LA DEPOLLUTION DES EFFLUENTS D’ABATTOIRS
Fluctuations
Si l’objectif réglementaire est, de nos jours, respecté dans l’immense majorité des abattoirs français, ceux-ci ne consomment pas pour autant la même quantité d’eau. En effet, des aménagements peuvent être prévus pour limiter la consommation d’eau au sein de l’abattoir, comme l’emploi de pistolets-douches sur la chaîne d’abattage, le paillage des stabulations (limitant la quantité d’eau à utiliser pour le nettoyage du fait de l’absorption des déjections liquides) ou le raclage à sec avant rinçage des déchets au sol. Ces aménagements relèvent de la seule volonté de l’équipe de l’abattoir de limiter la consommation d’eau et, par conséquent, sont appliqués à des degrés divers selon les abattoirs.
D’autre part, la consommation peut varier selon la technologie utilisée, technologie dont la possibilité d’usage est influencée par les espèces traitées par l’abattoir. En effet, les abattoirs spécialisés peuvent utiliser des méthodes qui ne sont adaptées que lorsque l’on traite une seule espèce, comme c’est le cas dans les abattoirs de volaille où, par exemple, l’utilisation de moyens pneumatiques et non hydrauliques dans le transport des plumes et des viscères permet de considérablement diminuer la quantité d’eau utilisée. L’abattage de volailles avec transport à sec des plumes et des viscères n’entraîne ainsi qu’une consommation de 2,4 litres par kilogramme de volaille abattue (9).
La Demande Biologique en Oxygène DBO
La Demande Biologique en Oxygène DBO est un terme désignant la quantité d’oxygène nécessaire à l’action des bactéries aérobies pour oxyder les matières organiques fermentescibles par voie biologique (5). C’est une mesure de la pollution des eaux par la matière organique dégradable par des voies biologiques naturelles (la microflore du milieu récepteur) ou anthropiques (les installations de traitement biologique des eaux usées).
En effet, le rejet dans l’eau de matière organique utilisable par les bactéries aérobies naturellement présentes dans celle-ci va s’accompagner, pour la métabolisation des matières organiques par les bactéries, d’une consommation d’oxygène. On mesure le plus souvent la DBO au bout de cinq jours (DBO5), et le résultat obtenu est le volume d’oxygène dissous consommé par les bactéries durant ces cinq jours exprimé en milligrammes d’oxygène par litre d’eau. En fait, cette mesure à cinq jours est conventionnelle sans avoir de bases scientifiques : on peut en effet considérer que la dégradation de la matière organique s’effectue en deux phases (6) : une phase « hydrocarbonée » commençant dès le prélèvement d’eau et durant vingt jours à 20°C, permettant la destruction des composés carbonés, superposée avec une phase de nitrification ne débutant pas avant 6 à 10 jours et se poursuivant au-delà du vingtième jour. On considère néanmoins que la DBO ultime est atteinte au vingt-et-unième jour.
La pollution organique
La nature organique de l’effluent implique que, dans une situation dégradée où il serait mal pris en charge par la filière de traitement, il peut perturber le milieu récepteur dans lequel il est rejeté : il constitue une source de nutriments qui va déstabiliser les réseaux trophiques du milieu, favorisant la croissance des populations d’espèces saprophytes qui vont coloniser le milieu et dominer les autres espèces, amenant l’écosystème concerné à une réduction de sa biodiversité. Le rejet d’azote et de phosphore est quant à lui impliqué dans le processus d’eutrophisation (5) : lorsqu’un écosystème aquatique connaît une importante augmentation des ses intrants en azote et en phosphore, le profil du phytoplancton qu’il contient s’en trouve bouleversé. Si les conditions physiques du milieu le permettent, c’est-à-dire une température élevée, un éclairement important (et donc des conditions estivales) et un courant faible principalement, la croissance d’un nombre limité d’espèces phytoplanctoniques va être fortement favorisée, entraînant une explosion de leur population et une importante colonisation du milieu en surface.
Cette biomasse végétale va interdire l’accès à la lumière des plantes aquatiques, entraînant leur mort. D’autre part, la respiration nocturne du phytoplancton présent en quantité anormalement élevée consommera tout l’oxygène dissous disponible, entraînant la mort de nombreux animaux aquatiques. Enfin, la mort de ces algues impliquera le dépôt de très grandes quantités de cadavre sur le fond de la pièce d’eau, privant poissons et invertébrés aquatiques de leur habitat. L’eutrophisation est par conséquent une pollution nutritionnelle de pléthore si le problème est considéré du point de vue du milieu récepteur.
Le risque microbiologique
La microbiologie des effluents d’abattoir est un sujet étudié depuis la fin des années soixante. Une seule étude d’ampleur, à notre connaissance, a été menée en France. Elle a été réalisée par l’équipe de LECLERC et OGER (12) sur toute l’année 1973, sur deux abattoirs en prélevant à un rythme hebdomadaire ou bimensuel. L’ensemble des études réalisées (cf. tableau 3) présente une dominante : les salmonelles sont souvent trouvées et ce, sur effluent brut, prétraité ou traité biologiquement. Les sérotypes présents sont, le plus souvent, prototrophes, ce qui veut dire qu’ils ne présentent pas d’exigences de milieu pour leur survie et leur multiplication, et présentent un potentiel pathogène. Les principaux sérotypes pathogènes rencontrés sont Salmonella Typhimurium et Enteritidis, responsables de syndromes diarrhéiques et, dans le contexte de l’alimentation, de toxi-infections alimentaires collectives. L’impact de l’effluent d’abattoir sur la santé publique n’en demeure pas moins flou même si le risque potentiel existe par la seule présence de salmonelles. Plusieurs critères permettent de discuter cet impact.
