La durabilité dans les matériaux cimentaires vue sous l’angle des nanosciences

La durabilité dans les matériaux cimentaires vue sous l’angle des nanosciences 

La durabilité des constructions désigne leur capacité à assurer leur fonction pour une durée plus ou moins longue. Ce concept, déjà mentionné dans les cours de construction de Sganzin au début du 19e siècle [Sganzin 09], est incontournable en génie civil, car les ouvrages sont conçus pour plusieurs décennies voire plusieurs siècles. Ces dernières années, cette notion traditionnelle a subi une révolution profonde sous l’effet du développement des nanosciences et nanotechnologies. La prise en compte de l’échelle « nano » des matériaux a permis la transition d’une approche symptomatique de la durabilité à une approche causale.

La durabilité en génie civil 

Définition et importance de la durabilité

La durabilité en génie civil désigne la capacité des structures à servir dans de bonnes conditions pendant un temps de vie bien défini, de préférence long. Elle concerne à la fois les ouvrages déjà construits (Quel est le temps de vie résiduel d’une construction ? Peut-on l’augmenter ?) et les ouvrages neufs (Comment assurer un temps de vie maximal ? Comment savoir si le temps de vie sera conforme aux spécifications ?). Depuis quelques années, la thématique de la durabilité en génie civil est mise en avant par la médiatisation croissante du concept de développement durable et la hausse des coûts des matières premières. Les acteurs de la construction préservent tant que possible les ouvrages déjà construits et cherchent à construire des ouvrages neufs au temps de vie plus long.

En Europe, la question de la préservation des ouvrages est particulièrement critique, car le parc d’infrastructures anciennes encore en service est très large [Broyart 08]. Parmi ces ouvrages anciens, un grand nombre date de l’après-guerre et arrivent à présent à un stade de leur cycle de vie où maintenance et réparations coûtent très cher ; d’autres ne peuvent être remplacés pour des raisons historiques. En parallèle, les exigences de sécurité s’alourdissent, que ce soit pour les constructions neuves et anciennes. Des accidents récents [Torres 04, Wardhana 03] ont souligné les risques aux personnes présentés par les infrastructures. La responsabilisation accrue de l’ensemble des acteurs, entre autres grâce à la mise en place de partenariats public privé, les poussent à mieux garantir la durabilité des infrastructures qu’ils construisent, exploitent ou possèdent [Bloomfield 06]. Par ailleurs, le time-to-market de nouveaux matériaux de construction, qu’ils soient haute performance ou à nanoparticules, est très court en raison des exigences commerciales, alors que le temps de vie des structures doit être long. Dans un milieu où la connaissance des matériaux est très largement empirique, les données expérimentales et le retour d’expérience manquent pour anticiper la capacité des nouveaux matériaux à assurer leurs fonctions pendant un temps de service long.

Dégradations des matériaux cimentaires

Ces différents arguments justifient l’importance qu’a prise aujourd’hui la question de la durabilité dans le domaine du génie civil. Les matériaux cimentaires sont tout particulièrement concernés, car ils constituent les matériaux les plus utilisés au monde en volume, avec une production de plus de 1 m3 par an et par personne dans le monde entier [Scrivener 08]. Dans la suite de cette étude, nous nous concentrons sur ces matériaux. La diminution de durabilité des matériaux cimentaires peut se manifester de différentes façons : coulures, fissuration, éclatement, perte de cohésion. Il s’agit de symptômes de dégradations internes, tels la corrosion des armatures ou le gonflement interne [Baroghel-Bouny 05a]. Ces dégradations internes peuvent résulter de différents phénomènes : pénétration d’ions chlorure, carbonatation atmosphérique, alcali-réactions ou encore cycles gel-dégel [Basheer 01].

Selon le degré d’avancement des désordres et dégradations, en particulier en fonction de l’atteinte portée à la capacité portante du pont, différents types de réparations présentant différents degrés de complexité sont envisageables pour préserver la durabilité des ouvrages [Poineau 99]. Les méthodes mises en œuvre peuvent consister par exemple en un revêtement ou calfeutrement des fissures [Benzarti 08], en un remplissage des fissures, en une purge du béton défectueux suivi de son remplacement, ou encore en un remplacement des armatures. Plus les désordres sont détectés tardivement, plus les réparations coûtent cher, plus leur efficacité est limitée et plus le temps d’immobilisation des structures est long. Il peut devenir nécessaire de détruire les structures. A ce jour, 9 ponts ont déjà du être détruits en France en raison de l’avancement trop important d’alcali-réactions [Baroghel-Bouny 05a].

Procédés de dégradation

Corrosion des armatures

La corrosion des armatures [Nobel-Pujol 04, L’Hostis 09] peut se produire soit suite à un changement de pH sous l’effet de la carbonatation atmosphérique [Thierry 05], soit par pénétration d’ions chlorure jusqu’aux armatures. Les ions chlorure peuvent provenir de l’eau initiale apportée au moment du gâchage ou de l’environnement (en particulier eau de mer ou sels de déverglaçage). Des oxydes et hydroxydes de fer remplace le fer initial et occupe un volume plus important que celui-ci. Ce phénomène conduit à des gonflements et des contraintes supplémentaires dans les structures. Celles-ci peuvent causer l’apparition de fissures parallèles à l’axe des armatures et l’éclatement du béton d’enrobage. A un stade peu avancé, on observe des coulures de rouille, tandis que à un stade avancé, les armatures peuvent être mises à nu. En 1997, la base de données IQOA « pathologie » indiquait que 28 % de l’échantillon de ponts inspectés était affecté par la corrosion des armatures. La corrosion commence généralement à se manifester lorsque les ouvrages atteignent un âge compris entre 20 et 50 ans, selon les conditions d’environnement [Baroghel Bouny 05a]. Aux Etats-Unis, les dégâts dus à la corrosion des ponts routiers coûtent 8.3M$ par an, et sur les 11 dernières années, 100 ponts ont connu des défauts de fonctionnement en raison de la corrosion [Mason 09].

