La description clinique du TDAH
Les dimensions et manifestations :Le TDAH apparaît comme un trouble commun et bien reconnu affectant des millions d’enfants, d’adolescents et d’adultes (Roberts, Milich et Barkley, 2015). Ce trouble neuro-développemental est décrit par l’American Psychiatric Association (AP A, 2015) comme une tendance persistante des symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité qui interfère avec le développement de l’individu. Afin de mieux comprendre ces symptômes, ces derniers sont décrits ci-dessous.
L’inattention :Comme le souligne Rouleau (2010), l’attention est une fonction cognitive essentielle à toute activité de la vie quotidienne, puisqu’elle est la base du traitement de l’information. Donc, toute nouvelle tâche à apprendre ou tout nouveau problème à résoudre implique le contrôle cognitif (Lacroix et Giguère, 2010). Le dysfonctionnement de cette fonction est alors plus susceptible de perturber de façon très importante toutes les habiletés cognitives de l’individu. Afin de mieux comprendre les déficits d’attention, il importe de décrire les quatre types d’attention qui sont susceptibles d’être affectés, soit:
L’attention dirigée: consiste en la capacité à rester focalisé sur une tâche sans se laisser distraire par les stimuli non pertinents provenant de l’environnement;
L’attention partagée : s’exprime par la faculté à traiter simultanément plus d’un stimulus ou d’accomplir plus d’une action;
La vigilance: aptitude à reconnaître parmi un ensemble de stimuli, un certain type de stimuli désiré; L’attention soutenue : représente l’habileté à soutenir l’état d’éveil afin de traiter en priorité les informations importantes (Massé, Lanaris et Couture, 2014).
Les déficits sur le plan de l’ attention peuvent s’exprimer par une incapacité à focaliser ou à persister dans une tâche, surtout lorsque celle-ci n’est pas assez stimulante ou intéressante (Roberts et al., 2015). D’ailleurs, les individus ayant un TDAH sont plus facilement distraits que leurs pairs n’ayant pas le trouble.
L’hyperactivité/impulsivité : Bien que l’hyperactivité et l’impulsivité soient deux concepts distincts, ils s’avèrent particulièrement liés. La corrélation est suffisamment grande entre les symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité pour conclure qu’ils forment un seul et même ensemble de symptômes (Roberts et al., 2015), c’est pourquoi les deux dimensions seront discutées conjointement ci-après. Selon Barkley (1998), les résultats d’études portant sur les analyses factorielles sur les comportements associés au TDAH suggèrent qu’un problème d’inhibition comportementale plus global unit ces symptômes. Les problèmes d’attention seraient secondaires aux problèmes de régulation des comportements plutôt qu’un symptôme primaire. Par conséquent, selon cet auteur, si un enfant hyperactif arrivait à mieux maîtriser ses comportements impulsifs, ses problèmes d’inattention pourraient par le fait même diminuer.
L’hyperactivité fait référence à un ruveau excessif d’activités motrices ou verbales chez l’individu (Roberts et al., 2015; Berk et Potts, 1991). Comme le décrit Scholl (2008), dans l’hyperactivité, l’organisation de l’attention se porte simultanément sur tous les stimuli. De plus, pour une personne souffrant d’hyperactivité, l’agitation, la bougeotte, les mouvements du corps brusques et le manque de délicatesse sont des caractéristiques communes. Plus précisément, l’agitation semble plus problématique lorsque l’individu est dans une situation ennuyeuse ou à faible stimulation (Antrop, Roeyers, Van Oost et Buysse, 2000).L’impulsivité quant à elle, peut être cognitive (difficultés dans l’évaluation de l’éventail de réponses possibles dans des situations de résolution de conflits) ou comportementale (incapacité de corriger ou d’inhiber des comportements verbaux ou physiques inadaptés) (Kendall, Zupan et Braswell, 1981). Les personnes ayant cette prédominance répondent plus rapidement aux situations se présentant à eux, et souvent sans attendre les instructions ou sans réfléchir aux conséquences. Ils sont alors plus sujets à agir sur un coup de tête ou à endommager la propriété ou les biens d’autrui. Ces formes d’impulsivité souvent associées au TDAH impliquent un pauvre contrôle du comportement (mauvais fonctionnement exécutif), une inhibition soutenue plutôt faible, et l’incapacité de retarder une réponse ou de reporter sa satisfaction à un moment adéquat (Roberts et al., 2015).
