La difficulté de reconnaissance du viol dans le cadre de consultation gynécologique et obstétricale

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La précision des éléments constitutifs du viol

Traditionnellement les éléments constitutifs d’une infraction regroupent un ou plusieurs éléments matériels qui correspondent à un comportement ou une abstention, en principe volontaire. A cela s’ajoute un élément moral qui lui correspond à l’intention de l’auteur de l’infraction d’agir contrairement à la loi pénale à laquelle s’ajoute parfois une intention spéciale. Pour qualifier l’élément moral du viol cela suppose que l’auteur de l’infraction ait connaissance d’avoir un rapport sexuel qui n’ait pas consenti, il suppose donc la connaissance du défaut de consentement de la victime. En ce qui concerne le viol l’article 222-23 du Code pénal exige deux éléments matériels tout d’abord une pénétration “ de quelque nature qu’elle soit, [un] acte bucco génital”31 sur la “personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur”32 de la pénétration, il est également nécessaire que cette pénétration ait été obtenue par “ violence, contrainte, menace ou surprise”33 .Pour certains auteurs cette restriction à l’utilisation de la violence, contrainte, menace ou surprise pose problème, car elle ne permettrait pas d’appréhender l’ensemble de certaines pénétrations pourtant commises sans le consentement de la personne, en effet contrairement au Canada34, le législateur français n’évoque pas l’atteinte au consentement de la victime pour caractériser le viol ce qui permettrait d’englober toutes atteintes à sa volonté bien qu’il ne soit pas exercé par la violence, contrainte, menace ou surprise. Malgré tout, grâce à la jurisprudence, de plus en plus extensive au fil des années, de la Cour de cassation cela permet finalement d’englober la plupart des violations du consentement en ne se basant pas sur la notion de consentement qui peut paraitre floue et pas assez précise.
Effectivement la Cour de cassation a permis de préciser et de développer les éléments constitutifs du viol soit par des jurisprudences permettant d’appréhender un nouveau comportement soit au contraire en rendant des décisions qui ont choqué l’opinion publique en refusant la qualification de viol à des comportements méritant d’être puni comme tel, ce qui a fait réagir le législateur qui a fini par faire évoluer la loi. C’est majoritairement depuis les années 2000 que les deux éléments matériels de ce crime ont évolué, chacun de leur côté, effectivement la pénétration est passée d’une pénétration uniquement vaginale à désormais toutes sortes de pénétration (buccale, anale, vaginale) mais aussi depuis avril 2021 aux actes bucco-génitaux35 bien qu’ils n’aient pas vraiment pénétré la victime ou l’auteur, cette évolution a permis de pouvoir également considérer un homme comme victime de viol, ce qui n’était pas le cas auparavant (Chapitre 1). Parallèlement à cette évolution, le consentement a également pris une autre tournure ; l’interprétation faite par la jurisprudence du défaut de consentement mais également le législateur qui a introduit la menace comme potentiel pouvoir de contrainte à un acte sexuel (Chapitre 2).

L’accroissement du champ de l’élément matériel lié à la pénétration

La pénétration sous l’angle d’un rapport forcé doit amener à la réflexion sur deux points essentiels ; qu’est-ce qui doit être entendu par “ tout acte de pénétration ”36 (Section 1) et qui doit pénétrer pour que le viol puisse être reconnu (Section 2).

De la pénétration aux actes bucco-génitaux

Classiquement la pénétration consistait en une pénétration vaginale, celle-ci s’est ensuite étendu lorsque le code pénal est venu préciser tout acte de pénétration ce qui laisse, en principe, entrer dans la matérialité du viol les autres types de pénétrations (§1), cependant il s’est avéré que le terme pénétration était finalement restrictif, car il suppose une pénétration dans le sexe ou par le sexe or une limite a été posée par la Cour de cassation qui a refusé de reconnaitre un cunnilingus comme une pénétration, car il n’y avait pas de pénétration formelle dans l’organe génital féminin, cette limite a rapidement été pallier par la modification de l’article 222-23 du code pénal par la loi du avril 2021 érigeant les actes buccaux génitaux comme élément constitutif d’un viol37 (§2).

