LA DIGESTION CHEZ LES RUMINANTS : CONTRIBUTION DES PROTOZOAIRES
Les diffรฉrents composants de la ration sont rรฉduits en petites particules, lors de la mastication ingestive qui est suivie dโune mastication mรฉrycique. Cette rรฉduction de la taille des particules contribue ร augmenter la surface spรฉcifique des particules afin quโelles soient mieux dรฉgradรฉes par lโaction des enzymes (Poppi et al., 1980). Cโest la mastication mรฉrycique qui permet la vidange du rumen et cette activitรฉ est accrue par la dรฉgradation enzymatique ruminale (Jarrige, 1978).
Le systรจme digestif des ruminants, hormis la bouche, a la particularitรฉ dโรชtre composรฉ de trois compartiments en amont de lโ estomac fonctionnel (caillette), qui sont le rumen, le rรฉseau (rรฉticulum) et le feuillet (omasum) (Jarrige, 1978) (Figure 1). Ces diffรฉrents dispositifs anatomiques ralentissent le passage des particules alimentaires au travers du tractus digestif et augmentent ainsi leur temps de sรฉjour (Wallace, 1991). Elles y subissent une dรฉgradation mรฉcanique (mastication, contractions digestives) et une dรฉgradation chimique (enzymes microbiennes du rumen). Le rumen est le compartiment le plus volumineux puisquโil peut contenir de 70 ร 75% du contenu total de lโappareil digestif. La majeure partie des constituants digestibles de la ration est dรฉgradรฉe dans le rumen. La part de la dรฉgradation ruminale des protรฉines, dans la digestion totale, varie de 70 ร 85% et celle de la cellulose varie de 80 ร 90 %. Celle des hรฉmicelluloses est infรฉrieure, tandis que la lignine est indigestible (Jarrige, 1978).
LES DIFFERENTS MICROORGANISMES DU RUMEN
Les ruminants sont les meilleurs transformateurs de la biomasse vรฉgรฉtale parmi les animaux domestiques. Ils utilisent trรจs efficacement les glucides des parois vรฉgรฉtales grรขce ร la prรฉsence dโun รฉcosystรจme microbien ruminal performant. Le rumen constitue un รฉcosystรจme anaรฉrobie strict, dont les conditions de milieu favorisent le dรฉveloppement dโune microflore et dโune microfaune extrรชmement importante et diversifiรฉe (Hungate, 1966a) .
Trois principaux types de microorganismes coexistent chez la plupart des ruminants domestiques : les bactรฉries, les protozoaires et les champignons anaรฉrobies.
Les bactรฉriesย
Les bactรฉries du rumen reprรฉsentent la moitiรฉ de la biomasse microbienne . Elles constituent lโensemble le plus diversifiรฉ (60 espรจces recensรฉes), et leurs concentrations varient de 10ยนโฐ ร 10ยนยน cellules / ml (Fonty et al., 1995). De nouvelles techniques de biologie molรฉculaire ont รฉmergรฉ ces derniรจres annรฉes permettant la caractรฉrisation des espรจces, en plus des techniques classiques de dรฉnombrement et de culture en anaรฉrobiose (Hungate, 1966a). Ainsi le sรฉquenรงage des acides nuclรฉiques, et notamment de lโARN ribosomal (16 S) contribue ร lโamรฉlioration de la caractรฉrisation des espรจces bactรฉriennes.
La colonisation du tractus digestif des ruminants par les bactรฉries est rapide. Ainsi ร lโรขge dโun jour, les premiรจres bactรฉries apparaissent ( Escherichia coli, streptocoques). Les bactรฉries cellulolytiques apparaissent dรจs lโรขge de 4 jours chez 75 % des jeunes ruminants (Fonty et al., 1987). Les trois principales espรจces bactรฉriennes cellulolytiques sont : Fibrobacter succinogenes, Ruminococcus albus et Ruminococcus flavefaciens. Elles sont prรฉsentes ร des concentrations variant de 10โธ ร 10โน cellules / ml (Coleman, 1975). Les diffรฉrentes bactรฉries ne sont pas distribuรฉes de faรงon homogรจne dans le contenu ruminal, comme le suggรจre la stratification des digesta du rumen (Hungate, 1966b). Ainsi les bactรฉries associรฉes ร la phase solide du rumen, bactรฉries solidement adhรฉrentes aux particules alimentaires, sont plus abondantes (50 โ 75% des bactรฉries) que les bactรฉries faiblement associรฉes ou libres de la phase liquide (Cheng and Costerton, 1980; Forsberg and Lam, 1977).
