La façon dont les buts sont marqués à la Coupe du Monde de soccer
Bien que l’arrivée des femmes sur la scène sportive se soit effectuée majoritairement à partir des années 1970, il existait déjà au début du siècle, en Angleterre et en Amérique, des équipes de soccer féminines. Dans un article intitulé The game of choice : Girl ‘s and women ‘s soccer in Canada (Hall, 2003), l’auteure explique qu’à l’automne 1922, après que leur ligue eut été bannie pour des raisons plus ou moins douteuses, une équipe de soccer féminine qui jouait devant des milliers de spectateurs en Angleterre, débarqua au Canada afin de faire la tournée des quelques éq,uipes canadiennes et américaines. Malgré le fait que les organisateurs de ce voyage ne savaient pas trop qui seraient leurs adversaires, il existait bel et bien quelques équipes féminines, notamment dans l’ouest du Canada, où s’affrontaient devant de petites foules locales, deux équipes : les femmes mariées et les femmes célibataires. Toutefois, dès l’arrivée de l’équipe britannique en sol canadien, la Dominion Football Association du Canada interdisait à ses équipes masculines d’affronter des équipes féminines, et s’opposait également au fait que des femmes puissent jouer au soccer. N’ayant pas d’autres choix, les joueuses britanniques se rendirent donc aux États-Unis, où elles affrontèrent uniquement des équipes masculines.
Il faudra ensuite attendre les années cinquante avant de voir à nouveau des équipes de soccer féminines au Canada, plus précisément à Montréal, où des équipes anglophones (l’université McGill, le McDonald Coflege, l’université Bishop’s et quelques équipes de niveaux secondaires) s’affrontaient. Puis, vers la fin des années soixante, les jeunes filles désirant jouer gagnèrent le droit de s’inscrire au sein d’équipes masculines. Ce n’est toutefois qu’à partir des années soixante-dix que les premières ligues de soccer pour filles apparurent. C’est d’ailleurs en 1972, aux États-Unis, qu’est voté Title IX, un amendement interdisant toute discrimination sur la base du sexe dans les programmes ou activités éducatives soutenues par l’État, et donnant aux femmes l’égalité des chances dans le sport (Stevenson, 2007). À cette époque, Tille IX représentait une avancée importante dans le monde du sport féminin. Qui plus est, la participation des femmes dans des sports auparavant réservés aux hommes, dont le soccer, ne cesse de croître depuis la création de cette loi (Stevenson, 2007).
Ainsi, l’accessibilité et la popularité du soccer féminin ne cessant d’augmenter au Canada durant les années quatre-vingt, la première équipe nationale de soccer féminin fut créée en 1986 (Association Canadienne de Soccer, 2013). Jusqu’à sa création, les joueuses de soccer avaient très peu, sinon aucune opportunité de jouer à un niveau élevé au Canada. C’est grâce à cet engouement grandissant, et à une structure de plus en plus organisée que le premier championnat féminin de soccer interuniversitaire canadien eut lieu en 1987 (ACS, 20l3). Toutefois, bien que le développement du talent, jumelé aux opportunités de jouer à un niveau élevé, aient permis aux joueuses de viser de nouveaux sommets, l’équipe féminine canadienne ne parvint pas à se qualifier pour la première Coupe du Monde de soccer féminin en 1991. Par contre, en dépit d’un soutien financier restreint de la part de l’Association Canadienne de Soccer, l’équipe féminine se qualifia pour la Coupe du Monde en 1995, mais comme elle termina au lOe rang, ne put prendre part aux Jeux olympiques d’Atlanta l’année suivante (Hall, 2003). Cependant, malgré un départ plutôt lent sur la scène internationale, l’équipe nationale canadienne fait désormais partie de l’élite mondiale (FrF A, 2013), grâce, entre autres, à leur médaille de bronze remportée lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Cette médaille représente d’ailleurs la première médaille olympique de l ‘histoire du soccer canadien (FIFA,2013).
