Ecouter avant de codifier, laisser sโexprimer plutรดt que de questionner, รชtre attentif aux mots et aux signes autant quโaux rรฉponses formalisรฉes .
La prรฉsente รฉtude effectuรฉe dans le cadre du doctorat de gรฉographie et dont les aspects mรฉthodologiques, les rรฉfรฉrents thรฉoriques et les rรฉsultats empiriques seront exposรฉs tout au long des dรฉveloppements suivants, porte sur lโaction des organisations non gouvernementales (ONG) au Burkina Faso. La matiรจre des rรฉflexions et analyses structurant ce document provient ร la fois dโune littรฉrature spรฉcialisรฉe examinรฉe avec attention et dโรฉtudes de cas conduites sur le terrain mรชme oรน sโexercent les interventions des ONG. Ce pays fut tout dโabord retenu puisquโil concentre, outre les caractรฉristiques difficiles dโune รฉconomie du Sud, un grand nombre dโorganisations du dรฉveloppement. Ce foisonnement apparaรฎt comme difficile ร coordonner. Pour P. de Senarclens : ยซ Avec la prolifรฉration des ONG, lโidรฉe mรชme de stratรฉgie de dรฉveloppement cohรฉrente devient impensableยป.
UN PAYS DE TRANSITION PAUVRE AUX SPรCIFICITรS SOCIO SPATIALES : LA COEXISTENCE DE PLUSIEURS BURKINAย
Avant dโรฉvoquer le Burkina et ses multiples facettes, rappelons briรจvement le contexte historique de ce pays spรฉcifique. Parcouru par de profondes mutations politiques et migratoires qui engendrรจrent peu ร peu lโEmpire Mossi (le Moogho) , lโespace voltaรฏque puis burkinabรจ est qualifiรฉ aujourdโhui par les observateurs de ยซ pays stable politiquement ยป. Dโaprรจs R. Otayek, ยซ dans un environnement rรฉgional marquรฉ par dโincessants bouleversements socio politiques, la sociรฉtรฉ Mossi ou moaga a su prรฉserver son intรฉgritรฉ notamment face ร lโIslam qui sโy attaqua ร maintes reprises ยป . Ceci explique quโaujourdโhui, on ne considรจre pas vraiment le Burkina comme une terre dโIslam. Les rois Mossi ont toujours manifestรฉ leur opposition ร une unification dโun pays Mossi mais ces royaumes reprรฉsentaient une vรฉritable cohรฉsion sociale, religieuse et dรฉjร une stabilitรฉ politique exceptionnelle : ils se maintinrent jusquโร la conquรชte franรงaise ร la fin du XIXe siรจcle. Au moment de la colonisation, deux modรจles sociaux sโimposent dans la rรฉgion. Le premier est donc un modรจle รฉtatique centralisรฉ et hiรฉrarchisรฉ autour des royaumes Mossi, avec Ouagadougou au centre de lโactuel Burkina Faso, et gourmantchรฉ ร lโEst plus quelques villes et principautรฉs au Nord. Le second est un modรจle communautaire prรฉรฉminent dans lโOuest et dans le Sud avec les Lobi Dagara qui parviennent ร conserver leur forme dโorganisation sociale non hiรฉrarchisรฉe jusquโร la colonisation. La colonisation intervient en 1898. Un ensemble administratif est formรฉ, le Haut Sรฉnรฉgal-Niger. En 1919, un nouveau dรฉcoupage administratif entraรฎne la crรฉation de la Haute-Volta. A partir des annรฉes 30, la Haute Volta se trouve profondรฉment marquรฉe par son utilisation comme rรฉservoir de main dโลuvre destinรฉe ร la cรดte davantage industrialisรฉe et riche en plantations (Cรดte dโIvoire) avec Bobo Dioulasso comme centre administratif et militaire.
Selon J-B. Khietega de lโUniversitรฉ de Ouagadougou, ยซ lโimpact colonial produisit lโeffet dโun cataclysme sur les sociรฉtรฉs traditionnelles burkinabรจ comme sur celles de lโAfrique en gรฉnรฉral. Les vecteurs essentiels des profondes transformations qui sโopรฉrรจrent progressivement dans tous les domaines au XXe siรจcle furent lโรฉcole, la santรฉ, les religions ainsi que lโรฉconomie ยป.
