La diffusion de la surveillance dans la société numérique

Une intégration de la surveillance diffuse modérée sous l’empire de la loi de 1978 et de la directive de 1995

Sans qu’il soit nécessaire de recourir à une archéologie du concept de surveillance qui pourrait nous faire remonter à Argos Panoptès, l’un des événements déclencheur de la prise en considération contemporaine d’une mise en place d’une surveillance des individus a été le 11 septembre 2001, la menace terroriste mais également, un sentiment global d’insécurité. A cette date, des notions a-juridiques ont eu une nouvelle résonance : risque , danger , prévention, suspicion et sécurité ont progressivement fait leur apparition dans les discours des différents gouvernements, et, dans la mobilisation internationale contre le terrorisme. « Avec le 11 septembre, la logique fondée sur l’argument du « scénario du pire » (worst case scenario) a gagné beaucoup de crédit auprès des gouvernements et des médias: on ne peut pas attendre le prochain attentat, car il sera tellement dévastateur que la conception du policier comme « pompier du crime » – c’est à dire la vieille image de la police criminelle – ne peut suffire. On assiste ainsi à une dévalorisation profonde de la logique policière en tant que justice criminelle au profit de la proactivité ou de la prévention. Une prévention non pas au sens d’éliminer les facteurs structurels encourageant à la violence, mais au sens d’« agir avant que l’autre n’agisse ». Autrement dit une logique de guerre, dans laquelle la suspicion et l’urgence constituent des pièces centrales. Le danger étant toujours présenté comme imminent, on observe également une coalescence de figures de la menace, allant de la « bombe atomique dans le sac à dos d’un fanatique religieux », image canonisée du « scénario du pire », jusqu’au migrant et au réfugié  » .

Les événements du 11 septembre 2001 n’ont pas nécessairement joué le rôle de déclencheur de l’apparition de la surveillance diffuse. Ils ont, au mieux, permis de changer la perception de certaines logiques discursives, politiques, économiques, en relation avec la surveillance, et plus globalement avec la notion de sécurité. Le monde étant devenu dangereux, il fallait agir. La surveillance permettrait alors d’appréhender les risques, les dangers, de rendre ce monde un peu moins «imprévisible », de rendre la société un peu moins vulnérable. Ainsi que l’analyse Didier Bigo, dans son ouvrage « Au nom du 11 septembre … Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme », il est nécessaire de « relativiser la supposée «nouveauté » des préoccupations antiterroristes (les continuités l’emportent souvent), tout en pointant l’effet d’aubaine qu’a parfois pu constituer la mobilisation internationale contre le terrorisme pour durcir les lois nationales et rogner sur les tolérances – notamment politiques – induites par une conception ouverte des libertés publiques ». Les notions a-juridiques précitées (risque, danger, prévention, sécurité) ont  progressivement fait leur entrée dans le droit des différents États , et ont par voie de conséquence  permis de durcir les droits nationaux, tout en faisant reculer petit à petit les « tolérances » liées aux libertés publiques.

Évoquer le processus d’apparition de la surveillance diffuse, déconstruire ce phénomène peut apparaître de prime abord comme un travail a-juridique (Titre 1). Pourtant, il est nécessaire de comprendre ce phénomène et de garder en tête son histoire et son lien avec le phénomène technique. La confrontation de la surveillance diffuse aux notions juridiques de vie privée et de données personnelles telles que définies par les premières législations informatiques et libertés est également nécessaire (Titre 2). Si la surveillance diffuse s’intègre pleinement dans nos sociétés, ces premières législations donnent le sentiment d’une intégration délicate d’un point de vue juridique de la surveillance diffuse.

L’institutionnalisation progressive de la surveillance diffuse: naissance et développement d’un phénomène de société 

« Arrive une troupe d’enfants : aussitôt les voilà courants après ce papillon dont ils ont tous envie. Chapeaux, mouchoirs, bonnets servent à l’attraper ; l’insecte vainement cherche à leur échapper. Il devient bientôt leur conquête. L’un le saisit par l’aile, un autre par le corps ; un troisième survient, et le prend par la tête : il ne fallait pas tant d’efforts pour déchirer la pauvre bête. Oh ! Oh ! Dit le grillon, je ne suis plus fâché ; il en coûte trop cher pour briller dans le monde, combien je vais aimer ma retraite profonde ! Pour vivre heureux, vivons cachés ». Alors qu’il y a encore 10 ans cette citation de Florian était ancrée dans nos sociétés, aujourd’hui l’explosion des réseaux sociaux, de l’usage d’internet comme outil de connaissance et de communication, plus globalement, l’informatique et les nouvelles technologies ont fait en sorte que l’individu exhibe l’ensemble des aspects de sa vie quotidienne et privée en ligne.

