La diffusion des informations médiatiques en matière de santé dans la pratique des médecins généralistes

Place du médecin généraliste dans le phénomène de diffusion des informations médiatiques en santé

A. Médecine et Santé 2.0 : Dans la lignée du Web 2.0, la Santé 2.0 désigne la santé ou la médecine participative par le partage d’informations et d’expériences entre professionnels de santé et patients vers une relation médecinpatient plus collective qu’exclusive. Avec la Santé 2.0 il apparait rapidement les enjeux d’encadrer cette nouvelle collaboration entre acteurs de santé. (1,4) Contrairement aux Etats Unis où les médecins sont impliqués dans tous les domaines sur le Web (8), en France les médecins utilisent plus internet pour leur information personnelle que pour informer le patient. Ainsi le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) va inciter les médecins à développer cette pratique.
B. De nouvelles compétences médiatiques pour les médecins généralistes français ? : Dès 2008 le CNOM identifie le phénomène de diffusion des informations et les nouveaux usages d’internet en santé et édite des préconisations en matière de déontologie médicale sur le web via le Livre Blanc du CNOM. Ces préconisations seront actualisées en décembre 2011 (9). Les médecins sont ainsi incités à « adopter une attitude accompagnatrice, pédagogique, voire anticipatrice vis-à-vis des usages du web santé ». Les trois premières préconisations concernent internet en santé : mettre le web au service de la relation médecin-patients, contribuer en tant que médecin à la production de l’information en santé, faire un usage responsable des médias sociaux numériques. Le médecin est encouragé à orienter son patient vers des sites pertinents et fiables, à enrichir l’esprit critique du patient en donnant son avis sur ce qu’il aura lu et à adopter une démarche de publication en ligne.

La formation : construction d’une posture de chercheur

  Une fois les méthodes choisies pour répondre à la question de recherche, il a fallu se les approprier avant de débuter ce travail. Ma directrice de thèse a participé à la formation « Initiation à la recherche qualitative, Niveau 1 » organisée par le Conseil National des Généralistes Enseignants (CNGE) à Marseille. Durant cette formation, il lui a été conseillé plusieurs ouvrages : Manuel d’analyse qualitative, analyser sans compter ni classer de Christophe Lejeune (22) ; L’entretien d’Alain Blanchet et Anne Gotman (19) ; L’entretien compréhensif de Jean-Claude Kaufmann (13). J’ai complété cet apprentissage avec d’autres ouvrages comme La découverte de la théorie ancrée, stratégies pour la recherche qualitative de Barney G. Glaser et Anselm L ; Strauss et de différents articles méthodologiques (18). Le site lepcam.fr (Lire, Ecrire, Publier et Communiquer des Articles Médicaux) a aussi été un précieux outil méthodologique. (26) L’entretien (Blanchet et Gotman) (19) parle d’une « science de l’entretien » dans laquelle la technique se doit d’être maitrisée car l’entretien est un outil qui, bien qu’indispensable, est « de prise en main et d’utilisation réellement délicate ». J’ai ainsi consulté aussi des articles méthodologiques sur comment mener des focus group (17,20)(21). Il était ainsi porté à notre attention, comme pour les questions du guide d’entretien (Cf IV.C) de veiller à ne pas influencer les participants et de s’adapter à leur discours en utilisant des termes neutres et des questions ouvertes et de veiller à laisser les participants aller au bout de leur idée sans les interrompre. Les relances de la conversation devaient aussi favoriser le dialogue entre eux.

Une perception ambivalente

   Les médecins participants ne pouvaient évidemment pas être classés simplement en deux groupes selon une perception positive ou au contraire négative des médias. La perception de chacun était en fait ambivalente. Et parfois dans un même thème concernant l’objet d’étude, on pouvait retrouver cette ambivalence. Certains l’admettaient facilement : « MG25 : C’est pour ça, qu’au tout début sur la première question, il y a l’ambivalence. Il y a le média qui nous met en difficultés et il y a (Fait un geste à la droite puis à la gauche) le média qui vient apporter quelque chose. » (EI3 p6) ; « MG7 : Euh…Moi je reste ambivalent sur les histoires de médias. » (FG1 p18) Alors que pour d’autres, on retrouve cette même ambivalence par le fait d’exprimer à la fois un vécu positif et négatif au cours de l’entretien mais sans qu’elle soit vraiment reconnue : « MG18 vers MG22 : Oui, mais internet tu peux y aller et le patient ne le voit pas. ».