L’approche classique de la pénétration

Pendant longtemps le viol n’était pas distingué de l’atteinte à la pudeur, ce n’est qu’en 1810 que les deux infractions ont fait l’objet d’incriminations différentes 38, ce n’est pas pour autant qu’il existait déjà des distinctions selon les pénétrations. Effectivement sous l’ancien régime la sodomie constituait un crime à part car il relevait d’avantage d’un crime moral en violation des lois divines que du viol. On ne retenait alors qu’une conception restreinte du viol en y intégrant uniquement les pénétrations vaginales où l’on se servait comme preuve d’un viol d’une femme non mariée ou d’enfant de la déchirure ou non de l’hymen de la victime. Cette conception restrictive de la pénétration est en grande partie due au fait que la loi ne visait pas la protection de la victime, et donc de la femme, mais la protection des familles contre les naissances illégitimes 39 ainsi que de la morale chrétienne et des atteintes à l’honneur du mari ou de la famille.
La loi du 23 décembre 1980 a définitivement mis un terme à cette conception, en retenant la formulation « toute acte de pénétration de quelque nature qu’il soit » au sein de la nouvelle définition du viol40. Effectivement les travaux préparatoires de cette loi mettent en lumière la volonté des parlementaires d’inclure non seulement la conception classique de la pénétration par l’organe génital masculin dans celui de la femme ainsi que dans l’anus ou dans la bouche d’une femme ou d’un homme, mais également par un objet 4142. Cependant cette loi limite le statut d’auteur de viol uniquement à celui qui a pénétré. La jurisprudence va également venir limiter la conception voulue par les parlementaires en retenant la tentative d’extorsion de fonds accompagnée de torture et acte de barbarie alors que l’auteur des faits avait introduit un bâton dans l’anus de la victime a deux reprises 43 alors même qu’elle avait retenu la solution inverse dans un arrêt du 24 juin 1987 44. On retiendra alors que le viol est un acte de pénétration forcée par le sexe ou dans le sexe. Par la suite la Cour de cassation est tout de même revenue sur sa jurisprudence de 1993 et prend en compte le contexte sexuel de la pénétration à partir de 1994 en se basant sur la finalité de l’auteur et donc son intention45. Elle confirmera la condamnation pour le viol d’un mineur par ces camarades qui avaient introduit dans son rectum un manche de pioche recouvert d’un préservatif en retenant que le caractère sexuel découle en l’espèce de l’utilisation du préservatif dont la connotation sexuelle ne peut être niée46.
La Chambre criminelle va tout de même poser une limite à sa jurisprudence en ce qui concerne la fellation en 2007 où elle retient que « pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant » 47 dans une affaire où un médecin avait contraint des patientes à mimer une fellation sur un objet représentant un organe sexuel masculin.
Par une loi du 21 avril 2021 le législateur est venu chambouler la définition du viol en ajoutant les actes bucco-génitaux à celle-ci afin de pouvoir appréhender les actes bucco-génitaux commis sur une femme qui ne constituerait pas une pénétration au-delà de l’orée du vagin.

L’élargissement de la qualité d’auteur à celui qui est pénétré

Depuis 1980 la référence à la femme en tant que victime du viol a été retiré de son incrimination, ce qui a donc laissé la porte ouverte à la reconnaissance du viol d’un homme. Cependant la définition retenue en 1980 restait tout de même restrictive en ce qu’elle n’admettait pas le viol dans le cas où c’est l’auteur qui est pénétré par la victime énonçant explicitement que le viol se définit comme « tout acte de pénétration sexuelle commis sur la personne d’autrui ».
30 En contradiction avec l’article 114-4 du Code pénal sur l’interprétation stricte de la loi pénale 56 ainsi que sur le principe de légalité des délits et des peines issues de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen57 la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 16 décembre 199758 rejeté le pourvoi formé contre une décision de la Chambre d’accusation retenant la qualification de viol pour renvoyer les faits devant la Cour d’assise de Paris alors qu’en l’espèce il s’agissait d’un cas où des fellations avaient été effectuées par des majeurs sur des mineurs sans leur consentement. Malgré l’exclusion de la définition du viol par l’article 222 des pénétrations subies par l’agresseur, la Cour de cassation relève que « tout acte de fellation constitue un viol au sens des articles précités, dès lors qu’il est imposé par violence, contrainte, menace ou surprise, à celui qui le subi ou à celui qui le pratique »59 et a donc élargi la définition du viol.
Cependant la Chambre criminelle a mis fin à cette jurisprudence en retournant dans les limites de la définition donnée par l’art 222-23 du Code pénal à partir de 199860 en refusant la qualification de viol et favorisant celle d’agression sexuelle pour des actes commis lorsque l’agresseur était pénétré par la victime. Cela a posé tout de même un problème au regard de l’égalité ainsi qu’à la liberté sexuelle pourtant protégé par l’incrimination du viol, car un homme imposant à autrui d’effectuer une fellation sur sa personne pouvait être reconnu coupable de viol mais un individu imposant une fellation à homme, s’il effectuait cette fellation, ne pouvait être reconnu coupable que d’agression sexuelle, pourtant, dans ces deux situations le rapport sexuel n’a pas été consenti par la victime. Or ces cas de fellations imposées se sont retrouvés mises en avant dans un certain nombre d’affaires concernant des mineurs, ce qui a poussé le législateur à agir par une loi du 3 août 2018 en ajoutant à l’article 222-23 « tout acte de pénétration sexuelle […] commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur »61 afin de pouvoir incriminer tout acte de pénétration effectuée sans le consentement de l’un des deux acteurs.
Cette loi a également permis en théorie de pouvoir considérer le viol d’un homme par une femme. Cependant en pratique cela reste encore peu, voire pas, appliqué car l’homme est vu par la société comme l’auteur du viol et non comme la victime, à moins qu’il ne soit mineur. Un homme ayant subi un viol de la part d’une femme est en effet considéré comme « faible » ou s’il est jeune comme « chanceux » lorsqu’il en parle et n’est donc pas réellement pris au sérieux. D’un autre coté la plupart des hommes ayant été victime d’abus sexuel sont mineurs et le viol est majoritairement commis par un autre homme mais alors d’autres obstacles se mettent en travers de la reconnaissance de cet abus.

