MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES
L’atteinte pulmonaire est le plus souvent infraclinique et associe différents mécanismes : infiltration lymphocytaire des glandes exocrines et des tissus, activation lymphocytaire B responsable de lymphome pulmonaire, dysfonction du système nerveux autonome aboutissant à l’assèchement des sécrétions dans les voies aériennes et à de fréquentes infections bronchopulmonaires. L’atteinte bronchiolaire peut être de type folliculaire ou de type lymphocytaire. L’atteinte constrictive ou les pneumopathies organisées sont rares. Les différents tableaux clinico-paracliniques peuvent être représentés par[45]: une toux chronique; des infections respiratoires récidivantes; des dilatations des bronches et une atteinte bronchiolaire avec trouble ventilatoire obstructif.
L’atteinte pulmonaire infiltrante diffuse est le plus souventune PINS, essentiellement sur un mode fibrosant[46]. Cependant, les autres types histologiques de PID peuvent être également observés. Le syndrome de Gougerot-Sjögren est la maladie auto-immune la plus fréquemment associée à une PIL. L’évolution vers la fibrose pulmonaire étendue et vers une insuffisance respiratoire est observée dans un tiers des cas.
L’atteinte pulmonaire en TDM est observée dans 34 % des caset chez 89 % des patients avec symptômes respiratoires. Les lésions élémentaires les plus fréquentes sont : les opacités en« verre dépoli » (11-92 %), les épaississements des parois bronchiques (8-68 %), les nodules centrolobulaires (6-29 %), les bronchiectasies (5-46 %), les condensations (2-25 %) et le« rayon de miel » (8-25 %) [47, 48]. Ces lésions prédominent au niveau des régions périphériques et basales. La présence de kystes (3-46 %) est possible [46, 49]. Elle peut être isolée ou associée à une PIL, à une amyloïdose ou à un lymphome [25]. La TDM permet de distinguer des aspects de PINS (55 %), de PIC (13 %), de bronchiolite (13 %), des kystes isolés (10 %) et de PIL (3 %)[50]. Certains auteurs différenciaient trois tableaux corrélés aux données fonctionnelles: les formes avec atteinte des voies aériennes (54 %, syndrome obstructif), les formes avec fibrose pulmonaire (20 %, syndrome restrictif et diminution de la capacité de transfert du monoxyde de carbone) et les formes ayant un aspect évocateur de PIL (14 %, syndrome restrictif et diminution de la capacité de transfert du monoxyde de carbone)[50]. L’atteinte pleurale et l’HTAP sont rares.
Les complications évolutives peuvent être une amylosepulmonaire et/ou la survenue de lymphome. Les lymphoproliférationssont une complication fréquente puisque 5 % des patients avec un syndrome deGougerot-Sjögren primitif vont développer un lymphome B extraganglionnaire du MALT (75 % des cas) .
Dans notre série, 13 patients ont un SGS dont 7 ont un SGS primitif et 6 ont un SGS secondaire. Quatre des patients ayant un SGS primitif ont une PID. L’EFR montrait un syndrome mixte chez un patient, un syndrome restrictif dans 1 cas et une atteinte des petites voies aériennes dans un autre cas. Trois des patients ayant un SGS secondaire ont une PID dont un avec atteinte des petites voies aériennes à l’EFR. Aucun cas de complication lymphomateuse ni d’amylose n’a été noté chez nos patients.
EVOLUTION
Les modalités évolutives sont variables :
− Le SGS est une maladie d’évolution habituellement lente se faisantvers la stabilisation ; certaines formes s’éteignent même spontanémentne laissant qu’un syndrome sec séquellaire,
− Des poussées de remissions sont possibles,
− Des complications sont possibles :
• Complications oculaires et stomatologiques (kératoconjonctivite, abcès parotidiens, surinfection de la cavité buccale…)
• Complications extra-glandulaires systémiques : à type de manifestations viscérales graves, d’endocardites d’Osler à porte d’entrée dentaire…
• Complication lymphomateuse : elle doit rester la hantise duSGS, car c’est la complication la plus sévère. Le risque de survenue d’un lymphome au cours du SGS est 44 fois supérieur à celui de la population générale.
