Madagascar célébrera le 26 juin 2010 son demi-siècle d’ « indépendance factice et fictive ». Cependant, en 1960, après 64 ans de colonisation française, cette indépendance s’ouvrait sous des auspices promoteurs : un pays vaste, potentiellement riche, une population accueillante et habile, une élite intellectuelle parmi les plus fournies et les plus brillantes de l’Afrique [S. Urfer, 2006]. De plus, la Grande Ile a toujours participé aux moments forts et au façonnage du nouvel ordre international né des grandes secousses historiques : la fin des empires coloniaux, l’émergence du Tiers Monde, la montée du socialisme révolutionnaire hier, la démocratisation et la libéralisation aujourd’hui [J. Ravaloson, 1994]. Toutefois, actuellement, la pauvreté s’enracine profondément. Madagascar figure parmi les pays pauvres très endettés (P.P.T.E). La majorité des Malgaches devient des « clochards culturels », c’est-à-dire ceux qui sont dépossédés de la connaissance de leur propre réalité [M. Poncelet, 1994]. Depuis cinquante ans, les Malgaches ont changé d’hommes, de structures politiques, de régimes, avec des dirigeants de formation et de génération diverse. Le résultat a été le même : « la faillite programmée de Madagascar » [S. Zafimahova, 1999] dans l’optique d’une « protonation », ce qui signifie une sociabilité rudimentaire, limitée dans sa construction, asservie aux seuls besoins de ceux qui l’organisent de l’extérieur [J. Ziégler, 1980] et d’une « greffe démocratique ». En effet, la Grande Ile a connu quatre grandes crises politiques majeures qui ont, à chaque fois, abouti à la chute du régime en place. Pour le sociologue, le passé n’équivaut jamais à « perception dépassée » [J. Ziégler, 1971], et ces crises politiques ne se réduisent pas à des bulles d’irrationalité et d’absurdité. Le sociologue rêve toujours de cette « situation sauvage » où les rapports sociaux se présentent à l’état nu [A. Touraine, 1974] et où l’évidente fausse positivité de l’ordre et de son discours atteint son point culminant. Comme dans la plupart des pays du Tiers monde en général, et africains en particulier, l’alternance politique s’est toujours faite dans le sang . Le pouvoir, comme disait l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba, ça se prend et ça ne se rend pas ; « on n’organise pas les élections pour les perdants » dixit l’ancien président congolais Pascal Lissouba et « seul Dieu peut me retirer le pouvoir ! » assène le vieux président zimbabwéen Robert Mugabe. D’où l’ambigüité, selon l’ethnologue et sociologue français Georges Balandier, est « un attribut fondamental du pouvoir ». Il est « en même temps accepté (en tant que garant de l’ordre et de la sécurité), révéré (en raison de ses implications sacrées) et contesté (puisqu’il justifie et entretient l’inégalité » [G. Balandier, 1978].
Le PA.DES.M (Parti des Déshérités de Madagascar)
« Une sorte d’association » luttant contre le phénomène de « rejets » sociaux
Le PA.DES.M est fondé officiellement en juillet 1946 par un certain nombre de personnalités côtières (MM Pascal Velonjara, Félix Totolehibe, Philibert Tsiranana, Ramambason, …). Il s’adressait non seulement aux Côtiers, mais aussi aux classes populaires des Hautes Terres, composées de descendants d’esclaves et d’affranchis : les Merina mainty [A. Spacensky, 1970]. Ces derniers s’étaient souciés de sauvegarder leur liberté dans le cadre de laquelle l’accession de Madagascar à l’indépendance serait accompagnée du rétablissement de la monarchie et des anciennes structures sociales, y compris l’esclavage. Dans ce cas, ces Merina mainty ont lutté contre le « nativisme », au sens lintonien du terme, qui signifie la réactualisation de certains aspects déterminés de cultures [R.-G. Schwartzenberg, 1977]. Nous rappelons que le 06 mai 1947, à la tribune du Palais Bourbon, le député Joseph Raseta a affirmé que « le désir de retrouver un jour l’indépendance perdue en 1895 n’a cessé de hanter l’esprit et le cœur des Malgaches » [J. Tronchon, 1974]. L’appellation choisie par les fondateurs du PA.DES.M montre leur désir de ne plus accepter désormais une condition inférieure et de réclamer l’égalité réelle de tous les Malgaches. Le PA.DES.M se déclarait donc le partisan de l’égalité sociale.
