LA DÉTECTION DE CHANGEMENT ET LA GESTION DE CATASTROPHE
LES IMAGES SATELLITAIRES ET LA GESTION DE CATASTROPHE:
Nous vivons dans un monde qui est en constante évolution. Qu’il s’agisse de changements qui proviennent de nos activités, de l’évolution naturelle de la planète et de ses écosystèmes ou encore d’événements soudains comme des catastrophes naturelles ou résultant de nos entreprises, nous utilisons des images satellitaires et/ou aéroportées pour nous permettre d’évaluer et d’analyser le déroulement et l’ampleur de ce type de changement.
L’augmentation du nombre de catastrophes majeures ainsi que leur ampleur nous force maintenant à développer des techniques de gestion des efforts de secours plus performantes et rapides que de par le passé. L’apport de la télédétection dans ce contexte est de fournir des informations pertinentes sur les événements au sol le plus rapidement possible pour nous permettre de planifier les efforts de secours le plus efficacement en ayant connaissance des conditions au sol. Idéalement nous obtenons ces informations avant d’arriver sur le site de la catastrophe pour nous permettre de planifier le déploiement des ressources de manière à rejoindre la population locale rapidement et subvenir à leurs besoins au moment opportun.
Pour nous permettre de mener ces analyses, nous avons à notre disposition de plus en plus de sources de données qui sont de plus en plus complexes et détaillées. Ceci est intimement lié aux développements technologiques en matière d’imagerie satellitaire. Ces images sont les sources d’information les plus utilisées pour effectuer l’analyse de la variation de l’utilisation et de l’occupation de la surface terrestre. Il s’agit, en soi, d’une partie importante de ce que la discipline de la télédétection englobe, soit la détection à distance, sans contact, que nous utilisons pour effectuer l’analyse de notre planète et de son atmosphère.
Tout d’abord, il y a un nombre imposant d’applications et de domaines de recherches qui sont directement liés à ce type d’analyses. L’article de (Radke et al., 2005) donne une bonne vue d’ensemble de ce que ces analyses sont et de ce qu’elles permettent de quantifier à l’aide
d’images satellitaires. Qu’il s’agisse du suivi de l’évolution d’un écosystème, qui est bien détaillé dans la revue de l’état de l’art de (Coppin et al., 2004), de l’étalement urbain, de la désertification ou encore de l’agriculture de précision, nous utilisons de plus en plus d’images satellitaires, ou aéroportées, pour effectuer l’analyse des changements affectant notre environnement.
Comme chacune de ces représentations n’utilise pas les mêmes variables pour encoder ce que la surface sondée contient, nous avons forcément à utiliser des méthodes de transcodage et d’interprétation qui nous permettent de mettre le contenu des images en relation. C’est pour cette raison qu’il est souvent recommandé d’utiliser des images provenant d’un même capteur pour éliminer la tâche nécessaire de transcription des données telles que mentionnées dans l’article de (Lu et al., 2004a) traitant de la détection de changement.
Les types d’images et de données utilisées en télédétection :
Comme nous l’avons mentionné précédemment, il y a un grand nombre de types et de formats d’images qui sont couramment utilisées en télédétection. Cette variété est riche en potentiel d’analyse, mais elle implique aussi une grande complexité du point de vue du choix des variables et de traitements judicieux ainsi que de la compréhension de ce que peut représenter chacune de ces sources d’information. Il est difficile de bien cerner ce qui est probant à utiliser pour la classification et l’analyse de ces images, car leurs différences intrinsèques, de représentation et d’échelle de résolution, font que ce qui est une combinaison de variables, de descripteurs et de méthodes de classification efficace pour un type d’image n’est pas forcément probant dans d’autres contextes d’analyse.
Toutefois, toutes les images qui sont utilisées en télédétection proviennent de deux familles de capteurs. Nous retrouvons les imageurs passifs d’une part et actifs d’une autre (Nicolas, 2008-2009) qui sonde les cibles de différentes manières. Les cibles en télédétection sont habituellement la surface terrestre.
