La dimension éthique de la médecine

LES DANGERS DES PROGRES DE LA BIOMEDECINE

                    La thérapie génique suscite une prise de conscience du danger des progrès de la médecine, quand elle fait appel à des techniques qui mettent en jeu la dignité de la personne, la protection de l’intégrité du corps, le respect de la vie dès son commencement et le respect des morts. Ce sont des sujets sur lesquels la société, y compris celle des Malgaches, éprouve le besoin de débattre et de légiférer. D’ailleurs, la recherche médicale n’est jamais exempte de risques. Elle peut provoquer des menaces dont l’origine est liée aux conséquences induites par les découvertes scientifiques et techniques et qui peuvent se révéler tragiques pour les collectivités humaines. On a été amené à considérer, par exemple, le clonage reproductif comme un crime contre l’espèce humaine. Il en est de même, selon nous, pour l’IVG, qui est un crime contre la vie d’un individu. S’il en est ainsi, il faut qu’il y ait des lois qui garantissent le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie (au stade de fœtus ou même de l’embryon) jusqu’à sa mort.

L’approche archaïque de la maladie

                     Les historiens de la culture, en particulier ceux qui ont étudié la magie dans son rapport au développement des sciences, soulignent la constance et la cohérence d’une approche symbolique du réel par laquelle l’homme a, tout au long des siècles, apprivoisé son environnement qui est souvent cruel. L’homme a donné un sens à la dureté de sa propre vie. Les hommes, atteints de maladie, sont toujours confrontés d’abord à des questions existentielles. Pourquoi cette maladie-là? Pourquoi m’atteint-elle, moi? Aurais-je offensé quelqu’un ou les dieux ? Ces questions inquiètes du patient sur ce qui lui arrive exigent une interprétation globale des événements et demandent de situer cette maladie-là dans l’ensemble de sa vie, dans l’ensemble de ses relations sociales et dans le monde de ses croyances. C’est pourquoi la fonction du médecin-mage est toujours apparue à côté du médecin empirique. Autrement dit, à côté de l’analyse des symptômes et de la recherche des causes, il y a toujours eu place pour une détermination du sens et des fins de la maladie. Mais dans l’Antiquité, le symptôme lui-même, par exemple la fièvre, était considéré comme une maladie.

Les rapports entre la médecine et la magie

                           Les frontières entre médecine et magie ont souvent été loin d’être nettes. L’homme médecine et le magicien étaient souvent réunis en une seule personne. Il en résulte, cependant, que les questions d’éthique médicale ne doivent plus être examinées du seul point de vue des praticiens et de l’idéal-type qu’ils se donnent, c’est-à-dire en se référant au Serment d’Hippocrate, mais aussi d’une éthique considérée à partir du vécu des malades eux-mêmes. Enfin, les racines de la culture grecque antique et des cultures sémitiques se retrouvent dans la liaison du religieux et de l’empirique dans les sociétés du ProcheOrient.13 Si l’on reconnaît à l’Egypte une médecine développée, on s’est longtemps accordé pour dire que la médecine mésopotamienne n’était que magie. Jean Bottero montre que, dès cette Antiquité-là, en Mésopotamie, dans « la lutte organisée contre le mal physique », deux types de médecine ont coexisté côte à côte, se rejoignant parfois : « Médecine de médecins et médecine de « mages ». » 14 L’intention thérapeutique y coexiste même si les méthodes employées sont complètement différentes. Le médecin, souligne Bottero, « agit par lui-même et directement sur le malade en utilisant des drogues qu’il a choisies, préparées et combinées, et ce après avoir tenté un diagnostic du mal par examen de ses manifestations… » 15. Le mage obéit à un véritable rituel fixé d’avance et censé être efficace par soi même. Si l’on veut établir un parallèle entre les deux procédés, on peut dire que la recherche des causes dans la médecine de mages est celle du mal en soi. Elle s’inscrire dans l’univers construit du mythe. Le mage utilise deux moyens conjuratoires essentiels : la manipulation et la parole, en respectant certaines lois de la pensée analogique comme celles des semblables ou des contraires. Pourquoi ces deux types de médecine se retrouvent-ils alors mêlés dans certains « traités »? Outre le fait que deux chances valent mieux qu’une, notons qu’une telle médecine empirique, jouant essentiellement sur l’observation et l’analogie, ne mettait en avant que les causes immédiates du mal. La médecine de type « exorcistique » rattachait la maladie comme tout « mal de souffrance », non plus à sa seule cause prochaine, mais à ce qui expliquait le déclenchement de cette dernière.

