D’après le séminaire INRP tenu le 18 et 19 janvier 2007, dont le sujet était description, indexation, partage et mutualisation de ressources pédagogiques numériques, « l’utilisation de ressources informatiques pour la formation a conduit à une modification importante des pratiques pédagogiques. L’évolution des comportements et des activités s’est traduite par la prolifération de ressources pédagogiques numériques ». Cette citation permet de montrer l’importance qu’ont pris les usages numériques dans notre société.
Ce phénomène se retrouve au sein des programmes scolaires notamment depuis la circulaire du Bulletin officiel n°5 du 3 février 2011 dont l’une des priorités est de « faire entrer l’école dans l’ère du numérique ». Les usages numériques sont depuis peu rentrés officiellement dans le système scolaire, de ce fait il s’agit d’un champ de recherche peu traité par les didacticiens. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de travailler sur ce sujet, de pouvoir apporter une expérience nouvelle et avoir l’impression à ma petite échelle d’apporter peut-être quelque chose à la recherche. Lors de ma séance, je compte analyser la façon dont les élèves s’approprient les savoirs usages numériques. Ainsi je vais reprendre la logique du mémoire de (Xavier Kuentz et Jean-Blaise Nidegge, 2010) sur Histoire et iconographie : « Le but de ce mémoire est d’observer l’impact qu’un cours peut avoir sur la capacité des élèves à faire l’étude d’un document iconographique en utilisant les connaissances récemment acquises à bon escient, mais aussi de les articuler de manière cohérente ». Je vais reprendre ce procédé mais en laissant les élèves en autonomie en salle informatique pour tester leurs connaissances initiales sur l’iconographie et leur capacité à adapter une méthodologie d’historien sur les usages numériques.
Qu’est-ce que la didactique ?
La didactique de l’Histoire
Ce mémoire a avant tout une visée didactique. C’est pour cela qu’il m’a semblé important en premier lieu définir ce qu’est la didactique de l’histoire. Pour ce faire je vais m’appuyer sur plusieurs articles comme celui de (Gérard Vergnaud,1999). Il donne les deux définitions suivantes : « La didactique étudie chacune des étapes de l’acte d’apprentissage et met en évidence l’importance du rôle de l’enseignant, comme médiateur entre l’élève et le savoir… De l’épistémologie des disciplines aux avancées de la psychologie cognitive, c’est l’ensemble du processus construisant le rapport au savoir qui est analysé » et « La didactique c’est donner sens aux connaissances scientifiques, techniques, sociales, artistiques, constitutives de la culture. La didactique s’attache donc aux contenus des savoirs et savoir-faire, et aux difficultés spécifiques que ces contenus peuvent soulever : différentes d’une discipline à l’autre, d’un domaine d’activité à un autre à l’intérieur de la même discipline ». La didactique est donc une science qui permet d’interpréter les savoirs enseignés et la manière dont les élèves les reçoivent. Ces deux définitions de Gérard Vergnaud peuvent être complétées par celle de (Henri Moniot, 2014) qui lui met en avant les bases d’un triangle pour l’analyse didactique: « Les didactiques disciplinaires appellent trois attentions conjointes : aux savoirs concernés, aux pratiques des enseignants et aux appropriations et aux apprentissages vécus et construits par les élèves – ce que la littérature spécialisée appelle volontiers « le triangle didactique ». Ce triangle didactique a fait l’objet de plusieurs modélisations mais pour moi celle qui est la plus intéressante est celle proposée dans le Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques où il s’insère dans ce que ces auteurs appellent une « constellation didactique ».
