La dimension métaphysique de l’homme dans la philosophie de Malebranche

A bien suivre l’évolution de l’Histoire de la pensée, on peut déduire que l’effort d’identification que l’humain s’est fait sur lui-même a trouvé, pourrait-on dire, satisfaction dans la découverte de sa dimension interne, c’est-à-dire de l’esprit, de l’âme ou de sa faculté de connaître. Quelle que soit la définition que l’on donne à l’esprit, à la raison ou à l’âme, cette observation demeure car il est clair que les penseurs reconnaissent l’existence de cette dimension interne.

En effet, l’orphisme pythagoricien (VIème s. av. J.-C.) a ouvert le chemin à Socrate (V-IVème av. J.-C.) sur la conception du dualisme du corps et de l’âme. Ce même constat peut être transposé à Anaxagore (Vème s. av. J.- C.) qui, tout en reconnaissant l’existence concrète des particules, témoigne de l’intervention d’un Esprit, d’un Intellect ou d’une Intelligence coordonnatrice qui gère l’arrangement universel . Cet Intellect ne sera-t-il pas le « noûs » aristotélicien ou le “ dieu ” platonicien ?

LA RAISON, PUISSANTE DANS SA VOCATION ORIGINELLE 

Pour cette première analyse, nous prendrons le “ cogito ” cartésien comme point de départ pour les raisons que nous venons d’évoquer. Le profil de la réflexion cartésienne marquait l’Histoire d‘une conception qui semble convenir à l’exigence de clarté qui poussait les Présocratiques à mettre au clair le principe premier de toutes choses. Cette tendance et cette soif ne seront que plus accentuées dans les époques qui vont suivre, notamment au cours de la Renaissance. Effectivement, on voit en Descartes celui qui, pour la première fois a considéré la raison humaine comme autonome dans sa fonction propre, parce que créée comme lumière qui nous servira, en vertu de notre nature raisonnable. La raison est ainsi posée sur le statut d’instrument efficace en soi-même, celui dont nous nous servirons pour les meilleures activités qui nous soient destinées par le Créateur.

L’une des caractéristiques du début de l’Epoque Moderne consiste en effet dans la pleine confiance en cette raison, celle-ci étant considérée par le précurseur de la même époque comme une lumière infaillible, pour peu qu’on sache la diriger par la bonne méthode . Ainsi, la problématique que nous soulevons relève moins de cette efficacité que des raisons qui auraient conduit cette même Epoque à cette conviction.

La finalité de la raison est bien définie, et en principe, qualifiée comme lumière naturelle, la raison est efficace. Il nous suffit de savoir en faire bon usage. Le Discours cartésien, étant destiné au public, a été élaboré dans la perspective d’instruire les esprits dans cet usage efficace. Cette considération aura un impact dans la conception que l’homme a de l’homme luimême : doté de cette lumière originellement destinée à être efficace, il n’est plus seulement cet être faisant partie intégrante de l’Univers, il est devenu l’être essentiellement transcendant qui dépasse l’extériorité parce que intérieurement, il est sujet.

Cette transcendance du sujet trouve son fondement lointain chez Platon. Cela ne fait pas de doute étant donné que ce dernier n’a jamais manifesté la moindre considération à la substance étendue. Nous allons observer cette transcendance à travers le contenu des ouvrages cartésiens, en occurrence, le Discours de la Méthode.

LA TRANSCENDANCE DU COGITO 

Notre perspective est de rendre compte du statut de l’homme sujet tel que la théorie cartésienne l’a nouvellement octroyé à l’être humain. En effet, par le biais de Descartes, l’homme a retrouvé une vision plus claire de son propre statut et de son identification, statut qui lui servira de pierre de touche pour toutes les entreprises, au moyen desquelles il va jalonner le cours de son Histoire. L’Histoire de l’Humain est une Histoire d’êtres raisonnables, de sujets qui ont agi toujours de l’intérieur.

C’est cette mise valeur de l’intériorité qui nous conduira par la suite jusqu’à “ Malebranche philosophe ”, né du contact cartésien, et qui deviendra sans aucun doute, l’un de ses héritiers les plus remarquables . Le contact fut décisif et les éléments acquis seront utilisés de façon à ce que la source soit en quelque sorte accomplie là où elle sera implantée. Si leur ambition reste la même et leur démarche s’effectue pour une même perspective, une nouvelle orientation verra le jour.

Toutes philosophies sont en elles-mêmes, légitimes. Mais il faut noter que le dépassement fait partie intégrante de sa nature. Aucun penseur ne peut se confiner dans une solitude qui ne peut être que faussement ambitieuse. La vérité ne peut s’acquérir que dans un contexte relationnel et tel contexte est toujours ascendante. Aussi, dans ce cadre précis de l’analyse portant sur la notion de sujet, pour une question de commodité, nous jugeons qu’il serait plus enrichissant de débuter par l’approche du Discours cartésien.