La place de l’homme dans le viol

Avant l’intervention de la loi du 23 décembre 1980, l’incrimination de viol excluait explicitement l’homme en tant que victime d’un viol, effectivement il était alors défini comme un « coït illicite avec une femme qu’on sait ne point consentir ». L’homme ne pouvait alors être qu’auteur de viol, cette exclusion découle de la domination masculine qui déjà durant l’antiquité véhiculait l’idée selon laquelle la femme doit être soumise au pater familias et une offense fait à la femme par un autre homme était perçue comme une atteinte à l’honneur de la famille et non de la femme. Cette domination masculine impose également des contraintes aux hommes qui doivent répondre à « un idéal de virilité conquérante (politique et sexuelle). » 62 .Par conséquent l’idée qu’un homme puisse être victime d’un viol n’était pas concevable et d’autant moins s’il s’agissait du viol d’un homme par une femme. Sous l’Ancien Régime, alors que le terme de viol et son incrimination se précise, cette idée d’atteinte à l’honneur de la famille et de domination masculine persiste.
Ce n’est qu’en 1980 que la référence à la femme comme victime du viol est retirée de l’incrimination, laissant alors place à la possibilité du viol d’un homme. Cependant la définition donnée par la loi du 23 décembre 1980 limite tout de même la possibilité du viol d’un homme notamment par une femme, cela est dû à la formulation retenue « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui »63. Les travaux préparatoires de la loi démontrent que les parlementaires avaient souhaité mettre un terme à la vision antérieure selon laquelle un viol ne pouvait être effectué que sur une femme64. C’est dans cette même optique que la jurisprudence étudiée plus haut sur l’auteur du viol avait laissé la possibilité qu’une fellation exercée par l’auteur ou qu’une pénétration anale d’un homme en fonction de la connotation sexuelle de l’acte puisse être reconnue comme des viols avant de revenir à une vision objective et de reconnaitre uniquement le viol par le sexe ou dans le sexe excluant alors totalement la possibilité d’un viol sur un homme exercé par une femme et restreignant ainsi la possibilité du viol d’un homme seulement si un autre homme effectuait une pénétration anale sur celui-ci avec son organe génital ou qu’il lui imposait de lui effectuer une fellation.
Il a fallu attendre la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes65 pour qu’il soit finalement accepté qu’un viol soit commis par une femme sur un63 C.pen. homme. Effectivement cette loi vient à nouveau modifier l’article 222-23 du Code pénal pour y ajouter « commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur »66 ce qui permet par exemple d’appréhender le cas où les fellations sont commises sans le consentement de la victime sur sa personne .
Malgré l’évolution de la loi, la vision sociétale que l’on a de l’homme dans le viol reste fondamentalement la même. Effectivement il reste encore ancrée l’idée selon laquelle l’homme est l’auteur de viol et la femme victime mais que l’inverse n’est pas réellement possible, à moins qu’il s’agisse d’un mineur de sexe masculin qui soit abusé. Mais quand bien même il s’agit d’un mineur adolescent qui aurait été abusé par une femme majeur un grand nombre de personnes va considérer qu’il a eu de la chance, qu’il n’a pas à se plaindre. D’un autre coté dans la plupart des enquêtes menées ou des articles écrits, on parle des « femmes victimes de violences sexuelles » ou de viol pour désigner les victimes. Néanmoins ce phénomène n’est pas dû uniquement aux résidus de l’influence de la domination masculine sur la société mais aussi au fait qu’il y a davantage de femmes qui sont violées que d’homme, bien que les chiffres soient difficilement comparables car le viol d’un homme est encore plus tabou que celui d’une femme.

L’élargissement du défaut de consentement

L’ancienne définition du viol donnée par une loi de 1810 qui le définissait comme un « coït illicite avec une femme qu’on sait ne point consentir »67 était muet sur le fait de savoir comment l’auteur a forcé le rapport, il fallait donc se rapporter à la jurisprudence pour savoir ce qu’il en était. Celle-ci a longtemps incriminé uniquement des viols commis à l’aide de la force physique, ce n’est que vers la fin des années 1850 que la jurisprudence a commencé à prendre en compte d’autres formes de défaut de consentement. La loi du 23 décembre 1980 reprendra cette conception des causes de défaut de consentement qui prenait en compte la violence, physique et morale mais également la contrainte et la surprise. Ce n’est que lors l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994 que la menace fera son entrée dans les éléments constitutifs. Classiquement on peut voir se dessiner une division entre les causes de consentement forcé d’une part issue de la violence, la contrainte et la menace (Section 1) et d’autre part une cause de consentement mixte (“endormi” et viciée) que caractérise la surprise qui a fait l’objet de nombreux développements par la jurisprudence (Section 2).

Le développement des causes de consentement forcé

La doctrine entend en général par cause de consentement forcé tout ce qui se rapporte à la violence ainsi qu’à la contrainte et la menace car tous les trois supposent contrairement à la surprise, que la victime n’ait pas du tout consentie mais qu’on l’ait forcé à effectuer ou subir l’acte. En 1992 la menace intègre les causes de consentement forcé. La violence qui elle a toujours fait partie des causes de consentement forcé s’est bien développée tout d’abord en intégrant la violence morale mais aussi plus récemment la violence économique (§1). La contrainte, elle, était inscrite déjà en 1980 et se rapprochait de la violence ou dans certaines décisions de la surprise néanmoins en 2010 une loi en date du 8 février est venue ajouter un article Art 222-22-1 précisant un autre pan de la contrainte moral68 à la suite de jurisprudence restrictive en la matière (§2).