Cette constellation met en évidence qu’au-delà des trois facteurs principaux analysés (Apprenants, Enseignants et objets d’apprentissage), il existe d’autres éléments pouvant influer sur l’instruction de l’élève, à savoir son contexte social et le contexte éducatif. En effet il faut prendre en compte la diversité de chaque élève et qu’une la situation d’apprentissage optimal varie d’un élève à l’autre. (Gérard Vergnaud, 1999) parle d’ailleurs d’une « part non négligeable des différences entre individus dans leur rapport au savoir ». Lors d’une analyse didactique il ne faut pas se contenter de se demander si l’élève a assimilé ou non l’objet d’apprentissage transmis par le professeur mais elle doit permettre de se questionner sur les différentes pratiques qui pourraient ou auraient pu aider l’élève à assimiler plus facilement le savoir et les conditions dans lesquels l’élève a reçu celui-ci. Une activité peut très bien fonctionner dans une situation et être un échec dans une autre cela varie selon les différents éléments notés sur le schéma. Pour savoir si la connaissance donnée a été acquise par l’élève il faut faire ce que Gérard Vergnaud appel une « description analytique des cheminements de l’enfant dans la diversité des situations et des opérations de pensée nécessaires pour les traiter ». Enfin Gérard Vergnaud découpe l’analyse didactique en 4 schèmes. Le premier consiste à donner un but à la séance, cela peut être l’acquisition d’une compétence ou d’un savoir et le professeur doit pouvoir adapter son but en sous buts selon la réception qu’en ont les élèves lors de l’enchainement de de la séance. Le deuxième schème doit mettre en évidence la manière dont les élèves hiérarchisent les informations dans un texte et comment ils les relient entre elles. Le troisième schème est lié audeuxième puisqu’il reprend le prélèvement et la sélection des informationspertinentes et tenues pour vraies dans l’activité réalisée. Enfin le quatrième schème s’intéresse aux potentiels points faibles de l’activité qui vont faire qu’elle va marcher ou non avec les élèves et donc évaluer la capacité du professeur à s’adapter dans cette situation. Si on reprend le Schéma didactique et les différentes étapes de tous les schèmes, alors on obtient une analyse didactique complète. Cette analyse sera à nuancer car une séance d’enseignement peut très bien marcher dans certaines configurations et dans d’autres non. Il ne faut bien sûr pas manquer à la fin de notre analyse, comme l’explique Gérard Vergnaud dans son article, « de faire comprendre aux élèves ces alternatives, éventuellement d’expliquer pourquoi telle manière de faire est meilleure que telle autre, ou bien que plusieurs manières sont équivalentes, ou encore que telle manière est meilleure dans certains cas, moins bonne dans d’autres ».
Didactique du traitement des documents iconographiques et des textes en histoire
Après avoir choisi de faire mon mémoire sur l’interprétation iconographique avec l’aide des usages numériques en classe de seconde, j’ai réalisé qu’il existait peu de travaux de didacticiens sur l’analyse iconographique en classe d’histoire géographie. Pour réussir à mettre en œuvre une séance basée sur ce sujet, je me suis d’abord intéressée aux travaux de (François Audigier et Philippe Haeberli, 2005). Dans leur ouvrage, ils donnent des éléments clés pour choisir les supports iconographiques de la séance, « nous devions aussi éviter de trop grandes disparités dans le mode de représentations : image photographique, reproduction de dessin, carricature, etc. ». Cette affirmation nous apprend qu’il faut lorsque que l’on travaille sur plusieurs images (comme ça sera le cas dans ma séance), ne pas prendre des sources avec des natures trop éloignées les unes des autres. Selon eux, un autre facteur doit être pris en compte : « une image ancienne appartient à l’histoire au sens des temps passés, elle n’est pas en soi « historiennes » au sens d’appartenance systématique voire exclusive au domaine des sciences historiques ». C’est bien là d’ailleurs que va être toute la difficulté. Il va falloir faire comprendre aux élèves que toutes œuvres ou témoignages du passé sont subjectifs et que ce n’est pas parce qu’une source est ancienne qu’elle est historique. Ainsi, les deux auteurs proposent une grille pour choisir des photographies à utiliser en classe, ce qui je pense, peut être appliqué aux autres documents iconographiques « pour l’histoire : événement, récent/éloigné, dans le temps ; personnage avec en arrière-plan la question de l’acteur de l’histoire, individu ou collectif ; l’anachronisme ; date et périodisation ; l’idée de progrès en relation avec le sens de l’histoire, les lieux chargés d’histoire ». En me basant sur cette grille, j’ai pu construire ma séance sur des tableaux. J’ai choisi de travailler sur des événements éloignés pour voir comment les élèves allaient réussir à les traiter. De plus travailler sur des