En 2007, Jean Malaurie déclarait que nous étions entrés « dans une civilisation technique si puissamment dominée par les sciences dures aux remarquables avancées certes mais si peu maîtrisées, qu’avant peu, nous serons nous hommes, numérisés, sans repères spirituels et culturels ». Ces repères culturels que sont la vie privée et l’intimité ont été remplacés par l’exhibitionnisme et le dévoilement de soi. L’individu est devenu à la fois ce papillon et ces enfants souhaitant briller dans le monde par la numérisation de sa vie privée, et par l’étalage des moindres détails de cette dernière sur internet. Par ailleurs, les États et les entreprises se sont lancés dans la course au numérique pour des raisons diverses et des enjeux économiques forts. L’informatique, les nouvelles technologies ont évolué, se sont combinés ; de la mémoire toujours plus importante des espaces de stockages, en passant par l’interopérabilité et l’interconnexion des systèmes, aux innovations technologiques (caméra de surveillance, géolocalisation, puces RFID, nanotechnologie), nous sommes devenus identifiables, identifiés, profilés.

La diffusion de la surveillance dans la société numérique

Comprendre l’emprise de la surveillance sur la société revient à s’interroger sur le processus d’apparition et d’imprégnation de la société par la surveillance diffuse. La surveillance diffuse est avant tout un phénomène ayant une affiliation forte avec le phénomène technique. Ainsi que le rappelle Stéphane Vial, « comme toutes les révolutions techniques précédentes, elle [la révolution numérique] est une révolution phénoménologique, c’est-à-dire une révolution de la perception : elle ébranle nos habitudes perceptives de la matière et, corrélativement, l’idée même que nous nous faisons de la réalité  ».

Avant toute tentative de définition potentielle de la surveillance diffuse, il apparaît nécessaire d’adopter une approche phénoménologique de cette dernière (section 1). On constatera alors que les études concernant le phénomène de surveillance sont principalement partagées entre deux courants de pensées: la technophobie et la technophilie. Limiter une étude globale de la surveillance à ces deux courants de pensées serait restrictif, il faudra alors comprendre les stratégies discursives qu’elles utilisent pour clarifier l’analyse, en préférant une approche pragmatique et démythifiée de la diffusion de la surveillance .

Approche phénoménologique de la surveillance diffuse : un phénomène issu du phénomène technique

Dans son acception commune, la surveillance n’est pas un champ de recherche nouveau. Toutefois, la diffusion toujours plus importante de cette notion dans la société contemporaine est un objet de réflexion nouveau en prises directes avec la sociologie, la philosophie, le politique et le droit. L’analyse de la diffusion mondiale de la surveillance en témoigne (paragraphe 1). L’adoption d’une approche phénoménologique dans le cadre d’une étude juridique peut sembler paradoxale. Les études juridiques se veulent empiriques. La démarche empirique s’appuie sur l’analyse d’un sujet qui raisonne sur son objet de recherche. Dans ce cadre, un premier filtre réflexif est déjà posé sur l’objet de la réflexion. Les sociologues, les historiens, les philosophes, les juristes ont évoqué cette notion à plusieurs reprises . Des filtres d’analyses ont donc déjà été posés sur cette dernière.  Un imaginaire entoure même ce concept du fait de sa relative connotation fictionnelle. Il faut alors comprendre ce concept, le déconstruire, et le concevoir comme un phénomène de société, mais également un phénomène technique.

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : Une intégration de la surveillance diffuse modérée sous l’empire de la loi de 1978 et de la directive de 1995
Titre 1: L’institutionnalisation progressive de la surveillance diffuse: naissance et développement d’un phénomène de société
Chapitre 1: La diffusion de la surveillance dans la société numérique
Chapitre 2: Des acteurs multiples au service de l’institutionnalisation de la surveillance diffuse: l’élaboration d’une culture de la surveillance
Titre 2: Une intégration délicate de la surveillance diffuse dans la protection offerte au titre du droit des données personnelles sous l’empire de la loi de 1978 et de la directive de 1995
Chapitre 1: Un déficit de conscience des enjeux de la surveillance diffuse sous l’empire de la loi de 1978 et de la directive de 1995:
Chapitre 2: Un déficit d’effectivité globale des premières législations informatiques et libertés face à la surveillance diffuse
Partie 2: L’intégration parfaite de la surveillance diffuse dans l’évolution des notions juridiques de vie privée et de données personnelles
Titre 1: La désinstitution du droit des données personnelles et de la vie privée sous l’empire des nouveaux instruments européens
Chapitre 1: L’organisation d’une gouvernance des données personnelles au titre du règlement général sur la protection des données personnelles
Chapitre 2: L’organisation de la marchandisation de la vie privée par les nouveaux instruments européens: vers une désinstitution du droit au respect de la vie privée et de la protection des données personnelles au profit de la surveillance diffuse
Titre 2: La désinstitution du Droit au profit de la nouvelle norme admise: la surveillance diffuse
Chapitre 1: La surveillance diffuse: entre désinstitution de la fonction du droit et mutation du Droit par la nouvelle norme admise
Chapitre 2: La mutation du contrôle social par la surveillance diffuse et ses effets sur le Droit
Index des principaux auteurs
Index des notions principales
Conclusion générale

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