S’autoriser à s’exprimer pour le patient

  Certains médecins avaient développé le concept selon lequel, les patients pouvaient profiter des informations médiatiques pour légitimer une plainte ou s’autoriser à exprimer leur ressenti en utilisant cet alibi. « MG10 : […] c’est une femme que je vois depuis 15 ans, avec son mari, sa mère dont elle s’occupe à mon sens trop etc…ces enfants etc…Et alors elle a profité du Levothyrox pour exprimer toute sa souffrance en fait. Parce que ça fait 15 ans que je passe à côté de sa souffrance, parce qu’elle donne le change tout le temps, elle sourit tout le temps, elle est agréable, elle ne se plaint jamais. […] En fait elle avait besoin de dire toute cette souffrance qui était réelle en fait…
– MG11 : Et cela lui a permis de le faire… » (FG2 p4) : « MG20 : Même si des fois, il y en a qui arrivent avec toute leur liste et en disant c’est comme ci, c’est comme ça…Et en vrai, en parlant, on désamorce un peu les différentes problématiques et des fois je trouve que l’on arrive même un peu à comprendre le pourquoi du comment qui finalement…enfin le sujet initial qui a été lancé. C’est souvent l’arbre qui cache la forêt et qui finalement aborde uneproblématique qui est complètement différente de celle amenée initialement par le patient en consultation. » (FG4 p18) MG10 parlait même de « révélateur de personnalité » permettant de « réactualiser » les données dumédecin sur ses patients. Nous allons voir que c’est dans cette optique de patient révélé à son médecin généraliste grâce aux médias que ce dernier devait, dans les cas où un patient abordait des informations issues des médias, être attentif à trouver le motif caché (Cf III.A.3).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Contexte actuel des médias dans la santé
II. Le Web santé
A. Histoire de la révolution de l’information médicale par le développement d’Internet
1. Les débuts du Web santé
2. La révolution du Web 2.0
3. Le cas
français
B. La certification HON des sites de Santé
C. Explosion de l’accessibilité à Internet
III. Place du médecin généraliste dans le phénomène de diffusion des informations médiatiques en santé
A. Médecine et Santé 2.0
B. De nouvelles compétences médiatiques pour les médecins généraliste français ?
IV. La question de recherche
A. Problématique
B. Intérêt personnel pour le sujet : le cas du Levothyrox
C. Objectifs
MATERIEL&METHODE
I. Choix des méthodes
A. La recherche qualitative
B. La théorisation ancrée
C. Mode de recueil
1. Le Focus Group
2. L’entretien
individuel
II. Travail préalable à la recherche
A. La formation : construction d’une posture de chercheur
B. La déconstruction des aprioris
C. La recherche
bibliographique
D. Le Journal de
bord
III. Echantillonnage
A. Echantillonnage théorique : Définition
B. Population cible
C. Recrutement
IV. Recueil des données
A. Guide d’entretien qualitatif
1. Construction
2. Evolution
B. Technique de recueil
C. Conditions de recueil
D. Saturation des données
V. Analyse des données
A. La retranscription : le verbatim
B. L’analyse par théorisation ancrée
1. Codification
2. Catégorisation
3. Mise en relation des catégories
4. Intégration
5. Modélisation
6. Théorisation
VI. Conditions éthiques et réglementaires
RESULTATS
Généralités
I. Caractéristiques de l’échantillonnage
II. Caractéristiques des entretiens
III. Saturation des données
Résultats de l’analyse
I. Une perception ambivalente
A. Un impact positif sur la pratique
1. Aide : Se sentir secondé dans ses fonctions
a. Impact doublement positif des campagnes de prévention et de dépistage
b. Facilitation de la pratique
c. Participation à la vigilance des patients et des médecins
d. Education à la santé
e. Pouvoir s’appuyer sur ces nouvelles possibilités d’éducation
f. Limites
2. Rôle de révélateur du profil du patient
a. S’autoriser à s’exprimer pour le patient
b. Répondre au besoin du patient de se sentir compris
c. Ouvrir le dialogue avec le médecin
3. Meilleure reconnaissance du métier
4. Favorise les échanges entre confrères et l’unité des pratiques
B. Complications et difficultés
1. Une image négative de l’information médiatique
a. Désinformation
b. Impression de fermeture du débat par les médias
