La dimension continentale de la piraterie maritime 

L’évolution des pratiques et de la zone opératoire des pirates

Confrontés aux facteurs qui viennent d’être évoqués, les populations littorales somaliennes se décident à agir. Si leur réaction prend d’abord la forme d’une privatisation des prérogatives de protection censées être assurées par l’État, elle évolue et devient vite de la piraterie. Cette partie s’attache ici à présenter l’émergence de la piraterie, d’abord sous la forme de gardes-côtes privés, puis sous la coupe de seigneurs de guerre et des clans somalis. Il sera ensuite question du mode opératoire pirate, de ses évolutions, puis pour finir, de l’évolution de la zone opératoire des pirates somaliens.

L’émergence de la piraterie

L’émergence de la piraterie est, comme il a déjà été expliqué, liée à la violation de la souveraineté maritime de l’État somalien, c’est-à-dire la souveraineté qu’il est censé exercer sur son territoire maritime. Ce territoire maritime somalien correspond à l’ensemble des zones maritimes définies dans la CNUDM, à savoir : les eaux intérieures, la mer territoriales, la zone contiguë et la zone économique exclusive (cf. figure n°2). Pour protéger ce territoire maritime des chalutiers étrangers qui pillent les ressources halieutiques, des groupes de pêcheurs s’organisent en « gardes côtes auto-proclamés » et réclament des « taxes » sous forme d’amendes pour violation des eaux territoriales du pays (Guisnel & Mahler, 2012, p. 63).
Appâtés par les gains que peuvent générer ces gardes-côtes, les seigneurs de guerre somaliens – qui contrôlent de facto une partie du territoire national – constituent leurs propres équipes (Guisnel & Mahler, 2012, p. 65), et ces équipes s’éloignent de l’objectif de base. Il ne s’agit ici que de générer du profit dans une logique quasi entrepreneuriale. L’arraisonnement et la demande de taxe se transforment très vite en extorsion, prenant la forme de « piraterie organisée » (Guisnel & Mahler, 2012, p. 64). Bien qu’ils n’aient plus les mêmes motivations, ces pirates continuent de se justifier en affirmant qu’ils luttent contre la pêche illégale et qu’ils sont des gardes-côtes (Hansen, 2009, p. 8). Cependant, certaines attaques sont tournées vers des navires de transport n’ayant rien à voir, de près ou de loin, avec la piraterie halieutique, tels que des cargos ou des tankers (Hansen, 2009, p. 11).
Le développement de la piraterie peut s’expliquer par cette justification. Mais elle ne suffit pas à expliquer l’augmentation du nombre de pirates. Hansen explique que la piraterie est le résultat d’un calcul du pour et du contre, des gains et des pertes possibles par la piraterie (2009, p. 7). En fait, les pirates s’engagent car il y a davantage de bénéfices à tirer de la piraterie que d’autres activités, ou bien il n’y a même pas d’autres activités. De plus, il y a peu de chance de « perdre » car la piraterie est très peu réprimée dans ses débuts (c’est à dire dans les années 1990).