Analyse notationnelle
La performance sportive peut être analysée de diverses façons et les entraîneurs et analystes ont désormais accès à une multitude d’outils leur permettant d’évaluer la performance au soccer (Carling, Williams et Reilly, 2005). En ce sens, on retrouve de nombreuses études s’intéressant à l’analyse de la performance sportive (Hughes & Franks, 2008; Carling et al., 2005), et une des techniques de plus en plus utilisées afin de réaliser cette fonction dans le sport collectif, notamment au soccer de haut niveau, est l’analyse notationnelle (AN). L’AN pennet d’analyser la performance sportive à l’aide d’indicateurs précis liés à un sport donné . Ces indicateurs sont ensuite regroupés pour constituer une grille d’analyse afin de pennettre une évaluation objective de la perfonnance, de sorte que les évènements critiques ayant eu lieu avant celle-ci puissent être quantifiés de manière cohérente et fiable. Ainsi, elle peut être utilisée pour mesurer le changement de comportement de l’athlète, pour l’implantation d’un système tactique, pour analyser les perfonnances de façon quantifiable et mesurable, pour fournir une rétroaction précise et adéquate et pour structurer l’analyse des perfonnances des athlètes pendant les matchs (Hughes & Franks, 2008).
Reep et Benjamin (1968) sont les premiers à s’être intéressés à l’analyse de la perfonnance au soccer. Dans leur étude Skill and Chance in Association Football (1968), ils ont procédé à l’analyse des schémas offensifs de matchs compris entre 1953 et 1967 en Angleterre, démontrant que la majorité des buts au soccer britannique se marquent en trois passes ou moins. Au fil du temps, plusieurs chercheurs ont perfectionné les méthodes d’AN en ajoutant des indicateurs à ceux définis par Reep et Benjamin (1968). On retrouve désonnais des analyses comprenant des indicateurs tels que le moment du but, la partie du corps utilisée pour marquer, le type de jeu, le temps de possession, la technique utilisée pour frapper le ballon, et plus encore (Hughes & Franks, 2008). Malgré une utilisation grandissante au soccer masculin, l’AN reste tout de même très peu utilisée au soccer féminin (Bergier, Soroka, et Buraczewski, 2009; Konstadinidou & Tsigilis, 2005; Thomas, Fellingham, et Vehrs, 2009; Mara, Wheeler, et Lyons, 2012). Aussi, la recherche utilisant l’AN est surtout descriptive (Hughes & Franks, 2008), et la façon d’évaluer la perfonnance au soccer peut varier. En lien avec cette idée, l’AN sera donc utilisée dans ce mémoire afin d’évaluer le phénomène de l’avantage du terrain (AT) en fonction des trois caractéristiques d’un but énoncées précédemment (c.-à-d., le où, le quand et le comment).
L’avantage du terrain dans le sport
Selon Courneya et Carron (1992), l’AT dans le sport s’explique par le fait qu’une équipe jouant à domicile gagne plus de 50 % de ses matchs, et ce, en fonction d’un calendrier comprenant autant de matchs à domicile qu’à l’étranger. D’ailleurs, la recherche sur ce sujet démontre effectivement que les équipes et les individus jouant à domicile bénéficient d’un certain avantage par rapport à l’adversaire visiteur ou à l’équipe visiteuse, tous sports confondus (Jamieson, 2010). Malgré le fait que les résultats diffèrent d’un sport à l’autre, il est intéressant de noter que le plus grand effet observé concernant l’AT a été constaté au soccer (Jamieson, 2010). L’AT semble donc être un facteur pertinent à examiner si l’on s’intéresse à comprendre pourquoi plus de buts sont marqués dans ce contexte. Étant donné que l’équipe locale gagne plus souvent à domicile au soccer, il devient alors possible de vérifier quels facteurs expliquent ce meilleur rendement de la part de celle-ci.
Cinq facteurs peuvent être utilisés pour expliquer ce phénomène: le lieu de la partie; les facteurs associés au lieu; les aspects psychologiques; les aspects comportementaux et les mesures de la performance (d’où le lien avec l’AN) .
