La Dépigmentation Cosmétique Volontaire (DCV)
Définition
La dépigmentation cosmétique se définit comme l’ensemble des procédés visant à obtenir un éclaircissement de la peau dans un but esthétique (Kourouma, 2016). La terminologie savante pour désigner cette pratique est souvent « la dépigmentation cosmétique volontaire » (DCV) ou « artificielle » qui met l‟accent sur son caractère intentionnel (afssaps, 2011) .C‟est une pratique bien connue en Afrique noire et est observée aussi dans les populations noires et métissées d’Europe et des Etats-Unis. Par opposition à la DCV, il existe des troubles de pigmentation allant d‟un excès (hyperpigmentation) à une absence totale de pigmentation (achromie /albinisme) (Migan, 2013) . Il existe des différences dans les pratiques de la dépigmentation volontaire en fonction du niveau socio-économique et/ou d‟éducation (afssaps, 2011). Ces pratiques sont désignées, selon les zones géographiques concernées, par des termes différents. Ainsi, au Sénégal les termes wolofs : « xeessal » (mot d’origine arabe désignant une terre argileuse que les femmes arabes emploient dans le hammam pour nettoyer l’épiderme), renvoie à des pratiques agressives par le biais de corticoïdes dont les effets sont particulièrement visibles. Il concernerait les classes sociales les plus démunies tandis que « leeral » semble qualifier des pratiques moins agressives, fondées préférentiellement sur l‟emploi de l‟hydroquinone. Il concernerait les classes plus aisées (afssaps, 2011). Les produits éclaircissants pour la peau se présentent en général sous forme de savons et de crèmes. Les savons sont commercialisés en tant que “savons antiseptiques‟‟ (OMS, 2011). Les crèmes sont en général conditionnées en tubes ou en pots (Irmina, et al., 2018).
Agents dépigmentants
Les femmes utilisent plusieurs produits dans leurs préparations selon des “recettes” transmises entre amies. Les produits actifs les plus utilisés au Mali et au Sénégal sont aujourd‟hui les dermocorticoïdes et l‟hydroquinone, utilisés isolément ou, le plus souvent, en association. L‟utilisation des dérivés mercuriels était très répandue autrefois, mais actuellement plus limitée du fait de leur interdiction à la vente dans de nombreux pays (Giudice, et al., 2003). Tous ces produits agissent à différents niveaux de la synthèse du pigment qui donne sa couleur à la peau : la mélanine.
La synthèse de mélanine (mélanogénèse) dans les mélanocytes est un processus très complexe qui fait intervenir une variété de protéines, d‟enzymes et d‟acides aminés. Trois enzymes principales de la mélanogenèse ont été identifiées : la tyrosinase et les tyrosinases related proteins TRP 1 et 2 (Passeron, et al., 2005). La mélanogénèse se déroule en plusieurs étapes :
● L‟embryogénèse des mélanocytes, leur survie et leur différenciation ;
● La biogénèse des mélanosomes ;
● La synthèse des différents types de mélanine, la tyrosinase étant l‟enzyme clé ;
● Le transport et le transfert des mélanosomes aux kératinocytes adjacents par les dendrites kératinocytaires ;
● L‟élimination des mélanosomes et la dispersion de la mélanine dans l‟épiderme .
Les agents dépigmentants d‟origine naturelle ou chimique agissent à différents niveaux en inhibant la mélanogénèse et combinent, pour certains, plusieurs mécanismes d‟action :
● Inhibition enzymatique de la tyrosinase, des TRP et/ou des peroxydases ;
● Diminution du transfert des mélanosomes aux kératinocytes ;
● Stimulation du renouvellement cellulaire des kératinocytes épidermiques qui conduit à la dispersion rapide de la mélanine contenue dans les mélanosomes ;
● Par action anti-inflammatoire ;
● Inhibition de la mélanocortine (αMSH)
● Par mélano toxicité : par toxicité directe ou par libération de composés toxiques pour le mélanocyte.
L‟agent dépigmentant idéal devrait avoir un effet dépigmentant fort, rapide et sélectif sur les mélanocytes hyperactifs et ne devrait pas entrainer d‟effets secondaires (Migan, 2013).