Modus operandi des pirates

Il convient, dans cette sous-partie, de se demander comment se déroule une attaque pirate. Mais avant tout, il nécessaire d’aborder un certain point. L’activité pirate est une activité éminemment maritime. De ce fait, elle subit les aléas de la mer, notamment les aléas climatiques. En s’intéressant au nombre d’actes de piraterie par mois, il est possible d’observer deux saisons plus calmes. Ces deux saisons correspondent aux moussons qui rendent l’océan Indien difficilement praticable pour de petites embarcations à cause des vents violents et de la mer déchainée qu’elles génèrent. La mousson du nord-est dure donc de décembre à mars, et la mousson du sud-ouest, de juin à septembre (Hansen, 2009, p. 22). En effet, la figure n°4 montre bien deux pics dans le nombre d’attaques pirates attribuées à des somaliens : le premier en avril, juste après la mousson du nord-est, le second en novembre, un peu après la mousson du sud-ouest. Les deux inflexions correspondant aux périodes de moussons sont aussi facilement remarquables.
Aussi, il est nécessaire de s’intéresser au matériel utilisé durant une opération. Toute opération repose d’abord sur l’embarcation. Elle peut se limiter à une ou deux esquifs, de petits bateaux de pêche. Il convient ensuite d’avoir des armes, généralement des AK-47 (Kalachnikovs) et des lance-grenades, et du matériel permettant d’aborder et de monter à bord des navires ciblés : échelles, grappins et cordes (Guisnel & Mahler, 2012, p. 81). Mais les pirates savent aussi s’équiper de matériel technologique relativement avancé, à savoir des terminaux GPS de poche, des téléphones satellitaires et des récepteurs VHF permettant de capter les différents signaux que les navires sont obligés de diffuser en continu. Parmi les informations contenues dans ces signaux, les coordonnées géographiques, la vitesse, la direction, le port de destination, le type de bâtiment, la cargaison et le nombre de personnels à bord (Guisnel & Mahler, 2012, pp. 81-82).
Une fois la saison de la mousson achevée, et ainsi équipés, les pirates prennent donc la mer à la recherche d’un navire. Grâce à leur récepteur, ils peuvent repérer les navires à proximité et déterminer le type de navire dont il s’agit. Ils peuvent aussi s’intéresser à la cargaison et au nombre de membres d’équipage pour choisir le navire à attaquer. Une fois la cible choisie, ils utilisent leur système GPS pour s’en rapprocher et passer à l’abordage. Cette partie de l’opération débute par une phase d’intimidation dont l’objectif peut être de faire ralentir le navire (UKMTO, 2011, p. 10).
Les pirates tirent en l’air et parfois même sur le navire lui-même . Une fois qu’ils sont à la hauteur du navire ils tentent de monter à bord à l’aide d’échelles ou de grappins pour prendre le contrôle du navire et le faire ralentir ou s’arrêter afin de faire monter davantage de pirates à bord (UKMTO, 2011, p. 10).
Une fois détourné, le navire et son équipage sont emmenés sur les côtes somaliennes. Le navire est conservé au large d’un village, et l’équipage est gardé à bord ou emmené à terre jusqu’au versement d’une rançon (Guisnel & Mahler, 2012, p. 76). Les pirates ont besoin de l’autorisation des anciens pour conserver le bateau dans ces conditions et c’est aussi pour cette raison que le monoclanisme des groupes pirates est un avantage : un groupe a davantage de chances d’obtenir l’aval du conseil des anciens dans de telles conditions.
Mais les pratiques des pirates évoluent. En témoigne le recours au bateau-mère. Ce bateau, de taille bien plus importante que les esquifs, est en fait un ancien bateau détourné que les pirates conservent et utilisent. Il peut s’agir d’un cargo ou d’un pétrolier et il est généralement utilisé comme base en haute mer (Guisnel & Mahler, 2012, p. 86). Les deux auteurs citent comme exemple la capture du MV Beluga Nomination, un cargo allemand. Le 22 janvier 2011, ce cargo est abordé par des pirates dont le bateau-mère n’est autre que le MV York, un tanker capturé trois mois auparavant (Guisnel & Mahler, 2012, p. 85).
Le traitement des otages fait aussi partie des points qui ont évolué au cours des années 2000. Ils servent d’abord de monnaie d’échange, au même titre que le navire et sa cargaison. Ils sont donc conservés jusqu’au paiement de la rançon. Mais le temps de séquestration peut être extrêmement long. Si la moyenne est d’environ six mois en 2011, il arrive que les otages soient gardés bien plus longtemps, comme ce fut le cas pour les membres d’équipage du MV Iceberg. Ces derniers ont été capturés en mars 2010 et libérés après plus de deux ans et huit mois de détention, en décembre 2012. L’allongement des périodes de détention est une conséquence des velléités de plus en plus audacieuses des pirates en termes de rançon (cf. infra, partie 1.3, page 37). En plus de ça, ils sont régulièrement séquestrés à bord du bateau-mère pour servir de protection en cas d’accrochage avec des navires militaires. Guisnel et Mahler évoquent des « boucliers humains » (2012, p. 84).
En novembre 2008, la Marine indienne avait d’ailleurs coulé un chalutier qui venait tout juste d’être piraté. Seulement, l’équipage se trouvait encore à bord, et sur les seize marins, un seul à été retrouvé vivant.

