Le « tavy »
Le mot « tavy » utilisé dans tout Madagascar y compris dans le pays Betsimisaraka, au centre et au sud et est l’équivalent du « jinja » dans la région de Mananara Nord (LOCATELLI, 2000). « Le Tavy », pratique rencontrée sur toute la bordure orientale de Madagascar, seule région où il est pratiqué, mais région forestière, parmi les plus peuplées de la Grande Île et couvrant près du quart de sa superficie, est une opération qui consiste à défricher et brûler un secteur de végétation naturelle pour le mettre en culture. Communément le terme de tavy désigne aussi bien l’opération précédemment décrite que la parcelle sur laquelle s’effectue cette opération dont le but est généralement la culture du riz (VIGARIOT, et al. 1970). La végétation détruite peut être :
De la forêt primaire: c’est le type de végétation naturelle de la région, caractérisée par le grand nombre d’essences forestières et par sa relative densité.
De la forêt secondaire ou savoka : ce terme désigne le peuplement végétal au moins arbustif qui a remplacé peu à peu la forêt primaire sous l’action d’agents extérieurs au milieu naturel.
Le « tavachage » : est l’opération qui consiste à défricher, couper, ou abattre la végétation (forêt primaire ou savoka) avant le brûlis.
Le « lamaratsany » : dénomme à la fois la parcelle qui a reçu un tavy l’année précédente ainsi que le type de végétation qu’elle supporte et qui est constituée par un tapis graminéen ;
Le « tramatrema » : est le stade suivant (2 et 3 ans après le tavy). La végétation est déjà beaucoup plus dense, comprend non seulement quelques graminées mais aussi de très nombreuses espèces ainsi que les repousses d’arbres et arbustes.
« Le problème du tavy en pays Betsimisaraka » (Madagascar) Analyse préliminaire par F. VIGARIOT
Dans le cadre d’une analyse d’ensemble, l’auteur essaie en première approche de poser le problème du tavy, d’en caractériser les éléments marquants dont le principal est l’expression de la tradition. Ensuite, a été donnée une caractéristique du milieu Betsimisaraka : le relief est accidenté et il y a peu de bas-fonds. Le réseau hydraulique est très dense, le climat est tropicale humide avec une pluviométrie de 3000 mm/an et la température moyenne est autour de 24°C. L’objectif de l’étude était d’analyser la pratique du « tavy » sous différents aspects conjoncturels (état actuel de la situation), structurels (mode de réalisation, sa raison d’être et sa dynamique) et conflictuels (ses contraintes, sa réglementation, ses effets positifs et négatifs) mais non pas seulement juste au niveau du produit c’est-à-dire le riz pluvial en tant que « culture ». Le tavy est une méthode de culture, les paysans choisissent les terres à défricher en fonction de certains critères : exposition, présence de plantes indicatrices (Ranomainty, Dinga-Dingana, Longozo1). Le tavy est pour les paysans une tradition. Pendant la pratique, il y a des rituels pour demander la bénédiction aux ancêtres et la propriété est pour eux un lieu sacré. Mais le tavy est très néfaste comme dit l’auteur, tout d’abord la suppression brutale de la végétation dense met à nu le sol généralement pauvre et fragile. Durant les périodes de pluie, les risques d’érosion et la mise en route des processus de dégradation physique et chimique du sol sont très fréquents. Ensuite, il y a la variabilité des rendements, en effet la culture sur brulis n’est rentable que les premières années ensuite les rendements sont de plus en plus faibles, ce qui incite les paysans à abandonner les terres pour chercher d’autre plus favorables.