Rappelons que Descartes représente un tournant remarquable, tant pour la conception moderne de l’homme que pour Malebranche penseur. Nous observerons ce dernier à travers sa propre source à chaque étape de cette investigation. Nous allons donc commencer par le cogito, pour des raisons que l’on peut juger comme de type méthodologique.

LES REVELATIONS DU DISCOURS CARTESIEN 

L’intérêt que nous portons au Discours est basé sur les apports que son auteur a légués à la conception de l’homme comme fondamentalement sujet, conception qui contribuera considérablement à la confiance que l’homme éprouvera vis-à-vis de lui-même, c’est-à-dire vis-à-vis de sa raison. C’est une position qui influencera toutes les époques futures.

Ainsi, le Discours comme les Méditations, fera l’objet de notre toute première analyse dans la perspective de nous faire réaliser à quel point ce qu’il contient est marquant pour l’époque, notamment en ce qui concerne l’identification de l’homme.

La découverte du cogito, significative de la démarcation “ sujet – objet ” 

La première révélation importante du Discours fut donc celle de la découverte de l’âme, cette entité qui fait de l’homme essentiellement un “ sujet –déterminant ”, par opposition à un “ objet à déterminer ”. Cette découverte marque la théorie métaphysique de l’Epoque Moderne : l’âme, lieu naturel de la vérité, diffère du corps sujet naturel au changement.

En effet, l’affirmation du dualisme fait partie sans aucun doute, des principaux héritages platoniciens dont est marqué Descartes. N’est-ce pas dans ce dualisme que l’on reconnaît la grandeur de Platon ? Par cette théorie qui fonde l’idéalisme, on ne peut pas ne pas apercevoir l’idée de la vérité “ une ”. L’orphisme pythagoricien y est également pour quelque chose si l’on s’en tient au domaine purement philosophique. Tout cela refera surface dans les éléments constitutifs du système philosophique de Descartes sous la forme de l’immortalité de l’âme et de la vérité une.

Par ailleurs, dans plus d’un de ses ouvrages, on voit Platon mettre l’accent sur la valeur de l’âme, position qu’il a hérité sans aucun doute de l’orphisme pythagoricien .

Chez Platon comme chez Descartes, l’appréhension de la vérité des choses extérieures s’effectue par le moyen de l’âme, cette partie de nous même qui s’affranchit de la mobilité du sensible, afin d’avoir pied dans l’immuable. Seule l’identité, la nécessité et l’immutabilité fondent la véritable connaissance . Platon et Descartes se trouvent donc sur le même palier au sujet de cette conception de la vérité comme étant universelle, mais quand il s’agit de déterminer ce par quoi on connaît, une nuance apparaît, car ce qui connaît chez l’homme ne peut être que la raison ou l’entendement selon Descartes et cette connaissance s’effectue en vertu de sa propre lumière.