DONNEES PARA-CLINIQUES
ANOMALIES BIOLOGIQUES
Les leucopénies s’observent une fois sur deuxavec une lymphopénie. On observe parfois une anémie hémolytique et une thrombopénie auto-immune. L’augmentation de la vitesse de sédimentation est fréquente liée à la présence d’une hypergammaglobulinémie polyclonale présente dans 80% des cas.
ANOMALIES IMMUNOLOGIQUES
Facteur rhumatoïde
Il peut être aussi fréquent dans les SGS associés ou non à une polyarthrite rhumatoïde.
Anticorps antinucléaires
Il a été isolé dans le SGS deux anticorps antinucléaires dirigés contre lesantigènes solubles du noyau : le Ro/SS-A et le La/SS-B. L’anti-SS-B serait plusspécifique que l’anti-SS-A. Ils sont retrouvés par immunofluorescence dans plusd’un cas sur deux, que le SGS soit primaire ou secondaire.
Les examens explorant les glandes salivaires et lacrymales
TEST DE SCHIRMER
On accroche au bord palpébral inférieur et externe une bandelette de papier buvard standardisée. Il existe une hyposécrétion lacrymale si moins de 5 millimètre de la bandelette ont été humectés par les larmes au bout de 5 minutes. Ce test connaît environ 20% de faux positifs ou négatifs.
La biopsie des glandes salivaires accessoires (BGSA)
L’étude histologique des glandes salivaire est l’examen déterminant tant pour le diagnostic du SGS que pour sa classification [58].
– Classification histologique de CHISHOLM ET MASSON
Quatre grades sont à considérer pour l’infiltrat lympho-histiocytaire :
− GRADE 0 : Pas d’infiltrat inflammatoire
− GRADE I : Infiltrat inflammatoire diffus discret.
− GRADE II : Infiltrat inflammatoire diffus modéré ayant moins de 50 cellules par champ de 4 mm2.
− GRADE III : Infiltrat inflammatoire nodulaire amas ayant plus de 50 cellules par champ de 4 mm2.
− GRADE IV : Plusieurs infiltrats inflammatoires par champ de 4 mm² . Seuls les grades III et IV sont spécifiques du SGS.
DIAGNOSTIC
DIAGNOSTIC POSITIF
La démarche diagnostique habituelle du SGS peut se résumer en 4 temps essentiels :
− Premier temps: reconnaître le syndrome sec, en particulier dans sa forme oculaire (xérophtalmie) et buccale (xérostomie).
− Deuxième temps : rechercher les éléments d’une connectivite ou de toute autre maladie auto-immune définie, ce qui permettra de définir le caractère primitif ou secondaire du SGS.
− Troisième temps : faire une étude histologique des glandes salivaires accessoires.
− Quatrième temps : évaluer la présence ou non de manifestations extra-glandulaires dont certaines pouvant compromettre le pronostic vital.
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Le SGS peut être primitif ou secondaire associé à une connectivite ou à une autre maladie auto-immune.
La sclérodermie systémique
La sclérodermie systémique (du grec « scleros » = dur et « derma » = peau) est une maladie du tissu conjonctif interstitiel et vasculaire associée à des anomalies du système immunitaire conduisant à une fibrose de la peau et/ou des organes internes. Il s’agit d’une maladie rare et hétérogène.
Physiopathologie
Les mécanismes physiopathologiques de la sclérodermie systémique sont multifactoriels. La production accrue de protéines de la matrice extracellulaire par les fibroblastes résulte d’interactions anormales entre les cellules endothéliales, les cellules mononucléées et les fibroblastes, dans un contexte d’hyperréactivité vasculaire et d’hypoxie tissulaire [61,62]. Plusieurs hypothèses étiologiques ont été suggérées: prédisposition génétique, implication des facteurs environnementaux et plus récemment, microchimérisme .
Manifestations pulmonaires
Les manifestations pulmonaires les plus fréquentes sont les PID et l’hypertension pulmonaire, principales causes de mortalité. On distingue deux phénotypes de la maladie en fonction de l’extension cutanée limitée ou diffuse. La forme à extension limitée concerne 60 % des patientssclérodermiques et réalise une sclérose cutanée distale touchant la face et épargnant le tronc et les membres. La forme à extension diffuse concerne 40 % des patients sclérodermiques et réalise une sclérose cutanée proximale épargnant le tronc. L’atteinte pulmonaire peut grever l’évolution des deux types avec cependant deux nuances :
L’atteinte interstitielle est plus fréquente dans les formes diffuses et l’HTP est plus fréquente dans les formes limitées et lesyndrome de CREST. Ce syndrome est une forme particulière desclérodermie qui associe des calcifications sous-cutanées (C), un syndrome de Raynaud (R), des anomalies oesophagiennes (O), une sclérodactylie (S) et des télangiectasies (T).
