LA DOULEUR D’ORIGINE CANCEREUSE

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Les douleurs cancéreuses

En France chaque année, on estime à plus de 350 000 le nombre de nouveaux cas de cancers (385 000 en 2015).(INCa, 2015)
Selon une enquête de l’INCa rapportée dans le deuxième plan cancer en 2010, tous cancers et tous stades confondus, 53% des patients disent souffrir et 28% jugent la douleur sévère. Parmi ceux qui ont un cancer avancé, 62% semblent sous traités. La douleur persiste même chez 14% des patients en rémission.(Perrot et al, 2014)
Il est fondamental de ne pas méconnaître l’impact négatif de la douleur et ses répercussions psychologiques sur les malades : la douleur peut impacter non seulement sur la qualité de vie du patient mais également sur son ressenti psychologique ; la douleur étant souvent perçue comme un signe de rechute ou d’aggravation.
La douleur cancéreuse est le plus souvent une douleur chronique. Elle peut s’accompagner de douleurs aiguës, les Accès Douloureux Paroxystiques, que nous définirons plus loin.
Les douleurs cancéreuses peuvent relever de plusieurs mécanismes (nociceptifs, neuropathiques, psychogènes, mixtes) et correspondre à une intrication de ces différents mécanismes. L’intensité de la douleur n’est pas corrélée à la gravité du cancer ou des métastases.
Les douleurs liées au cancer ont différentes étiologies. Elles peuvent être en rapport avec la tumeur ou en rapport avec le traitement (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie).

Les accès douloureux paroxystiques

Les accès douloureux paroxystiques correspondent à « une exacerbation transitoire et de courte durée de la douleur, d’intensité modérée à sévère. Ils surviennent sur une douleur de fond contrôlée par un traitement opioïde efficace ». L’ADP est une douleur aiguë.
Plus de la moitié des patients présentant des douleurs cancéreuses chroniques contrôlées par un traitement de fond équilibré rapporte ce type de douleur transitoire.
Les ADP surviennent sans lien avec la dose ou le rythme d’administration du traitement de fond. Le paroxysme est atteint entre 3 et 15 minutes et, dans la moitié des cas, la douleur dure moins de 30 minutes. (Philippe et Fallet, 2011)
La fréquence d’apparition moyenne d’un ADP est de quatre fois par jour. Si le patient présente plus de quatre ADP par jour, on considère que le traitement de fond est mal équilibré et doit être rééquilibré.
Les ADP peuvent être spontanés et imprévisibles. Ils surviennent alors sans facteur déclenchant identifié ou avec des facteurs identifiés mais imprévisibles comme la toux, l’éternuement, les spasmes digestifs, vésicaux, les céphalées…
Ils peuvent également être prévisibles et survenir lors d’actions volontaires du patient (mouvement, alimentation, défécation, miction, déglutition…), ou être provoqués par des soins (mobilisation, toilette…) ou des actes médicaux à visée diagnostique ou thérapeutique.
Le traitement sera alors anticipatoire et aura pour objectif d’éviter la survenue de l’ADP. (Perrot et al, 2014)
Le mécanisme physiopathologique des ADP doit être étudié afin de proposer un traitement.
Les ADP sont traités dans la plupart des cas par de la morphine ou oxycodone à libération immédiate ou bien par des citrates de fentanyl transmuqueux.
La majorité des ADP, quels que soient leurs mécanismes physiopathologiques, répond aux citrates de fentanyl. Cependant en cas d’ADP de type neuropathique, il est indispensable de réévaluer le traitement de fond spécifique aux douleurs neuropathiques, pour en réduire le nombre, l’intensité et la dose totale d’opioïde. (Poulain et al, 2011)
Le traitement de fond doit être stabilisé avant de commencer un traitement de l’ADP. S’il n’est pas stable, on ne qualifie pas la douleur, d’ADP. La douleur peut alors être due à un traitement inadapté, une évolution de la maladie, un échappement thérapeutique.
Les ADP doivent être différenciés des Douleurs survenant en Fin de Dose ( DFD), (SFCE, 2012), qui eux, justifient une modification de la dose de fond ou du nombre d’inter-doses morphiniques.