Les protozoairesย
Les protozoaires sont des organismes eucaryotes unicellulaires, dont on distingue deux types : les flagellรฉs et les ciliรฉs . Les ciliรฉs reprรฉsentent prรจs de la moitiรฉ de la biomasse microbienne et leur concentration varie de 10โด ร 10โถ protozoaires / ml (Jouany, 1978). On distingue deux groupes : les holotriches et les entodiniomorphes. Les holotriches appartiennent ร la classe des Vestibulifera, ร lโordre des Trichostomatida, et ร la famille des Isotrichidae. On distingue les genres Isotricha et Dasytricha.
Les entodiniomorphes appartenant ร la classe des Vestibulifera, ร lโordre des Entodiniomorphida, la famille des Ophryoscolecidae et les quatre sous familles Entodiniidae, Diplodiniidae, Epidiniidae et Ophryoscolecinae. On retrouve frรฉquemment les genres Entodinium, Diplodinium, Eudiplodinium, Diploplastron, Polyplastron Epidinium et Ophryoscolex (De Puytorac et al., 1987; Jouany, 1996). Lโimplantation des protozoaires dans le rumen du jeune animal (ou dans un rumen dรฉpourvu de protozoaire) ne peut se faire que par contact direct (salive) ou trรจs proche avec un animal conventionnel (Coleman, 1979). Les ciliรฉs du genre Entodinium apparaissent au bout de 15 jours aprรจs la naissance des agneaux (Fonty et al., 1984). Puis les holotriches sโimplantent, suivis par les grands entodiniomorphes (Eadie and Hobson, 1962). La population des ciliรฉs sโaccroรฎt constamment jusquโร 60 jours (5.7 x 10โต protozoaires / ml). Bien quโils reprรฉsentent une part importante de la biomasse microbienne, les ciliรฉs du rumen ne sont pas indispensables ร la vie des ruminants, contrairement aux bactรฉries (Fonty et al., 1995; Jouany, 1991a) . Le type et la composition de la ration conditionnent fortement les populations de protozoaires (Jouany and Ushida, 1998). Ainsi, la population de protozoaires est modulรฉe par la proportion de concentrรฉ de la ration. La population des entodiniomorphes (Entodinium 1.2 x 10โถ protozoaires / ml) augmente quand le pourcentage dโamidon de la ration augmente jusquโร 60% (Christiansen et al., 1963; Eadie et al., 1970). En ce qui concerne la population des holotriches, elle augmente (7 x 10โด protozoaires / ml) quand le pourcentage de sucres solubles de la ration augmente jusquโร 40% (Jouany and Ushida, 1998). De mรชme, on observe des variations des populations de protozoaires au cours du nycthรฉmรจre. Ainsi, les holotriches se dรฉplacent (chimiotactisme) du rรฉseau vers le rumen aprรจs le repas (Abe et al., 1981). Les travaux de Yang (1992) indiquent quโune partie importante des protozoaires est retenue dans le rumen. Cependant, la part de lโazote microbien, provenant des protozoaires, quittant le rumen, ne serait que de lโordre de 20%.
ROLE DES DIFFERENTS MICROORGANISMES DU RUMEN DANS LA DIGESTION
Les trois principales populations microbiennes possรจdent lโรฉquipement enzymatique nรฉcessaire ร la dรฉgradation de lโensemble des constituants de la ration, notamment des parois cellulaires des vรฉgรฉtaux. Cependant, plusieurs facteurs conditionnent la dรฉgradation ruminale des parois vรฉgรฉtales : lโaccessibilitรฉ des substrats aux microorganismes, leur adhรฉsion aux particules et leur activitรฉ enzymatique (Cheng et al., 1991). Le rumen est le siรจge de nombreuses interactions entre les microorganismes qui doivent subsister dans cet environnement complexe (Fonty et al., 1995).
Le mรฉtabolisme azotรฉย
Les protรฉines ingรฉrรฉes par lโanimal vont รชtre dรฉgradรฉes par les bactรฉries et les protozoaires du rumen. Cette dรฉgradation implique deux รฉtapes : la protรฉolyse, qui produit des peptides et des acides aminรฉs et la dรฉsamination, qui dรฉgrade les acides aminรฉs en ammoniaque (NH3) et squelettes carbonรฉs (AGV) . Lโactivitรฉ protรฉolytique des bactรฉries est associรฉe ร leur paroi cellulaire (Nugent and Mangan, 1981). Ainsi, la premiรจre รฉtape dans la dรฉgradation des protรฉines est lโinteraction entre les microorganismes et le substrat. Les protรฉines solubles sont principalement dรฉgradรฉes par les bactรฉries (Nugent and Mangan, 1981) , tandis que la contribution des protozoaires ร cette dรฉgradation est faible. Les protozoaires ingรจrent les particules protรฉiques ainsi que des bactรฉries (Coleman, 1975; Ushida et al., 1986).
