La dépendance, du produit à l’addiction

La deuxième décennie du XXIe siècle touche à sa fin et la dépendance est loin d’avoir livrée tous ses mystères. Toutefois, à mesure que la science rassemble les pièces du puzzle, l’espoir d’aboutir à une compréhension générale de cette maladie mortelle s’améliore. Le traitement de la dépendance à une substance ou à un comportement répond à une prise en charge médico-psychosociale, qui implique une association de médicaments pour le traitement de l’addiction mais aussi de la comorbidité psychiatrique souvent associée. Toutes ces molécules addictolytiques ont une action sur la neurotransmission cérébrale, particulièrement sur le système hédonique, rendant le risque d’intoxication plus important [82]. Très ancré dans les usages culturels et sociaux, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée. La recherche expérimentale suggère depuis un certain temps que les agonistes du système gabaergique auraient un intérêt dans le traitement de l’alcoolo dépendance. Le chef de file des médicaments addictolytiques, faisant l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation en France, est le Baclofène. Utilisé depuis longtemps en neurologie dans le traitement de la spasticité, il jouerait sur le «craving» à l’alcool, qui est l’un des facteurs majeurs influençant la ré-alcoolisation [53]. Depuis la sortie du livre du Pr Ameisen en 2008 relative à une auto prescription de Baclofène aux résultats impressionnants, le débat sur l’utilité de cette molécule dans le traitement de l’alcoolo-dépendance a été mis sur la place publique. De plus en plus de patients sont demandeurs de ce traitement et sa prescription hors AMM prend de l’ampleur.

LA DÉPENDANCE, DU PRODUIT À L’ADDICTION 

QUELQUES DEFINITIONS

La dépendance désigne un état psychologique et physique qui se manifeste par un besoin irrépressible et répété, jamais réellement assouvi. Celui-ci peut être lié à une consommation de produits (d’alcool, de tabac, de psychotropes) ou à un comportement (addiction au jeu, au sexe, à internet…). La dépendance est donc le fait d’avoir recours à une substance ou un comportement pour combler les effets de manques [74]. L’addiction est proche de la dépendance, d’ailleurs ces deux termes sont souvent utilisés de façon indifférenciée. Cependant il existe une nuance non négligeable entre eux ; comme cela a été mentionné ultérieurement, la dépendance recouvre deux concepts : la dépendance physique et la dépendance psychique alors que l’addiction est utilisée uniquement pour parler de la dépendance psychique (cela permet d’établir une différence entre une personne dépendante à une substance à cause d’un traitement médical mais dont le manque n’entraine pas de problème psychologique, comme par exemple un diabétique sous traitement d’insuline) [102].

L’usage simple est une consommation ponctuelle qui n’induit pas de dommages aux niveaux somatiques, psychoaffectifs et sociaux. L’usager n’est pas dépendant, il module sa consommation en fonction du contexte dans lequel il se trouve et surtout il peut arrêter de consommer s’il le désire. L’usage à risque est quant à lui définit comme l’usage pouvant potentiellement provoquer des complications aux niveaux somatiques, psychoaffectifs et sociaux, sans que celles-ci soient encore apparues comme dans le cas de l’usage nocif. L’usage nocif ou abus est caractérisé par une consommation induisant des dommages repérables aux niveaux somatiques, psychoaffectifs et sociaux. A ce stade, l’usager peut moduler sa consommation en fonction du contexte et arrêter de consommer s’il le désire, mais il peut aussi être en difficulté pour arrêter plusieurs jours de suite.

La dépendance est caractérisée par un besoin irrépressible de consommer, le craving. La personne ne peut plus le moduler en fonction du contexte dans lequel elle se trouve. Les produits responsables d’addiction, qui font l’objet du paragraphe suivant, sont des produits générateurs de plaisir, dont la consommation devient incontrôlée et nocive. Nous allons ainsi nous intéresser à ces substances responsables de dépendance.

LES PRODUITS ADDICTIFS

D’après l’organisation mondiale de la santé une drogue est une substance naturelle ou synthétique qui agit sur le cerveau et produit des modifications de sensation ou de comportement. Ces substances sont dites psychotropes ou psychoactives, qu’il s’agisse de médicaments comme les tranquillisants ou de drogues au sens courant du terme, comme le cannabis. Les produits addictifs peuvent être classés selon plusieurs critères :
➤ Drogues licites ou illicites dont la vente est interdite par la loi ou règlementée.
➤ Drogues douces et dures qui renvoient à une connotation de dangerosité selon une perception sociale et non une base scientifique.
➤ Selon les effets sur le système nerveux central : ainsi peuvent être distinguées trois grandes classes : tout d’abord les « dépresseurs » (alcool), les « perturbateurs » (types hallucinogènes comme le LSD ou le cannabis) et les « stimulants » dont la caféine fait partie et qui ont pour effet une augmentation de l’activité mentale voir physique, l’usager est donc plus en alerte et moins fatigué [106].