LE CHAMP ET L’OBJET DE LA MÉDECINE : DOULEUR ET SOUFFRANCE, VIE ET MORT

                   La question du champ de la médecine constitue la base de toute réflexion valable sur les différents aspects de la rationalité médicale. Il ne faut pas la confondre avec la question de l’objet de la médecine (la maladie, la souffrance…) qui est ce qu’elle place devant elle (ob-jet) pour s’en occuper et s’en préoccuper. Or, pas plus en médecine que dans la perception courante, il n’y a d’objet possible sans un examen du fond qui le supporte et sur lequel il se détache. En médecine, ce fond doit être désigné comme étant celui du corps. Sans le corps, les objets de la médecine ne seraient que de pures abstractions, ce qui suffirait peut-être à constituer une science biologique mais certainement pas une médecine. Si l’’objet de la médecine est défini comme la maladie, la souffrance et/ou la mort, comment classer le handicap (moteur ou mental) ou bien la stérilité dont la médecine se préoccupe, alors qu’il ne s’agit pas des maladies au sens strict du terme ? On a donc affaire à des catégories qui sont loin d’être fixes et transparentes. C’est pourquoi leurs diverses interprétations induisent des comportements thérapeutiques aux conséquences éthiques bien différentes. Pour la médecine, la difficulté commence avec les relations mouvantes que la douleur entretient avec la maladie. Si la douleur peut servir de signal ou de signe à la maladie, il existe aussi des pathologies indolores. On peut donc être malade sans éprouver de douleur, ou éprouver de la douleur sans être forcément malade : la douleur-signal fait mal mais c’est un bien tandis que son absence est un mal. On dira, par analogie, que la souffrance affective ou morale peut être un bien, tandis que son absence est une marque d’insensibilité, voire d’inhumanité. D’ailleurs, selon le statut accordé à la douleur et à la souffrance, on n’adopte pas les mêmes formes de thérapies. Notons, en particulier, que si toute douleur se réduisait à la souffrance, la seule vraie médecine serait la sagesse. Sur ce point, le stoïcisme est tenu comme le moyen de se libérer des passions ; l’épicurisme avait défini aussi le plaisir comme absence de douleur. Inversement, si toute souffrance se réduisait à la douleur, la médecine serait synonyme d’une sagesse globale et toutepuissante, mais au prix d’une médicalisation généralisée de la condition humaine. Quelle peut être alors la tâche de la médecine face à ce mal qu’est la douleur ? Traiter toute douleur comme une maladie c’est risquer de faire l’économie de la souffrance et de se priver de la possibilité d’une réorganisation du sens de la vie pour le sujet en peine de guérison. Mais reconduire la douleur à la souffrance ou rester inactif devant la douleur pour se concentrer sur la seule maladie revient au même résultat. C’est la désappropriation du sujet par le mal. La frontière entre douleur et souffrance est probablement fournie par l’exigence du respect de la dignité de la personne. La douleur réclame des soins ou des antalgiques. La souffrance requiert du sens, de la parole, de la consolation. Pour la médecine, faute de pouvoir abolir la douleur, on peut être tenté d’escamoter la vérité du sujet qui pâtit. Mais si l’on réduit toute souffrance à une douleur à traiter, on peut passer et à la déshumanisation du malade. Et concernant la relation qui lie la maladie, la douleur et la mort, on s’attend peut-être à considérer seulement que la mort constitue l’objet suprême de la médecine, d’où l’expression habituelle désignant « la mort comme la dernière maladie à vaincre ». 