L’expansion de la zone opératoire des pirates

L’évolution des pratiques qui vient d’être envisagée amène à une modification de la zone opératoire des pirates. Cet espace, vécu et pratiqué par les pirates, est avant tout terrestre. La piraterie repose sur l’existence de ports pirates, leur permettant de prendre la mer puis d’avoir un lieu où conserver et surveiller le navire détourné. Mais c’est l’évolution de sa dimension maritime qui a été spectaculaire dans les années 2000. Entre 2000 et 2009, la piraterie somalienne est passé d’un phénomène de faible ampleur et circonscrit à une aire géographique restreinte, à un enjeu majeur envahissant toute la partie occidentale de l’océan Indien (cf. carte n°3). Mesurer cette évolution nécessite l’usage de données géographiquement référencées. C’est notamment le cas du PRC/IMB que j’ai déjà pu citer, celui-ci étant d’ailleurs repris par l’Organisation maritime internationale (IMO), organe maritime des Nations Unies. Les deux publient des rapports réguliers, mais seul le PRC y intègre les coordonnées géographiques (ou les informations dont il dispose quand les coordonnées ne sont pas transmises). En 2012, Bridget Coggins du Dartmouth College publie un fichier de données compilant toutes les informations précédemment publiées par le PRC, sur une période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2009. Cette période correspond à la période de forte croissance de la piraterie, et ce recueil de données permet d’établir des statistiques ainsi que du traitement d’information géographique (ces données étant presque toutes géographiquement référencées).