Les peptides produits sont plus rapidement utilisรฉs que les acides aminรฉs libres correspondants (Wright, 1967). Ce sont principalement les bactรฉries du rumen qui les dรฉgradent. Les produits de dรฉgradation des peptides sont principalement extracellulaires, bien que la plupart des enzymes soient associรฉes ร la cellule (Wright, 1967). Les oligopeptides de faibles poids molรฉculaires sont prรฉfรฉrentiellement intรฉgrรฉs aux protรฉines bactรฉriennes, aprรจs avoir รฉtรฉ hydrolysรฉs en acides aminรฉs au sein de la cellule bactรฉrienne. Les acides aminรฉs produits sont en faible concentration dans le rumen. Ils sont dรฉsaminรฉs pour produire de lโammoniaque et des acides gras volatils (AGVs) (Mackie and White, 1990). Les protozoaires jouent un rรดle primordial dans la mesure oรน leur activitรฉ spรฉcifique de dรฉsamination des acides aminรฉs est 3 fois supรฉrieure ร celle des bactรฉries (Hino and Russel, 1985).
Lโammoniaque produit est issu de lโactivitรฉ protรฉolytique, urรฉolytique et de dรฉsamination (acides aminรฉs) des microorganismes (Fonty et al., 1995). Le recyclage de lโammoniaque via lโurรฉe dans le rumen est trรจs important. De mรชme, in vitro, le recyclage de lโazote bactรฉrien, issu de la prรฉdation des bactรฉries par les protozoaires peut reprรฉsenter 90g de matiรจre sรจche / j chez le mouton (Coleman, 1975). Lโammoniaque est essentiel pour la croissance de nombreuses espรจces bactรฉriennes, qui lโassimilent grรขce ร une NAD/NADP glutamate deshydrogรฉnase dans les conditions normales du rumen (Wallace and Cotta, 1988). La trรจs forte affinitรฉ des bactรฉries, vis ร vis de lโammoniaque, leur confรจre la capacitรฉ de se dรฉvelopper ร partir dโune concentration ruminale de NH3 minimale, variable selon les auteurs, dโenviron 50 mg NH3-N / ml (Satter and Slyter, 1974).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
LA DIGESTION CHEZ LES RUMINANTS : CONTRIBUTION DES PROTOZOAIRES
1. LES DIFFERENTS MICROORGANISMES DU RUMEN
1.1. Les bactรฉries
1.2. Les protozoaires
1.3. Les champignons
2. ROLE DES DIFFERENTS MICROORGANISMES DU RUMEN DANS LA DIGESTION
2.1. Le mรฉtabolisme azotรฉ
2.2. Le mรฉtabolisme glucidique
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE : EFFETS DE LA DEFAUNATION SUR LA CROISSANCE, LโINGESTION ET LA DIGESTION DE RUMINANTS
Publication 1
ETUDE EXPERIMENTALE
1. INTRODUCTION A Lโ ETUDE EXPERIMENTALE 1
Publication 2
Publication 3
2. INTRODUCTION A Lโ ETUDE EXPERIMENTALE 2
Publication 4
Publication 5
DISCUSSION GENERALE
1. CONTRAINTES ET LIMITES DU TRAVAIL DE THESE
2. LES PRINCIPAUX RESULTATS
2.1. Effet de la dรฉfaunation sur la croissance animale
2.2. Effet de la dรฉfaunation sur les quantitรฉs de protรฉines absorbรฉes
2.3. Impact de la dรฉfaunation sur lโexcrรฉtion fรฉcale et urinaire dโazote
2.4. Impact de la dรฉfaunation sur les quantitรฉs et la qualitรฉ de lโรฉnergie absorbรฉe
2.5. Effet de la dรฉfaunation sur le temps de sรฉjour moyen des particules dans le rumen
2.6. Effet de la dรฉfaunation sur lโindice de consommation
2.7. Intรฉrรชt de la dรฉfaunation dans le contexte tropical
CONCLUSIONS
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