La dignité humaine, valeur morale reconnue par le droit français
La dignité humaine, avant sa reconnaissance par le Conseil constitutionnel de principe à valeur constitutionnelle, était un principe moral° érigeant le respect de l’être humain, comme a notamment pu le souligner l’auteur Benoît JORION • La notion de dignité était également appréhendée par la philosophie ou encore l’éthique • La dignité humaine pouvait revêtir le caractère de droit naturel. Elle est liée à la nature de l’ Homme . Cependant, le Droit est venu intégrer ce droit dans la norme en l’érigeant en prmcipe fondamental. Aussi, la dignité humaine est une notion qui « irradie les différentes sphères juridiques, même si cela est contesté34 »35 . Cependant, plusieurs textes internationaux reconnaissent le droit au respect de la dignité. Aussi, comme a pu le souligner l’auteur Thierry CORNAVIN, les Droits de l’Homme« tirent leur fondement essentiel » dans le principe de dignité36. Jean-Marc PANfILI reconnaît que la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 précise que la reconnaissance de la dignité est due à tout être humain, au même titre que la liberté et l’égalité de droits »37 • Néanmoins, malgré la reconnaissance de la dignité, cette dernière n’est pas définie. En outre, il convient de s’interroger sur le lien étroit entre la dignité humaine et les libertés fondamentales. L’être humain ne doit pas être vu comme un objet, et bénéficie à ce titre, de libertés fondamentales auxquelles il ne peut être porté atteinte (sauf dans certaines hypothèses, notamment en matière de soins psychiatriques sans consentement).
Les Sages du Conseil, dans le cunsiléran n° 18 <le la décision de juillet 1994, onl appürlé une précision sur la substance de la dignité : « lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine, le respect de l’être humain dès le commencement de la dignité des malades psychiatriques sa vie, l’inviolabilité, l’intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l’intégrité de l’espèce humaine ; que les principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine».
Il n’existe donc pas de définition de la dignité humaine, nonobstant, des principes sont rattachés à ladite notion. Au vu du considérant n°18, l’être humain a droit au respect en raison de sa qualité. Autrement dit, le corps est sacré et doit être respecté, même si l’auteur Jean HAUSER précise que le droit se refuse à considérer le corps comme une chose. Même la volonté de la personne ne peut permettre une atteinte à sa dignité. Ce qu’à notamment jugé la Cour de cassation en matière de convention de gestation pour autrui.
Par conséquent, l’être humain doit être vu comme une fin en soi • En conséquence, l’être humain ne peut être identifié comme une chose. La législation française s’inscrit dans le respect de l’être humain. Ainsi, il peut être cité à titre d’exemple, des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité <le la personne. En somme, l’humain ne peut être vu comme un objet, et doit à ce titre être considéré avec considération. Les principes susmentionnés ont été retranscrits aux articles 16 et s. du Code civil à l’occasion des lois bioéthiques de juillet 199443 . Ces droits sont indérogeables• En conséquence, l’être humain a droit à l’inviolabilité de son corps, au respect de son intégrité physique et au respect.
On peut donc voir que la dignité est un principe « matriciel ». Toutefois, la doctrine connaît des divergences quant au caractère subjectif ou objectif de la notion de dignité humaine. Sa nature juridique est pour certains, ambivalente. Le droit objectif peut se définir comme « un ensemble de règles visant à organiser la conduite de l’homme en société et dont le respect est assuré par la puissance publique. Le droit objectif reconnaît et sanctionne lui-même des droits subjectifs, prérogatives attribuées dans leur intérêt à des individus, qui leur permettent de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation » .La dignité humaine comprend un caractère objectif. En effet, la norme juridique l’impose par le préambule de la Constitution de 1946 qui a été intégrée au bloc de constitutionnalité • Si la dignité humaine n’est pas respectée au sein de la société, la puissance publique viendra en sanctionner les atteintes. Sur la nature de la notion, il peut être notamment cité, les arrêts du Conseil d’Etat d’octobre 1995 où la dignité humaine est une composante de l’ordre public comme a notamment pu le souligner Virginie SAINT-JAMES. La puissance publique est venue sanctionner l’atteinte au droit objectif de dignité humaine. En effet, la dignité humaine est ici « attachée à l’ordre public, c’est-à-dire au respect de l’humanité en chacun, qui, en ce qu’elle est indisponible, constitue une limite à la liberté individuelle, c’est-à-dire à l’individu lui-même, voire contre lui- même »5t 52. Néanmoins, la dignité est également un droit subjectif. Une personne titulaire de droits, peut faire valoir son droit à sa dignité. Cela peut notamment être le cas en matière de fin de vie où le praticien est débiteur du respect de la dignité humaine.