L’abattoir est un outil de production qui possède une caractéristique singulière : il constitue un véritable entonnoir pour les cheptels des différentes espèces de rente et, avant tout autre considération, cet entonnoir est un lieu de contact entre une population animale très importante et un effectif humain réduit, le personnel de l’abattoir. Les risques environnementaux liés au fonctionnement de l’abattoir sont donc au premier chef des risques de santé publique professionnelle. Classiquement, les pathogènes incriminés en premier lieu dans le risque lié au travail à l’abattoir sont les bactéries du genre Mycobacterium responsables de la tuberculose et les différents sérovars de Brucella melitensis responsables de la brucellose (13). Néanmoins, ces deux maladies ont fait l’objet d’une prophylaxie collective obligatoire et ininterrompue pendant plus de trente ans, et leur prévalence est devenue si faible sur l’essentiel du territoire français que le risque de maladie professionnelle à l’abattoir qui leur est associé a, lui aussi, faibli.
Ce faisant, de nouveaux risques sont apparus ou ont été portés à la connaissance de la communauté scientifique. La fièvre Q, enzootie zoonotique présente essentiellement dans le sud est de la France et en Corse, due à Coxiella burnetii, est une maladie dont l’épidémiologie est très mal connue et qui ne fait l’objet d’aucune prophylaxie obligatoire. Mycobacterium paratuberculosis, bactérie responsable de la paratuberculose chez les bovins, maladie très répandue dans le cheptel français, pourrait constituer une zoonose émergente puisqu’on considère que cette bactérie pourrait avoir un rôle de facilitation dans le développement de la maladie de Crohn chez l’homme qui est une entérite inflammatoire chronique très grave. Le sujet le plus discuté actuellement est le risque de transmission professionnelle de l’agent de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine ESB. Aucun cas de transmission professionnelle n’a été rapporté à ce jour (13).
Rappelons à ce sujet que la dose infectieuse et le mode d’administration (unique vs. fractionnée) sont inconnus, que la démonstration de la contamination humaine par voie orale demeure à fournir et que, compte tenu de paramètres comme la longueur de la période d’incubation chez les bovins, l’épidémiologie chez l’animal est un sujet à explorer et sera sans doute mieux appréhendé grâce à l’utilisation des tests à l’abattoir. Ce faisant, les hypothèses sur le mode de contamination entraînent des mesures de protection tout à fait classiques pour le personnel : selon le poste de travail, le recours aux gants, aux lunettes et au masque sur la bouche parallèlement à l’évolution du mode de traitement des carcasses bovines – le système nerveux des bovins est actuellement retiré en entier pour être détruit – constituent des mesures de précaution qui semblent suffisantes.
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Table des matières
INTRODUCTION
BESOINS EN EAU, CONSOMMATION ET DEGRADATION DE L’EAU DANS LES ABATTOIRS
1.EAU POTABLE ET EAU INDUSTRIELLE
2.CONSOMMATIONS : ÉVOLUTION ET RÉSULTATS D’ENQUÊTE
2.1. Données et moyenne nationale
2.2. Fluctuations
3.CHARGES ET FLUX EMIS
3.1. Les paramètres de caractérisation de la pollution
3.1.1. La Demande Biologique en Oxygène DBO
3.1.2. La Demande Chimique en Oxygène DCO
3.3.3. Les Matières En Suspension MES
3.3.4. Les Substances Extractibles au Chloroforme SEC
3.3.5. L’azote Kjeldahl NKJ et les matières azotées MA
3.3.6. Le Phosphore total Pt
3.2. Caractéristiques générales
3.3. Effluents spécifiques aux abattoirs
3.3.1. Le sang (11)
3.3.2. Les jus des réservoirs digestifs
3.4. Ratios d’émission des abattoirs
3.4.1. Abattoirs polyvalents
3.4.2. Abattoirs de volaille
3.5. Impact environnemental des effluents d’abattoirs
3.5.1. La pollution organique
3.5.2. Le risque microbiologique
LA DEPOLLUTION DES EFFLUENTS D’ABATTOIRS
1.MESURES DE PIÉGEAGE À LA SOURCE
2.LES INSTALLATIONS DE PRÉTRAITEMENT (24)
2.1. Le dégrilleur
2.2. Le puits de relevage
2.3. Le tamis (25)
2.4. Le dégraisseur – dessableur (25)
3.LES PROCÉDÉS PHYSICO-CHIMIQUES (26
3.1. La décantation
3.2. La coagulation et la floculation
3.3. La flottation
4.LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES
4.1. Exemples d’installation de traitement
4.1.1. Elimination du carbone (24
4.1.2. Elimination de l’azote
4.2. Le traitement des boues (28)
4.2.1. La déshydratation
4.2.1.1. L’épaissisement
4.2.1.2. Le filtrage sur filtre à presse
4.2.1.3. La centrifugation
4.2.2. Le séchage
4.2.2.2. Le séchage en vapeur d’eau surchauffée
4.3. critères de choix des procédés
LE CONTEXTE REGLEMENTAIRE ET LES INTERVENANTS INSTITUTIONNELS
1.LA REGLEMENTATION DES INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
1.1.Textes généraux
1.2. Contraintes spécifiques aux abattoirs
2.INTERVENTIONS ET RÔLES DES AGENCES DE L’EAU
2.1. Activités et interventions dans la filière (31)
2.2. Les redevances et les primes
3.ET DEMAIN ? INTERPRÉTATION DE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT EUROPÉEN COM 2001/748
CONCLUSION
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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