme, tel un simple objet de désir pour l’homme, car : « Les hommes regardent les femmes en pétrifiant leurs corps ; chaque regard est un arrachage de djellaba et de robe. Ils soupèsent les fesses et les seins, et agitent leur membre derrière leur gandoura.» (p.101-102).
Dans un premier temps, nous pourrions avancer l’idée qu’il s’agit d’une obsession des hommes au Maghreb. Pourtant, ce qui est sûr, c’est que ce vice est propre à tous les hommes de tous les pays du monde. Dans ce cas, nous pouvons admettre que cette attitude qui tend à minimiser le sexe, découle de la tradition. De surcroît, ce qui différencie les arabes des autreshommes, c’est que chez eux le besoin sexuel de l’homme est même protégé par la religion. La femme devient ainsi une machine à satisfaire ce désire, un passage du Coran le prouve :
Vos femmes sont un champ de labour pour vous. Venez à votre champ de labour, comme vous voulez1 !
Encore faut-il préciser que même le fait d’utiliser des termes autour du sexe, est interdit à la femme. En principe, ce sont des termes jugés tabous, et que seul l’homme a droit de les prononcer. Ainsi, Ben Jelloun fait preuve d’audace et de liberté, en introduisant ces mots arabes dans l’œuvre. Et surto ut, quand ce sont des femmes même qui les prononcent, bien que cela soit à voix basse. A savoir : « Mani », c’est-à-dire sperme en français, « qlaoui » qui se traduit par couilles ou testicules, et enf in « taboun », c’est-à-dire vagin (p.35). Nous constatons à partir de cette analyse, le caractère non épanoui de la tradition maghrébine, dans mesure où vis-à-vis de l’homme, la femme demeure un sexe faible. Pourtant, il est évident qu’appeler la femme « le sexe faible », est l’injustice de l’homm e envers elle.
Outre le domaine corporel, la ségrégation envers la femme s’exerce également dans le partage des biens. Nous avons affaire ici à un système d’héritage patriarcal, autrement dit, qui favorise les héritiers du côté paternel et les enfants mâles, sans prendre en considération la part de la femme. Le problème d’héritage se voit d’emblée à travers le roman.
En quelque sorte, c’est l’un des facteurs qui a provoqué les déviations du récit sur la vie d’Ahmed, car il fait partie des raisons qui ont poussé Hadj à modifier l’identité de sa fille. Effectivement, il est sans recours avec tout ce qu’il possède, comme il est un potier aisé. Alors, s’il n’a pas d’héritier, nonseulement tous les biens appartiendront à ses frères, mais en plus il serait rejeté par la société. Quant à la mère, même si elle n’a droit à l’héritage, elle doit accepter toutes esl manigances sur Ahmed, pour sauver l’héritage de ses enfants ainsi que l’honneur de son mari.
Néanmoins, ce qui est frappant, c’est que la religion intervient encore dans la façon de diviser l’héritage. Force nous est donc de dégager la conception, selon laquelle, dans société magrébine, il ne s’agit plusde la loi, en tant qu’ensemble des règles juridiques, qui détermine l’organisation sociale, mais plutôt la loi divine. Etant donné qu’il n’y a pas une seule loi où l’on ne trouve soit des recommandations de Dieu, soit celles du prophète et dont la plupart des cas, des recommandations qui avantagent l’homme. Pour affermir cette idée, nous allons nous baser sur ce verset :
Voici ce dont Allah vous fait commandement. Au sujet de vos enfants : aux mâles, portion semblable à celle de d eux filles.
(Sourate des femmes, IV, 11-12)1
Avoir des progénitures mâles est donc un bonheur po ur un père, car la religion ne fait grâce de rien pour l’homme sans héritier, e lle le prive de ses fortunes et ne donne qu’un tiers à la femme. Ce système de partage au profit de l’homme, s’explique par le fait que, c’est lui qui doit subvenir aux besoins de la femme. Ce serait donc injuste de donner à la femme autant qu’à l’homme. Ainsi, dans la société maghrébine qui est une société musulmane, il est tout à fait égal si la femme hérite moins.
A ce propos, nous allons mettre en parallèle la discrimination de la femme maghrébine, en matière d’héritage avec la traditionmalgache sur le « kitay telo andàlana 1 ». En effet, ce dernier se rapproche du système patriarcal, dans la mesure où il est question de procéder au partage des biens et dans laquelle la femme n’a droit seulement qu’à un tiers. Ceci est donc la preuve qu’elle reste insignifiante dans une société où ce sont les hommes qui accaparent le plus de pouvoir, comme si elle est fatalement inférieure.
Tout ce que nous venons de voir sur la femme dans la société maghrébine, nous a permise de constater que face à l’homme, elle est chosifiée et toujours victime de la société. Donc elle n’a pas tellement sa placedans le monde phallocratique, car elle est rabaissée où qu’elle soit. Sur ce, pour pouvoir élargir cette réalité, en nous appuyant sur l’œuvre, nous orienterons notre travai l vers la violence endurée par la femme.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: LA FEMME DANS LA SOCIETE MAGHREBINE
CHAPITRE I: SITUATION FAMILIALE DE LA FEMME
1.1. LA FEMME EPOUSE ET MERE
1.2. LA RELATION HOMMES-FEMMES
CHAPITRE II: INFERIORITE SOCIALE DE LA FEMME
2.1. INEGALITE ENTRE L’HOMME ET LA FEMME
2.2. DISCRIMINATION DE LA FEMME
DEUXIEME PARTIE: LA FEMME MAGHREBINE FACE A LA VIOLENCE
CHAPITRE I : VIOLENCE FAMILIALE ET RELIGIEUSE
1.1. VIOLENCE AU SEIN DU FOYER
1.2. VIOLENCE AU SEIN DE LA RELIGION
CHAPITRE II: CONSEQUENCES DE LA VIOLENCE
2.1. AFFLICTION DE LA FEMME
2.2. PERTE DE COHERENCE FAMILIALE
TROISIEME PARTIE : LA FEMME MAGHREBINE ET SES REVENDICATIONS
CHAPITRE I: RECHERCHE DE LA PERSONNALITE
1.1. CRISE D’IDENTITE
1.2. QUETE DE LA FEMINITE
CHAPITRE II: REVOLTE DE LA FEMME
2.1. REVOLTE CONTRE L’HOMME (CAS D’AHMED)
2.2. REVOLTE CONTRE LA SOCIETE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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