L’extension des formes de violences

Il a longtemps été incriminé uniquement des viols commis à l’aide de la force physique, le viol était en effet défini comme une “ violence faite à une femme que l’on prend de force” 69et ce n’est que dans les années 1850 que d’abord la jurisprudence puis, plus tard, la loi, ont commencé prendre en compte d’autres causes afin de caractériser le défaut de consentement comme menace, la contrainte mais aussi la surprise ainsi que la violence morale. Cette conception a eu du mal à s’imposer en effet, diverses décisions de la Cour de cassation bien que reconnaissant le fait que la femme ayant subi le rapport, que la femme n’avait pas consentie à ce rapport acquittait l’accusé car pour elle le viol ne pouvait être commis que par la violence physique70. À la fin des années 1850 la Cour de cassation change finalement sa jurisprudence et, tout en rappelant que le viol n’est pas défini par la loi, lui donne une nouvelle définition en énonçant “ce crime consiste dans le fait d’abuser d’une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte d’une violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu’il réside dans tout autre moyen de contrainte ou de surprise, pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l’auteur de l’action” 71. C’est cette conception qui va être retenue dans la loi du 23 décembre 1980 qui reprend les trois apports de cette jurisprudence donnant comme élément constitutif du viol une pénétration par violence, contrainte ou surprise.
La violence physique consiste en un acte provoquant une douleur et/ou une blessure physique72 sur la victime ou sur autrui « si elles ont pour effet direct d’influer sur la liberté de consentement de la victime » 73. Il s’agit de la forme de violence la plus facile à prouver car bien souvent elle laisse des traces sur le corps de la victime (ou autrui), mais elle entraîne aussi des conséquences morales. Pour pouvoir être retenue comme caractérisant un viol, la violence exercée doit être suffisante pour paralyser la victime, l’appréciation de ce critère relève des juges du fond qui se base sur les capacités de résistance de la victime. L’appréciation des juges du fond qui était autrement assez strict sur ce degré de violence est désormais plus favorable pour les victimes notamment lorsqu’elles ont cédé avant que les violences ne deviennent trop fortes ou que conscientes du risque encouru du fait de la situation, elles n’ont pas opposé de résistance mais simplement des supplications 74.
physique et est davantage difficile à prouver. La violence morale peut se définir comme une « contrainte illicite, [un] acte de force dont le caractère illégitime tient [à] l’effet d’intimidation, à la peur inspirée »75. Elle va nécessiter pour la victime le fait d’avoir agi par crainte de l’auteur ou d’un fait dont il pourrait menacer la victime que les conséquences portent sur sa personne, un bien ou autrui.
La violence morale dans d’autres incriminations à une interprétation plus extensive notamment dans le cadre des violences conjugales grâce auxquelles on prend en compte aujourd’hui également les violences économiques mais aussi psychologiques. Cependant sous l’angle du viol ce que l’on pourra considérer comme des violences économiques du fait de priver un individu de son argent ou encore de le menacer de le faire sera davantage considérer comme contrainte ou menace. Il est fréquent que la violence morale se confonde avec la contrainte ou la menace qui sont également des causes de consentement forcées retenues dans l’art 222-23 du Code pénal. Cependant la contrainte a fait l’objet d’un développement qui tend à la distinguer de la violence morale contrairement à la menace.

L’extension de la surprise par la jurisprudence

Trois situations sont prises en compte par la jurisprudence par la Cour de cassation, l’une déjà bien encrée depuis longtemps qui s’est immiscé dans les condamnations dès l’élargissement du viol à d’autres causes que les violences physiques (§1) et deux autres qui ont fait progressivement leur apparitions (§2)

La définition initiale de la surprise

Contrairement au sens donné dans la vie de tous les jours, la surprise comme élément constitutif du viol, n’est pas due à une émotion ressentie par la victime qui aurait été provoquée par un évènement inattendu 85 mais plutôt à surprendre le consentement de la victime86.
Avant même la prise en compte de la surprise comme un élément pouvant caractériser le viol, la jurisprudence le retenait déjà comme un défaut de consentement, le fait qu’un homme ait « profité du sommeil de la femme […], s’immisçant de nuit dans sa chambre, “consommant l’acte du mariage” en se faisant passer pour le mari absent »87 , bien que la Cour refuse de condamner le mise en cause pour viol car il n’a pas été commis par violence (physique), il retient tout de même que son consentement a été « extorqué ». Cette conception classique reviendra par la suite lors de deux arrêts, l’un du 25 juin 1857 et l’autre du 11 janvier 2017 où des hommes ont pu effectuer des attouchements sexuels sur des femmes qui se sont laissé faire en pensant qu’il s’agissait de leur conjoint88 89. Cette conception de la surprise va donc reposer sur un consentement qui n’est pas donné en connaissance de cause. Par exemple dans ces cas d’espèce la femme, si elle avait su qu’il ne s’agissait pas de son mari, n’aurait pas consenti à ces rapports intimes, le consentement a donc été vicié. Philippe CONTE va dire qu’il n’y a pas une suppression totale de la liberté sexuelle mais simplement une altération de celle-ci90 cependant elle est tout de même atteinte donc il est nécessaire de condamner le viol par surprise.
Dans la continuité de cette idée, la Cour de cassation va également retenir la surprise pour consentement vicié dans les cas où la victime était sous l’emprise de stupéfiant, dans un état d’alcoolémie élevé91 ou en semi-conscience, en cas d’aliénation mentale, mais aussi si la victime est endormie. Cependant la reconnaissance de la surprise comme vice du consentement alors que la victime est endormie semble étrange au regard du fait qu’une personne endormie ne puisse consentir à un rapport justement du fait qu’elle soit endormie. Cependant cette situation ne pouvait pas entrer dans la violence ou menace donc dans le but de pouvoir faire entrer la situation dans l’incrimination de viol ou d’agression sexuelle, la Cour de cassation en est venue à caractériser des attouchements sexuels sur un mineur endormi comme relevant de la contrainte et surprise .
Par un arrêt du 22 janvier 1997, la jurisprudence est venue étendre la notion de surprise en venant affirmer qu’elle peut résulter d’un stratagème qui vise à surprendre le consentement de la victime92 et développe par la suite cette notion de stratagème dans le cas notamment de situation faisant intervenir l’utilisation du numérique.