Le TDAH chez les étudiants de niveau postsecondaire
À ce jour, la prévalence exacte du TDAH chez les étudiants postsecondaires est encore inconnue, ce en grande partie parce que ces derniers ne sont pas tenus de divulguer aux établissements leur trouble. Bien que le pourcentage d’étudiants recevant des services adaptés est sujet à varier entre les universités, on estime aux États-Unis que deux étudiants sur cinq ayant un trouble quelconque, auraient un TDAH ou un problème d’apprentissage (Guthrie, 2002). En dépit du fait que le nombre exact d’étudiants avec un TDAH ne peut être déterminé, Wolf, Simkowitz et Carlson (2009) avancent qu’environ 25 % des étudiants qui reçoivent des accommodements dans les universités américaines présenteraient cette condition. Concernant la prévalence des symptômes du TDAH chez les étudiants américains, DuPaul et ses collègues (2009) rapportent qu’environ 2 à 8 % des étudiants rapportent des symptômes importants caractérisant le trouble. Au Québec, l’AQICESH (2016) rapporte qu’environ 31 % des étudiants universitaires en situation de handicap en 2014-2015) avaient un TDAH, ce qui représente approximativement 1,5 étudiants sur 5 ayant un TDAH recevant des services adaptés. Comme mentionné précédemment, ces pourcentages ne sont toutefois pas le reflet actuel du nombre d’étudiants ayant été diagnostiqué avec un TDAH (Weyandt et DuPaul, 2013), comme les étudiants ne sont pas tenus de déclarer leur diagnostic.
La transition vers l’âge adulte dans un environnement collégial ou universitaire demande une adaptation importante pour les jeunes ayant un TDAH. Ils doivent s’adapter à de nouveaux environnements et à des groupes sociaux différents. Ils font aussi face à de plus grandes exigences pédagogiques et organisationnelles, souvent associées à une perte brusque de la structure familiale et du support parental.
L’adaptation à la vie collégiale ou universitaire pour un étudiant ayant un TDAH apporte donc son lot de défis et peut aussi être très déstabilisante (Landry et Goupil, 2010; Nugent et Smart, 2014). Afin de connaître et de mieux cerner les enjeux auxquels ils font face, cette section présente une description détaillée de cette population.
La consommation de substances psychoactives chez les étudiants
Tout d’abord, avant de s’attarder aux liens entre le TDAH et la consommation de substances psycho actives chez les étudiants, il importe de connaître le portrait de consommation des étudiants en général. Au Québec, la consommation excessive d’alcool chez les jeunes de 14 à 35 ans a connu une progression marquée au cours de la dernière décennie, passant de 25,1 % en 2000-2001 à 34,9 % en 2011-2012. Les jeunes adultes, âgés de 22 à 27 ans, sont ceux ayant connu la plus forte augmentation sur cette même période (20 %) (Tessier, Hamel et April, 2015). Dans cette même étude produite par l’Institut national de santé publique du Québec, les chercheurs ont fait l’analyse des déterminants associés à la consommation excessive d’alcool chez les jeunes Québécois.
Leurs résultats indiquent que l’association entre le niveau de scolarité et la consommation d’alcool excessive diffère selon le groupe d’âge étudié. En résumé, les jeunes qui poursuivent leurs études jusqu’à la fin de la vingtaine et le début de la trentaine sont moins portés à consommer de façon excessive. Une autre recherche menée aux États-Unis (McCabe, Boyd, Cranford, Morales et Slayden, 2006) indique que 90 % des étudiants des universités ont signalé consommer régulièrement de l’alcool et 35 % rapportent avoir eu une consommation excessive ou «binge drinking» dans les 30 derniers jours (Substance Abuse and Mental Health Services Administration, 2012). Aussi, les étudiants font état d’un taux plus élevé de problèmes liés à l’alcool que leurs pairs du même âge qui ne sont pas inscrits dans un collège ou une université. Plus préoccupant encore, 31 % des étudiants de collèges américains rapportent des habitudes de consommation qui répondent aux critères diagnostiques de l’abus d’alcool du DSM et entre 6 % et 8 % ont des habitudes de consommation qui répondent aux critères de dépendance à l’alcool (Knight et al., 2002). Certains auteurs (Mallett et al., 2013) associent la consommation d’alcool au collège à des problèmes comme l’agressivité, les idées suicidaires, les difficulté d’adaptation aux exigences académiques et les problèmes interpersonnels.
Les traitements pharmacologiques: les médicaments stimulants
Les médicaments de type stimulants s’avèrent être le traitement de première ligne le plus commun pour traiter le TDAH chez les individus de tous les âges (Prince, Wilens, Spencer et Biederman, 2015). Le guide du CADDRA (CADDRA, 2016) sur les traitements pharmacologiques du TDAH répertorie huit types de molécules disponibles au Canada, dont six sont des psycho stimulants à base d’amphétamines ou de méthylphénidates. La revue systématique de Chan, Fogler et Hammerness (2016) rapporte des données probantes qui appuient l’utilisation du méthylphénidate à libération prolongée et des formules d’amphétamine, l’atomoxétine et la guanfacine à libération prolongée pour améliorer les symptômes du TDAH chez les adolescents. Chez les adultes, les données sont moins nombreuses, mais il apparait que ces derniers tolèrent les médicaments stimulants de façon comparable aux enfants (Prince, Wilens, Spencer et Biederman, 2015). Toutefois, en contraste avec les réponses significatives des enfants et adolescents aux médicaments stimulants qui est d’environ 70 %, les résultats des études auprès des adultes sont moins convaincants. En effet, pour ces derniers, les réponses aux médicaments stimulants varient de 25 % (Mattes, Boswell et Oliver, 1984) à 88 % (Ginsberg et al., 2011). Cette variabilité peut, entre autres, être due aux critères diagnostiques utilisés pour détenniner le TDAH, la variabilité des doses de médicaments, la présence d’une comorbidité et les différentes méthodes d’évaluation de la réponse (Prince, Wilens, Spencer et Biedennan, 2015).