œuvres peintes permet à mon sens une meilleure approche que la photographie pour faire comprendre aux élèves la question de la subjectivité dans un premier temps. Justement pour éviter les contresens sur les documents iconographiques (Xavier Kuentz et Jean-Blaise Nidegger, 2010), explique que pour eux une grille d’analyse devra être proposée aux élèves. On le verra dans la partie deux de mon mémoire mais j’ai justement choisi d’expérimenter cela avec un demigroupe en leur fournissant un tableau reprenant point par point ce qu’ils devaient analyser. Pour l’autre moitié de la classe, j’ai formulé mes exigences à l’écrit pour voir si justement ils feraient plus de contresens que leurs camarades. Cette idée se base sur les travaux de l’historienne M.Joly : « Plusieurs raisons expliquent cette impression de lecture « naturelle » de l’image, tout au moins de l’image figurative. En particulier, la rapidité de la perception visuelle ainsi que la simultanéité apparente de la reconnaissance de son contenu et de son interprétation. Une autre raison en est l’universalité effective de l’image, le fait que l’homme a produit des images dans le monde entier, depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, et que nous nous croyons tous capables de reconnaître une image figurative, quel que soit son contexte historique et culturel. […] Sans doute existe-t-il, pour l’humanité tout entière, des schémas mentaux et représentatifs universels, des archétypes, liés l’expérience commune à tous les hommes. Cependant, en déduire que la lecture de l’image est universelle relève d’une confusion et d’une méconnaissance». Après avoir lu l’objet de sa réflexion, il m’a semblé intéressant de me dire que mon activité révèlerait peut-être dans les transcriptions des lectures universelles des images. Je compte donc prêter aussi attention à ce facteur dans mes analyses. Si on s’intéresse aux recherches de (Lucie Gomes, 2019), elle explique que les élèves ont des mécanismes que ces derniers « savent faire très tôt dans leur scolarité : identifier la nature, l’auteur ou encore la date du document, prélever des informations ». Pour ma recherche j’ai tout de même tenu à écrire sur le papier aux élèves de débuter par cette méthodologie. Il aurait pu être intéressant de voir s’ils auraient mobilisé cette méthode eux-mêmes mais j’ai préféré jouer la sécurité car mon objectif était plus de les amener à critiquer le document. Et justement par rapport à cela, Lucie Gomes explique que les élèves ne doivent « pas se contenter de dire le nom de l’auteur parce que cette procédure est ritualisée, mais c’est chercher qui est cet auteur et quelle est son intention dans la production de tel ou tel document ». Cette citation indique que les élèves doivent donc mener une enquête sur la subjectivitédes auteurs que les professeurs leurs présentes et en faisant cela, ils adoptent une réflexion d’historien. Tout simplement, ils font de l’histoire. Lucie Gomes ajoute également qu’il existe deux échelles que les élèves doivent respecter pour pouvoir problématiser, « L’échelle de lecture macro est constituée des données contextuelles : auteur, date, nature du document. L’échelle de lecture micro cible elle les informations présentes dans ce document que les élèves vont prélever : cequ’a dit ou représenté l’auteur. » Cette analyse à deux échelles va permettre aux élèves d’éviter « une lecture réaliste (Audigier, 1993) où tout ce que dit l’auteur ou le peintre est la vérité ». Il m’a donc paru primordiale de reprendre dans les deux documents donnés aux élèves pour l’activité en salle informatique de reprendre les deux échelles proposées afin de leur permettre de remettre en cause la subjectivité des œuvres. Enfin, il convient de se documenter sur l’article de (Catherine Souplet,2013) résumant le livre de Didier Cariou, Ecrire l’histoire scolaire. Dans ce livre Cariou s’interesse comme elle l’explique à « se demander comment amener les élèves à « penser en histoire en faisant écrire des textes d’histoire » (Cariou, 2012, p. 68) ». Son étude va porter plus particulièrement sur le langage historien. On peut tout de suite faire le lien avec une des compétences demandées au lycées à savoir « Employer les notions et le lexique acquis en histoire et en géographie à bon escient ». Pour Cariou au cœur de ce langage historien, on a la conceptualisationet l’explication. Catherine Souplet fait remarquer à juste titre dans son article que Cariou oublie de mentionner l’interprétation qui pour elle fait partie tout autant de la « pensée historienne ». En réunissant ces trois facteurs les élèves peuvent réfléchir et s’exprimer comme des historiens. Ce sera intéressant de pouvoir observer si les élèves mobilisent les différents facteurs sans s’en rendre compte dans leurs analyses. Après avoir posé les bases du traitement des sources iconographiques et des textes en histoire, on peut se focaliser sur la didactique des usages numériques.