La nouvelle appréhension de la surprise

On se trouve encore dans le domaine de la ruse et du vice du consentement, cependant cette fois, il fait suite à un stratagème bien élaboré, ayant pour but d’obtenir un rapport sexuel sans lequel l’auteur n’aurait pas obtenu le consentement de la personne. Le premier arrêt évoquant l’utilisation d’un stratagème pour caractériser la surprise est un arrêt du 22 janvier 1997 qui va retenir la surprise pour caractériser une agression sexuelle sur un mineur car l’auteur a « mis en place un scénario de séduction et a organisé une mise en scène pour parvenir à ses fins, l’adolescent, ainsi conditionné, ne pouvait se soustraire aux avances du prévenu », le stratagème résultait du fait que le mineur se soit retrouvé comme piégé car l’auteur avait utilisé l’excuse de la visite de sa propriété pour le faire venir chez lui, orienter la conversation sur le sexe, diffuser un film pornographique et se masturber93.
Un deuxième arrêt a été rendu en 2019 sur la notion de stratagème venant prendre en compte l’utilisation des réseaux sociaux et l’abus de faiblesse dû à la fragilité psychologique des victimes. Dans cet arrêt il s’agit d’un homme de 68 ans qui s’inscrit sur un site de rencontre, cependant il ment sur son âge, son physique avec l’utilisation de fausses photos, sa situation financière et il cible des femmes étant psychologiquement fragile. Un certain nombre de personnes inscrites sur les sites de rencontres mentent sur leur âge, leur physique mais majoritairement sans aller aussi loin. Du point de vue du droit pénal, le fait d’utiliser un faux profil est plus souvent pratiqué afin d’extorquer de l’argent ou d’obtenir des informations. Ici le stratagème ne s’arrêtait pas là, car après un moment d’échange via le réseau, l’homme faisait venir la femme à son domicile en lui faisant miroité une « première rencontre exceptionnelle », à l’arrivée, elles devaient suivre le scénario pré-dicté et se bandait les yeux, se mettait nue et se faisait attacher les mains durant les rapports sexuels. Cependant une fois les rapports finis, en retirant le bandeau la femme se rendait compte de la supercherie en découvrant l’homme de 68 ans qui ne ressemblait en rien aux photos envoyées au préalable. En retenant « que l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens du texte susvisé »94, la Cour ne déduit pas la caractérisation du viol par la surprise ressentie par la femme lorsqu’elle découvre la véritable identité de la personne avec qui elle a eu des rapports sexuels mais du stratagème élaboré à l’avance par l’homme afin d’obtenir le consentement de la victime, qu’il n’aurait très certainement pas obtenu si elle avait vu son physique avant. La Chambre de l’instruction s’était pourtant prononcée contre la caractérisation de la surprise en retenant que les victimes avaient consenti à avoir des relations sexuelles avec un individu qu’elles ne pouvaient ni voir ni toucher et de se plier au scénario élaboré et que la surprise caractérisée postérieurement aux relations sexuelles ne pouvait pas remettre en cause le consentement donné, elle se basait simplement sur le sentiment de surprise ressentie par les victimes et non sur la tromperie d’identité et de physique comme l’a fait la Cour de cassation 95.
Par cet arrêt la Cour de cassation vient confirmer sa jurisprudence non seulement sur l’erreur d’identification de l’auteur comme déjà retenue en 1857 mais aussi sur la notion de stratagème. Alors que la loi du 3 août 2018 n’a finalement pas apporté davantage de clairvoyance dans la définition de notion de surprise, la jurisprudence en la matière étant faible, elle ne permet pas de pouvoir caractériser l’ensemble des situations qui devraient pourtant être reconnues comme tel. C’est le cas plus précisément de certains viols commis dans le cadre de consultations gynécologiques et obstétricales à propos desquelles une multitude de témoignages recense des faits où un acte de pénétration a été commis sans le consentement des patientes mais où il est parfois difficile de faire entrer les faits dans l’incrimination de viol.

La difficulté de reconnaissance du viol dans le cadre de consultation gynécologique et obstétricale

La génécologie et l’obstétrique sont définies comme : « La gynécologie a pour objet le diagnostic et le traitement des maladies de l’appareil génital et du sein, le dépistage des cancers gynécologiques par des frottis et des mammographies en collaboration avec des radiologues, la prise en charge du traitement de la stérilité, la régulation des naissances et le traitement des troubles de la ménopause. L’obstétrique est la surveillance du déroulement de la grossesse et de l’accouchement »96 . Elles ne concernent donc que les femmes. Ces deux disciplines ont été créées à l’origine dans une « volonté conjointe de l’Eglise, de l’Etat et d’un pouvoir masculin d’affirmer leur autorité sur un aspect du corps des femmes qu’ils ne contrôlaient pas »97 . Bien que la gynécologie et l’obstétrique ont joué un rôle non négligeable sur la qualité des soins prodigués aux femmes, il n’en reste pas moins qu’il existe toujours une volonté de contrôle du corps de la femme et de sa volonté dans certains cas comme lors d’un accouchement ou les femmes sont placées dans une position qui arrange le médecin, allongées, et non dans la position qui réduirait sa douleur et l’intensité du travail (Accroupie). La volonté des patientes est encore bien souvent négligée malgré l’introduction dans le code de la Santé publique de plusieurs articles mettant en avant la nécessité du recueil du consentement des patients avant tout acte médical. Effectivement un grand nombre de situations posent problème au sein du suivi gynécologique et obstétrical qui demeure depuis toujours mais qui fait l’objet d’une attention particulière depuis le lancement du #PayeTonUtérus le 19 novembre 2014 dénonçant les violences gynécologiques et obstétricales et à la publication de nombreux articles en 2015 concernant la formation des médecins qui auront à connaitre par la suite de ces suivis. Les violences gynécologiques et obstétricales ont été définies par la haut conseil à l’égalité comme « des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical »98 .Depuis, grand nombre de témoignages de violences gynécologiques et obstétricales affluent allant de remarques déplacées sur la sexualité, sur le poids ou le choix de certaines patientes, à des épisiotomies inutiles et pouvant atteindre même des pénétrations forcées ou non nécessaires au suivi. Ces situations de pénétrations peuvent parfois poser problème quant à la possibilité de caractériser la violence, contrainte, surprise ou menace. La question se pose davantage pour la surprise à cause de la jurisprudence restrictive et peut abondante de la Cour de cassation en la matière (Chapitre 1), mais aussi par rapport à la contrainte pouvant découler de la relation asymétrique entre patientes et médecin (Chapitre 2).

