La féminité, la masculinité, le genre

La féminité, la masculinité, le genre 

Penser le genre, le sexe et l’égalité femme/homme en géographie

En géographie tout comme en sciences sociales en général, parler d’égalité femme homme revient à aborder le concept de genre. Avant d’aborder l’utilisation, encore difficile de nos jours, du concept de genre dans la recherche française, je propose d’explorer les racines anglophones de ce terme afin de pouvoir en proposer une première définition. J’évoquerais par la suite le lien entre géographie féministe, géographie urbaine et géographie du genre pour finalement aborder la question du développement des études de genre de nos jours, en recentrant la différence entre recherche anglophone et française. Cette première sous-partie n’a pas pour vocation de proposer une définition du concept de genre tel qu’il sera appliqué dans cette thèse, mais plutôt d’établir un premier tour d’horizon ainsi qu’un historique de ce concept très large, indispensable à la compréhension de ce travail.

Le concept de genre, origine et définitions 

Dès la fin des années 1970, des géographes féministes commencent à dénoncer le fait que la question de la femme et de la perpétuation de stéréotypes genrés, visant autant les femmes que les hommes, soit mise de côté (Bondi et Rose 2003, 230) dans la recherche en géographie humaine. Selon Mashhadi Moghadam et Rafieian (2019, 2), c’est plus exactement en 1978 dans le numéro spécial de “The International Journal of Urban and Regional Research“ que la notion de ville est reliée à la recherche féministe. C’est donc après les années 70 que nous assistons à un changement de qualification dans l’élaboration des politiques ainsi que dans la recherche scientifique, avec un déplacement de l’utilisation du terme « femme » vers le terme « genre » (Mashhadi Moghadam et Rafieian 2019). En effet, un des éléments les plus intéressants liés à l’utilisation du terme de genre est qu’il ne s’agit plus de chercher à inclure les femmes, mais plutôt de prendre en compte les discriminations liées aux déterminants féminins ou masculins comme un système. Aborder la question des discriminations à l’encontre des femmes en utilisant le terme de genre, c’est reconnaitre la responsabilité des hommes et ne pas les exclure de cette équation, comme si ceux-ci n’étaient pas vraiment concernés (Graglia 2016).

« Gender is also more inclusive and relational as it addresses both women and men as well as their interactions (McRobbie, 2009). The gender approach is a response to those early advocates of feminism who wondered why only men should be involved in development plans (Lombardo & Meier, 2006). These advocates were certainly unaware of the deep roots of the male interests in the implementation of policies (Rai, 2017). The other advantages of a gender approach are that it defines problems and analyses the alternatives in a broader sense (Lazar, 2005). » (Mashhadi Moghadam et Rafieian 2019, 2) .

Ainsi, le genre constitue plus un système de pensée, un système de réflexion, permettant de s’adresser à la fois aux hommes et aux femmes, particulièrement utilisé chez les chercheuses et chercheurs féministes. La géographie féministe (Bondi et Rose 2003; Rodó-de-Zárate et Baylina 2018; Peace, Longhurst, et Johnson 1997; Landesman 2018; Desbiens 1999) et plus précisément la géographie féministe liée à l’urbain (M. Butcher et Maclean 2018) a joué un rôle particulier dans le développement du concept de genre. En effet, l’utilisation d’un cadre de réflexion féministe pour la géographie urbaine est primordiale pour Landesman (2018) et cela pour plusieurs raisons.

« Below I present three examples of how feminism strengthened the dissertation during research design, fieldwork, and analysis: (i) a feminist reading of a decade-long debate in urban studies led to an original critique of the theory of urban marginality; (ii) feminist subjectivity in the field revealed a previously unnoticed gendered dynamic of state policy implementation; and (iii) feminist analysis of data strengthened theory refinement during dissertation writing.” (Landesman 2018, 455) .

Un de ces éléments de réflexion concerne la question du genre qui, selon Bondi et Rose (2003), n’aurait pas pu se développer hors du contexte urbain. En effet, pour ces auteures, l’urbain agit comme une échelle d’analyse à travers laquelle le genre est à la fois constitué et expérimenté. Cependant le genre est souvent associé ou mis en opposition avec un autre concept, le sexe. Afin de mieux comprendre le genre, je propose donc un détour par la compréhension de cette notion de sexe. Robyn Longhurst, une géographe néo-zélandaise auteure de travaux fondateurs sur le corps, développe notamment les origines de cette distinction entre sexe et genre .

« The distinction between sex and gender did not originate from feminist writings; rather, it was derived from the work of psychologist Robert Stoller. In 1968 he published a book called Sex and Gender in which he argued that the biological sex of a person augments but does not determine the appropriate gender identity for that person. Rather, a person’ s gender identity is primarily the result of post-natal psychological influences. » (Longhurst 1995, 100).