c. Une information qui n’est pas au service du patient
2. Informations vectrices d’angoisse
a. Génération de la peur
b. Impact anxiogène global
3. Création de motif de consultation
4. Création de conflits patient-médecin
5. Consulter à 3
6. Création de biais dans l’exercice de la médecine
7. Vecteur de redondance dans les consultations
8. Chronophage
9. Des dérives
10. Des sentiments négatifs
C. Absence d’impact sur la pratique
1. Un vécu neutre
2. Peu d’utilisation dans la pratique
3. Absence de nouvelles problématiques
II. Des changements dans la position de chacun dans la relation patient-médecin
A. Nouvelle position du patient dans sa santé
1. Valorisation de son rôle dans sa santé
2. Droit de pouvoir mieux s’informer
3. Démarche active du patient : Responsabilisation et autonomisation
B. Désacralisation du médecin
1. Se sentir remis en question dans son savoir
a. Un vécu négatif
b. Un vécu positif
2. Le médecin : un être humain comme un autre
3. Comprendre la volonté du patient de mieux s’approprier sa santé
4. Ne plus se reconnaître dans ses fonctions de médecin
C. Un déséquilibre ou nouvel équilibre dans la relation ?
1. Déplacement du savoir du côté du patient
2. Enrichissement de la relation
3. Acceptation des changements : Evolution avec la société
4. Persistance d’inégalités
D. Revalorisation de la relation
1. Promotion de la relation en tant que relation humaine
2. Approche centrée sur le patient
3. Valorisation de la relation de confiance
4. Référence pour le patient
5. Limites
III. Adaptation : les stratégies du médecin généraliste
A. Rassurer
1. Rôle de base du médecin traitant
2. Prendre le temps
3. Trouver le motif caché : Décrypter
B. Encadrer : être l’intermédiaire patient-média
1. Eduquer le patient dans son utilisation des médias
a. L’orienter
b. Conseiller certains sites internet
c. Lui apprendre à faire le tri
2. Limites
C. Rester sur d’autres bases de la pratique
1. Le colloque singulier
2. Investiguer
D. S’approprier la diffusion de l’information médiatique sur la santé
1. Dans la salle d’attente et dans le cabinet
2. Création de sites internet d’information par les médecins généralistes
3. Une meilleure information pour l’orientation des patients
4. Implication dans les médias de masse
5. Le médecin généraliste n’est pas le seul concerné
a. Rôle de l’Etat
b. Rôle de l’Ecole
c. Rôle du ministère de la santé
d. Rôle d’autres professionnels de santé
E. Intégrer le sujet à la formation des médecins généralistes
F. Le patient
IV. Le Levothyrox
A. Une situation extrême
1. Un passif
2. Impression d’hystérisation
3. Un phénomène d’ampleur
B. Accuser les autorités sanitaires
1. Une mise à l’écart de l’information
2. Une mauvaise gestion imposée aux médecins
C. Difficulté à mettre en place les stratégies habituelles
1. Difficultés à apporter un cadre
2. Faire face aux patients
3. Abandonner
D. Aggravation de la situation par les médias
E. Un traumatisme
Modélisation des résultats
DISCUSSION
I. Limites de l’étude
A. Le recrutement
B. Le recueil : Focus group et entretiens individuels
C. Le Guide d’entretien
D. La saturation des données
E. L’analyse des données : la portée des résultats
1. Le Codage
2. L’absence de retour des retranscriptions
3. Des données manquantes ?
II. Forces de l’étude
A. Le sujet
B. Une démarche scientifique rigoureuse
1. La population d’étude
2. Les entretiens
3. L’analyse
C. Limitation de certains biais
D. Apports bénéfiques sur le plan personnel
III. Perception des médias par les médecins généralistes sur leur pratique : Discussion du contexte et des perspectives
A. Les changements dans la relation patient-médecin
1. Les médias et la position du patient dans sa santé
2. Les médias et le médecin
3. Les médias et la relation patient-médecin
a. Télémédecine ; e-santé ; Santé 3.0 : au-delà de l’information du patient
b. L’avenir de la relation dans les nouvelles technologies
c. L’actualité de la relation
B. L’adaptation des médecins généralistes
1. La création de sites internet par le médecin généraliste
2. Encadrer : Rôle d’intermédiaire patient-média
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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