Gonflement interne
Le gonflement interne est le plus souvent lié aux alcali-réactions [Godart 08, Toutlemonde 04]. Lors des alcali-réactions, des agrégats contenant certaines formes réactives de silice réagissent avec les métaux alcalins (sodium et potassium) contenus dans la solution aqueuse des pores et forment des gels et des cristaux autour des agrégats et dans les pores [Lukschova 03]. Ces produits peuvent dans certains cas exercer une pression sur la pâte de ciment qui à son tour engendre des désordres dans le matériau, d’abord à l’échelle micrométrique (microfissuration, décollement entre granulats et pâte) puis à l’échelle macrométrique, sous l’effet de contraintes internes macroscopiques et de l’altération des propriétés du matériau. Ce type d’attaque a été détecté pour la première fois sur des barrages dans les années 1970, mais depuis, plus de 400 ouvrages touchés à des degrés divers ont été dénombrés en France parmi les ouvrages gérés par l’État [Baroghel-Bouny 05a].

La durabilité aux échelles micro et nanométriques

Description multi-échelle des matériaux cimentaires

Les matériaux cimentaires sont par nature multi-échelles : il s’agit d’un mélange de ciment, eau, granulats, adjuvants, air et additions minérales. La distribution de taille caractéristique des granulats et des grains de ciment peut s’étendre sur 3 ou 4 ordres de grandeur . Les granulats sont typiquement de taille millimétrique à centimétrique selon les constructions considérées, les grains de ciment sont de taille micrométrique et les additions (cendres volantes, fumées de silice, nanoparticules) sont de taille nanométrique (100 nm pour les additions traditionnelles, 1-100 nm pour les nanoparticules) [Chanvillard 99]. Cette organisation multi-échelle contribue à la compacité du matériau qui contribue elle-même à la résistance en compression.

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Table des matières

INTRODUCTION
I Contexte : Nanosciences et nanotechnologies en génie civil
I.1 Introduction
I.2 Implantation des nanosciences et nanotechnologies en construction
I.2.1 Introduction
I.2.2 Innovations par les « nano » en construction
I.2.3 Les « nano » pour améliorer les matériaux de construction
I.2.4 Les « nano » dans l’instrumentation des matériaux de construction
I.2.5 Conclusion
I.3 La durabilité dans les matériaux cimentaires vue sous l’angle des nanosciences
I.3.1 Introduction
I.3.2 La durabilité en génie civil
I.3.3 La durabilité aux échelles micro et nanométriques
I.3.4 Evaluation de la durabilité
I.3.5 Conclusion
I.4 Conclusion
II Objectif : Instrumentation in-situ de durabilité par des microcapteurs
II.1 Introduction
II.2 Concept d’instrumentation proposé
II.2.1 Introduction
II.2.2 Contrôle non destructif de microporosité
II.2.3 Instrumentation ultrasonique haute fréquence
II.2.4 Instrumentation par réseau de microtransducteurs ultrasoniques Gigahertz
II.2.5 Conclusion
II.3 Modalités d’instrumentation
II.3.1 Introduction
II.3.2 Plateformes immergées d’instrumentation
II.3.3 Conditionnement des microcapteurs
II.3.4 Conclusion
II.4 Nature de l’élément sensible
II.4.1 Introduction
II.4.2 Cahier des charges fonctionnel .
II.4.3 Etat de l’art des microdispositifs vibrants
II.4.4 Choix du dispositif
II.4.5 Conclusion
II.5 Démarche de preuve du concept d’instrumentation
II.5.1 Introduction
II.5.2 Démarche globale
II.5.3 Preuve de concept à l’échelle du pore capillaire
II.5.4 Conclusion
II.6 Conclusion
III Pertinence de la méthode d’instrumentation proposée
III.1 Introduction
III.2 Bibliographie et choix de modélisation
III.2.1 Introduction
III.2.2 Elasto-acoustique en microfluidique
III.2.3 Modéle élastique de la plaque en nanotubes de carbone
III.2.4 Couplage fluide-structure avec des nanotubes de carbone
III.2.5 Conclusion
III.3 Méthode numérique pour l’élasto-acoustique microfluidique
III.3.1 Introduction
III.3.2 Géométrie du problème
III.3.3 Equations du problème couplé élasto-acoustique
III.3.4 Formulation variationnelle
III.3.5 Problème approché
III.3.6 Etude numérique de la convergence du problème approché
III.3.7 Conclusion
III.4 Etude des spécificités de l’acoustique microfluidique
III.4.1 Introduction
III.4.2 Etude du comportement résonant
III.4.3 Etude de la couche limite
III.4.4 Conclusion
III.5 Etude de l’élasto-acoustique microfluidique
III.5.1 Introduction
III.5.2 Elasto-acoustique dans un domaine rectangulaire
III.5.3 Etude des résonances de la plaque dans l’eau pour différentes géométries
III.5.4 Conclusion
III.6 Synthèse sur la pertinence applicative
III.6.1 Introduction
III.6.2 Lien avec les propriétés macroscopiques de durabilité
III.6.3 Remarques sur l’instrumentation
III.6.4 Observabilité des propriétés des pores
III.6.5 Conclusion
III.7 Conclusion
CONCLUSION

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