16 Et pourtant, même si l’échec de la médecine se manifeste éminemment avec la mort du patient, il est impossible de faire de la mort un objet de la médecine. La mort, comme la guérison, a beau être l’issue d’une maladie. Elle ne constitue pas elle-même une maladie, elle échappe donc à l’emprise de la médecine, dont le champ est la vie. Comme le dirait naïvement l’homme usant de bon sens : tout mourant soigné par la médecine est encore un vivant et, réciproquement, le patient décédé n’est plus un malade.17 En fait, nous dirions que ce n’est pas la mort en tant que telle qui hante le champ médical mais seulement son ombre. Levinas a donc raison de conclure que ce n’est pas la mort qui constitue 1′ « épreuve suprême » de la liberté et de la volonté humaines, mais la souffrance.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : L’HOMME FACE AUX PROGRES DE LA MEDECINE
I – LES IMPACTS DU PROGRES DE LA BIOMEDECINE
II – L’IMPORTANCE DE LA THERAPIE GENIQUE
III – LES DANGERS DES PROGRES DE LA BIOMEDECINE
IV – L’IMPORTANCE DE LA REFLEXION BIOETHIQUE
CHAPITRE II : LE CONTEXTE DE LA MEDECINE
I – HISTOIRE DE LA MEDECINE
1-La médecine archaïque
2-L’Approche archaïque de la maladie
3-Les rapports entre la médecine et la magie
II – LE CHAMP ET L’OBJET DE LA MEDECINE : DOULEUR ET SOUFFRANCE, VIE ET MORT
CHAPITRE III : LA DIMENSION ÉTHIQUE DE LA MÉDECINE
I – L’ETHIQUE MEDICALE
II – SPECIFICITE DE L’ETHIQUE MEDICALE
1-Serment d’Hippocrate (Version antique)
2- Serment médical (Version moderne)
III – L’EXPERIMENTATION EN MEDECINE
IV – LA RELATION MEDECIN-PATIENT
V – LE CONFLIT DES PRINCIPES FACE A L’EXPERIENCE DE LA RENCONTRE 
VI – LA PERSONNE ET L’ETHIQUE MEDICALE
VII – LA MEDECINE ET LA SOCIETE
CHAPITRE IV : LES RESPONSABILITES DE LA FACULTE DE MEDECINE A MADAGASCAR 
I – LA CHARTE DE LA FACULTE DE MEDECINE MALGACHE
II – LA COMPLEMENTARITE ENTRE LA FACULTE DE MEDECINE ET LES MALADES
III – LA VALORISATION DES SAVOIRS ISSUS DE LA RECHERCHE A LA FACULTE DE MEDECINE A MADAGASCAR
CHAPITRE V : LES RAPPORTS ENTRE LA MEDECINE, LES DIVERSES CROYANCES ET LA CULTURE A MADAGASCAR
I – LA DIVERSITE CULTURELLE A MADAGASCAR
II – LES CROYANCES ET LES PRATIQUES THERAPEUTIQUES TRADITIONNELLES A MADAGASCAR
III – MEDECINE TRADITIONNELLE ET MEDECINE MODERNE A MADAGASCAR 
CHAPITRE VI : METHODOLOGIE
I – CADRE CONCEPTUEL ET PRESENTATION DES INSTRUMENTS DE LA RECHERCHE
1 –Presentation et justification de la methode
2– Definition des notions et concepts-cles
II – PLAN DETAILLE PROVISOIRE ET BIBLIOGRAPHIES
1 –Plan detaillé provisoire de la future thèse
2 – Bibliographies du projet de thèse
2-1- Bibliographie commentée
2-2- Autres livres consultés
2-3- Livres encore à rechercher et à consulter
2-4- Webographie
CONCLUSION

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