Traitements médicamenteux de la douleur cancéreuse

Un traitement efficace de la douleur cancéreuse se définit par (Standards options recommandations 2003) (Poulain et al, 2011) :
• Une douleur de fond absente ou d’intensité faible,
• Un respect du sommeil,
• Moins de 4 accès douloureux par jour avec une efficacité des traitements supérieure à 50%
• Des activités habituelles, qui bien que limitées par l’évolution du cancer, restent possibles ou peu limitées par la douleur,
• Les effets indésirables des traitements sont mineurs ou absents.
La sémiologie clinique ainsi que l’analyse du mécanisme physiopathologique permettront d’orienter les choix de traitement de la douleur. Ainsi :
O Les douleurs liées à un excès de nociception seront traitées par les analgésiques périphériques et centraux selon les recommandations de l’OMS.
O Les douleurs neuropathiques seront traitées par des médicaments antidépresseurs, antiépileptiques et anesthésiques locaux.
De même, le traitement sera adapté au profil évolutif des douleurs. Ainsi :
O La douleur de fond, douleur dite continue, souvent permanente, sera traitée par des spécialités antalgiques permettant une activité continue ou prolongée. Seront utilisées des formes à libération prolongée de morphine en 1 à 2 prises per os par jour par exemple.
O Les accès douloureux paroxystiques seront traités par des spécialités permettant un soulagement rapide de la douleur. Les spécialités de fentanyl transmuqueux ont, pour le traitement des ADP, le profil pharmacocinétique le plus adapté du fait d’un délai d’action court. (Perrot et al, 2014)
Les fluctuations de la douleur peuvent correspondre à des entités sémiologiques très différentes : douleur « mal contrôlée » ou « instable », douleur de fin de dose d’opioïde, ADP qui doivent bénéficier d’une autre stratégie thérapeutique. (Rostaing-Rigattieri et Guerin, 2014)
Dans la partie suivante, nous nous intéresserons principalement au traitement de la douleur cancéreuse par excès de nociception.
La prescription d’un antalgique répond à différents principes, afin de trouver celui adapté à un certain type de douleur :
ü Prescrire en fonction de l’intensité de la douleur
ü Choisir la voie d’administration la plus simple
ü Evaluer fréquemment et réajuster si besoin
ü Respecter les 3 paliers de l’OMS
ü Prescrire de manière individualisée
Nous disposons aujourd’hui d’un arsenal thérapeutique étendu de traitements antalgiques et notamment d’opioïdes forts. Ils sont classés par l’OMS en 3 paliers selon l’intensité de la douleur. (Saussac, 2012)
Les antalgiques de palier 1 sont des antalgiques non opioïdes (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens), utilisés pour des douleurs de faible intensité (EVA≤3).
Selon leur puissance antalgique, les opioïdes appartiennent :
• soit au palier 2 de l’OMS (opioïdes faibles) tels que la codéine et le tramadol, utilisés dans le traitement des douleurs d’intensité modérée à intense (3<EVA<7)
• soit au palier 3 de l’OMS (opioïdes forts) tels que la morphine, buprénorphine, hydromorphone, oxycodone, méthadone, et fentanyl, utilisés dans le traitement des douleurs intenses à très intenses ≥7/10. (Rostaing-Rigattieri et Guerin, 2014)
Actuellement, la classification des antalgiques en trois paliers de l’OMS continue à être utilisée, avec une adaptation des recommandations. Mais il semblerait qu’elle s’avère aujourd’hui être incomplète face à tous les nouveaux médicaments, et ne réponde plus aux attentes des cliniciens. Une nouvelle classification faite par Lussier et Beaulieu a été proposée par l’IASP en 2010. Cette classification tient compte des mécanismes physiopathologiques de la douleur et ordonne les médicaments en 5 classes (les anti-nociceptifs, les anti-hyperalgésiques, les modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs, les modulateurs de la transmission et de la sensibilisation périphériques, les mixtes). L’objectif de cette classification est d’éviter un parallélisme entre l’intensité de la douleur et un type d’antalgique. Cette nouvelle classification est actuellement peu répandue. (Bertin, 2014) (Rostaing-Rigattieri et Guérin, 2014)
Face à une douleur cancéreuse, il est généralement recommandé d’associer des médicaments possédant des mécanismes d’actions différents. L’action des antalgiques peut être améliorée par des co-antalgiques tels que les corticoïdes (action anti œdémateuse et anti inflammatoire), les biphosphonates (douleurs osseuses), les myorelaxants (douleurs musculaires), les antidépresseurs (anxiété et dépression associées à la douleur), antispasmodiques (douleurs abdominales). (Penet et al, 2011)

Les médicaments antalgiques non opioïdes

Le paracétamol est recommandé en première intention dans les douleurs faibles à modérées au dosage de 1000 mg toutes les 4 à 6 heures. La dose maximale fixée par l’AMM est de 4g par jour. Le paracétamol peut avoir une toxicité hépatique au-delà de la dose recommandée. Le délai d’action est d’environ 30 minutes et la durée d’action est de 4 à 6 heures.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont des propriétés antalgiques et anti inflammatoires. Leur utilisation est recommandée pour le traitement des douleurs inflammatoires, notamment les douleurs osseuses. Ils sont responsables de nombreux effets indésirables (principalement digestifs), et il est donc important d’évaluer le profil bénéfice-risque du patient avant d’instaurer un traitement, le plus court possible à la dose la plus faible possible.
Les inhibiteurs de la COX2 n’ont pas été étudiés chez l’homme dans le contexte de douleur cancéreuse ; ils n’ont actuellement pas d’indications particulières en cancérologie.
Le nefopam (Acupan®), analgésique central, n’est pas recommandé en première intention dans les douleurs cancéreuses chroniques.
L’utilisation d’antalgiques de palier 1 seul, dans le cas des douleurs cancéreuses, est limitée. Il est possible de les associer aux antalgiques de palier 2 et 3. (FNCLCC, 2002)