Les enjeux de la piraterie au large des côtes de la Somalie

En 2009, le territoire pirate couvre une superficie de plus de 2,3 millions de mn², du sud de la mer Rouge jusqu’au détroit d’Ormuz et aux Seychelles dans l’océan Indien. Ce gigantesque territoire englobe notamment la route maritime de Suez, l’une des plus importantes du monde. Il conviendra, dans cette partie, d’analyser l’impact de la piraterie somalienne sur cette fameuse route de Suez. Ce travail se nourrira en grande partie de statistiques. Ensuite, il s’agira d’envisager l’impact sur l’économie mondiale à travers un résumé et une discussion du travail d’Anna Bowden publié fin 2010 par la fondation One Earth Future.
Jusqu’en 1869, les navires européens à destination des Indes et du reste de l’Asie devaient contourner l’Afrique à la manière de Vasco de Gama, à la fin du XVème siècle. Mais en 1859 débute, sous l’impulsion de Ferdinand de Lesseps, le creusement d’un canal pour relier la mer Méditerranée et la mer Rouge. Achevé en 1869, le canal de Suez est alors inauguré par l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III. Le temps du voyage entre l’Europe et l’Asie est considérablement raccourci et cette « route maritime de Suez » s’impose vite comme l’une des routes maritimes les plus importantes du monde. Cette route passe donc par le canal de Suez, en Egypte, avant de traverser la mer Rouge dans sa longueur. Après avoir franchi le détroit de Bab elMandeb, c’est le golfe d’Aden qu’il faut obligatoirement traverser (cf. carte n°4). La mer Rouge n’ayant que deux sorties, on peut légitimement penser que la quasi-totalité des navires passant le canal de Suez doit aussi traverser le golfe d’Aden. Admettant cette idée, nous pouvons donc étudier les statistiques fournies par la Suez Canal Authority et les considérer comme des chiffres presque équivalents à ceux qui pourraient être publiés sur le golfe d’Aden. Nous continuerons cependant à parler des chiffres du canal, tout en gardant à l’esprit qu’ils peuvent être appliqués au golfe.
Aujourd’hui, le canal voit passer environ 10 % du trafic maritime mondial. En effet, selon les chiffres du CNUCED (2011, p. 9), ce trafic maritime international annuel est estimé à 8 400 millions de tonnes en 2010, et selon les statistiques de la Suez Canal Authority, le trafic du canal pour la même année est de 846 millions de tonnes.
Il convient maintenant d’observer les chiffres fournis par la Suez Canal Authority. Les statistiques les plus anciennes auxquelles il est possible d’avoir accès remontent à 2000. Des statistiques plus anciennes n’auraient pas été beaucoup plus intéressantes car la piraterie n’était encore que résiduelle comparée à son niveau en 2008/2009. Il sera donc ici intéressant d’envisager ces statistiques en les croisant avec celles de la piraterie pour déterminer l’impact que cette pratique peut avoir sur la route de Suez.
Ce croisement montre une certaine corrélation : alors que la piraterie connaît un pic en 2009, le trafic maritime passant par Suez diminue. On remarque aussi une légère hausse alors que la piraterie diminue en 2010, puis en 2014. Cependant, concernant la chute du trafic de 2009, elle peut aussi être attribuée à la crise économique globale de 2007-2008, celle-ci ayant eu des répercussions sur plusieurs années.
La piraterie a donc un impact important sur le commerce maritime. Cet impact engendre des coûts importants, aussi bien économiques qu’humains. Concernant les coûts économiques, seuls les coûts directs sont communément évalués. Pourtant, l’impact macroéconomique de la piraterie est extrêmement important. Depuis 2010, la fondation One Earth Future a lancé le projet Oceans Beyond Piracy dont le but est « d’apporter une réponse à la piraterie par la mobilisation de la communauté maritime, par le développement de partenariats entre le public et le privé pour promouvoir des solutions viables en mer comme sur terre, et par une dissuasion durable basée sur le droit maritime international » . Dans le cadre de ce projet, Anna Bowden a dirigé une étude cherchant à évaluer les coûts de la piraterie, aussi bien directs que secondaires (macroéconomiques). Cette partie prendra la forme d’une présentation suivie d’une discussion des résultats de son étude de 2010. Il a été choisi de ne pas étudier leur dernière étude publiée en 2012 car c’est en 2010 que le phénomène de la piraterie touche à son apogée et que les enjeux de celleci sont apparus le plus clairement.
L’étude commence par insister sur les difficultés rencontrées pour établir le coût global de la piraterie, la première étant la difficulté à le calculer. En effet, les données disponibles sont limitées et parfois inexistantes. L’imperfection des données issues du PRC du Bureau maritime international est aussi avancée. Le centre ne relèverait pas toutes les attaques car « dans certains cas les propriétaires de navires préfèrent dissuader le capitaine de dénoncer une attaque [car] ils ne veulent pas de mauvaise publicité ou que le bateau soit retardé par une enquête » (Bowden, 2010, p. 8). Noël Choong – directeur du PRC – dit lui que « à peu près la moitié des attaques pirates n’est pas dénoncée » (Bowden, 2010, pp. 7-8). La dernière difficulté dans le calcul est l’effet désagrégeant de l’instabilité politique et financière de la zone. Elle oblige à se poser la question de l’impact qu’a vraiment la piraterie dans un tel contexte. La crise économique de 2008 est un autre facteur compliquant et les auteurs s’interrogent sur « comment déterminer si le changement dans le commerce maritime est lié à la piraterie ou à une déflation de l’industrie » (Bowden, 2010, p. 8).
Les auteurs envisagent ensuite les coûts directs, à savoir « le coût des rançons, des assurances, de l’équipement dissuasif, du changement de route, du déploiement des Marines, de la poursuite judiciaire des pirates capturés, et du budget des organisations chargées de réduire la piraterie » (Bowden, 2010, p. 8). Le coût des rançons n’a cessé d’augmenter dans les années précédent l’étude. En 2005, la rançon était d’environ 150 000 dollars américains ; en 2009, 3,4 millions, et en 2010 il est prévu que cette moyenne soit de 5,4 millions (Bowden, 2010, p. 9). En plus de voir les pirates demander des rançons de plus en plus élevées, le temps de négociation a considérablement augmenté, entrainant des coûts supplémentaires : les négociations en elles-mêmes, auxquelles il faut ajouter, a posteriori, le suivi psychologique de l’équipage, les réparations du bateau, et le coût de la livraison de l’argent qui se fait souvent en hélicoptère ou en avion privé (Bowden, 2010, pp. 9-10). Au final, le coût des rançons (seules) pour les années 2009 et 2010 est estimé par l’étude à 415 millions de dollars américains. Les auteurs ont ensuite décidé de doubler ce coût, considérant que les dépenses supplémentaires correspondaient à peu près au montant de la rançon.