Le viol par surprise des patientes

Dans le cadre des consultations gynécologiques et obstétricales on peut voir différents comportements problématiques de la part du personnel médical qui peut poser problème notamment dans la qualification de la surprise afin de caractériser le viol. De fait, on peut constater majoritairement deux situations qui sont fréquentes mais qui n’aboutissent pas forcément à une condamnation ; d’une part le fait qu’il soit fréquemment effectué des actes sur des femmes qui n’ont pas donné leur consentement pour ceux-ci ni même qu’on leurs ait expliqué en quoi l’acte consiste et son déroulement alors qu’en principe le consentement de la patiente est obligatoire au préalable à moins qu’elles soient en incapacité de donner leur accord et que leur pronostic vital soit engagé (Section 1). Il arrive également que la patiente ait donné son consentement à un acte à la suite de la demande du professionnel de santé et que pourtant cet acte ne soit pas nécessaire afin de traiter la patiente (Section 2).

Le non-consentement à des actes effectués

En principe tout acte médical doit être consenti par la patiente avant qu’on n’y procède cependant cela n’est que très rarement le cas notamment pour des raisons d’efficacité et de rapidité du fait en partie du manque de personnel mais on en vient alors à négliger le côté humain des patients et cela est d’autant plus vrai dans le cadre de consultations gynécologiques ou obstétricales où on touche aux parties intimes de la femme ce qui n’est pas évident pour toutes. On peut ici distinguer deux situations où le viol pourrait être caractériser, l’une où les actes de pénétration sont effectués sans le consentement de la patiente par le personnel sans qu’ils ne pensent à mal mais simplement car ils sont négligents et l’autre où des actes de pénétration sont répétés sans que la patiente n’y ait consentie ? (§1) Ces actes non consentis mais également les violences gynécologiques et obstétricales dans leur ensemble vont parfois avoir de graves répercussions sur les victimes qui recoupent souvent celles que l’on peut constater sur les victimes de viols (§2).

Les femmes non informées préalablement des actes qui leurs sont effectué

Un grand nombre de témoignages relatent des faits où des gynécologues ou obstétriciens ont introduit des doigts, un spéculum ou autre afin d’ausculter ou d’effectuer un examen sur des femmes sans les avoir prévenues auparavant. Dans certaines situations, il s’est avéré par la suite que cet acte n’était pas nécessaire au suivi de la patiente mais simplement effectué dans le but de l’humilier notamment dans le cas de jeunes filles venant voir un gynécologue pour la première fois et affirmant avoir déjà eu des rapports sexuels, cependant cette situation sera étudiée dans une prochaine partie. On trouve aussi un certain nombre de femmes qui relatent que des actes nécessitant une pénétration vaginale ou anale ont été effectués, sans qu’on ne les ait prévenues et sans expliquer à l’avance en quoi l’examen allait consister même si ces derniers étaient nécessaires. Ce manque de prise en compte des patientes peut parfois découler d’un surmenage du praticien dû à sa charge de travail mais aussi parfois à son manque de formation quant au respect de la patiente et de l’aspect humain de son métier. Les praticiens ne se rendent parfois pas compte du mal qu’ils font lorsqu’ils effectuent des actes nécessaires sur des patientes car ils pensent qu’elles doivent entièrement leur faire confiance et se soumettre à tout examen, nécessaire à leur santé, cependant cela ne signifie pas qu’on ne leur explique pas en quoi cela consiste encore plus lorsque cela touche à leur intimité. Les praticiens peuvent avoir une vision totalement asexualisée du corps notamment lorsqu’ils sont gynécologues ou obstétriciens cependant cela n’est pas le cas des patientes.
EN réaction à la publication d’une plaquette de formation des internes en médecine99 et à la publication de nombreux articles de presse) en 2015 un article a été introduit au sein du Code de la santé publique venant préciser qu’ « aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment »100, il s’ajoute à l’article R 4127-36 du même code selon lequel « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposé, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade des conséquences. »101 Cependant un grand nombre de gynécologues et d’obstétriciens ne suivent toujours pas les prescriptions de ces articles. Les plaintes auprès de l’ordre des médecins étant longues et n’aboutissant pas forcément à une condamnation donnant satisfaction à la victime, car non seulement elle ne peut pas faire réparer son préjudice mais aussi bien souvent les faits sont négligés, il faut aborder la question sur le plan pénal.
62 Le fait d’effectuer un acte de pénétration sans le consentement de la patiente lors d’un examen gynécologique sans prévenir pourrait relever de la surprise ressentie par la patiente lors de l’introduction de l’objet ou le doigt du praticien, cependant cela serait contraire à l’appréciation faite de la surprise par la Cour de cassation qui refuse de se baser sur le sentiment ressenti par la victime dans son arrêt de2001 102. En cas de maintien de cette jurisprudence les juges du fond ne pourront donc pas se baser sur la surprise dans le cas où la victime n’est pas endormie. Cependant elle pourrait peut-être se baser sur la contrainte résultant de l’autorité du praticien mais aussi de la vulnérabilité de la patiente dans le cadre d’une consultation gynécologique ou obstétricale. On voit apparaitre les limites de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue dans le cadre de son appréciation de la surprise qui pourrait laisser perdurer l’impunité de ces médecins dont les actes ont pourtant de grandes répercutions sur la vie des patientes.