Agents dépigmentants d’origine chimique
Les principaux agents dépigmentants d‟origine chimique sont : les dérivés du mercure, l‟hydroquinone (molécule interdite en Europe pour un usage cutané en cosmétologie depuis mars 2000 du fait de son caractère toxique pour les mélanocytes), les corticoïdes (principes actifs réservés au domaine médical), le peroxyde d‟hydrogène (à des concentrations excluant un usage cosmétique) (Wang, et al., 2015). Tous ces ingrédients dangereux sont la base de préparations dépigmentantes illicites susceptibles d‟être retrouvées sur le marché.
● Les dérivés mercuriels
Les dérivés mercuriels agissent dès les premières étapes de la synthèse de la mélanine. Le mercure entre en compétition avec le cuivre du site actif de la tyrosinase et se combine à la structure protéique de l‟enzyme (figure 2& 3). Le cuivre est disponible mais ne peut être incorporé dans l‟enzyme ; cette rivalité empêche la synthèse de la Dopaquinone, métabolite de la biosynthèse de la mélanine. Le mercure n‟a aucune indication thérapeutique. Le mercurothiolate (ou thiomersal) reste le seul dérivé mercuriel encore utilisé. Il a été largement utilisé comme conservateur et antiseptique et est encore utilisé notamment dans certains vaccins et dans des préparations à usage ophtalmique ou nasal. L‟utilisation de dérivés mercuriels a été remise en question du fait des effets toxiques que peuvent entrainer leur accumulation, particulièrement les effets neurotoxiques (Migan, 2013).
● L‟hydroquinone
L‟hydroquinone et ses dérivés sont des inhibiteurs compétitifs de la tyrosinase. Ils ont une structure analogue aux précurseurs mélanogéniques comme la tyrosine et la DOPA. Agent dépigmentant auquel le plus grand nombre de travaux a été consacré, l‟hydroquinone est restée pendant de nombreuses années une référence en matière d‟agents dépigmentants et est utilisée en clinique depuis 1961 dans le traitement des hyperpigmentations cutanées (Migan, 2013).
● Les dermocorticoïdes
Ce sont des anti-inflammatoires stéroïdiens utilisés par voie locale. Ils ont un potentiel dépigmentant certain ; cependant, leur mécanisme d‟action dans la dépigmentation n‟est pas clairement établi. Ils diminueraient l‟activité des mélanocytes et par conséquent la mélanogénèse (Migan, 2013).
● Les injections au glutathion
Le glutathion est une protéine formée de glutamate, de cystéine et de glycine. C‟est une forme récente de dépigmentation pour les classes plus aisées (LY, 2019). La tyrosinase étant l’étape limitant la vitesse de formation de la mélanine, l’inhiber est une étape majeure pour réduire la production de pigments. Les preuves montrent que le glutathion peut affecter directement la tyrosinase, interférer avec ses processus de transport cellulaire ou l’inactiver indirectement par la modulation des niveaux de cystéine (Villarama, et al., 2005).
Agents dépigmentants d’origine naturelle
Parmi les agents dépigmentants d‟origine naturelle, nous pouvons citer entre autres :
● L‟arbutine qui est un dérivé de l‟hydroquinone.
● L’acide kojique qui est un métabolite fongique produit par la plupart des espèces Penicillium et Aspergillus et indiqué dans les troubles d‟hyperpigmentation.
● La licorice (ou réglisse) est obtenue à partir des racines de Glycyrrhiza glabra et contient une variété de flavonoïdes.
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Table des matières
Introduction
I. La Dépigmentation Cosmétique Volontaire (DCV)
1. Définition
2. Agents dépigmentants
3. Complications médicales
II. Le mercure
1. Paramètres physico chimiques
2. Utilisation
3. Intoxication chronique
4. Le mercure dans les produits cosmétiques
5. Règlementation relative au mercure dans les produits cosmétiques
III. Méthodologie
1. Cadre de l‟étude
2. Description du profil socio démographique
3. Détermination de la concentration en mercure
4. Description de l‟état de santé des utilisatrices de produits dépigmentants
IV. Résultats et discussion
Conclusion