Les traitements psychosociaux et les interventions éducatives
Les traitements psychosociaux
Plusieurs approches de traitements psychosociaux sont recommandées pour le traitement du TDAH chez les étudiants de niveau postsecondaire. Ces interventions incluent principalement le coaching, les interventions cognitivo-comportementales (ICC), comprenant entre autres des stratégies de réduction du stress, de gestion de la colère et de la promotion d’une bonne hygiène de vie (Wolf, Simkowitz et Carlson, 2009). Parmi ces dernières, il semble que l’approche de traitement la plus recommandée pour les étudiants ayant un TDAH soit l’intervention cognitivo-comportementale (ICC) (Weyandt et DuPaul, 2013). Cette approche est conçue pour améliorer les conséquences cognitives, émotionnelles et comportementales du TDAH (par ex. : la procrastination dans la réalisation des travaux). Cependant, à ce jour, aucune étude empirique ne s’est intéressée à l’utilisation de cette approche auprès de la population étudiante de niveau postsecondaire. Toutefois, sans l’avoir encore évalué, Ramsay et Rostain (2006) ont élaboré un plan de traitement pour les étudiants ayant un TDAH avec comme approche l’intervention cognitivo-comportementale.
Les interventions éducatives
Les interventions éducatives consistent à fournir aux étudiants un enseignement sur certaines sphères de compétences spécifiques (par exemple, les compétences directement enseignées dans un cours) (Weyandt et DuPaul, 2013). Plus précisément, il s’agit d’offrir des moyens d’organisation pour les cours ou les examens ou pour la prise de notes de classe. C’est aussi offrir un soutien continu dans la mise en place de stratégies ou pour mettre en pratique des compétences académiques récemment acquises.
Finalement, il est possible d’utiliser une variété d’interventions éducatives auprès des étudiants ayant un TDAH. Les plus recommandées renvoient principalement aux méthodes d’étude et d’organisation (Weyandl et DuPaul, 2013). De plus, l’assistance technologique, comme des logiciels d’aide, semble aussi avoir un grand potentiel pour répondre aux besoins académiques des étudiants (Hecker, Burns, Elkind, Elkind et Katz, 2002).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
La description clinique du TDAH
Les dimensions et manifestations
L’inattention
L’hyperactivité/impulsivité
Les critères diagnostiques du TDAH
L’épidémiologie
Les comorbidités et les problèmes associés
Les troubles extériorisés
Les troubles intériorisés
Les problèmes associés
Les hypothèses étiologiques
Les modèles explicatifs
Le modèle de Barkley
Le modèle de Brown
Les autres modèles
Le TDAH chez les étudiants de niveau postsecondaire
La transition vers les études postsecondaires
Les impacts fonctionnels reliés au trouble
Le domaine scolaire
Le domaine social
Le domaine du concept de soi
Le domaine occupationnel
Les troubles du sommeil et la conduite dangereuse
La consommation de substances psycho actives chez les étudiants
L’usage de substances et le TDAH
L’automédication
Les traitements et interventions
Les traitements pharmacologiques : les médicaments stimulants
Les médicaments non stimulants
Les traitements psychosociaux et les interventions éducatives
Les traitements psychosociaux
Les interventions éducatives
Les accommodements
Les objectifs et les hypothèses de recherches
Méthode
Les participants
Les instruments de mesure
Les renseignements généraux
La mesure de l’impact fonctionnel
La mesure de la consommation d’alcool
La mesure de la consommation de drogues
Les considérations éthiques
L’analyse des résultats
Résultats
Le portrait pharmaceutique et la consommation de substances psycho actives
L’usage de la médication
L’usage de l’ alcool et des drogues
Les impacts fonctionnels liés au TDAH
Les domaines fonctionnels
Analyse détaillée des atteintes fonctionnelles
L’influence de différentes variables sur les domaines fonctionnels
L’influence du sexe et du niveau d’ étude
L’influence de l’usage d’une médication sur les atteintes fonctionnelles chez les étudiants TDAH
L’influence de la consommation de substances psycho actives sur les atteintes fonctionnelles chez les étudiants TDAH
Discussion
La prévalence de l’usage de médicament et de la consommation de substances psychoactives chez les étudiants
Les impacts fonctionnels liés au TDAH
L’influence du sexe
L’influence de la prise de médication sur le bon fonctionnement des étudiants ayant un TDAH
L’influence de la consommation d’alcool ou de drogues sur le bon fonctionnement des étudiants ayant un TDAH
Forces et limites de l’étude
Conclusion
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