Les répercutions des violences sur les victimes semblables à celles du viol

Les violences gynécologiques et obstétricales vont déclencher chez les victimes les mêmes mécanismes mais aussi séquelles psychiques que les violences sexuelles en général. Cela est d’autant plus vrai lorsque la victime est victime de violences sexuelles dans le cadre d’une consultation gynécologique ou obstétricale. Effectivement on remarque en premier lieu chez les victimes de violences gynécologiques et obstétricales un état de sidération que Muriel Salmona définit pour les victimes de violences sexuelles comme le fait que la victime ne puisse pas agir elle est « pétrifiée, elle ne peut pas crier, ni parler, ni organiser de façon rationnelle sa défense » 103pour en arriver à une telle sidération il est nécessaire soit que la victime soit « terrorisée par la soudaineté et la brutalité de l’agression, soit paralysée par le non-sens, le caractère incongru, incompréhensible, impensable de l’agression et sa mise en scène »104. La victime de violences obstétricales est plus souvent sidérée par la violence de ce qu’on lui fait subir lors de son accouchement et notamment les épisiotomies à vif non nécessaires105 mais la victime de violences gynécologiques va être davantage sidérée par le non-sens de la situation car elle remet sa confiance entre les mains d’un médecin censé l’examiner, la soigner si nécessaire ou effectuer un suivi et lui, pour diverses raisons possibles, lui fait subir des violences106.

Les actes effectués non nécessaire

Dans d’autres cas la patiente a ou non donné son consentement cependant, les actes qui sont effectués n’étaient pas nécessaire à son occultation soit parce que le médecin à de mauvaises intentions ou souhaite “donner une leçon” à la patiente (§1) soit parce qu’un médecin souhaitait faire effectuer cet acte ou les montrer à ses internes afin qu’ils puissent apprendre (§2).

Le prétexte thérapeutique pour effectuer des actes ayant un motif fallacieux

Il ressort de la multitude de témoignages recensés deux situations où des actes effectués n’étaient pas nécessaires et où le praticien les a effectués dans une intention d’humiliation ou de rabaissement de la patiente ou dans une intention criminelle.
Le premier cas de figure se retrouve surtout dans la situation de jeunes filles, souvent encore mineures, se rendant chez un gynécologue pour la première fois. En temps normal aucun acte de pénétration n’est effectué sur des mineurs qui n’ont pas encore eu de rapports sexuelles 113 cependant lorsqu’une mineure a déjà eu des rapports alors il devient permis, cela ne signifie pourtant pas qu’il ne nécessite pas le consentement de la victime. Or certaines personnes relatent que le gynécologue, alors qu’il s’agissait d’une consultation pour la prescription de pilule contraceptive ou pour une mycose vaginale et lorsque le médecin a appris que la patiente n’était plus vierge, il l’a soumise à des actes de pénétrations (speculum, frottis) qui n’étaient pourtant pas nécessaires pour le motif de la consultation. Plus encore dans l’un des témoignages, une jeune fille explique qu’alors qu’elle était accompagnée de son père pour la consultation, celui-ci étant resté dans la salle d’attente afin de préserver l’intimité et la vie privée de sa fille de 17 ans, le médecin, à l’annonce de la perte de virginité de la patiente, est allé chercher le père dans la salle d’attente afin de lui apprendre que sa fille n’était pas vierge avant d’emmener celle-ci, venue pour une prescription de pilule, dans une salle d’auscultation et de lui introduire brutalement un speculum dans le vagin, sans lui demander son consentement au préalable ni lui expliquer ce qu’il allait faire et pour quels motifs. Une fois l’auscultation terminée il lui a fait une simple prescription pour une pilule contraceptive sans lui donner plus de précisions sur l’acte qui lui a été effectué114 . Le comportement de ce médecin montre une réelle volonté d’humiliation et de rabaissement de la patiente en montrant par ces gestes qu’il n’adhère pas au fait qu’il puisse être normal qu’une jeune fille de 17 ans ait des rapports sexuels. Cependant là encore, la surprise ne peut être retenue du simple sentiment ressenti par la patiente. La notion de stratagème visant à obtenir le consentement de la victime en lui dissimulant une information ne peut pas non plus convenir en l’espèce car aucun consentement à l’acte n’a été donné. Par contre la contrainte ou la violence, selon les cas, pourrait encore une fois peut être s’appliquer en l’espèce. Il en est autrement lorsque la patiente donne son consentement avant l’acte en pensant que celui-ci était nécessaire.
69 Le second cas de figure que rapportent des patientes est que certains gynécologues ont effectué des actes de pénétration au cours de la consultation alors qu’ils n’étaient pas nécessaires, et ceci dans le but de prendre du plaisir. Ces situations sont moins courantes que les autres mais elles existent tout de même. Par exemple l’une d’elle rapporte qu’elle consultait un médecin généraliste pour des complications en fin de grossesse celui-ci a pris le prétexte de vérifier le col de l’utérus afin de la pénétrer digitalement en effectuant des « allers-retours brutaux » durant un quart d’heure malgré l’interpellation de la patiente demandant des explications sur l‘acte effectué. Il y a aussi le cas d’une autre patiente qui relate des faits similaires et ajoute qu’elle a senti le sperme du praticien couler sur sa jambe115. Donc sous couvert d’effectuer un acte médical certains praticiens violent les patientes non pas comme dans les autres cas de figure, par négligence ou volonté d’humiliation, mais avec une intention d’y prendre du plaisir sexuel. Ces situations pourraient entrer dans le cadre de la surprise dans le cas où la patiente a accepté l’acte de pénétration pensant qu’il était nécessaire à son suivi alors qu’il ne l’était pas, on retrouve aussi l’idée du stratagème par l’utilisation d’un faux motif médical dans le simple but d’obtenir le consentement de la victime. Il peut être néanmoins difficile pour certaines victimes de détecter ces abus car elles ne savent pas forcément quels actes sont normalement nécessaires ou non 116.
Une autre situation préoccupante portant sur des actes effectués sur des patientes alors que ces derniers n’étaient pas nécessaires, a été mise en avant en 2015 par la publication de maquette d’enseignement d’étudiant en médecine relatant le fait que des actes de pénétrations étaient effectués sur des patientes lorsqu’elles étaient endormies afin de pouvoir former le personnel médical. Il arrive parfois aussi que la patiente ne soit pas endormie mais simplement qu’elle accepte sans savoir que l’acte n’est pas nécessaire et qu’il est simplement effectué dans un but de formation ou ne sachant pas qu’il allait lui être effectué plusieurs fois par plusieurs personnes dans le but de former des externes.