Comment faire de la didactique de l’histoire à partir des ressources numériques ?
Comme nous l’avons déjà abordé, la didactique est une science qui peut s’adapter selon les matières ou le format d’enseignement. Dans l’étude réalisée auprès de mes élèves, j’ai ainsi choisi d’étudier celle-ci à travers les usages numériques. Il convient donc de définir comment analyser ces derniers par les élèves. Pour cela, nous disposons du travail récent de Stéphane Brunel, De la didactique des usages numériques paru en 2014. Faire travailler les élèves sur les usages numériques est nécessaire et fait partie des compétences qu’ils doivent maîtriser en fin de cycle. Parmi ces dernières, nous retrouvons l’utilisation des Technologies de l’Information et de la communication (TIC) qui regroupent les ordinateurs, logiciels, tableaux numériques ou tablettes pour rédiger des textes, confectionner des cartes, croquis et graphiques, des montages documentaires. De plus comme l’explique Stéphane Brunel dans son ouvrage, les TIC « sont susceptibles de proposer de nouveaux supports d’enseignement qui diminueraient la charge cognitive inhérente à la tâche et seraient ainsi bénéfique en termes d’apprentissage ». L’un des enjeux de ce mémoire sera donc, en lien avec cette affirmation, d’analyser le rapport des élèves aux usages numériques pour voir s’ils leur permettent de mieux appréhender un savoir. Dans son ouvrage, Stéphane Brunel a choisi d’étudier l’enseignement des TIC à travers trois axes « Le premier est celui de la transformation des supports d’apprentissage liée aux outils numériques où le guidage est un guidage par la forme : l’enseignant met à profit son expertise pour concevoir et utiliser des supports didactiques adaptés pour l’élève et pour les activités liées à la classe (si l’on se réfère à la théorie de Sweller, l’objectif ici est de diminuer la charge cognitive extrinsèque). Le second ajoute au guidage par la forme précédemment évoqué un guidage de fond où l’enseignant expert réfléchit à la création de scénarios numérique d’apprentissage et d’applications utilisant des outils de la communication et de l’information (si l’on se réfère à la théorie de Sweller, l’idée ici est de diminuer aussi la charge cognitive intrinsèque). Le dernier axe montre comment le guidage allié à cette forme de « technopédagogie » peut générer des situations de cours efficaces et adaptés aux apprentissages de tous les élèves ». Pour ma part, je pense avoir respecté ces trois axes dans la séance que j’ai réalisé avec les élèves puisque j’ai utilisé des supports didactiques adaptés pour eux (Microsoft Word et le site L’histoire par l’image). J’ai aussi guidé les élèves sur la forme et d’ailleurs nous le verrons plus tard mais j’ai expérimenté deux formes de rendu différents. Enfin, pour le troisième axe, nous verrons après l’analyse des travaux des élèves si le cours a été efficace en termes d’apprentissage.
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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique
1.1. Qu’est-ce que la didactique ?
1.1.1 La didactique de l’Histoire
1.1.2 Didactique du traitement des documents iconographiques et des textes en histoire
1.1.3 Comment faire de la didactique de l’histoire à partir des ressources numériques ?
1.2 historiographie du sujet
II- Méthodologie du processus de recherche
2.1 Une séance en salle informatique
2.1.1 Pourquoi faire travailler les élèves sur les usages numériques ?
2.1.2. Les difficultés rencontrées avec l’utilisation des ressources numériques
2.2 Choix didactique effectué pour la séance
2.2.1 Quelles activités ai-je privilégié ?
2.2.2 Les enjeux du travail demander
2.3. Hypothèses sur l’utilisation des ressources numériques et le traitement des informations dans un document
III- Analyse didactique
3.1 Le rendu des élèves
3.2 Les difficultés rencontrées sur la séance
3.3 Vérification des hypothèses
Conclusion
Bibliographie
Annexes