MISE EN CONTEXTE DES TROIS ÉTUDES DE CE MÉMOIR
Bien que les travaux de Gay ton, Mutrie et Hearns (1987) permettent d’affirmer que l’AT existe aussi dans un contexte sportif féminin, il existe, à notre connaissance, une seule étude ayant évalué ce phénomène au soccer féminin (Pollard & Gomez, 2012). De plus, les résultats antérieurs à propos de l’AT, obtenus grâce aux indicateurs proposés par Courneya et Carron (1992), sont mitigés. D’une part, les indicateurs familiarité des infrastructures, trajet et règles spécifiques ne semblent pas influencer une équipe plus qu’une autre, tandis que la taille de la foule semble être l’indicateur ayant la plus grande influence sur le résultat d’une partie à domicile (Nevill & Holder, 1999). Deux mécanismes sont proposés afin d’expliquer ce phénomène, soit a) la foule permettrait à l’équipe locale d’avoir une meilleure performance que l’équipe visiteuse, ou b) la foule inciterait les officiels à favoriser l’équipe locale.
Ainsi, la première étude de ce mémoire consistera à observer des indicateurs de performance en lien avec l’AT dans le sport, et ce, pour des joueurs de soccer masculins et féminins. Par exemple, pour cette étude, les données ont été recueillies à partir d’indicateurs généraux (victoire/défaite) et du différentiel de buts pour chaque équipe. Corrune décrit précéderrunent, ce niveau d’AN se compare aux statistiques que nous retrouvons tous les jours dans les médias sportifs, car il offre un portrait global de la performance sportive. L’endroit où a lieu une joute peut donc être utilisé afin d’analyser plus en détail le fait de marquer un but. De ce fait, jouer à domicile présente-t-il un réel avantage en terme de victoires (Coumeya & Carron, 1992) ou en terme du nombre de buts marqués durant une partie .
Étude 1 – L’avantage du terrain au soccer universitaire américain
Les études ayant examiné la notion d’AT en sports féminins sont rares (Gay ton, Mutrie, et Hearns, 1987; Madrigal & James, 1999; Baghurst & Fort, 2008; Pledger & Morton, 2010), et très peu de chercheurs se sont intéressés à ce phénomène au soccer féminin (Pollard & Gomez, 2012). Par contre, il a été démontré qu’au soccer masculin, il existe bel et bien un AT pout les équipes jouant à domicile (Pollard, 1986; Nevill, Newell, et Gale, 1996; Tucker, Mellalieu, James, et Taylor, 2005; Lago & Martin, 2007; van de Ven, 2011 ; Gomez, Gomez-Lopez, Lago, et Sampaio, 2012). En ce qui concerne le soccer féminin, une étude récente de Po lIard et Gomez (2012) confirme l’existence de l’A T chez les joueuses de soccer provenant de 26 pays européens différents.
L’étude de Pollard et Gomez (2012) est la seule, à notre connaissance, qUi examme l’AT chez les joueuses de soccer. Par contre, comme l’échantillon utilisé concernait plusieurs pays européens, mais aucun pays nord-américain, et que la situation au Canada et aux États-Unis peut s’avérer différente comparativement à certains pays européens en ce qui a trait à l’égalité des sexes, il devenait donc pertinent de s’intéresser à l’AT en Amérique du Nord, sachant que le soccer féminin occupe une grande place aux États-Unis. De plus, bien que l’étude de Pollard et Gomez (2012) soit la première à avoir examiné l’AT chez les joueuses de soccer, leur étude comporte une lacune importante, en ce sens qu’ils n’ont pas tenté de vérifier lequel des prédicteurs du modèle de Courneya et Carron (1992) explique l’AT chez celles-ci.