Le Déterminisme culturel et la rationalité limitée des ménages
Le tavy est une pratique ancestrale dans la partie Est de Madagascar. C’est une pratique qui est ancrée dans la tradition et elle dépend, selon la croyance de la population, de la bonne volonté du Zanahary qui fait tomber la pluie et fait murir le riz (KIENER, 1963). C’est Dieu qui décide du rendement et non pas les travaux incorporés dans la production. De ce fait, la population ne travaille pas les terres le mardi et le jeudi étant donné que ces jours sont considérés comme des jours interdits. A Madagascar, la culture de riz est le fondement de l’identité culturelle et traditionnelle du pays. Le riz joue un rôle primordial dans l’alimentation et la culture des malagasys. Il joue également un rôle important dans les différentes célébrations traditionnelles comme le « tsaboraha12 » (exhumation) car il sert d’accompagnement à la viande de zébu servie aux invités. Ce qui explique la dépendance et le choix des ménages pour la culture de riz. C’est aussi une pratique datant de très longtemps, remontant jusqu’à l’époque des royautés à Madagascar. Elle s’est transmise de génération en génération. Ce qui lui confère une grande importance sociale pour les malagasys. Il représente une grande détermination sur la tradition de la population locale. Une détermination de la tradition qui n’est pas une rationalité13 car c’est une cause qui produit un effet comme le fait de ne penser qu’à s’alimenter lorsque la faim arrive. Un déterminisme est la rationalité qui a dicté les besoins. Il n’y a pas de rationalité, c’est la culture qui a dicté le maintien de la pratique du « tavy » : il s’agit du déterminisme culturel. Dans le déterminisme, il n’y a pas d’analyse réelle consistant en une démarche pour peser le pour et le contre puisque c’est la culture qui influe la prise de décision des ménages. Contrairement à « l’homo oeconomicus » où l’homme est rationnel dont on suppose que la décision qu’il prend est la meilleure qu’elle puisse prendre. S’ajoutant à cela, l’individu ne dispose pas de toutes les informations, ce qui suppose qu’il se trouve dans un contexte de rationalité limitée. En bref, la rationalité limitée s’explique tout simplement par l’incapacité de l’individu à traiter tous les informations en provenance de leur environnement (SIMON, 1947).
Le niveau actuel de la déforestation dans la région
La déforestation n’est pas un mythe dans la région de Mananara Nord. Elle s’accélère à une vitesse galopante dont la principale cause est le défrichement suivi de la culture sur brulis. Le taux de déforestation annuel à Mananara entre l’année 2005 à 2013 était de 0,73 % (Source : Direction régionale des forêts Analanjirofo, 2015). Ce qui veut dire que presque 1 % de la surface totale des forêts disparait chaque année dans la région de Mananara Nord, ce qui équivaut à environ 1 000 ha de forêt qui disparaissent chaque année dans une zone classée de conservation.
Faciliter les accès aux crédits
L’accès aux crédits des ménages ruraux est un levier pour le développement des exploitations familiales dans les pays en voies de développement à travers le financement de leurs activités et l’innovation agricole (ZOUDIN, et al., 2004). Les types de crédit à adopter doivent convenir aux structures de l’économie locale présente dans la région. Une économie locale dont les différents acteurs sont : l’Etat qui est représenté par les CTD et les services déconcentrés, les ménages Agricoles, les collecteurs, les organismes de développement et les institutions de crédits qui sont surtout composées par les usuriers locaux qui pratiquent le « Bon Mantera ». Le remboursement de ce type de crédit se fait à partir des produits de rente et le taux d’intérêt peut aller jusqu’à 100%. Ce taux d’intérêt très élevé adopté par les usuriers entraine les ménages dans le mécanisme de la pauvreté. Cependant, il y a des types de crédit qui sont plus adaptables aux besoins de la population locale comme par exemple : le crédit GCV ou encore le VSL. Le mécanisme du GCV