Pour 2009 et 2010, ce sont donc approximativement 830 millions qui ont été dépensés pour payer les rançons et les frais supplémentaires.
Le coût des assurances a lui aussi augmenté, particulièrement dans les zones de haut risque de piraterie. C’est notamment le cas du golfe d’Aden qui a été désigné « zone de risque de guerre » par Lloyds Market Association en mai 2008 (Bowden, 2010, p. 10). « Depuis cette date, le coût des primes de ‘risque de guerre’ ont été multipliés par 300, de 500 dollars par bateau et par voyage jusqu’à 150 000 dollars en 2010 » (Bowden, 2010, p. 10). Les assurances couvrant le kidnapping et demandes de rançon liées à l’équipage ont décuplé entre 2009 et 2009, celles couvrant la cargaison sont passées de 25 à 100 dollars par conteneur et il est estimé que les assurances couvrant le bateau ont doublé à cause de la piraterie (Bowden, 2010, p. 11). Les auteurs considèrent ensuite que tous les navires ne prennent pas d’assurances (certains car ils préfèrent contourner l’Afrique, voir plus bas). Si 10 % des bateaux sont couverts, le surcoût estimé est de 459 millions de dollars, si 70 % le sont, il est estimé à plus de trois milliards (3,213) (Bowden, 2010, p. 12). Le coût du changement de trajet est quant à lui estimé entre 2,3 et 3 milliards si 10 % des navires choisissent de contourner l’Afrique par le cap de Bonne Espérance, augmentant la durée du voyage d’environ dix jours, réduisant ainsi la capacité de livraison d’environ 17 % (Bowden, 2010, pp. 13-14). Comme pour les assurances, le matériel de dissuasion n’est pas acheté par tous les navires. Le coût total de la dissuasion par navire et par voyage est estimé à 134 450 dollars. Si 10 % des navires s’équipent, le coût est donc de 363 millions de dollars, si 70 % le font, il est de 2,5 milliards (Bowden, 2010, p. 15).
En plus du surcoût pour les transports, il y a des dépenses liées à la lutte directe contre la piraterie, notamment les dépenses des forces navales. Comptabilisant 43 vaisseaux opérant au large de la Corne de l’Afrique, et considérant le coût journalier d’un bâtiment militaire à plus de 82 mille dollars , les auteurs de l’étude estiment les dépenses uniquement liées aux navires à environ 1,3 milliards de dollars par an. En y ajoutant le budget administratif, ils obtiennent un total approximatif de deux milliards de dollars. Concernant les poursuites judiciaires contre les pirates appréhendés, elles coûtent environ 31 millions de dollars et ces coûts sont surtout régionaux car 483 des 507 poursuites ont été menées dans des pays de la région, notamment au Kenya ou aux Seychelles (Bowden, 2010, pp. 18-19). Dans les coûts directs de la piraterie, il reste enfin le coût des organisations dissuasives. Ce dernier est calculé grâce aux fonds dont ces organisations disposent. Parmi ces organisations se trouvent le groupe de contact des Nations unies en Somalie ainsi que le code de conduite de Djibouti de l’Organisation maritime internationale. L’ensemble des fonds de ces organisations s’élèvent à 24,5 millions de dollars américain (Bowden, 2010, p. 20).
Après avoir envisagés les coûts directs, il convient de montrer que la piraterie a aussi des conséquences sur les économies environnantes. Cependant, cet impact est extrêmement difficile à distinguer de l’impact du contexte économique ou politique. La fondation One Earth Future tente néanmoins de l’estimer dans la deuxième partie de son étude sur les coûts de la piraterie, en commençant par l’impact économique de la piraterie sur le commerce régional. En effet, la piraterie n’affecte pas seulement le commerce par le détournement de navires transportant des biens divers. Quand la région est particulièrement touchée par la piraterie, les transporteurs privilégient d’autres ports pour délivrer et récupérer leur marchandise. Les autorités kenyanes estiment que la piraterie a augmenté le coût des imports de 23,8 millions de dollars par mois, et le coût des exports de 9,8 millions (Bowden, 2010, p. 21). La piraterie a aussi un impact particulièrement important sur le secteur de la pêche, mais cet impact est difficile à estimer du fait des variations du prix du poisson pour d’autres raisons que la piraterie. Le même problème se pose avec l’inflation des produits alimentaires. Les auteurs ne prennent donc pas ces deux variables en compte dans leurs calculs (Bowden, 2010, pp. 21-23). Enfin, l’étude s’intéresse à l’impact économique de la baisse des revenus étrangers. Le plus facile a estimer est l’impact pour l’Égypte qui peut perdre jusqu’à 642 millions de dollars par an à cause de la baisse de fréquentation du canal de Suez. En 2008, les revenus du canal de Suez représentaient 3,2 % du PIB de l’Égypte,soit la troisième plus grande source de devises étrangères (Bowden, 2010, p. 24). Au final, l’impact macroéconomique de la piraterie est estimé à 1,25 milliards.
Selon l’étude du projet Ocean Beyond Piracy, le coût total de la piraterie est donc estimé entre sept et douze milliards de dollars américain par an. Il convient de noter que cette estimation est un minimum, les auteurs ayant cherché à ne par « surgonfler » les coûts en utilisant des estimations prudentes. Aussi, ces chiffres ne sont pas à considérer comme définitifs et le modèle doit être adapté et amélioré. L’étude se conclue d’ailleurs sur un invitation à collaborer pour apporter davantage de données et de précision (Bowden, 2010, pp. 25-26). La fondation a d’ailleurs publié d’autres études depuis celle-ci qui est la première. En 2012, le résultat est bien plus précis car estimé entre 5,7 et 6,1 milliards de dollars (Belish, 2012, p. 7). Cependant, le coût économique ne suffit pas. La piraterie a aussi un coût humain, et celui-ci est aussi envisagé par le projet dans des rapports de 2010, 2011 et 2012. Ce coût humain se résume généralement aux marins retenus par les pirates. En 2010, 4 185 marins ont été attaqués par des pirates avec des armes à feu. Parmi ces marins, 1 432 ont été abordés et 1 090 ont été retenus en otage. Les otages subissent régulièrement des injures et de la violence verbale. Ils sont aussi régulièrement utilisés comme « boucliers humains » (Hurlburt, 2011, p. 3).