Un parti qui se veut le pendant du M.D.R.M
Le PA.DES.M rassemble, sous la houlette de l’autorité coloniale, une fraction de l’élite bureaucratique. Ce regroupement se fait sur une base tribaliste (les Côtiers dressés contre les Merina, sur les « Plateaux » les descendants des esclaves contre les autres catégories) [G. Althabe, 2000]. Cette stratégie est une vaste entreprise destinée à empêcher les nationalistes, regroupés dans le M.D.R.M, de l’emporter sur le terrain électoral. L’autorité a donc joué la carte « PA.DES.M contre M.D.R.M ». Le M.D.R.M, fondé à Paris le 01 er février 1946 par MM. Jacques Rabemananjara, Raymond-William Rabemananjara, les docteurs Rakoto-Ratsimamanga, Ravoahangy, Raseta, Razafindramasina et Raherivelo-Ramamonjy [P.Rajoelina, 1988], se prononce en faveur d’un nationalisme ouvert, puisant aux sources de la personnalité malgache, mais tourné vers le monde contemporain. Ce parti est le premier parti politique à s’étendre à l’ensemble de l’île.
Pour contrecarrer l’ambition nationaliste des membres du M.D.R.M, l’autorité coloniale a exacerbé la division tribale qui reposait sur l’équation « opposants nationalistes (Merina des « Plateaux ») et les pro-français, originaires de la Côte » [G. Althabe, 2000]. Elle a, ensuite, appuyé le PA.DES.M en s’efforçant de les diffuser parmi les populations côtières. Par conséquent, des comités provinciaux se créèrent : Tuléar avec le gouverneur Raveloson Mahasampo, Fianarantsoa avec Pascal Velonjara, et les frères Norbert et Antoine Zafimahova, Tamatave avec Laingo Ralijaona et François Jarison [idem.]. Elle a, en outre, recruté parmi les membres du PA.DES.M, les futurs cadres politiques de Madagascar : gouverneur Raveloson Mahasampo, député à l’Assemblée Nationale française (1951-1956), premier Vice-président de l’Assemblée représentative ; Antoine Zafimahova, député à l’Assemblée Nationale malgache (1958) ; Norbert Zafimahova, sénateur en France, président de l’Assemblée représentative (1952) et Philibert Tsiranana, conseiller provincial de Majunga, député à l’Assemblée Nationale française et président de la République. Elle a, enfin, aidé le PA.DES.M dans le but d’élargir son audience auprès de la population par la création des journaux comme Voromahery (l’Aigle) et Zanaboromahery (l’Aiglon).
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : LES ÉVÉNEMENTS SOCIO-POLITIQUES MALGACHES (1946-1975)
Chapitre 1 : Le PA.DES.M
Chapitre 2 : Le passage au crible de la Première République
Chapitre 3 : Le régime transitoire
DEUXIÈME PARTIE : RÉSULTATS DES ENQUÊTES ET INTERPRÉTATION
Chapitre 1 : Résultats des enquêtes
Chapitre 2 : Interprétation
TROISIÈME PARTIE : ANALYSE ET PERSPECTIVES D’AVENIR
Chapitre 1 : Le bilan de la dynamique socio-politique malgache
Chapitre 2 : Les solutions proposées pour remédier aux « maux politiques » malgaches
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES ACRONYMES
LISTE DES PHOTOS
LISTE DES TABLEAUX
ANNEXE
RÉSUMÉ