Les médicaments antalgiques opioïdes

Les opiacés sont les substances naturelles dérivées de l’opium, les opioïdes rassemblent toutes les substances : naturelles et synthétiques.
Le palier 2 de l’OMS est représenté par les opioïdes faibles dont l’effet antalgique passe par les récepteurs opioïdes pour lesquels ils ont une faible affinité.
O La codéine est un dérivé de la morphine ayant une faible affinité pour les récepteurs opioïdes µ. Son effet analgésique est 5 à 10 fois plus faible que la morphine et résulte principalement de sa transformation hépatique, partielle et variable selon les individus, en morphine.
O Le tramadol est un agoniste des récepteurs µ et agit également en inhibant la recapture de noradrénaline et sérotonine. Sa puissance analgésique représente environ 1/5 de celle de la morphine.
Le paracétamol potentialise l’action des opioïdes faibles. C’est pour cela qu’il est fréquemment associé à ces molécules dans les spécialités commercialisées.
Les opioïdes de palier 3 de l’OMS ayant une AMM dans les douleurs cancéreuses sont les suivant :
• La morphine est l’opioïde de référence. La forme à libération prolongée de sulfate de morphine est utilisée dans le traitement de fond par voie orale, en 1 ou 2 prises quotidiennes. Pour des accès douloureux, on utilise des formes à libération immédiate d’efficacité limitée à 4h. Il existe également une forme injectable de chlorhydrate de morphine.
• Le fentanyl, dérivé de synthèse est 50 à 150 fois plus puissant que la morphine. La forme transdermique sous forme de patch est prescrite en relais d‘un traitement opioïde fort lorsque la douleur est stabilisée. Le délai d’action est de 12 à 18 heures et la durée d’action est de 72 heures. Il a pour avantage de diminuer les prises médicamenteuses orales. Les formes transmuqueuses buccales et nasales permettent un passage rapide dans la circulation sanguine, donc une action rapide et sont ainsi utilisées dans le traitement des ADP.
• L’oxycodone est un agoniste semi-synthétique. Elle est 1.5 à 2 fois plus puissante que la morphine après administration orale. La forme orale à libération prolongée ayant une durée d’action de 12h est utilisée en traitement de fond de la douleur. La forme à libération immédiate est utilisée dans les accès douloureux et a une durée d’action de 4h. Il existe également sous forme intraveineuse.
• Le chlorhydrate d’hydromorphone (Sophidone®) est un opioïde agoniste dont le rapport d’équianalgésie avec la morphine est de 7,5. Son délai d’action est de 2 heures et la durée d’action de 12 heures. Il est utilisé en 2e intention dans les douleurs cancéreuses en cas de résistance ou intolérance à morphine. (Vuillet-A-Ciles et al, 2013) (Perrot et al, 2014)

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : INTRODUCTION
1. LA DOULEUR D’ORIGINE CANCEREUSE
1.1. Définition de la douleur
1.2. La douleur en oncologie
1.2.1. Les douleurs cancéreuses
1.2.2. Les accès douloureux paroxystiques
1.3. Traitements médicamenteux de la douleur cancéreuse
1.3.1. Les médicaments antalgiques non opioïdes
1.3.2. Les médicaments antalgiques opioïdes
2. LE FENTANYL TRANSMUQUEUX
2.1. Historique du fentanyl
2.2. Pharmacologie du fentanyl transmuqueux
2.2.1. Pharmacodynamie
2.2.2. Pharmacocinétique
2.3. Les spécialités commercialisées de fentanyl transmuqueux
2.3.1. Indications
2.3.2. Posologie – titration
2.3.3. Contre-indications
2.3.4. Précautions d’emploi
2.3.5. Interactions médicamenteuses
2.3.6. Effets indésirables
2.3.7. Surdosages
2.3.8. Conditions de prescription
2.4. Place dans la stratégie thérapeutique
2.5. Données de consommation en Haute-Normandie
PARTIE 2 : ETUDE
1. CONTEXTE
2. OBJECTIFS
3. METHODOLOGIE
4. RESULTATS
4.1. Quiz connaissances
4.1.1. Les connaissances pharmaceutiques
4.1.2. Pratique professionnelle
4.2. Quiz ordonnance
5. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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