Il est possible malgré tout de se poser la question, pourquoi faire cette distinction? Pourquoi parler de la question du genre dans les espaces publics et non pas du sexe ? Longhusrt, par l’intermédiaire de Johnson, soulève le possible problème de la distinction systématique entre sexe et genre en géographie et de l’utilisation du concept de genre comme concept tampon, comme une barrière contre l’essentialisme biologique.

« Johnson (1990, p. 18) argues that there are a number of implications of employing the sex/gender distinction in geography. One of these is `the omission of the body as a vital element in the constitution of masculine and feminine identity and the consignment of those who argue for a “corporeal feminism” into the nether world of biological essentialism’. Johnson claims that geographers, `in their zeal to avoid the accusation of biologism and by embracing the logics of historical materialism and liberalism, have ignored the possibilities of examining the sexed body in space. » (Longhurst 1995, 100) .

Une différenciation anglophone et francophone du concept de genre

Malgré le développement important du concept de genre et de l’introduction du gender mainstreaming ou « approche intégrée de l’égalité » consistant à prendre en compte la question de l’égalité face au genre dans la création des politiques et des dispositifs publics (Dauphin et Sénac-Slawinski 2008; Tummers 2015), le degré d’intégration de cette question n’est pas équivalent selon les pays, tout comme la question de l’intégration du genre dans la recherche.

« First, it is important to remember that in many anglophone countries the notion of gender is fully integrated into research as a necessary and relevant dimension. Equality is understood as equality between men and women. Gender mainstream is a relevant tool and legitimate in and out of the university. But it is also important to remember that in many others countries in the world, like in France, it is not the case. » (Blidon 2018, 591). 

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : La féminité, la masculinité, le genre
1. Penser le genre, le sexe et l’égalité femme/homme en géographie
1.1. Le concept de genre, origine et définitions
1.2. Une différenciation anglophone et francophone du concept de genre
2. La féminité et la masculinité, une construction sociale
2.1. Les images du genre en sciences sociales
2.2. Le care et autres attraits « féminins » : une constatation de société mais pas un fait universel
3. Analyser le genre par le prisme de l’intersectionnalité
3.1. L’intersectionnalité, origine et définition
3.2. L’intersectionnalité en France et dans les pays francophones
3.3. L’intersectionnalité de nos jours, l’importance de la dimension spatiale
4. L’espace public est-il genré ?
CHAPITRE 2 : Les rapports entre espace public et espace corporel
1. Définition de l’espace corporel en géographie : un nouveau champ d’étude en France
1.1. Le corps, un objet mobilisé par les géographes féministes anglophones
1.2. Mais un objet avec des résonances francophones
2. Corps et revendication dans les espaces publics
2.1. Des Suffragettes aux Femens en passant par les SlutWalks, une appropriation féministe et politique du corps de la femme
2.2. Des formes alternatives de revendication de l’espace public : exemples du mouvement post-porn et du Lady-Fest
3. Habillement, regards sur le corps et relations avec l’espace public
3.1. Habillement, regards et stature dans l’espace public
3.1.1. S’habiller et paraître pour l’espace public
3.1.2. Confort, inconfort et regards
3.2. Le choix du mode de déplacement, une construction genrée
3.3. Corps fantasmés, corps du dégoût, corps exclus
3.4. Homme ou femme ? Être non binaire et/ou non hétérosexuel dans l’espace public
4. De l’ethnicité au statut social, une exclusion plus ou moins (re)marquée
4.1. L’origine ethnique, la religion et l’âge
4.2. Le statut social, la maternité et l’orientation sexuelle
CHAPITRE 3 : Origines et effets de la peur genrée dans les espaces publics
1. Historique du rapport entre femmes et espaces publics
2. Une exclusion aujourd’hui moins marquée mais bien réelle
2.1. Une exclusion apparemment en baisse dans les indicateurs sociaux
2.2. Peur, risque et harcèlement de rue, une exclusion des espaces publics toujours d’actualité
3. Avoir peur dans les espaces publics, entre faits, perception et représentation
3.1. Qu’est-ce que la peur genrée dans les espaces publics ?
3.2. Les enquêtes nationales en France (Enveff, Virage) : utilité, limites
4. La construction sociale de la peur genrée et ses répercussions
4.1. La peur genrée, une construction sociale
4.2. Déclencheurs et effets de la peur genrée
4.3. Peur genrée et mobilité
4.4. Une pratique codifiée des espaces publics
4.5. Les « murs invisibles »
CHAPITRE 4 : Égalité femme/homme dans l’aménagement des espaces publics
1. Un espace public fait par et pour les hommes
1.1. Des espaces publics pensés au masculin
1.2. Construire l’espace public par et pour les femmes comme outil d’inclusivité
2. Aménager un espace public genré pour plus d’égalité
2.1. Identifier pour mieux aménager
2.2. Les SIG, un outil d’aménagement inclusif et de réflexion féministe sous-exploité
3. Les transports publics et la mobilité, un enjeu primordial pour la ville inclusive
3.1. Une différenciation genrée de la mobilité
3.2. Prendre en compte le genre dans l’aménagement des transports
CONCLUSION GÉNÉRALE

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