En 1960, la Haute Volta accรจde ร lโindรฉpendance. Le coup dโEtat de 1983 par Thomas Sankara, faisant suite ร plusieurs autres (1980 et 1982 notamment) marque une profonde rupture idรฉologique dans lโhistoire du pays. Concrรจtement, la rรฉvolution se traduit par la mise en place des CDR (Comitรฉs de Dรฉfense de la Rรฉvolution) censรฉs exercer le pouvoir jusque dans les villages, et notamment renverser les pouvoirs traditionnels. Blaise Compaorรฉ ayant renversรฉ Thomas Sankara en 1987, la fiรจvre rรฉvolutionnaire diminue peu ร peu. Lโรฉpisode rรฉvolutionnaire prend dรฉfinitivement fin en 1991 avec lโadoption par rรฉfรฉrendum dโune Constitution suivie dโรฉlections prรฉsidentielles (dรฉcembre 1991) puis lรฉgislatives (mai 1992). Si le pays apparaรฎt aujourdโhui รฉpargnรฉ par les affrontements communautaristes, religieux ou culturels, le Burkina Faso nโen est pas moins dรฉsignรฉ comme lโun des pays les plus pauvres au monde. La majeure fraction de la population est paysanne ou vit du secteur informel. Lโรฉconomie du Burkina sโavรจre essentiellement agricole. Les principaux produits dโexportation sont le coton, les produits dโรฉlevage, lโor, les fruits et les lรฉgumes, les cuirs et les peaux. Original dโun point de vue historique, le Burkina se singularise รฉgalement par sa position gรฉographique et les contraintes qui en rรฉsultent.
Des espaces gรฉographiques singuliersย
Un pays de transition aux rรฉgimes climatiques variรฉsย
Le Burkina est un pays enclavรฉ dโAfrique de lโOuest dโune superficie totale de 274000 kmยฒ et son climat sโinsรจre dans les traits caractรฉristiques des climats de la ceinture tropicale que vient particulariser sa position en Afrique de lโOuest (situation en rรฉgion sahรฉlienne). Cette caractรฉristique lui confรจre un climat de type sahรฉlien caractรฉrisรฉ par une saison des pluies et une longue saison sรจche .
Par sa latitude, il se situe sous un climat tropical de type soudanien dans lequel alternent deux saisons de longueurs inรฉgales. Une longue saison sรจche (octobre ร avril), due au passage dโun flux dโair sec (harmattan) originaire des hautes pressions sahariennes, suivie dโune courte saison humide (mai ร septembre) due aux flux provenant des hautes pressions ocรฉaniques de lโhรฉmisphรจre Sud qui dรฉclenchent la saison des pluies.
Les prรฉcipitations sur tout le Burkina varient fortement dโune annรฉe ร lโautre, et au cours de la mรชme saison, dโune zone ร une autre. Depuis une vingtaine dโannรฉes, on note une pรฉriode de sรฉcheresse avec translation des isohyรจtes vers les zones mรฉridionales. La durรฉe de la saison des pluies et la pluviomรฉtrie totale annuelle permettent de distinguer quatre grandes zones climatiques oรน interviennent les ONG de lโรฉtude. En effet, nos terrains dโรฉtude ont รฉtรฉ privilรฉgiรฉs en fonction de ces zones aux climats variรฉs :
– Une zone sahรฉlienne situรฉe au Nord du 14รจme parallรจle reรงoit environ 400 ร 600 mm de pluie par an. La saison des pluies a une durรฉe moyenne de 3 ร 4 mois. La province de lโOudalan, situรฉe ร lโextrรชme nord du pays appartient ร ce domaine.
– La zone sub-sahรฉlienne situรฉe au nord du plateau Mossi entre le 13รจme et le 14รจme parallรจle reรงoit une pluviomรฉtrie annuelle de 600 ร 750 mm pour une durรฉe de 4 mois. La province du Yatenga et Ouahigouya, se situent dans cet espace de transition.
– La zone Nord-soudanienne couvre la rรฉgion centrale du pays entre 11ยฐ30โ et 13ยฐ4โ Nord. Elle reรงoit une pluviomรฉtrie comprise entre 750 et 900 mm pour une saison dโenviron 4 ร 5 mois. Le Kadiogo et Ouagadougou de mรชme que Fada nโGourma appartiennent ร cet espace.
– La zone Sud-soudanienne situรฉe au Sud du 11ยฐ30โ Nord reรงoit une pluviomรฉtrie comprise entre 1 000 et 1 300 mm et la saison des pluies sโรฉtale sur au moins 5 mois. Les provinces du Sud Ouest ร partir de Bobo Dioulasso (Houet, Comoรฉ, Kรฉnรฉdougou) font partie de cette zone.
Les amplitudes journaliรจres et annuelles des tempรฉratures augmentent du Sud vers le Nord. Les maxima sont de lโordre de 38ยฐC au Sud et 42ยฐC au Nord durant les mois de mars-avril, cependant que les minima correspondent ร 13ยฐC au Sud et 10ยฐC au Nord au cours des mois de dรฉcembre janvier. Lโรฉvapotranspiration, รฉlevรฉe, varie entre 1 854 mm/an ร Bobo (1 134 mm de pluviomรฉtrie) et 2 225 mm/an ร Dori (560 mm de pluviomรฉtrie).