LE TABAC

Le tabac est une plante riche en nicotine dont on fume les feuilles séchées [82]. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le tabac est l’une des principales causes de mortalité dans le monde mais aussi la principale cause évitable de décès. Chaque année, le tabagisme tue 5,7 millions de personnes. Il est tout aussi alarmant de constater que des centaines de milliers de personnes qui n’ont jamais fumé meurent chaque année de maladies dues à l’inhalation de la fumée des autres [87, 101]. Par son action sur le système nerveux et les changements chimiques et biologiques qu’elle provoque dans le cerveau, la nicotine est la principale molécule responsable de la dépendance au tabac.

La nicotine imite l’action de l’acétylcholine et se fixe sur un type particulier de ses récepteurs appelé récepteur nicotinique. En s’y fixant, la nicotine entraîne la libération de dopamine. C’est cet état de désensibilisation qui sera artificiellement allongé par l’exposition continue à la nicotine. La dépendance au tabac, qui se développe très rapidement, vient du fait que les récepteurs nicotiniques sont présents dans des aires très « occupées » du cerveau. Les stimulations nicotiniques répétées chez les fumeurs augmentent donc la libération de dopamine dans certaines parties du cerveau (noyau accumbens). Lorsque le fumeur est privé de nicotine, les récepteurs retrouvent leur sensibilité normale et le fumeur ressent une agitation et un inconfort qui le poussent à fumer ; il s’agit en fait des signes du syndrome de manque [8].

L’ALCOOL 

Ce que le grand public appelle couramment « alcool » est, en fait, de l’éthanol. Il y a donc une simplification généralisée de ce terme, qui s’explique par le fait que l’éthanol fait partie de la famille chimique des alcools [103]. L’alcool est absorbé directement à travers l’estomac et l’intestin, passe ensuite par le foie et se diffuse dans tout l’organisme et notamment dans le cerveau. Il est métabolisé par le foie en acétaldéhyde puis en acétate. L’alcool a une redoutable particularité : contrairement aux autres drogues, il n’a pas de récepteur spécifique, mais agit sur la plupart des systèmes de transmission cérébraux. Dans l’alcoolisation aiguë, il augmente la dopamine, les opioïdes endogènes, la sérotonine et l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), plutôt impliqués dans les effets positifs, “récompensant” de l’alcool [72]. Au niveau des neurones, l’effet désinhibiteur de l’alcool peut s’expliquer, du moins en partie, par le fait qu’il neutralise l’action de deux neuromodulateurs essentiels à la perception de l’environnement et au maintien de la vigilance : la noradrénaline et la sérotonine. En se fixant sur les récepteurs du GABA le principal neurotransmetteur du système nerveux encéphalique, l’alcool exerce une activité inhibitrice sur la noradrénaline et la sérotonine, et en perturbe la sécrétion [62]. L’alcoolisme chronique entraine une désensibilisation des récepteurs gabaergiques et donc une diminution de la transmission gabaergique ce qui entraine une augmentation de la libération de la dopamine car les neurones gabaergiques ont une action inhibitrice sur les neurones dopaminergiques du système méso-limbique. Cette augmentation de la libération de dopamine stimule les récepteurs dopaminergiques du noyau accumbens responsable de la dépendance [53].