En conséquence, la norme organise le respect de la dignité humaine. Néanmoins, la dignité est également un droit subjectif qui peut être approprié par les individus pour défendre leurs intérêts. Dans le cadre de l’étude consacrée à la dignité des malades psychiatriques, il convient d’analyser plus particulièrement l’approche de la dignité humaine en droit de la santé (section 2ème).
La dignité humaine en droit de la santé
La loi du 4 mars 200253 est venue consacrer à l’article Ll 110-2 du Code de la santé publique, le droit au respect de la dignité de la personne malade. Cet article consacre un droit subjectif dont peuvent se prévaloir les malades. Il convient de préciser que par sa position en tête du code, l’article Ll 110-2 se 48 CC 16 juillet 1971 relative à la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrai d’association, DC n°71-44 la dignité des malades psychiatriques présente comme « un droit à la fois fondamental et générique » convocable par « toute personne malade ( … ) qu’elle soit hospitalisée ou non, quelle que soit la nature de sa maladie, quel que soit le stade de sa maladie … »• Cependant, il peut être intéressant de s’interroger sur la sémantique des mots comme le souligne Anne PONSEILLE. Elle souligne que le terme de « malade » a été préféré au terme de « patient ». Néanmoins, la personne malade semble plus restrictive que la notion de patient. En effet, le Dictionnaire Larousse définit le malade comme « se dit d’un être vivant qui souffre d’une maladie » alors que le patient est détint comme une « personne soumise à un examen médical, suivant un traitement ou subissant une intervention chirurgicale ». Un patient peut ne pas souffrir d’une maladie et procéder à de simples examens médicaux. Ainsi, à t-il droit au respect de sa dignité? Les deux termes semblent se corréler. Le positionnement de l’article en tête du Code de la santé publique a conduit Anne PONSEILLE a citer le rapport du Conseil économique et social qui évoque le positionnement du respect de la dignité au sein du code, en véritable fondement des droits du malade• Le malade doit voir sa dignité respectée tout au long de son parcours de soins60. En conséquence, « les conditions matérielles, morales, physiques » de la prise en charge du patient doivent s’inscrire dans le respect de la dignité du malade.
Toutefois, le respect de la dignité du malade, obligation légale, est également une obligation déontologique pour les professionnels de santé. JI peut notamment être cité l’article R4127-2 du Code de la santé publique qui impose au médecin « d’exercer sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité ». D’ailleurs, pour les médecins, il peut être souligné que cette obligation déontologique constitue l’essence-même de la profession puisque lors du serment d’Hippocrate, le médecin s’engage moralement à intervenir auprès des personnes « affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité » .
Cependant, il convient de souligner que la jurisprudence judiciaire et administrative a longtemps avant l’adoption de l’article Ll 110-2 du Code de la santé publique, imposé au professionnel de santé, le respect de la dignité du malade. Aussi, il peut être cité quelques arrêts fondamentaux selon l’ordre de juridiction. La Cour de cassation, par un arrêt du 28 janvier 1942, est venue sanctionner un praticien n’ayant pas recueilli le consentement du patient sur le fondement de la dignité humaine64 ; ou encore, la première chambre civile est venue affirmer « qu’un médecin ne peut être dispensé de son devoir d’information vis-àvis de son patient, qui trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine » . Le Conseil d’Etat quant à lui est venu consacrer le respect de la dignité humaine par le professionnel de santé dans ses relations avec le malade comme principe déontologique fondamental. En somme, l’on peut observer que sont rattachés à la dignité humaine, au regard des dispositions combinées du Code civil et du Code de la santé publique, le droit de consentir à l’acte médical, le droit de recevoir l’information, le droit de choisir son praticien ou encore le droit d’aller et venir, liberté fondamentale de toute personne. Ces droits sont rattachés à l’être humain et ont pour conséquence, un devoir de bientraitance à l’égard des patients•
Le respect d la dignité du malade psychiatrique
Le principe de dignité humaine n’a pas été défini par le Conseil constitutionnel, mais ses corollaires ont été exprimés de manière claire par les Sages. Ainsi, le respect de la dignité humaine suppose notamment le respect de l’intégrité de la personne. L’intégrité de la personne connaît une résonance particulière en droit de la santé. En effet, l’acte médical porte atteinte à l’intégrité physique de la personne, mais est justifiée par le consentement et la nécessité médicale. Le praticien de santé doit pour légaliser l’acte médical, d’une part, justifier d’une nécessité médicale, mais également d’autre part, recueillir le consentement du patient atteint de troubles mentaux comme le souligne Annick BATTEUR. Cependant, le consentement du patient doit revêtir deux caractères essentiels pour qu’il puisse être recevable : il doit être libre et éclairé. Dans le régime de droit commun, le patient atteint de troubles mentaux qui consent doit être respecté dans sa volonté. Autrement dit, il bénéficie « des mêmes droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux reconnus aux malades soignés pour une autre cause » .
Fin l’absence des critères de l’article 16-3 du Code civil, l’acte médical serait illégal. Dès lors, le praticien pourrait être poursuivi en matière pénale et civile. Néanmoins, il existe des dérogations où le consentement du patient ne peut être recueilli. Il s’agit de l’hypothèse où le patient ne peut consentir en raison de son état de santé. Il peut être cité, le cas du patient inconscient ou encore l’urgence vitale qui autorise le médecin à outrepasser le consentement du patient.
La dignité humaine en droit de la santé fonde également d’autres droits pour le malade. Ces droits peuvent être qualifiés de fondamentaux, et certains, viennent même se juxtaposer au respect de la dignité humaine.
Le consentement libre et éclairé du patient souffrant de troubles mentaux
Un patient atteint de troubles mentaux admis en soins libres bénéficie des mêmes droits que les autres malades. Ainsi, l’ensemble des dispositions relatives aux chapitres préliminaire et premier du Code de la santé publique trouve à s’appliquer comme le souligne Cécile CASTAING. En conséquence, l’article L 1111-4 dudit Code, relatif au consentement, trouve application pour le malade psychiatrique admis en soins libre. Ce dernier a donc droit de consentir de manière libre et éclairée aux soins proposés par le praticien. Mais que signifie l’expression d’un consentement libre et éclairé?
Le consentement, du latin cum sentire, désigne « l’accord, le concours de deux volontés, celle du débiteur qui s’oblige, celle du créancier envers lequel il s’oblige( . .. ) Il désigne d’abord la manifestation de volonté de chacune des parties ».
L’article L1 l l l-4 du Code de la santé publique dispose que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». Ainsi, le consentement revêt un caractère éclairé lorsque le professionnel de santé délivre l’information au patient. Ce dernier prend alors la décision de procéder aux soins en toute connaissance de cause. De plus, le consentement revêt un caractère libre lorsque ce dernier n’est pas vicié.
Aussi, l’article L1 l l l-4 précité dispose en son troisième alinéa que « le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne ». On peut souligner ici, que le patient est placé au centre de la relation médicale et se positionne en décideur. On peut noter une évolution favorable quant aux droits des patients par la loi du 4 mars 200282, car le patient décide de procéder aux soins. Le médecin ne peut plus se substituer à la volonté du patient. Auparavant, il était possible pour ce dernier de se substituer au consentement du patient, on parlait alors de paternalisme médical.