Par le biais de l’aperçu synthétique du platonisme, on constate un élitisme intellectuel. Par analogie, Platon compare les prisonniers à ceux qui demeurent esclaves de leurs sens et qui, par conséquent, se noient dans l’illusion des objets extérieurs. Descartes par contre, universalise pour tout homme ce qui n’est que l’apanage des philosophes chez Platon. Il ne voit aucune raison d’admettre que la vérité n’est accessible qu’à une certaine catégorie de gens.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : LE SUJET PENSANT, SA PUISSANCE ET SA FINITUDE
INTRODUCTION
I-I : LA RAISON, PUISSANTE DANS SA VOCATION ORIGINELLE
I-I-I : LA TRANSCENDANCE DU COGITO
A/ LES REVELATIONS DU DISCOURS CARTESIEN
a) La découverte du cogito, significative de la démarcation sujet-objet
b) La méthode, cause occasionnelle de l’efficace du sujet dans ses entreprises
B/ LA PORTEE DU RATIONALISME CARTESIEN
a) Une brèche opportune pour la victoire de l’objectivité
b) L’autonomie de la raison
I-I-II : LE NOUVEL ESPRIT PHILOSOPHIQUE
A/ OBJET DE LA PHILOSOPHIE, LA VERITE INDIBUTABLE
a) Critiques cartésiennes à l’égard des philosophes anciens
b) Un nouveau profil de la philosophie
B/ LE COGITO IMMORTEL, LEGITIMANT TOUTES RECHERCHES…53
a) L’âme, sa nature et sa fonction
b) L’unité de la Science
I-II : LE DISCREDIT DE LA RAISON
I-II-I : LIMITES VENANT DE LA FINITUDE DE L’HOMME
A/ : L’IMPERFECTION DES SENS ET LA LIMITE DE LA RAISON
a) La confusion des sens
b) La raison humaine, une substance limitée
B/ : L’ENTENDEMENT, UN RENVOI A L’ETRE
a) L’insuffisance de la simple objectivation rationnelle
b) La justification divine
I-II-II : LA DEPENDANCE ABSOLUE DU COGITO
A/ : LA PROBLEMATIQUE DE L’ERREUR ET DU MAL
a) De l’état de perfection
b) La portée décisive du premier acte pécheur
c) La victoire des sensations
B/ : LA RAISON NECESSAIRE NON SUFFISANTE
a) La grande Raison, référence universelle
b) Les vérités, une découverte et non une possession
CONCLUSION
PARTIE II : LE SENS PROFOND DE L’ACTE CREATEUR, DE L’ACTE MORAL ET DE L’ACTIVITE COGNITIVE
INTRODUCTION
II-I : LA FINALITE EXCEPTIONNELLE DE L’UNIVERS ET DE L’HOMME
II-I-I : LES CREATURES ET LEUR FIN METAPHYSIQUE
A/ : LE DESSEIN DE DIEU DANS L’ACTE CREATEUR
a) L’Univers crée dans une perspective de gloire
b) Et le profane devient sacré, et la gloire devient réelle de toute éternité
B/ : DE L’ORDRE COMME PRINCIPE FONDAMENTAL
a) Le péché, une erreur permise
b) De la simplicité des voies divines à celle des lois de la nature
II-I-II : LE CARACTERE ASCENDANT DE L’HOMME
A/ : UNE AUTRE VOIE POUR L’ENIGME DE L’EXISTENCE
a) Un être qui passe le néant de la mort
b) L’union directe avec Dieu
B/ : L’INTERPELLATION DU BIEN
a) De l’Amour divin à l’amour humain
b) Le bien réel, une fin mal saisie
C/ L’INESTIMABLE VALEUR DE LA VERTU
a) La moralité, un fait significatif de dépassement, donc d’ascension
b) La liberté, une épreuve de fidélité
II-II : INTEGRATION DE DIEU DANS LA THEORIE DE LA CONNAISSANCE
II-II-I : LA METAPHYSIQUE FONDEMENT DE LA CONNAISSANCE
A/ : LA VISION EN DIEU
a) L’ “ étendue intelligible ”, domaine spirituel de l’essence des choses
b) La connaissance rationnelle, impliquant la Connaissance Divine
B/ : LA NATURE DES VERITES
a) La convergence et la divergence des vérités spéculatives et morales
b) La raison et la foi, deux entités concordantes
II-II-II : LA PSYCHOLOGIE DE L’ATTENTION
A/ UN RAPPORT DE TOTALE DEPENDANCE ENTRE LA RAISON HUMAINE ET LA RAISON DIVINE
a) L’attention, une prière de tous les esprits
b) La méthode malebranchienne, mystificationde la méthode rationaliste cartésienne
B/ : L’INTERPELLATION DU VRAI
a) La connaissance, une forme d’aspiration vers l’Absolu
b) Le monde cartésien, un monde qui se doit de se détromper
CONCLUSION
PARTIE III :LES FONDEMENTS DE LA DIMENSION METAPHYSIQUE DANS LA PHILOSOPHIE ET DANS L’EXISTENCE
INTRODUCTION
III-I :LA NOTION DE METAPHYSIQUE CHEZ MALEBRANCHE
III-I-I : UNE METAPHYSIQUE RATIONNELLE
A/ LES SOURCES FONDAMENTALES DE LA METAPHYSIQUE DE MALEBRANCHE
a) Les sources lointaines de l’Antiquité
b) Les héritages cartésiens
B/ LA METAPHYSIQUE INTEGREE ET INTEGRANTE
a) La connaissance purement intellectuelle, insuffisante pour nous rendre digne du Créateur
b) La “ connaissance ” salutaire de la conduite vertueuse
c) La métaphysique rationnelle
III-I-II : LA SAGESSE DIVINE ET LA SAGESSE HUMAINE
A/ LE VERBE, UNE POSSESSION EXCLUSIVE DE DIEU
a) Le Verbe et le logos du monde
b) Le Verbe intégré dans l’expérience existentielle
B/ LA SAGESSE DE LA PHILOSOPHIE
a) Le réel profil de la Philosophie chez Malebranche
b) Science, Philosophie et Religion, trois domaines concomitants
CONCLUSION GENERALE

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