La Direction de la défense passive sous l’occupation

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La Direction de la défense passive sous l’occupation

À compter de l’armistice, la Direction de la défense passive, repliée au Sud, va négocier son maintien auprès de l’occupant malgré les réductions demandées par celui-ci.
Après son transfert au ministère de l’Intérieur, elle y acquiert définitivement sa place tout en continuant tièdement sa mission. C’est à partir de 1942, à la faveur des campagnes intenses de bombardements alliés, que la Direction va connaître les importantes mutations qui la rendront enfin opérationnelle.

Survivre à l’heure allemande

Le 10 mai 1940, les forces armées du Reich passent à l’offensive et traversent la Meuse trois jours plus tard. La retraite militaire est générale et s’accompagne du plus grand exode de population que la France ait connu. A la mi-juin, près de 8 millions de personnes tentent d’avancer vers le sud, achevant de désorganiser l’infrastructure du pays et de le plonger dans le désarroi153. La perspective d’un retournement de situation est désormais inenvisageable, d’autant que les ministres et leurs services se dispersent en Touraine les 12 et 13 juin dans une vingtaine de châteaux. Le 14 au soir, les gouvernants commencent à rejoindre Bordeaux. Les Français voient passer ou s’arrêter le cortège des voitures ministérielles qui accompagnent le repli des ministères154.
Un courrier du 30 mai 1940 permet de prendre conscience du désordre gouvernemental et administratif engendré par l’offensive. Le ministre de l’Intérieur y demande à ses Préfets l’emplacement des services publics repliés155. Les différents ministères se retrouvent euxmêmes éclatés, l’Intérieur est à Tours, le Ravitaillement dans la Nièvre et les Finances à Chinon156…

Le Repli

La Direction de la défense passive suit le chemin des autres administrations vers Bordeaux et s’implante temporairement à la Sous-Préfecture de Sarlat-la-Canéda (24), d’où sont signées des instructions de la mi-juillet jusqu’au début du mois d’août. En particulier, il est demandé à ce moment aux services de poursuivre la politique de défense passive malgré l’Armistice, notamment en ce qui concerne l’éclairage public et privé157. Il faut dire qu’à la commission de Wiesbaden, il est à ce moment déjà considéré comme « peu douteux qu’il est dans l’intérêt des territoires non occupés de mettre en oeuvre un éclairage limité dès que possible158». La direction est déménagée ensuite à Lapalisse, dans l’Allier (03), à une vingtaine de kilomètre de Vichy, au cours du mois d’août.
La « loi » du 6 septembre 1940 place les administrations sous l’autorité de douze secrétaires d’État – dont l’Aviation, la Guerre et la Marine – et met fin au ministère de la Défense nationale qui les coordonnait159. Un rappel doit être fait sur l’organisation et les dénominations particulières pratiquées sous l’État français : Le général d’armée Huntziger, secrétaire d’État à la guerre, fait partie des huit secrétaires d’État ayant rang de ministre et siégeant en conséquence au conseil des ministres, et non au conseil de cabinet160. Par voie de conséquence, la DDP se retrouve très rapidement rattachée au département de la Guerre161. La DDP s’était déjà retrouvée, en fait, rattachée à ce même ministère avec lequel elle partageait ses locaux, en raison du cumul de fonctions du ministre de la Défense nationale avec celle de la Guerre, en plus de la présidence du Conseil. Cette solution présentait bien des avantages dans la mesure où de nombreux services d’exécution ou d’expertise en relevait162. Le choix du transfert rapidement effectué ne fait ainsi que constater en droit la solution trouvée par la pratique.
Début d’octobre, le ministre de la Guerre sollicite le Préfet du Rhône afin d’installer la Direction de la défense passive au 84 rue d’Anvers, à Lyon. Une étude est rapidement diligentée afin de déterminer les délais et le coût de l’aménagement des locaux sollicités.
Dans l’attente, sont également proposés des locaux soit au 68, cours de la Liberté, soit au 52 cours Maréchal Foch163. C’est finalement le local d’angle du cours de la Liberté qui est retenu et proposé au Ministère de la Guerre. Le régisseur de l’immeuble semble vouloir profiter de l’installation d’un service administratif pour augmenter le loyer demandé, mais la menace d’une réquisition pourrait ramener le tarif à un montant raisonnable. Les échanges témoignent des difficultés dans lesquelles se trouvent la ville à proposer des logements à chacun : refoulés, réfugiés, et désormais fonctionnaires des divers administrations repliées164. Que la Direction de la défense passive ait souhaité s’y installer à titre provisoire ou définitif, on ne lui connaîtra pas d’autre adresse avant son déménagement à Paris en 1943.
Ses effectifs, qui dépassaient la cinquantaine (dont plus d’une vingtaine d’officiers) lors de l’apogée de la DDP, ont fondu au cours du repli. Ils sont évalués par le colonel Pessel, adjoint du directeur, à environ 45 personnes au début du mois de septembre, ayant toutes leur domicile à Paris ou en banlieue165. Cet effectif est jugé manifestement insuffisant pour permettre à la Direction de remplir les différentes missions qui lui incombent encore166. Lors de la recherche de locaux à Lyon, le recensement est sans surprise encore plus maigre167 :
Général 1
Officiers 11
Fonctionnaire du MININT 1
Sous-officiers 7
Dactylographes 9
Femme de ménage 1
On peut au moins partiellement attribuer cet amincissement à l’épuration des armées consécutive à la défaite. C’est qu’en effet, les conventions d’armistice exigent une réduction de la taille de l’armée – même si on sait désormais que les forces de Vichy ont largement dépassé les 100 000 hommes prévus par les textes. La sélection s’est opérée selon des principes assez simples. L’armistice et la professionnalisation de l’armée, souhaitée par les vainqueurs, entraînent le renvoi de tous les officiers de réserve. La loi abaisse les limites d’âge de 2 à 7 ans selon les grades et les armées. Pour l’armée de terre, les nouvelles limites sont fixées comme suit168:
GDI GBA COL LCL CDT OFF
subalterne
Officiers des
armes 60 58 56 54 52 45
Cette opération a pour résultat d’éliminer une bonne partie de la haute hiérarchie de la campagne de 1940, ainsi que les « vieux » lieutenants et capitaines issus du rang169. Une loi institue un « congé d’armistice », et place en disponibilité une large partie de l’armée avec un traitement réduit aux trois-cinquième. Enfin, un dégagement des cadres est tout simplement pratiqué170. En conséquence, cette même année, le général de division Daudin, premier Directeur de la défense passive, est atteint par la nouvelle limite d’âge de 60 ans. Son maintien sous statut civil est envisagé, comme son embauche sous contrat, mais aucune des solutions n’est juridiquement satisfaisante171. Aussi est-il remplacé à compter du 15 décembre par le général de brigade Léon-Eugène Sérant, jusqu’alors adjoint pour le commandement des troupes au général commandant la 17e division militaire172. Ce dernier rejoint Lyon et ne prend ses fonctions que le 7 janvier 1941173.
Les deux hommes ont dû s’entendre puisque le général Sérant demande aussitôt à ce que son prédécesseur soit autorisé à rester auprès de lui jusqu’au 1er avril pour le passage des consignes174, puis même jusqu’au 15 mai pour « le consulter sur les cas litigieux les plus délicats »175.