L’ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE

Le 16 novembre 1994, après avoir été ratifiée par 67 États , la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) entre en vigueur. Cette convention offre un cadre légal de lutte contre la piraterie. Cependant, celui-ci montre ses limites avec la piraterie somalienne. C’est pourquoi le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) adopte en 2008 une série de résolutions portant sur ce cas particulier. Grâce à ces ajustements, des opérations de lutte directe contre la piraterie sont mises en place. Certains États font intervenir leurs forces navales, seules ou au sein de diverses coalitions. Au premier trimestre de l’année 2015, les trois coalitions créées en 2008 et 2009 étaient encore présentes au large de la Corne de l’Afrique. Cependant, d’autres moyens de lutte se développent, notamment des moyens privés. Il convient donc de présenter le cadre légal, d’analyser les différentes interventions militaires, et d’envisager cette « privatisation » de la lutte contre la piraterie. C’est à cette tâche que sera consacrée la deuxième partie de ce mémoire.

Le cadre légal de répression

Comme il a été vu en introduction, la piraterie maritime est définie dans l’article 101 de la CNUDM. Seulement, cette définition ne suffit pas pour décrire le cadre légal de répression de la piraterie. Ne serait-ce que dans la CNUDM, plusieurs autres articles en traitent directement, et d’autres ont des implications liées à la piraterie. Cependant, la Somalie constitue un cas à part et la CNUDM s’avère avoir quelques limites. C’est pourquoi le CSNU a renforcé ce cadre légal par des résolutions adoptées en 2008. Enfin, d’autres conventions – tels que Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988 ou la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée de 2000 – peuvent être prises en compte dans la lutte contre la piraterie.

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Table des matières
Introduction 
1. LA PIRATERIE SOMALIENNE ET SES ENJEUX 
1.1. L’apparition de la piraterie somalienne
1.2. L’évolution des pratiques et de la zone opératoire des pirates
1.3. Les enjeux de la piraterie au large des côtes de la Somalie
2. L’ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE 
2.1. Le cadre légal de répression
2.2. L’intervention navale internationale
2.3. La privatisation de la lutte contre la piraterie
3. LA DIMENSION CONTINENTALE DE LA PIRATERIE MARITIME 
3.1. Stabilité politique et piraterie
3.2. Piraterie et développement humain
3.3. Pour un modèle d’éradication de la piraterie
Conclusion 

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