Un couvert vรฉgรฉtal hรฉtรฉrogรจne
La prรฉdominance des formations vรฉgรฉtales peu fermรฉes et lโexistence dโune strate herbacรฉe marquent la vรฉgรฉtation sur lโensemble du territoire. Quatre grands types de vรฉgรฉtation sont rรฉpartis en bandes parallรจles aux isohyรจtes avec de lรฉgรจres variations en fonction des conditions pรฉdologiques :
– la bande sahรฉlienne caractรฉrisรฉe par une steppe arborรฉe de Balanites et acacia radian avec un tapis de graminรฉes sur les dunes et le long des dรฉpressions ;
– la bande sub-sahรฉlienne, formรฉe de savanes arbustives et de formations herbeuses (Andropogon) etc. ;
– la bande nord-soudanienne, composรฉe dโune juxtaposition de formations, rรฉsulte de la diversitรฉ des conditions pรฉdologiques. La forte densitรฉ de peuplement fait que lโon rencontre rarement des formations ligneuses dโorigine ;
– la bande Sud-soudanienne localisรฉe au Sud-Ouest et au Sud-est se compose de forรชts claires et des galeries forestiรจres en bordure des cours dโeau permanents .
Le climat de la rรฉgion Centre, de type soudanien et sahรฉlien se caractรฉrise par une pluviomรฉtrie annuelle variant de 600 ร 900 mm du Nord au Sud. La vรฉgรฉtation รฉvolue des steppes au Nord, aux savanes soudaniennes et forรชts claires au Sud. Dans la partie septentrionale de la zone, on rencontre des steppes herbeuses et arbustives, une savane arbustive ร arborรฉe. Au niveau de la partie mรฉridionale et en progressant vers les zones Sud de la rรฉgion, les arbres รฉparpillรฉs acquiรจrent une densitรฉ plus importante. Dans la partie Sud, davantage humide, on rencontre encore quelques รฉtendues de formations naturelles, avec des galeries forestiรจres le long des cours dโeau. Les cours dโeau, peu nombreux se limitent au Mouhoun (permanent), au Nazinon, au Nakanbรฉ et ร la Sissili.
Dans la zone Est, le climat est du type soudanien au Sud et sahรฉlien au Nord. La zone est comprise entre les isohyรจtes 400 mm et 1100 mm. Les sols ferrugineux tropicaux, les sols hydromorphes et les sols ร caractรจre vertique constituent les principaux types de sols de la rรฉgion. La vรฉgรฉtation est dominรฉe par une savane arbustive au Nord et par la savane arborรฉe au Sud. Au Sud Ouest, la vรฉgรฉtation se caractรฉrise par une savane arbustive au Nord et une savane arborรฉe au Sud.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I- LE BURKINA ET LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES, UN TERRAIN DโรTUDE PRIVILEGIร AU SEIN DโUN CONTEXTE DIFFICILE
CHAPITRE I : UN PAYS DE TRANSITION PAUVRE AUX SPECIFICITES SOCIO SPATIALES : LA COEXISTENCE DE PLUSIEURS BURKINA
CHAPITRE II : LE BURKINA FASO, PAYS DES ORGANISATIONS
PARTIE II- LES ONG DE LโETUDE : UNE REPRESENTATION KALEIDOSCOPIQUE
CHAPITRE III : LA DIVERSITE DES ORGANISATIONS DE LโETUDE : ESSAI DโUNE TYPOLOGIE AUTOUR DE 100 ONG
CHAPITRE IV : UNE INTERVENTION MULTIFORME ARTICULEE AUTOUR DโACTIVITES TRES VARIEES : LA QUESTION DE LA STRATEGIE DE LโONG
CHAPITRE V : DES ACTEURS AUX BUDGETS VARIรS
CHAPITRE VI : UNE REPARTITION SPATIALE DES ONG INEGALE
PARTIE III- LโAPPROCHE TERRAIN ET LโIMPACT: DES ONG VERS LES POPULATIONS BENEFICIAIRES
CHAPITRE VII : METHODES ET APPROCHES AU SEIN DE NOTRE ETUDE DE TERRAIN
CHAPITRE VIII : ANALYSE ET CRITIQUE DES INTERVENTIONS DES ONG DE LโETUDE
CHAPITRE IX : ETUDES COMPARATIVES DES OPERATIONS DES ONG
PARTIE IV- LA POLITIQUE DES ONG ET LEUR EVOLUTION DANS LE PAYSAGE DE ยซ LโAIDE BURKINABE ยป
CHAPITRE X : CONTRAINTES ET LIMITES DES ACTIONS DES ONG REPERTORIEES : QUE FONT-ELLES POUR LES DEPASSER ?
CHAPITRE XI : DEMARCHES A ADOPTER POUR VALORISER LES SYNERGIES DES ONG DES LโETUDE
CHAPITRE XII : LES TRANSFORMATIONS DES ONG AU BURKINA : DES ONG AUTREMENT
CONCLUSION GENERALE