La famille à l’épreuve des droits fondamentaux

La famille, une notion apparemment familière. « La famille, notion dont chacun connaît intuitivement le contenu, se définit en droit comme un groupe de personnes qui sont reliées entre elles par des liens fondés sur l’alliance et la parenté : dans la conception traditionnelle, elle repose donc sur le mariage et la filiation. La simple affection, même avec vie commune, n’y suffit pas : malgré l’extension actuelle du concubinage, on ne parle pas vraiment de véritable famille avant le lien créé par un enfant, lien de filiation » . La multitude des combinaisons affectives possibles ne forme pas automatiquement une famille, mais la seule définition de la famille comme un groupe de personnes unies par des rapports de parenté ou d’alliance est « insuffisante à notre époque » . Si les concubins ne sont pas considérés comme une famille, en droit civil, tant que ceux-ci n’enfantent pas, les partenaires sont membres d’une même famille à partir du moment où est conclu entre eux un pacte civil de solidarité, comme l’ont affirmé le Conseil Constitutionnel et la Cour de cassation . Les critères de définition de la famille varient d’une matière à l’autre, ce qui classe la famille parmi les « notions mouvantes du droit » , ou notion à contenu variable. Pour illustration, les contours du foyer fiscal ne sont pas identiques aux contours de la famille retenus en droit des successions, qui ne sont pas identiques à ceux du droit de la famille, ni à ceux du droit de l’immigration et encore moins à ceux du droit pénal ou du droit social. Les formes de vie familiale simplement fondées sur la communauté de vie ont une reconnaissance juridique différenciée selon la matière concernée et cette polyphonie est encore accentuée par l’importance accordée aux droits subjectifs de l’individu tant en droit national qu’en droit international. Le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et leurs juridictions se gardent de définir la famille ou de viser un groupe familial précis, afin d’intégrer le plus large spectre possible de relations entre individus sous la bannière de la « vie familiale ». De la connaissance intuitive de la famille à sa maîtrise notionnelle, il y a donc plus d’un pas. L’article L. 211-1 du Code de l’Action sociale et des familles, qui délimite le périmètre des associations familiales, offre pourtant un premier reflet des contours de la famille tels qu’ils existent actuellement en droit national. Selon ce texte, ont le caractère d’associations familiales « les associations qui ont pour but essentiel la défense de l’ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d’entre elles et qui regroupent : des familles constituées par le mariage ou le pacte civil de solidarité et la filiation ; des couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité sans enfant ; toutes personnes physiques soit ayant charge légale d’enfants par filiation ou adoption, soit exerçant l’autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente ». Il n’existerait donc pas une, mais des familles, traduisant une désaffection des cadres légaux figés et une protection plus ciblée de l’individu ; c’est pourquoi le terme famille n’est qu’apparemment familier.

La famille, un terme juridique ? Toute la difficulté d’un travail sur la famille en droit positif tient à cette question de saisir la famille en tant que notion juridique, au-delà de l’intuition. Or, la première question qui doit se poser est celle de savoir si la famille est bien une notion juridique et la réponse semble positive, mais doit être étayée. Si le droit connaît les personnes, la filiation, le mariage ou le contrat, la famille n’est pas à proprement parler une notion de droit ; c’est en tous cas une « notion incertaine »  . Le droit, en tant qu’« ensemble de règles de conduite socialement édictées et sanctionnées, qui s’imposent à la société » , ne définit pas la famille qui apparaît comme « un ensemble de liens complexes que le droit ne peut ni saisir, ni maîtriser, ni former, ni rompre » . Le droit régit bien certains aspects des relations familiales  sous l’angle du couple, des personnes ou de l’enfant – ce qui constitue le droit de la famille et des personnes, mais il n’est pas à l’origine du processus de regroupement des Hommes. Ce processus est hautement complexe puisqu’il est lié au comportement procréateur, aux mœurs et aux évolutions sociales, autant de paramètres que le droit positif prend en compte, sans les contrôler. Le terme de « vie familiale » issu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme remplace progressivement le terme famille en droit, mais il s’en distingue. La vie familiale permet des contours variables, ajustables selon les situations affectives, la famille induit des contours plus stricts. La famille en droit renverrait à une définition institutionnelle stricte tandis que la vie familiale renverrait à une acception plus sociologique. La notion de famille est en quelque sorte une réalité incontournable que le droit est obligé d’appréhender, sans toutefois la régir. Ainsi, la première difficulté réside dans la démarche même, qui consiste à essayer de saisir sous l’angle du droit, une notion qui n’est pas, par nature, juridique. La famille est une structure vivante, mouvante, qui change à travers les époques, les coutumes et les valeurs dominantes. Chaque époque historique connaît sa forme de famille et le comportement procréateur est différemment appréhendé par le droit, en fonction des us, coutumes et croyances d’une époque. Les règles de droit romain de la famille diffèrent des règles du Royaume franc, de la période révolutionnaire et de l’Empire, mais la notion de famille perdure car les Hommes ne cessent de nouer des relations affectives et sexuelles, de procréer et de générer une économie donnant lieu à la question de la transmission du patrimoine.