L’abus du consentement de la patiente dans une optique de formation du personnel médical

Patientes endormies lors d’anesthésie générale 117 fait l’objet d’une attention particulière et donne lieu à la publication d’un article de presse dans le journal Metronews intitulé « Touchés vaginaux sur patientes endormies : un tabou à l’hôpital ? ». Cet article a donné suite à une pétition ayant pour destinataire la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche ainsi que la ministre de la Santé s’accompagnant d’une tribune : « Le consentement : point aveugle de la formation des médecins » ayant pour but la dénonciation de ces touchers vaginaux illégaux118. Par la suite divers articles de presse ont été publié alimentant la polémique.
En réponse à cette polémique plusieurs médecins et directeurs d’université de médecine ont justifié le fait que ces actes ne font pas l’objet d’une demande préalable de la patiente par crainte du refus des patientes119 ou encore que « demander le consentement de la patiente serait aller trop loin dans la pudibonderie » (Bernard Hédon, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français)120 car un touché vaginal n’a pas d’aspect sexuel et qu’il n’y prenait aucun plaisir 121. Or, comme vu précédemment, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà retenu la caractérisation de la surprise pour des agressions sexuelles commis sur une personne endormie et de viol sur des personnes en état de semi-conscience où dont le discernement était altéré ou aboli par des substances nuisibles. Il s’agit donc bien de viol commis par des médecins qui savent bien que les victimes seraient susceptibles de refuser de servir de cobaye pour la formation des étudiants en médecine. Ils sont bien conscients que la patiente n’a pas consentie à l’acte vu qu’ils ne lui ont pas demandé l’autorisation, ce qui permet de caractériser l’élément moral du viol.
Au-delà de la caractérisation du viol, cette situation pose question sur la formation que l’on donne aux futurs médecins quant au respect du consentement de la victime et à son intégrité physique, psychique et sexuelle car ces médecins à qui on apprend qu’il est normal d’effectuer des actes de pénétrations sur des patientes endormies sans leur consentement seront demain les futurs gynécologues et obstétriciens mais aussi médecins généralistes qui devront effectuer le suivi gynécologique et obstétricale des femmes or si l’appréhension du consentement de la patiente leur est transmis de la sorte ils trouveront cela normal de ne pas recueillir le consentement d’une patiente dans l’exercice de leur métier. Cela leur donne aussi un sentiment de toute puissance qui leur laisse penser qu’ils ont le droit de tout faire subir aux patientes sans leur demander au préalable leur consentement sous prétexte qu’ils sont médecins.
Le viol lors d’une consultation gynécologique ou obstétricale peut aussi relever de la situation asymétrique entre la patiente et le médecin qui relèvera alors non plus de la surprise mais de la contrainte, cette contrainte va permettre de pouvoir appréhender des faits évoqués plus haut n’entrant pas dans le champ de la surprise à cause de la jurisprudence restreinte de la Cour de cassation en la matière.

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Table des matières

Partie I – L’incrimination de viol
Titre 1 – La précision des éléments constitutifs du viol
Chapitre 1- L’accroissement du champ de l’élément matériel lié à la pénétration
Chapitre 2 – L’élargissement du défaut de consentement
Titre 2 – La difficulté de reconnaissance du viol dans le cadre de consultation gynécologique et obstétricale
Chapitre 1 – Le viol par surprise des patientes
Chapitre 2 – La relation asymétrique entre patiente et médecin
Partie 2 – Le régime de la répression du viol
Titre 1- Les modulations de la responsabilité pénale
Chapitre 1 – La circonstance aggravante liée au lien de conjugalité
Chapitre 2 – Les atténuations de la responsabilité pénale en matière de viol
Titre 2 – L’évolution du droit processuel en matière de viol
Chapitre 1 – L’instauration de la correctionnalisation pour pallier l’inadéquation entre la complexité du viol et le jury populaire
Chapitre 2 – La prescription du viol

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