Désormais, le patient est le décideur, même si pour certains auteurs, il est plus question d’un partenariat84 entre le médecin et le patient.
Le caractère éclairé ( chapitre 1er) et libre ( chapitre 2ème) du consentement fera l’objet d’une étude détaillée au sein de deux chapitres, toutefois, appréhendé sous l’angle du sujet d’étude consacré à la dignité du patient souffrant de troubles mentaux admis en soins libres.
L’article Ll 111-4 du Code de la santé publique prévoit que le consentement du patient est donné après la délivrance de l’information par le praticien de santé. Cette dernière est un devoir du professionnel de santé depuis l’arrêt Teyssier rendu par la Cour de cassation le 28 janvier 1942 85. En plus d’être une obligation légale, il s’agit pour le médecin d’une obligation déontologique. Cette dernière impose au médecin de délivrer une information « claire, loyale et appropriée ». En somme, il « incombe au médecin de l’informer (le patient) de façon suffisamment claire et adaptée pour qu’il soit en mesure d’exercer sa liberté de jugement ou de décision » . Si le médecin manque à son obligation, il peut alors engager sa responsabilité sur le fondement de manquement à son devoir d’humanisme. Ce devoir consiste à respecter les droits du patient, et notamment la dignité du malade. Ainsi, Arme PONSEILLE a pu nulammenl relever un arrêt du Conseil d’Etat où ce dernier a jugé que le fait de donner des informations erronées au patient, constitue un manquement à ses obligations envers le patient.
Les droits fondamentaux du patient
Le patient bénéficie de droits permettant le respect de sa personne. Ce dernier, ne doit donc pas être vu comme un objet dénué d’expression. En conséquence, la personne faisant l’objet de soins a notamment le droit de se faire soigner par le praticien ou établissement de santé de son choix. Cette possibilité est offerte par l’article LI 110-8 du Code de la santé publique. Ce libre choix a été érigé par le Conseil constitutionnel de principe à valeur constitutionnelle à l’occasion de la décision loi relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle (contre-visite médicale) du 18 janvier 1978 114• Il a même été qualifié par la Cour de cassation de « principe fondamental » 115• L’ordre administratif a également consacré le libre choix de praticien par le malade en le considérant comme un principe général du droit 11 6. En somme, le patient possède comme droit fondamental, de choisir son praticien. Par ailleurs, il semble logique que le patient dispose de ce droit, car ce dernier doit consentir à l’acte médical afin que puisse être justifiée [ ‘atteinte à son intégrité physique. En matière psychiatrique, concrètement, le patient souffrant de troubles mentaux peut donc choisir son médecin-psychiatre, que celui-ci exerce en libéral ou en établissement de santé, et si le patient souhaite se faire hospitaliser en soins libres, ce dernier peut le faire en établissement de santé public ou privé. Cependant, le Conseil d’État 117 est venu apporter une précision en ce que le choix de son praticien n’emportait pas le choix de son traitement. Autrement dit, le choix de la thérapeutique appartient au professionnel de santé et non au patient. Ce dernier peut le refuser, mais ne peut pas choisir.
Lorsque le patient a choisi son praticien ou l’établissement de santé, et qu’il a consenti aux soins, ce dernier a le droit de recevoir les soins les plus appropriés conformément à l’article Ll 110-5 du Code de la santé publique. Le médecin a pour impératif de donner des soins consciencieux au malade 11s. Il est à noter que cette obligation est consacrée depuis fort longtemps. En effet, la Cour de cassation a considéré que le médecin devait apporter des soins « consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science »• En d’autres termes, le praticien ne peut apporter des soins au patient que lorsque la littérature médicale a été amenée à se prononcer et s’est avérée. Dans l’hypothèse où le praticien n’appuierait pas des soins consciencieux et conformes aux données acquises de la science, qui serait alors constitutif d’une faute technique, engagerait sa responsabilité• Cette responsabilité peut être civile et/ou disciplinaire. Comme le souligne Jean PENNEAU, la faute technique peut concerner« le diagnostic, le choix ou la mise en oeuvre des méthodes exploratoires et du traitement et la surveillance du malade » .