Les points communs aux images utilisées en télédétection :
Toutes ces images ont quelques points en communs qu’il faut détailler pour nous permettre d’expliquer certains des prétraitements qui sont nécessaires pour que les images satellitaires puissent être utilisées d’une manière efficiente. Le point le plus important à retenir est que les effets de perspective qui sont reliés aux conditions d’acquisition, surtout aux angles de visée et au relief topographique de la zone ciblée, ont un impact considérable sur la fidélité géométrique de l’image. C’est de cette caractéristique que découle la nécessité d’effectuer l’orthorectification et le géoréférencement de ces images. Ce sont les premières étapes des traitements standards qui sont requis pour permettre d’utiliser ces sources de données efficacement dans un contexte de gestion de catastrophe et de création de produits cartographiques dérivés.
Les effets de perspectives ont tendance à fausser la position des objets présents dans l’image autant à cause de leur position dans le champ visuel que de leur hauteur relative les uns par rapport aux autres. La position dans le champ visuel de l’imageur a un impact à cause de la variation de la taille de la cellule de résolution au sol. Cette variation est de plus en plus prononcée plus nous nous éloignons du nadir. Le nadir, dans la terminologie associée à l’imagerie satellitaire, est le point au sol qui est directement sous le capteur au centre de la travée scrutée. À cet endroit le pixel et la taille de la surface correspondent à la résolution citée de l’image. Plus nous nous éloignons de ce point, plus les pixels tendent à représenter une taille de cellule de résolution au sol pour lesquelles une ou les deux dimensions croissent. Mais, étant donné que les paramètres d’acquisition, ainsi que la configuration physique du satellite sont connus, il est possible de corriger les images pour remédier à cette déformation dimensionnelle.
LE TRAITEMENT D’IMAGES SATELLITAIRES :
Depuis quelque temps, nous constatons une croissance notable des phénomènes naturels qui, de notre point de vue humain, sont catastrophiques. Nous n’avons qu’à penser à l’augmentation du nombre de tornades, d’inondations ou de tremblements de terre qui peuplent les nouvelles que nous obtenons chaque jour pour nous en convaincre. De plus en plus, il est évident qu’il y a un changement majeur de notre environnement à l’échelle planétaire qui nous force à déployer des efforts de plus en plus considérables pour venir en aide à des populations qui, de par le passé, n’étaient que rarement ébranlées par ce type d’événements catastrophiques.
Dans cette foulée a été créée la Charte internationale : espace et catastrophes majeures qui a pour but premier de permettre de réagir rapidement à des événements catastrophiques en permettant un accès ainsi qu’une distribution plus rapide des images satellitaires pertinentes (Bessis, Béquignon et Mahmood, 2004). Ces images sont utilisées par les analystes et photointerprètes qui créent les produits cartographiques, à valeur ajoutée, à partir de ces images. Pour ce faire, plusieurs groupes de spécialistes du traitement d’image, d’analystes œuvrant en télédétection, de photo-interprètes, d’experts de la gestion des ressources de secours et de fournisseurs de données satellitaires œuvrent pour faire front commun à cette nouvelle situation.
Nous comprenons de ceci qu’en arrière-plan il y a aussi une cohorte importante de chercheurs académiques qui travaillent au développement d’outils et d’infrastructures de traitement qui permettront de réagir de plus en plus rapidement et efficacement à ces situations précaires. Qu’il s’agisse de protocole d’accès aux données pertinentes, de plateformes de travail intégrées ou encore d’algorithmes de traitement d’image hautement performants, nous constatons une volonté de développement de l’infrastructure requise pour permettre d’augmenter l’efficacité des analyses et de réduire le temps de traitement de ces données qui devient de plus en plus important avec l’augmentation de la résolution des images satellitaires.
Cette volonté est, comme le veut l’expression classique, l’enfant de la nécessité. Ceci découle d’une part de l’urgence sous-jacente, qui est inhérente à la gestion de catastrophe, et d’autre part en réaction à la croissance de la taille des images et de la grande diversité de phénomènes qu’elles peuvent maintenant décrire. Ce qui était possible il y a dix ans ne l’est plus nécessairement, ou du moins pas aussi rapidement. Comme l’urgence est un élément incontournable dans ce contexte, nous ne pouvons nous permettre de ne pas arriver à des résultats utiles en de courts délais.