Méthodologie
Le corpus de l’étude 1 comprend toutes les parties jouées à domicile (victoires/nulles/défaites) de la saison 2011 de la première division féminine (N = 2 897) et masculine (N = 1 822) de la National Collegiate Athletic Association (NCAA) pour 317 équipes féminines et 202 équipes masculines. Les données ont été compilées à partir du site www.ncaa.com en fonction des indicateurs utilisés par Tucker, et al. (2005): résultat (victoire/nulle/défaite); nombre de fautes commises/subies; nombre de coups de pied de coin offensifs/défensifs; nombre de tirs pour cadrés/nombre de tirs pour total; nombre de tirs contre cadrés/nombre de tirs contre total; nombre de personnes assistant à la partie. La foule relative fut calculée à partir de la moyenne des partisans pour une équipe donnée à l’aide d’un score z. En somme, la mesure de la foule devient tributaire de la présence ou non des partisans d’une équipe. Donc, une foule de 500 spectateurs risque d’ être perçue par un joueur de soccer comme étant plutôt grande si la moyenne de partisans présents au match est de 250 (écart-type de 50), tandis que pour un joueur pour qui la moyenne est de 2000 (écart-type de 50), cette même foule serait perçue comme plutôt petite. La ligue universitaire (NCAA, Division 1) de soccer américaine semblait donc idéale afin d’étudier l’impact de la foule relative sur l’AT étant donné le nombre d’ équipes et de matchs.
Étude 2 – Le moment où un but est marqué au sein de deux ligues de soccer
professionnelles nord-américaines
Le fait de marquer en premier durant un match de soccer a fait l’objet de peu d’attention, comparativement au moment, en minutes, où les buts sont inscrits (Abt, Dickson, et Mummery, 2002; Armatas, Yiannakos, et Sileloglou, 2007; Armatas, Yiannakos, Galazoulas, et Hatzimanouil, 2007; Garganta, Maia, et Basto, 1997; Hughes & Churchill, 2005; Jinshan, Xiaoke, Yamanaka, et Matsumoto, 1993; Njororai, 2004; Reilly, 1997; Yiannakos & Armatas, 2006).3 Dans un sport comme le soccer, où les buts sont rares, marquer le premier but au cours d’un match semble très important (Jones, 2011). Ainsi, selon Armatas, Yiannakos, Papadopoulou, et Skoufas (2009), l’équipe inscrivant le premier but au soccer a ‘plus de chances de remporter le match. Doucet, Perreault et Lapointe (2012) ont reproduit ce résultat en décelant que l’équipe qui marque en premier lors d’un match du tournoi olympique de soccer gagnera 70 % de ses rencontres.
Conclusion
Pour conclure, nous croyons qu’il serait approprié d’effectuer d’autres analyses notationnelles en observant l’ensemble du jeu, les stratégies utilisées par les équipes, la réaction de la foule, le comportement des arbitres et la façon dont les buts sont marqués pour des équipes masculines et féminines. En bref, nous croyons que la poursuite de l’étude de la performance au soccer féminin de haut niveau amorcée dans cet article fera en sorte qu’un débat sain pourra se développer autour de la question des différences de sexe au soccer, et, qui sait, ces études pennettront peut-être d’éliminer certains préjugés qui semblent être véhiculés à propos du soccer féminin .
|
Table des matières
1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Historique
1.2 Pertinence sociale
2. CADRE THÉORIQUE
2.1 Analyse notationnelle
2.2 L’avantage du terrain dans le sport
3. MISE EN CONTEXTE DES TROIS ÉTUDES DE CE MÉMOIRE
4. ARTICLE
Du soulier à la lucarne : où, quand et comment les buts sont marqués au soccer
Résumé
Introduction
Problématique
Étude 1 – L’avantage du terrain au soccer universitaire américain
Méthodologie
Résultats
Discussion
Étude 2 – Le moment où un but est marqué au sein de deux ligues de soccer
professionnelles nord-américaines
Méthodologie
Résultats
Discussion
Étude 3 – La façon dont les buts sont marqués à la Coupe du Monde de soccer
Méthodologie
Résultats
Discussion
Discussion générale
Conclusion
Références
5. CONCLUSION
Télécharger le rapport complet