Enfin, lors de sa prise en charge, le patient a droit au respect de sa vie privée et par conséquent, au respect du secret sur les informations le concernant conformément à l’article Ll 110-4 du Code de la santé publique. Les informations couvertes par le secret sont « toutes les indications sur l’état de santé d’un patient »• Ce droit fondamental est une obligation légale et déontologique pour le praticien de santé, et pour toute personne participant à sa prise en charge. Le secret des informations du patient est général et absolu. Il est donc d’ordre public • Si le praticien de santé venait à violer le secret professionnel le liant à son patient, ce dernier pourrait être poursuivi pénalement sur le fondement de l’article 226-13 du Code pénal, mais pourrait également faire l’objet de sanctions civiles et disciplinaires • Toutefois, il convient d’apporter une précision, la loi du loi du 26 janvier 2016 portant modernisation de notre système de santé, permet le partage d’informations entre professionnels intervenant dans la prise en charge du patient. Cependant, ce partage n’est pas un « secret partagé »129, il s’agit de partager des informations dans l’intérêt du patient.
Ces droits fondamentaux du malade de manière générale sont applicables en matière de soins libres en psychiatrie. Néanmoins, ces droits fondamentaux sont accompagnés de libertés individuelles, et notamment de celle d’aller et venir, liberté qui revêt une importance particulière en psychiatrie. Cette liberté sera envisagée au sein d’un deuxième chapitre.
La liberté d’aller et venir du patient en soins psychiatriques libre
A côté du principe de dignité humaine, vient sc juxtaposer la notion de libeé. Connue le souligne le Dictionnaire permanent, « ils sont liés à la nature de l’homme et forment l’armature du système de protection de l’être humain ( … ) ils sont liés car la dignité de l’homme suppose sa liberté et l’égale condition des membres de l’humanité » 130. Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans la cadre du sujet d’étude, c’est la notion de liberté d’aller et venir. Cette dernière est une liberté individuelle au sens constitutionnel.
Tout d’abord, il convient d’apporter quelques éléments de définition. les libertés individuelles « assurent à l’individu une certaine autonomie en face du pouvoir dans les domaines de l’activité physique (süreté personnelle, liberté d’aller et venir, liberté et inviolabilité du domicile), de l’activité intellectuelle et spirituelle (liberté d’opinion, de conscience), de l’activité économique (droit <le propriété, liberté du commerce et de l’industrie) » . La liberté d’aller et venir peut se définir quant à elle comme le« droit pour chacun de se déplacer librement dans le pays dont il est le national. Principe de valeur constitutionnelle, étendu aux citoyens de l’Union européenne (art. 20 du TFUE qui consacre la liberté de circuler des citoyens européens au sein de l’Union) »132 . Autrement dit, la liberté d’aller et venir permet à une« une personne de se déplacer dans l’espace social, sans devoir obtenir une quelconque autorisation » •
En matière psychiatrique, le patient admis en soins libres dispose de sa liberté d’aller et venir. Il peut par conséquent quitter l’établissement. Par ailleurs, lors de son hospitalisation, le patient souffrant de troubles mentaux ne peut se voir opposer de restriction à sa liberté d’aller et venir. Ainsi, ce dernier ne peut être hospitalisé en unité fermée, sauf si la porte de sa chambre n’est pas fermée ni celle de l’unité. Si des mesures restrictives sont opérées, l’établissement de santé pourra être poursuivi pénalement au titre de l’article 224-1 du Code pénal relatif à l’infraction de séquestration.