De ceci découle la recherche de techniques automatiques de réduction de la complexité du problème. Ici, il faut bien voir que la communauté de recherche en télédétection est divisée en deux grands groupes, ceux qui cherchent des techniques complètement automatiques et ceux qui travaillent sur le développement d’outils de travail performants qui tiennent compte du fait que des opérateurs humains peuvent guider les algorithmes développés vers les représentations désirées.
L’imagerie satellitaire et la comparaison de leur contenu :
Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, les images satellitaires sont des sources de données très riches, mais aussi très complexes à analyser. Certes, plusieurs facteurs influencent ce qui peut être extrait d’une image et ont un impact indéniable sur le choix des méthodes de classification et de comparaison probantes à utiliser dans un contexte d’analyse donné. Les valeurs qui sont attribuées aux pixels ainsi que leur signification, la résolution des images, leur contenu et leur type ne sont que quelques-uns des facteurs qui sont associés aux images mêmes. Mais la disponibilité de données supplémentaires, provenant soit de relevés sur le terrain, d’information obtenue de logiciels SIG ou d’autres sources d’information qui permettent d’associer à certains des pixels une classe d’appartenance, a aussi un impact considérable sur la sélection des méthodes d’analyse qui pourront être utilisées.
Il faut souligner ici que les images satellitaires, et donc ce qu’elles décrivent, ne peuvent que rarement être traitées avec des méthodes générales qui s’adaptent à toutes les situations automatiquement. Ceci découle de la grande diversité de formats, de résolutions et de types d’images qui peuvent être utilisés dans ce contexte d’analyse ainsi que des diverses combinaisons d’images qui peuvent se présenter, comme nous l’avons souligné à la section précédente. La prolifération d’algorithmes, de plateformes logicielles et de formats de données intermédiaires utilisées pour le traitement et la classification du contenu de ces images découle de cette situation et vise à établir des techniques de travail adaptées à chaque nouvelle situation qui n’est pas traitable avec les outils existants.
Après avoir pris connaissance des combinaisons d’images qui peuvent se présenter dans un contexte de détection de changement, sous l’auspice de la gestion de catastrophe, nous réalisons qu’il y a trois scénarios plausibles qui devront être traités.
En premier lieu, nous avons ce que nous pouvons appeler le cas idéal qui met en jeu deux images provenant du même capteur n’ayant subies aucune variation de leurs conditions d’acquisition et qui ne sont détériorées par aucun autre facteur externe qui puisse modifier l’aspect radiométrique des images.
Dans cette situation nous pourrons travailler avec des images recalées, ce qui permettra d’utiliser l’image de différence et toutes les techniques usuelles de détection de changements que nous exposerons plus loin. Cette situation n’a cependant que peu de chance de se réaliser dans un cas de gestion de catastrophe pour les diverses raisons mentionnées plus tôt. Dans un contexte de recherche classique portant sur l’analyse d’images satellitaires, par contre, il s’agit essentiellement de la combinaison d’images qui est traitée à moins que la recherche porte sur le recalage et/ou sur l’une ou l’autre des difficultés reliées au traitement d’images satellitaires que nous avons mentionné jusqu’ici.
Nous constatons donc que le cas le plus probable de combinaison d’images que nous ayons à traiter provient du deuxième scénario des combinaisons plausibles, celui d’images qui ne peuvent être recalées suffisamment bien pour que l’erreur de recalage résiduelle n’ait d’impact sur la détection de changement. Que les images ne puissent être recalées pour quelque raison que ce soit, nous comprenons que dans un contexte de gestion de catastrophe nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas utiliser une source de données qui est disponible, peu importe la difficulté reliée à son analyse.
Le troisième cas plausible est celui où nous avons des représentations qui ne sont pas comparables en utilisant les variables directement. Il peut s’agir d’images de types ou de résolution différents, de données extraites de logiciel SIG, de cartes géographiques ou même de données textes décrivant l’usage du territoire pour une région donnée. Ce scénario est, ne nous le cachons pas, très difficile à aborder du point de vue de la mécanique à mettre en œuvre pour permettre de le gérer et d’arriver à surpasser l’obstacle que représente leur utilisation efficiente et probante.