LE CANNABIS
Le cannabis, appelé́ aussi chanvre, a pour nom latin Cannabis sativa L. Il doit ses propriétés psychotropes à sa résine qui contient plus de 400 composés chimiques dont environ 70 cannabinoïdes (certains actifs, d’autres inactifs). L’activité psychotrope du cannabis est liée à un seul de ces composants : le THC (tétrahydrocannabinol) considéré comme le principe actif du cannabis. Son absorption dans l’organisme peut se faire par inhalation ou par ingestion .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I. LA DÉPENDANCE, DU PRODUIT À L’ADDICTION
I. QUELQUES DEFINITIONS
II. LES PRODUITS ADDICTIFS
II.1. LE TABAC
II.2. L’ALCOOL
II.3. LE CANNABIS
II.4. LA COCAÏNE
II.5. L’HEROÏNE
II.6. LES MEDICAMENTS
III. PHYSIOLOGIE DE LA DEPENDANCE
III.1. CIRCUIT CEREBRAL DE LA RECOMPENSE
III.2. LES NEUROTRANSMETTEURS
IV. FACTEURS DE RISQUES ET DE VULNERABILITES
IV.1. FACTEURS LIÉS AU PRODUIT
IV.2. FACTEURS LIÉS A L’INDIVIDU
IV.3. FACTEURS LIÉS A L’ENVIRONNEMENT
V. CRITERES DIAGNOSTIQUES DE LA DEPENDANCE
VI. TRAITEMENT ET PRISE EN CHARGE DE LA DEPENDANCE
VI.1. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE
VI.2. TRAITEMENT PSYCHOLOGIQUE
PARTIE II. LES MEDICAMENTS ADDICTOLYTIQUES
I. DEFINITIONS
I.1. MEDICAMENTS ADDICTOLYTIQUES
I.2. MEDICAMENTS DE « REMPLACEMENT »
II. CLASSIFICATION DES MEDICAMENTS ADDICTOLYTIQUES
II.1. METHADONE ET BUPRENORPHINE
II.2. NICOTINE ET VARENICLINE
II.3. NALTREXONE ET ACAMPROSATE
III. INTOXICATION AUX MEDICAMENTS ADDICTOLYTIQUES
III.1. CONTEXTE THERAPEUTIQUE
III.2. DOSES TOXIQUES
III.3. SIGNES CLINIQUES ASSOCIES
PARTIE III. BACLOFÈNE ET ALCOOLODÉPENDANCE
I. RAPPELS SUR L’ALCOOLO-DEPENDANCE
I.1. DEFINITION
I.2. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
I.3. MARQUEURS BIOLOGIQUES DE L’ALCOOLODEPENDANCE
I.4. PRISES-EN CHARGE MEDICAMENTEUSE DE L’ALCOOLISME
I.4.1. DISULFIRAME
I.4.2. AUTRES MOLECULES
II. LE BACLOFÈNE
II.1. D’HIER A AUJOURD’HUI ; UNE REVUE DE LA LITTERATURE
II.1.1. Modèles animaux
II.1.2. Essais cliniques non contrôlés
II.1.2.1. Essai d’Addolorado à faible dose, 2000
II.1.2.2. Essai de Flannery à faible dose, 2004
II.1.2.3. Essai d’Ameisen et Beaurepaire à haute dose, 2010
II.1.2.4. Essai de Rigal à haute dose, 2011
II.1.2.5. Cas clinique à haute dose d’Olivier Ameisen, 2008
II.1.4. Essais cliniques contrôlés
II.1.4.1. Essai d’Addolorado à faible dose, 2002
II.1.4.2. Essai d’Addolorado faible dose, 2007
II.1.4.3. Essai de Garbutt à faible dose, 2010
II.1.4.4. Essai d’Addolorado à faible dose, 2011
II.1.5. Etudes récentes
II.1.5.1. Etude BACLOVILLE : « essai thérapeutique pragmatique randomisé en double insu pendant 1 ans en milieu ambulatoire du Baclofène versus placebo »
II.1.5.2. Etude ALPADIR : « Essai multicentrique en double aveugle versus placebo évaluant l’efficacité de Baclofène a hautes doses chez des patients ayant une dépendance à l’alcool »
II.2. POSITIONS SANITAIRES
II.3. PHARMACOCINETIQUE ET PHARMACODYNAMIE
II.3.1. Pharmacocinétique
II.3.2. Pharmacodynamie
II.3.3. Mécanisme d’action du Baclofène
II.4. MISE EN PLACE DU TRAITEMENT CONTRE L’ALCOOLO-DEPENDANCE
III. INTOXICATION AU BACLOFÈNE
III.1. DONNEES DE TOXICOVIGILANCE
III.1.1. Evolution des prescriptions
III.1.2. Circonstances d’exposition et leur sévérité
III.1.3. Expositions associées à d’autres thérapeutiques ou toxiques
III.1.4. Risques de décès liés au cas d’exposition
III.1.5. Signes liés au surdosage en Baclofène
III.2. RELATIONS ENTRE DOSE SUPPOSEE INGEREE (DSI) ET TOXICITE
III.3. OUTILS DIAGNOSTIQUES ET MOYENS DE LUTTES ET EN CAS D’INTOXICATION AIGUË
III.3.1. Eléments de cinétiques toxicologiques
III.3.2. Outils diagnostiques et prognostiques
III.3.2.1. Dosage plasmatique du Baclofène
III.3.2.2. Electroencéphalogramme
III.3.2.3. Imagerie cérébrale
III.3.3. Prises-en charge de l’intoxication
III.3.3.1. Décontamination digestive
III.3.3.2. Elimination du toxique
III.3.3.3. Traitement symptomatique
III.4. SYNDROME DE SEVRAGE AU BACLOFENE
III.5. BACLOFÈNE ET TRAITEMENTS DE L’ALCOOLISME AVEC LES MOLECULES A AMM
CONCLUSION
REFERENCES

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