En outre, en matière de liberté d’aller et venir, il convient de considérer l’hypothèse de soms contraints sous forme ambulatoire. Le patient admis en soins contraints doit selon son programme de soins, voir respecter ses droits fondamentaux (certains d’entre eux sont aménagés). Ainsi, et notamment, le patient bénéficie de sa liberté d’aller et venir. Il peut à ce titre quitter le territoire national pour un congé par exemple. Le droit de quitter le territoire national est un droit qualifié de liberté et droit fondamental par le Conseil constitutionnel 135. Il convient à ce titre d’apporter une précision : le droit français ne connaît qu’un seul cas d’interdiction de sortie de territoire, il s’agit de l’hypothèse de risque d’atteinte à la sécurité intérieure pour terrorisme prévue à l’article L224-1 du Code de la sécurité intérieure.
En conclusion de cette première partie, le patient souffrant de troubles mentaux et qui est capable de consentir aux soins, peut bénéficier de soins libres. Ces soins sont organisés selon les dispositions générales du Code de la santé publique. Que le patient soit pris en charge pour une pathologie somatique ou psychiatrique, ses droits sont les mêmes. Ces droits sont l’expression du principe de la dignité humaine et du principe de liberté. Toutefois, le Code de la santé publique offre la possibilité aux médecin-psychiatres ou à toute personne y trouvant un intérêt, à demander une mesure de soins contraints à l’encontre de la personne malade. Cette dernière, incapable de consentir aux soins, est alors hospitalisée sans son consentement. Le principe de dignité humaine est dès lors intéressant à étudier dans ce régime particulièrement sensible en droit français. Par conséquent, la dignité humaine dans le régime de soins contraints fera l’objet d’une étude au sein d’un titre deuxième.
La dignité du malade psychiatrique dans le régime des soins contraints
Lorsqu’une personne présente un état clinique reflétant des troubles mentaux, empêchant un consentement aux soins ou causant un trouble à l’ordre public, la prise en charge de cette dernière se fera sous le régime de soins contraints. Ce régime dérogatoire et exceptionne concernait en 2015, 92.000 personnes .
Il convient de préciser dans le cadre de ce Titre Uème qu’il est ici question de soins contraints et non « d’hospitalisation sans consentement » aux fins de comprendre les différentes formes de prises en charge.
C’est ce qu’a pu notamment souligner Valérie AVENA-R0BARDET. Dès lors, la prise en charge pourra prendre la forme soit d’une hospitalisation complète ou d’une toute autre forme (ambulatoire, HAD 139, etc.) 140. Les articles L32 l 1-l et s. du Code de la santé publique organise les droits des patients faisant l’objet de soins psychiatriques. Les titres suivants concernent les différents régimes de soins psychiatriques. Les soins sans consentement sont organisés selon deux grands titres au sein du Code de la santé publique : au sein du Titre Hème, sont organisées les admissions en soins à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent.
La psychiatrie revêt en droit français un caractère sensible. En effet, en matière de soins contraints, l’on« oppose directement la liberté individuelle et la dignité des patients aux exigences non seulement de la santé publique mais aussi de l’ordre public » 143. Les droits du patient connaissent alors une dérogation au droit commun, mais ce régime cherche un équilibre entre les droits du patient et la nécessité de soins. Par ailleurs, comme a pu le souligner Didier TRUCHET, plusieurs autres notions sont à prendre en compte dans cette recherche de l’équilibre. Il s’agit de la santé publique et de l’ordre public. La santé publique peut se définir comme une « discipline axée sur l’état sanitaire d’une collectivité, de la santé globale des populations sous tous ces aspects : curatif, préventif, éducatif et social » 145 . En conséquence, cette discipline qui concerne une population, est prise en charge par l’État. L’ordre public trouve également intérêt en matière de soins sans consentement car à ce titre, la personne souffrant de troubles mentaux peut se voir soigner en psychiatrie contre son gré.
|
Table des matières
Introduction
Titre 1er : La dignité du malade psychiatrique dans le régime de soins libres
Titre 11er : La dignité du malade psychiatrique dans le régime des soins contraints
Conclusion
Télécharger le rapport complet