Nous nous attarderons ici à décrire un peu plus en détail ces trois scénarios avant de passer aux techniques de détection de changement qui sont utilisées à l’heure actuelle et de leur pertinence en fonction des cas d’analyse que nous venons d’exposer.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LES IMAGES SATELLITAIRES ET LA GESTION DE CATASTROPHE
1.1 Les types d’images et de données utilisées en télédétection
1.1.1 Les images panchromatiques
1.1.2 Les images multispectrales
1.1.3 Les images rehaussées par fusion
1.1.4 Les images RADAR
1.1.5 Les différentes résolutions spatiales des images satellitaires
1.1.6 Les données provenant de système d’information géographique, SIG
1.1.7 Les séries temporelles d’images satellitaires
1.2 Les points communs aux images utilisées en télédétection
1.3 L’accès aux données utilisées en télédétection et de leur disponibilité
CHAPITRE 2 LE TRAITEMENT D’IMAGES SATELLITAIRES
2.1 Les applications de la télédétection reliées aux efforts humanitaires
2.2 La séquence de traitement et d’analyse typique d’images satellitaires
2.3 Le prétraitement des images
2.4 L’extraction de caractéristiques
2.4.1 Le problème d’identification des caractéristiques pertinentes à utiliser
2.4.2 Les caractéristiques communes aux images utilisées
2.4.3 La modélisation de la relation entre ces variables
2.5 La classification du contenu des images
2.5.1 La classification supervisée
2.5.2 La classification non supervisée
2.5.3 La classification semi-supervisée
2.6 L’identification et de la représentation des phénomènes d’intérêt
2.7 Exemple de traitement de classification de l’usage du territoire
CHAPITRE 3 LA DÉTECTION DE DIFFÉRENCE ET DE CHANGEMENT EN TÉLÉDÉTECTION 3.1 La différence et le changement
3.1.1 La différence
3.1.2 Le changement
3.2 Les types de changements et de leur caractérisation
3.3 Les combinaisons d’images sources et leurs contraintes fonctionnelles
3.4 L’imagerie satellitaire et la comparaison de leur contenu
3.4.1 Le cas d’analyse idéal
3.4.2 Le recalage d’image et son impact sur la détection de changement
3.4.3 Les cas moins qu’idéaux
3.4.4 La description du contenu et de la détection de changement
3.5 La détection de différence/changement et les techniques usuelles
3.5.1 Les contraintes fonctionnelles inhérentes à la détection de changement
3.5.2 Les types de changements traitables
3.5.3 Les techniques usuelles de détection de changement
3.5.4 Cas d’utilisation de détection de changement en télédétection
CHAPITRE 4 UNE INTERVENTION DE GESTION DE CATASTROPHE À GRANDE ÉCHELLE
4.1 Le contexte général de l’intervention
4.2 D’un cas réel de traitement d’images satellitaires
4.3 Constatations fonctionnelles de l’intervention.
CHAPITRE 5 LA DÉTECTION DE CHANGEMENT ET LA GESTION DE CATASTROPHE
5.1 Le traitement d’image et de la détection de changement académique
5.2 Le traitement d’image et de la détection de changement pratique
5.3 L’évolution des images et du cycle de la problématique
5.3.1 Les métadonnées de classification et de contenu
5.4 La problématique du support de traitement
5.4.1 L’accès aux images sources et transformées.
5.4.2 Le traitement distribué et de l’accès aux ressources algorithmiques
5.4.3 La réutilisabilité des modèles de traitement et de classification
5.4.4 La programmation graphique des modèles de traitement et de classification
5.5 Les éléments conceptuels à retenir pour l’élaboration du support de traitement.
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I TABLEAU DES TECHNIQUES DE DÉTECTION DE CHANGEMENT
ANNEXE II BIBLIOGRAPHIE SUR LA DÉTECTION DE CHANGEMENT DU CHAPITRE 3 BIBLIOGRAPHIE
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