consiste à stocker les produits à la récolte, grâce aux crédits octroyés par les établissements de Micro-finance, pour pouvoir ensuite les revendre pendant les périodes de soudure. En effet, l’une des principales difficultés des ménages reste la fluctuation du prix des produits de rente sur le marché international. Une fois le problème levé grâce au crédit GCV, ils pourront revendre leurs produits pendant les périodes où les prix du girofle ou de la vanille correspondent le mieux à leur attente. Ce qui leur permettrait d’acheter du riz grâce à la marge bénéficiaire qui émane de la vente. Mais pour ce faire, il faut coopérer avec des institutions de micro finance et trouver un moyen de faciliter l’accès aux crédits des ménages. Le VSL par contre est un mécanisme de financement du monde rural initié par l’ONG CARE à Madagascar. Le fonctionnement du système est assuré par les membres qui sont les seuls à avoir accès aux crédits à la limite des sommes versées mensuellement. C’est donc une caisse d’épargne mutuelle. Il est intéressant parce que premièrement, il permet d’installer une ambiance de confiance entre les membres dans le village. Deuxièmement, Le VSL est utile pendant les périodes où les ménages ont le plus besoin d’argent : comme les rentrées scolaires, l’achat de riz pendant les périodes de soudure. Il permet donc de distribuer efficacement la trésorerie des ménages. Le VSL pourrait donc être un outil de lutte contre la pratique de la riziculture pluviale de limiter ainsi la déforestation et de réduire la pauvreté à travers une bonne gestion de la trésorerie des ménages. Seulement, il faut prendre des mesures d’accompagnement comme la formation des dirigeants.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CONCEPT ET ETAT DE L’ART
I.1 Concept
I.1.1 Concept de sécurité alimentaire
I.1.2 Système de production
I.1.3 La vulnérabilité
I.1.4 La résilience
I.1.5 Capabilités
I.1.6 Le « tavy »
I.1.7 Avantage comparatif
I.1.8 Concept de sociologie des organisations
I.2 Etat de l’art
I.2.1 « Le problème du tavy en pays Betsimisaraka » (Madagascar) Analyse préliminaire par F. VIGARIOT
I.2.2 La riziculture de « tavy » à Madagascar par R. CHABROLIN
I.2.3 Le « Tavy » à Madagascar, ses différents formes et dénominations. Bilan du tavy et problèmes humains : moyens de lutte. A. KIENER
II. MATERIELS ET METHODES
II.1 MATERIELS
II.1.1 Choix du thème
II.1.2 Choix de la zone d’étude
II.1.3 Présentation de la zone d’étude
II.1.4 Les outils de travail
II.2 METHODES
II.2.1 Démarche commune à la vérification des hypothèses
II.2.2 Démarche spécifique à la vérification des hypothèses
II.2.3 Chronogramme des activités
III. RESULTATS
III.1 Les facteurs de dépendances internes des ménages
III.1.1 Typologie des ménages
III.1.2 Caractérisation des stratégies par classe selon leurs ressources disponibles et leurs besoins en sécurité alimentaire
III.1.3 Importance économique du « tavy » dans la formation du revenu et la sécurité alimentaire à travers l’autoconsommation
III.2 La résilience écologique de la forêt face à la demande croissante en terre du « tavy »
III.2.1 Evolution de la couverture forestière dans les années à venir
III.2.2 Relation entre sécurité alimentaire et déforestation
III.2.3 Evolution de la résilience écologique de la forêt avec l’intensification
III.3 Le problème foncier et la pratique du « tavy »
III.3.1 La relation entre l’insécurité foncière et la pratique du « Tavy »
III.3.2 Les statuts des terres à Madagascar
III.3.3 Le régime des terrains non titrés
IV. DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
IV.1 DISCUSSIONS
IV.1.1 Sur les facteurs de dépendances internes des ménages à la pratique
IV.1.2 Sur l’état de dégradation de la forêt dans la région
IV.1.3 Sur la relation entre sécurisation foncière et déforestation
IV.2 RECOMMANDATIONS
IV.2.1 Sur les facteurs de dépendances internes des ménages
IV.2.2 Sur les mesures de lutte contre la déforestation
IV.2.3 Sur la sécurisation foncière et écologique
CONCLUSION
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