L’existence d’une microangiopathie en capillaroscopie et laprésence d’anticorps antinucléaires dans 90 à 100 % des cas sont de bons arguments en faveur du diagnostic. Parmi les autoanticorps spécifiques de la sclérodermie, les anticorps antitopo- isomérase 1 (anti-Scl70), retrouvés chez 20 à 40 % des malades, sont plus souvent mis en évidence dans des formes diffuses de la maladie et en association à une PID, tandis que les anticorps anticentromères sont plus fréquemment associés aux formes cutanées limitées de la maladie et rarement mis en évidence chez des malades ayant une PID de sclérodermie systémique.
La sclérodermie est la connectivite où l’on rencontre le plusde PID [78] ; en effet, la fibrose interstitielle a été retrouvée dans 75 à100 % des séries autopsiques, mais n’est observée en TDM que dans 25 % des cas [79, 80]. Il n’existe pas de recommandations claires quant à la faisabilité d’un dépistage des lésions débutantes par TDM [81]. Il existe une bonne corrélation entre l’extension des lésions en TDM [82, 83] et la sévérité de l’atteinte fonctionnelle. L’aspect histologique le plus fréquent est celui d’une PINS et notamment de type fibrosante, et ce quel que soit le phénotype de la sclérodermie [3, 84, 85]. Les principaux éléments du pronostic sont une PID d’emblée sévère, des critères cliniques (dyspnée, râles crépitants), fonctionnels respiratoires, tomodensitométriques, ou l’apparition d’une hypertension pulmonaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS & METHODES
I. CRITERES D’INCLUSION
II. CRITERES D’EXCLUSION
III. RECUEIL DES DONNEES
RESULTATS
I. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
1. AGE
2. SEXE
II. ASPECTS CLINIQUES
1. ANTECEDENTS
2. DONNEES SPECIFIQUES
3. MODE D’INSTALATION
4. Signes cliniques spécifiques à l’atteinte pulmonaire
III. DONNEES PARACLINIQUES
1. Radiographie thoracique standard
2. TDM thoracique
3. L’exploration fonctionnelle respiratoire
4. Bronchoscopie
IV. TRAITEMENT ET EVOLUTION
DISCUSSION
I. Sémiologiedesatteintes pleuro-pulmonaires
1. Pneumopathiesinterstitiellesdiffuses
2. Atteintedes voies aériennes
3. Opacitésalvéolaires
4. Atteinte pleurale
5. Atteinte vasculaire
6. Atteinte musculaire
7. Pathologie néoplasique
II. LES CONNECTIVITES
1. SYNDROME DE GOUGEROT-SJOGREN
2. La sclérodermie systémique
3. Le lupus érythémateux systémique
4. CONNECTIVITE MIXTE
5. La dermatomyosite/polymyosite
6. POLYARTHRITERHUMATOIDE (PR)
III. LES VASCULARITES
1. INTRODUCTION
2. PHYSIOPATHOLOGIE DES VASCULARITES SYSTEMIQUES
3. CLASSIFICATIONS
4. PRINCIPALES VASCULARITES SYSTEMIQUES
4.1. Maladie de Behçet
4.2. POLYANGEITE HYPEREOSINOPHILIQUE GRANULOMATEUSE
4.3. POLYANGEITE GRANULOMATEUSE
4.4. POLYQNGEITE MICROSCOPIQUE
4.5. Artétite à cellules géantes
V. LES GRANULOMATOSES SYSTEMIQUES: La sarcoïdose
1. Les Atteintes extra-pulmonaires
2. Atteinte pulmonaire
3. Etude Paraclinique
4. DIAGNOSTIC POSITIF
5. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
VI. TRAITEMENT
1. TRAITEMENT DES CONNECTIVITES
2. TRAITEMENT DES VASCULARITES
3. TRAITEMENT DES GRANULOMATOSES : SARCOIDOSE [323]
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS
BIBLIOGRAPHIE
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