La Direction menacée de disparition ?

Pendant que la direction prend le chemin du repli, la question de la défense passive fait pendant tout l’été l’objet de discussions dans le cadre de la mise en oeuvre des clauses d’armistice. Les négociations se déroulent dans le cadre de la Commission allemande d’Armistice, sise à Wiesbaden, et, en matière de défense aérienne, portent il est vrai essentiellement sur l’avenir de l’Armée de l’air. Celle-ci fait l’objet d’un premier projet d’organisation pour la période durant laquelle le gouvernement français devra défendre son territoire contre les attaques aériennes anglaises. Un second sera « mis en vigueur lorsque se termineront les hostilité entre l’Angleterre et la France »176, signe que l’armistice est encore considérée comme une étape très passagère. C’est le colonel Pessel, adjoint depuis le début au Directeur de la défense passive, qui le représente dans ces instances. Pour avoir occupé auparavant pendant plus de 4 ans les fonctions de chef de la section « Défense passive » à l’inspection générale de la Défense aérienne du territoire, et exercé comme officier DAT à la 6e région militaire177, il est un fin connaisseur du sujet.
Selon son propre rapport, il est délégué par le Gouvernement français auprès de la Commission allemande d’Armistice pour mettre au point les questions de défense passive en zone occupée et se rend à Wiesbaden le 11 juillet 1940. Là bas, le général Mouchard, chef de la Section française de l’Air, après s’être entretenu de la question avec son homologue allemand le Generalleutnant Förster, l’aurait avisé de traiter de ce sujet avec le Chef de l’Administration militaire en France*. Arrivé à Paris, le colonel Pessel rencontre le Polizei Major Von der Gröben et s’entend avec lui le 1er août sur le fait que le Gouvernement français conserve la responsabilité de la défense passive sur tout le territoire, qu’un échelon de la DDP devrait s’installer à Paris et qu’en fait, il serait même possible qu’elle y retourne complètement178. Dès son retour à Sarlat, le colonel Pessel, certainement satisfait de ses entretiens, en avise le Gouvernement179. Le ministre de la Défense nationale, le général Weigand, donne aussitôt son accord pour ce projet et charge le général Daudin de prendre les dispositions nécessaires pour installer d’urgence à Paris son adjoint, puis de préparer le retour de l’ensemble de ses services aux environs du 20 août180.
Las, le colonel Pessel est convoqué le 21 août à l’Hôtel Majestic où il « comprend de suite que l’Autorité allemande faisait alors de sérieuses objections au retour de la Direction ». On lui indique qu’une communication lui ferait bientôt connaître le point de vue du Haut commandement allemand* à ce sujet181. Une dizaine de jours plus tard, il est en effet à nouveau convoqué, cette fois-ci par le Luftgaukommando Westfrankreich**, qui lui fait savoir par la voix du Oberstleutnant Saalfrank que « Von der Gröben n’était pas compétent pour les questions de défense passive, que tout était remis en question et qu’il ne pouvait rien me dire de plus »182.

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Table des matières

Introduction
1. La Lente Genèse de la Direction de la défense passive
1.1. Les Débats préalables
1.2. Redistribuer les responsabilités
1.3. Mise en place de la Direction de la défense passive
2. La Direction de la défense passive sous l’occupation
2.1. Survivre à l’heure allemande
2.2. Compétition pour la défense passive
2.3. La DDP au temps des bombes
3. L’Après-guerre et les nouvelles menaces
3.1. Liquider la défense passive
3. 2 Refonte du concept et renouvellement
3.3. Faible engagement et changement d’orientation
Conclusion
Sources
Bibliographie
Annexes
ANNEXE I : Liste des « localités désignées » en 1939
ANNEXE II : Liste des Responsables de la défense passive
ANNEXE III : Typologie moderne des mesures de protection contre le risque aérien
ANNEXE IV : Le système « Archer »
ANNEXE V : Propagande à l’approche du conflit

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