LA TRANSFORMATION ACCÉLÉRÉE DE LA FAMILLE 

Fondamentalisation du droit de la famille. La rencontre de la famille et des droits fondamentaux est consommée. Après la première phase d’indifférence des deux notions, leur interférence a donné lieu à la mutation de la notion de famille. Juridiquement, la famille n’est plus une institution imposée de l’extérieur, mais un choix modulable de l’intérieur, excluant tout conformisme à un ordre public préétabli. Les droits fondamentaux participent de la libéralisation de la famille qui, de lignagère, patriarcale et inégalitaire devient égalitaire, nucléaire et pluraliste. Le droit de la famille n’est plus seulement un phénomène national, mais bien un phénomène international, qui trouve en partie sa source dans les droits fondamentaux érigés par les institutions européennes. L’Union européenne et le Conseil de l’Europe travaillent à la circulation de modèles familiaux respectueux de toutes les situations affectives, assimilant la notion de famille et celle de vie familiale, diminuant les interdits et privilégiant l’effectivité des relations créées. Seuls persistent en Occident les interdits de l‘inceste et de la polygamie. L’adultère, le divorce, l’adoption homosexuelle, la conception d’enfant hors mariage, l’aide médicale à la procréation et la gestation pour autrui sont abordés par le droit. La notion de famille a subi une transformation qui est souvent qualifiée de révolution. L’évolution des mœurs, les deux grandes guerres mondiales et l’expansion des droits de l’homme sont, en partie, à l’origine de cette métamorphose. Ces normes supranationales incontournables innervent les normes nationales inférieures, dans le sens des standards juridiques européens, de telle façon que la notion de famille est aujourd’hui gouvernée par les droits fondamentaux .

LA FAMILLE GOUVERNÉE PAR LES DROITS FONDAMENTAUX

Effectivité des droits fondamentaux. Les normes supranationales sont d’origines diverses, composées de textes déclaratifs et de textes contraignants. Leur place au sommet de la hiérarchie des normes les rend incontournables pour les États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Le Conseil de l’Europe est l’impulsion première en matière de droits de l’homme et a été relayé par l’Union européenne, au fur et à mesure de sa construction. Il existe une réelle coopération entre les ordres juridiques en matière de droits fondamentaux, à tel point que la question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est posée depuis 1968. Si cette adhésion semble compliquée par des questions politiques, il n’en demeure pas moins que les droits fondamentaux sont un pilier de la construction européenne, ils représentent un socle de valeurs incontournables et agissent comme une caution morale pour l’Europe. La coopération des deux ordres supranationaux est consacrée par leurs juridictions qui entretiennent une forte interaction. Les deux Cours emploient des méthodes d’interprétation similaires, créatrices de droit. La jurisprudence occupe une place prépondérante dans le déploiement des droits fondamentaux et les juridictions coopèrent dans le renforcement de la protection des droits garantis. Pour ce faire, elles emploient des méthodes extensives et se fondent sur des textes extérieurs à leurs ordres juridiques. Leur visée première est d’assurer l’effectivité des droits garantis, en s’appuyant parfois sur des décisions rendues par d’autres Cours supranationales, de façon parfois même inattendue. Dans cette logique expansionniste, les Cours dialoguent afin de faciliter l’unité d’interprétation des droits fondamentaux en matière familiale. La légitimité des juges supranationaux et la crédibilité des droits fondamentaux sont en jeu. Cette interconnexion des Cours, la force interprétative des décisions rendues, permettent au droit européen des droits de l’homme de s’imposer et de dominer l’évolution des droits fondamentaux de la famille. L’impact des droits fondamentaux européens sur la famille est bien réel .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1. LA TRANSFORMATION ACCÉLÉRÉE DE LA FAMILLE
TITRE 1. LA FAMILLE GOUVERNÉE PAR LES DROITS FONDAMENTAUX
Chapitre 1. L’impact des droits fondamentaux européens sur la famille
Chapitre 2. L’incidence des standards juridiques européens sur la famille
TITRE 2. LA FAMILLE ADAPTÉE AUX DROITS FONDAMENTAUX
Chapitre 1. La contractualisation continue de la famille
Chapitre 2. L’affaiblissement juridique de la famille
PARTIE 2. LA FAMILLE DÉPASSÉE PAR SA TRANSFORMATION
TITRE 1. L’HARMONISATION CONFLICTUELLE DE LA FAMILLE
Chapitre 1. Un statut européen de la famille en construction
Chapitre 2. Une coordination difficile en droit international privé de la famille
TITRE 2. LA REDÉFINITION NÉCESSAIRE DE LA FAMILLE
Chapitre 1. La révision des méthodes d’élaboration du droit de la famille
Chapitre 2. La régulation des méthodes des Cours européennes en matière familiale
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
TABLE DES MATIÈRES

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